Fiche du document numéro 9926

Num
9926
Date
Lundi 27 juin 1994
Amj
Taille
111005
Titre
Interview du Ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé au club de la presse d'Europe 1 - Extraits
Source
Type
Langue
FR
Citation
France - Rwanda

Q - Monsieur le Ministre, notre première question
concerne le Rwanda. Le 6 avril dernier, l'avion qui transportait les
présidents du Rwanda et du Burundi a été abattu par des inconnus,
c'est cet événement qui a déclenché la guerre civile. Le capitaine
Barril, l'ancien commandant du GIGN annonce aujourd'hui qu'il détient
la boite noire de l'appareil et il désigne le Front patriotique
rwandais comme étant responsable de l'attentat, ce qui est la thèse de
la famille du Président rwandais.

Savez vous, Monsieur le Ministre, où se trouve la boîte noire en
question et quel que soit le caractère partiel, sinon partial de ces
informations, ne pensez-vous pas, compte tenu de la suite des
événements, qu'il faudra bien un jour faire la lumière sur cet
attentat ?

R - Non, je ne sais pas où se trouve la boîte noire. J'ai lu comme
vous le journal Le Monde ce soir et j'ai donc découvert cette
information.

Vous rappeliez que l'attentat qui a coûté la vie au Président
Habyarimana a eu lieu le 6 avril. Le 7 avril, c'est-à-dire le
lendemain, j'ai donné instruction au représentant permanent de la
France auprès des Nations unies, de demander qu'une enquête
internationale soit lancée sur les circonstances de la mort du
Président Habyarimana.

Et c'est donc à l'initiative de la France, pour que toute la lumière
soit faite , sur un événement qui a des conséquences considérables, on
le voit depuis, c'est donc à notre initiative que le Secrétaire
général des Nations unies a été chargé par le Conseil de sécurité
d'une enquête sur l'attentat.

A aucun moment le gouvernement français n'a été informé d'une
initiative privée prise pour enquêter sur les circonstances de ce
drame, ni évidemment des résultats d'une telle enquête. Si
l'information qui a été donnée aujourd'hui s'avérait exacte - je n'ai
naturellement aucun moyen de le vérifier au moment où je vous parle -
je demande bien entendu que cette fameuse boîte noire et tout autre
élément qui permettrait de faire la lumière sur les circonstances de
l'attentat soient immédiatement et impérativement communiqués au
Secrétaire général des Nations unies qui a reçu mission d'enquêter
officiellement au nom de la communauté internationale sur cet
attentat.

Q - Le Monde fait allusion à des contacts entre le capitaine Barril et
le gouvernement au niveau du ministère de la Coopération ?

R - Aucun contact n'a été pris entre les services dont j'ai la
responsabilité et qui que ce soit chargé à titre privé de mener
l'enquête. Je pense qu'aucun contact gouvernemental n'a été pris non
plus.

Q - Mais Monsieur le Ministre, est-ce que vous pouvez nous faire
profiter des informations dont vous pouvez disposer au sujet de
l'implication de la France dans les affaires du Rwanda avant la date
du 6 avril, date de l'attentat, parce qu'à travers l'enquête qui a été
faite par le Monde et les déclarations du capitaine Barril, on voit
resurgir toutes sortes de personnages à commencer par le capitaine
Barril lui-même ; il est question d'une intervention qui aurait été
menée au plus haut niveau de l'Etat parmi les conseillers du Président
de la République. Alors que peut-on dire, que pouvez-vous dire
aujourd'hui de ce qu'était l'implication de la France dans les
affaires rwandaises ?

R - C'est très simple, je peux dire ce que je sais, ni plus ni
moins. Je suis chargé du ministère des Affaires étrangères depuis
maintenant un peu plus d'un an et je peux vous dire ce qu'a été la
politique étrangère de la France conduite sous ma responsabilité, ni
plus ni moins.

Cette politique a consisté depuis le mois d'avril 1993 à recréer au
Rwanda les conditions d'un dialogue politique et d'une réconciliation
nationale, c'est tout, rien d'autre.

Et cette politique a été couronnée de succès puisqu'au mois d'août
1993 ont été signés, en grande partie à l'initiative de la France, les
accords que tout le monde connaît aujourd'hui, qu'on appelle les
accords d'Arusha qui partent d'une constatation de bon sens.

Comment se présente la population du Rwanda comme celle du Burundi ?

81 à 85 % de cette population est constituée par des Hutus et puis 15
à 20 % par des Tutsis. Donc on ne pourra jamais rétablir la paix au
Rwanda, on ne pourra jamais obtenir une stabilité durable au Burundi,
tant que ces deux ethnies qui composent la population de ces deux
Etats n'accepteront pas de vivre ensemble : c'est la seule chose qui
m'a animé et qui animait la diplomatie française.

Et je le répète, au moment d'Arusha, en août 93, ça a marché. Petit à
petit le dispositif s'est mis en place. Nous avions à l'époque un
certain nombre d'hommes sur le terrain, une compagnie qui est restée
en attendant que la force des Nations unies prévue dans les accords
d'Arusha vienne sur le terrain, ce qui s'est produit au mois de
novembre. Nous avons à ce moment là retiré nos troupes, nous n'avions
plus de soldats au moment de l'attentat qui a coûté la vie au
Président Habyarimana et le gouvernement...

Q - Des armes françaises quand même... ?

R - Il n'y avait absolument pas de contingents français sur le terrain
et dans la MINUAR en particulier, la force des Nations unies chargée
de faire respecter les accords d'Arusha. Il n'y avait pas de casques
bleus français ; j'y reviendrai peut-être tout à l'heure quand on
parlera de la séquence des événements.

Les accords d'Arusha se sont mis en place, disais-je, c'est-à-dire que
le gouvernement de transition s'est constitué avec des ministres
hutus, des ministres tutsis et les choses étaient en train de réussir.

Sur ces entrefaites est survenu l'attentat dont vous avez parlé et
quand j'entends dire, ou quand je lis ici ou là que la France, d'une
manière ou d'une autre, je dis la France, je ne parle pas de tel ou
tel individu, je parle de la France, aurait pu avoir une
responsabilité dans cet attentat, je dois dire que cela défie la
logique et le bon sens.

Toute notre politique avait été fondée sur un accord de réconciliation
nationale dont le garant était le Président Habyarimana.

Qu'on m'explique dans quel système de pensée nous aurions pu
contribuer à cette élimination, ceci n'a naturellement aucune espèce
de signification.

Q - L'intervention française est justifiée par un génocide. Comment
expliquez-vous les prudences plus que verbales de la France dans cette
affaire qui reviennent à placer sur le même plan la population... ce
qui reste de la population qui a été victime d'un génocide, et ses
bourreaux ?

R - Je sais depuis longtemps que la communication est chose difficile
mais je suis néanmoins surpris, chaque fois que je découvre combien
les messages officiels que nous exprimons ont du mal à passer.

Il y a maintenant plusieurs semaines qu'à l'Assemblée nationale -
c'est un lieu public, c'est retransmis par la télévision le mercredi
après-midi - en réponse à une question d'actualité d'un député, j'ai
dit très clairement que les extrémistes hutus, les milices dont on a
appris l'existence au lendemain de cet assassinat, avaient perpétré un
génocide et je me suis même appuyé sur la définition que le
dictionnaire donne du mot génocide : c'est-à-dire l'extermination
d'une population en raison de ses caractères ethniques.

Et je n'ai donc en aucune manière mis sur le même plan le génocide
perpétré par les milices des forces armées rwandaises, et l'offensive
militaire qui a été menée par le Front patriotique rwandais.

J'ai simplement dit et c'est la vérité, que au fur et à mesure de leur
avancée les responsables du FPR s'étaient livrés à un certain nombre
d'actes qu'on ne peut pas non plus approuver, qui ne constituent pas
un génocide. Permettez-moi malgré tout, de rappeler qu'un certain
nombre d'évêques rwandais ont été assassinés à Kigali par des troupes
tutsies.

Burundi

Je rappellerai aussi pour bien montrer que ces choses-là sont
compliquées, qu'au Burundi voisin, qui a la même composition ethnique
et où les problèmes se posent d'une certaine manière dans les mêmes
termes, il y a eu et avec là aussi l'appui de la France des élections
l'année dernière, et que ces élections comme c'est normal dans une
démocratie qui naît, a donné un gouvernement représentant la majorité
de cette population, c'est-à-dire un gouvernement hutu.

Eh bien le Président qui était sorti de cette consultation électorale,
on l'a un peu oublié, a été assassiné il y a quelques mois par des
Tutsis.

Vous voyez que je dénonce sans la moindre hésitation le génocide
perpétré mais je rappelle quand même que tout ceci est compliqué et
qu'on a un peu trop caricaturé à la fois la vérité, la réalité et en
même temps la politique de la France.

Rwanda - intervention humanitaire française

Q - La force que vous avez envoyée avec un mandat précis de l'ONU est là pour
combien temps, quels sont les délais ?

R - Le Premier Ministre a été tout à fait clair, elle est là jusqu'à
la fin du mois de juillet.

Mais je voudrais sur ce point là aussi faire justice d'un reproche qui
nous est parfois adressé. On nous a dit : mais pourquoi avez-vous
attendu si longtemps, l'assassinat du Président Habyarimana remonte au
mois d'avril et on sait que le génocide s'est déclenché dans les jours
et qui ont suivi et on nous dit : vous avez retiré vos soldats et
maintenant vous les renvoyez.

Nous n'avons pas retiré nos soldats, nous n'en avions pas : il y avait
à l'époque une force des Nations unies composée de Belges, de
Ghanéens, de Bangladeshis, etc., mais il n'y avait pas de contingents
français dans la MINUAR première manière.

Ce que nous avons fait et c'est le devoir élémentaire de toute
puissance, nous avons sauvé nos ressortissants et à partir de là nous
avons lancé une politique qui consistait en quoi ? Qui consistait
d'une part à déployer une aide humanitaire importante : nous avons été
les premiers et ceux qui ont fait le plus, et nous continuons. Nous
avons ensuite tout fait pour obtenir un cessez-le-feu en impliquant
les pays de la région et notamment l'Organisation de l'Unité africaine
et enfin, nous avons également tout fait pour qu'on renoue avec le
processus d'Arusha et qu'on provoque le retour à un dialogue
politique.

Voilà quelle a été notre action, et quand nous nous sommes rendus
compte, au bout d'un certain nombre de semaines que cela ne marchait
pas, c'est-à-dire que le cessez-le-feu conclu à Tunis n'était pas
respecté, que deuxièmement la Force des Nations unies numéro deux,
plus importante, 5.500 hommes - décidée par le Conseil de sécurité non
sans mal et là aussi parce que la France avait beaucoup poussé -
n'arrivait pas et que donc on continuait à massacrer par centaines,
des enfants, des vieillards, des hommes et des femmes, alors c'est
vrai, j'ai proposé au Premier ministre, de prendre une initiative et
d'intervenir. Voilà comment les choses se sont passées au cours de ces
semaines.

Q - C'est elle qui arrive fin juillet, pardon... la force en question
? Quelle assurance avez-vous que le relais soit pris ?

R - Aujourd'hui, je ne peux pas vous dire que j'ai l'assurance absolue
que le relais soit pris. Je pense néanmoins que l'intervention
française a été dès le début parfaitement définie dans ses objectifs
humanitaires exclusivement : aucune forme d'interposition entre les
combattants au profit des uns contre les autres ; deuxièmement,
caractère multinational avec autorisation des Nations-unies ;
troisièmement, délai limité, quatre à cinq semaines. Donc cette
opération se déroule dans ces conditions.

Cela ne nous empêche pas, bien au contraire, de tout faire en ce
moment à New York pour que ce qui est décidé sur le papier, les 5.500
hommes de la MINUAR numéro deux arrivent le plus vite possible et je
suis en permanence en relation avec le Secrétaire général des Nations
unies, M. Boutros-Ghali, auquel d'ailleurs je tiens à rendre un
hommage appuyé : voilà un homme courageux parce que, lorsque la France
elle-même a pris ses responsabilités, il nous a totalement appuyé
alors que les premières réactions, c'est vrai, étaient parfois
mitigées.

Donc je suis en relation permanente avec lui pour faire en sorte que
l'initiative française serve de déclencheur au déploiement de la
MINUAR et on voit que c'est en train de marcher. J'entends les
Canadiens, j'entends les Italiens, j'entends d'autres pays encore
dire, nous sommes prêts à mettre des contingents à 1a disposition de
la MINUAR pour qu'elle vienne sur le terrain.

Eh bien, si nous arrivons à déclencher ce mouvement, si au mois d'août
les 5.500 hommes tant annoncés et dont on sait qu'ils peuvent être
relativement rapidement réunis, arrivent, nous aurons, je crois,
atteint l'objectif que nous nous étions fixés.

Q - Et s'ils n'arrivent pas, est-ce que nous pourrons repartir ?
Est-ce que ce serait bien loyal vis-à-vis des populations que nous
repartions et que nous les laissions seules ?

R - La France a essayé de donner l'exemple, je crois qu'elle l'a fait,
elle ne peut pas indéfiniment tout faire toute seule et je crois que
le Premier ministre a été très clair sur ce plan.

Fonctionnement de l'ONU - contingents pré-équipés pour les
opérations de maintien de la paix

Q - Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a des leçons à tirer de
l'affaire du Rwanda sur le fonctionnement des Nations unies et leur
éventuelle réforme car à ma connaissance cela fait près de trois ans
que M. Boutros-Ghali avait demandé la mise sur pied d'un contingent
permanent, bien entraîné, disposant d'une logistique, etc.. pour
intervenir très rapidement dans ce genre de situation. Est-ce que la
France va faire des propositions en ce sens, contacter d'autres pays,
encourager une démarche européenne ?

R - Vous avez tout à fait raison, ce qui se passe au Rwanda mais ce
qui se passe aussi d'une certaine manière en Bosnie, ce qui s'est
passé en Somalie, ce qui se passe dans beaucoup d'autres pays dont on
parle moins et qui sont pourtant déchirés par des guerres, montre que
le système des Nations unies ne fonctionne pas bien.

Alors on peut en tirer deux conclusions différentes ; la première,
c'est que le système n'est pas réformable, que c'est un "machin" et
que donc il faut prendre ses distances avec lui. D'ailleurs, certains
se livrent à ce sport qui consiste à critiquer en permanence les
Nations unies; ce n'est pas ma thèse.

Je crois au contraire que la bonne conséquence à tirer de ces
événements c'est qu'il faut réformer les Nations unies pour leur
donner les moyens d'assumer les missions qu'on leur confie. C'est
facile de tirer sur le pianiste, de dire le Secrétaire général des
Nations unies ne fait pas ci, ne fait pas ça. Les Nations unies, ce
n'est pas autre chose que les nations, et le Secrétaire général ne
fait jamais qu'avec ce qu'on lui donne. Donc il est absolument
indispensable, je l'ai dit à l'Assemblée générale des Nations unies au
mois de septembre dernier, dans le discours que je faisais au nom de
la France, qu'on lui donne les moyens.

Une des propositions que nous avons faite est celle de mettre en place
des forces en attente ; chacun des grands pays membres des Nations
unies s'engagerait à tenir en permanence à la disposition du
Secrétaire général des Nations unies des contingents pré- équipés qui
pourraient dans un délai relativement rapide de quelques jours ou de
quelques semaines, intervenir sur le terrain alors qu'à l'heure
actuelle il faut quatre à cinq mois, ce qui est beaucoup trop. Je
pense qu'effectivement, c'est ce que l'on devrait faire. Une fois
encore, qui est d'accord pour aller dans cette direction : la France,
un certain nombre de ses partenaires européens. Malheureusement,
d'autres très grands pays qui devraient assumer pleinement leur part
de ce fardeau, traînent un peu les pieds.

Rôle des organisations régionales - OUA - UEO

Q - Mais dans le même esprit, est-ce qu'on pourrait susciter à
l'avenir une force d'intervention africaine, par exemple dans la
révision éventuelle de la politique de coopération de la France, il
faudra bien qu'elle y vienne, est-ce que c'est un sujet...

R - C'est un sujet de réflexion, je ne suis pas sûr que l'Organisation
de l'Unité africaine ait encore suffisamment les moyens pour viser cet
objectif ; elle vient de décider la mise au point d'un système de
prévention et de traitement des conflits ; ce serait déjà au moins un
élément positif pour provoquer les actions politiques qui permettent
d'instaurer des cessez-le- feu ou d'éviter les massacres.

Donc l'OUA a incontestablement un rôle positif à jouer. J'ajoute que,
puisqu'on parle de forces d'intervention, n'oublions pas l'Europe ; on
a parlé des Nations unies, il y a l'Europe aussi, il y a un rôle à
jouer dans ce domaine, l'Union de l'Europe occidentale n'a pas encore
les moyens de ses ambitions.

Vous avez vu que notre premier réflexe lorsque nous avons lancé cette
initiative a été de réunir le conseil de l'Union de l'Europe
occidentale qui a approuvé notre projet mais qui n'a pas, lui non plus
encore aujourd'hui, les moyens d'intervenir et l'un des grands enjeux
des prochaines années, j'en avais parlé il y a quelques semaines,
avant le scrutin européen, c'est de constituer une force
d'intervention européenne qui pourrait dans ce genre de situation
intervenir : par exemple, procéder à des opérations d'évacuation des
représentants ou des ressortissants européens dans des pays en crise,
ou même aller jouer ce rôle d'interposition pour éviter les massacres.

Ex-Yougoslavie - Bosnie

Q - Précisément, à propos de l'Europe il y a un autre grand dossier
dans lequel vous êtes personnellement très impliqué, c'est évidemment
la Bosnie. Alors, je voudrais vous demander où en est le plan de
Genève alors que les combats reprennent avec une certaine intensité et
puis en particulier on avait évoqué ici ou là l'idée qu'une carte de
la Bosnie pourrait être présentée et entérinée au G 7 qui se réunit la
semaine prochaine à Naples, alors est-ce que ce sera le cas ?

R - Je me suis beaucoup exprimé sur ce drame de Bosnie, nous n'avons
pas le temps ici d'en refaire toute l'histoire. Je voudrais simplement
insister sur le fait que depuis quelques semaines, depuis quelques
mois même, des choses ont changé en Bosnie et l'ultimatum qui a été
lancé par l'Alliance atlantique au début du mois de février pour
contraindre les Serbes à cesser leurs bombardements sur Sarajevo,
ultimatum lancé sur une idée française, sur une proposition française,
a marqué un tournant dans la guerre.

Des missions vont actuellement à Sarajevo pour s'intéresser à la
reconstruction de cette ville, j'en parle au concret, on parle de la
restauration des grands réseaux de services publics, etc.. et on y
voit physiquement une ville changer, il faudrait quand même le
rappeler.

De même, le cessez-le-feu qui a été conclu le 8 juin dernier avec
application au 10 juin est à peu près, je ne dis pas à 100 % ,
peut-être devrais-je dire à 90 % ou à 95 %, respecté ; donc il y a eu
un changement dans la situation sur le terrain.

Est-ce que ceci va aboutir â la paix ou déboucher sur une nouvelle
guerre, nous sommes une fois encore au carrefour.

Demain se réunit à Paris ce qu'on appelle le groupe de contact dont
l'existence en soi est aussi et encore, ça pourra paraître immodeste,
un succès de la France parce que c'est nous qui n'avons cessé de dire
pendant des mois et des mois, tant qu'on n'aura pas les Américains,
les Russes et les Européens ensemble, il n'y a aucune chance de
convaincre les parties en présence d'accepter un accord de paix.

Vous savez que cela n'a pas été facile à faire admettre, eh bien cela
fonctionne. Ce groupe de contact, en est à sa énième réunion, il se
réunira demain pour regarder quoi ? Pour regarder d'abord si on peut
définitivement s'arrêter à un projet de cartes, conforme aux grands
principes proposés par l'Union européenne au mois de novembre dernier,
qui pourrait être proposé aux parties.

En ce qui concerne un projet de règlement constitutionnel, quelles
sont les relations entre la fédération croato-musulmane d'un côté,
l'entité serbe de l'autre ?

Si on arrive à se mettre d'accord demain à Paris, entre Américains,
Russes et Européens, ce que je souhaite vraiment ardemment, nous
allons proposer ce schéma de règlement aux deux parties en présence au
début du mois de juillet et je pense, pour répondre précisément à
votre question, que lorsque le G 7, c'est-à-dire les grands pays, la
Russie, les Etats-Unis, la France, l'Italie, l'Allemagne, le Canada,
le Japon, etc. Nous allons donc là avoir les principales puissances et
je pense que ce sera l'occasion pour les grands pays de se prononcer
sur ce plan et d'appeler les deux parties à l'accepter.

Si tel est le cas nous continuerons nos travaux dans le courant du
mois de juillet, il y aura beaucoup à faire car qu'est-ce qui peut se
passer ? Ou bien, les deux parties acceptent et alors il faudra d'une
part garantir l'accord sur le terrain et ensuite engager la
reconstruction. Ou bien les deux refusent et nous sommes ramenés au
problème précédent. Ou bien l'une des deux accepte et l'autre refuse
et nous sommes en train de réfléchir au système d'incitation et de
sanctions que nous pourrions mettre en place â ce moment là.

Tout ceci est un peu technique et un petit peu compliqué. Je voudrais
simplement appeler l'attention sur le fait que rien n'est joué ; nous
avons tous le regard fixé sur le Rwanda à juste titre parce que c'est
vrai qu'on y a compté les morts par dizaines de milliers voire par
centaines de milliers, mais demain, je le dis ici avec gravité, la
guerre peut reprendre en Bosnie et on sait très bien que chacun des
deux camps est en train de se préparer à reprendre les hostilités et à
s'équiper pour cela.

Conseil européen de Corfou - présidence de la Commission de
l'Union européenne

Q - Monsieur le Ministre, qui va succéder à Jacques Delors à la
présidence de la Commission européenne. Est-ce que la France n'est pas
obligée de tenir compte de l'intransigeance britannique et d'accepter
d'ici quinze jours un candidat qui aurait exactement le même profil
que Jean Luc Dehaene et qui ne serait pas le Premier ministre belge
Jean Luc Dehaene ?

R - Juste un petit mot d'abord. Ce n'est pas une façon de ne pas
répondre à votre question mais tout à l'heure dans la présentation on
a parlé de l'échec de Corfou ; il y a eu un échec à Corfou mais il y a
eu des réussites, des succès, des décisions prises. Je pense par
exemple à la décision sur les onze grands projets d'infrastructures
européennes, TGV Est, TGV Lyon Turin, etc.. qui ont été décidés. Je
pense à la décision prise à 12 de tout faire, avec de l'argent
concret, pour fermer Tchernobyl. C'est du concret, c'est du précis et
c'est important.

Je pense aussi à l'initiative franco-allemande contre le racisme et la
xénophobie , bref, il y a eu toute une série de dossiers qui ont
abouti à Corfou.

Il y a eu, et cela a occulté malheureusement tout le reste,
l'impossibilité de se mettre d'accord sur la désignation du successeur
de Monsieur Delors.

Je dois dire que l'attitude britannique est regrettable dans ce
dossier puisque samedi matin à 11 heures, onze pays sur douze avaient
donné leur assentiment à la candidature de Monsieur Dehaene qui est
Premier ministre belge et qui me semble présenter toutes les qualités
requises pour exercer cette fonction très importante.

Alors on en est là ; une nouvelle date, un nouveau rendez-vous est
prévu le 15 juillet. Je ne vois pas en l'état actuel des choses la
raison pour laquelle onze pays s'inclineraient devant un seul et donc
la France continue à soutenir Monsieur Dehaene.

Q - Peut-on imaginer dans cette perspective, c'est-à-dire la France et
l'Allemagne restant avec comme candidat Monsieur Dehaene, John Major
n'en voulant pas.

R - La France et l'Allemagne, et en tout onze pays.

Q - Onze pays mais enfin.. convaincus à des degrés moindres pour
certains des onze..

R - Monsieur Dehaene a obtenu, je ne sais pas si je dois trahir ce
secret, dès le premier tour de consultation, huit voix sur douze, donc
c'est qu'il y avait au moins dès le départ huit pays convaincus.

Q - Mais, bon, peut-on imaginer, si John Major et les onze restent sur
leurs positions, une sorte de politique de la présidence vide
puisqu'après tout Jacques Delors est président jusqu'à la fin du mois
de décembre et puis on attend tranquillement les élections
britanniques en souhaitant de mauvais résultats pour Monsieur Major ?

R - Je me garderai bien de formuler ce genre de souhait pour qui que
ce soit, dans les pays qui sont partenaires de la France, c'est aux
électeurs de chacun de ces pays de décider.

Mais la réponse à votre question est tout a fait claire, on ne peut
pas attendre. On ne peut pas tout simplement parce que le traité de
l'Union européenne est formel : il faut saisir d'une proposition de
nomination le Parlement européen qui va se réunir le 18 juillet et la
nomination définitive doit intervenir en septembre.

Et puis on ne peut pas non plus pour des raisons strictement, comment
dire, matérielles ou politiques. Sans président de la Commission, il
n'y a pas de renouvellement de la Commission, tout s'arrête au 31
décembre 1994 et ce serait une crise sans précédent pour l'Europe que
d'être incapable de désigner une Commission. Cela ne s'est jamais vu
depuis 1958, et je dis pour ma part que c'est inimaginable et qu'il
faut donc arriver en faisant oeuvre de conviction et d'explications à
débloquer la situation d'ici le 15 juillet.

J'ai rencontré d'ailleurs à l'instant même avant de venir ici mon
collègue allemand, Monsieur Kinkel qui va exercer à partir du ler
juillet la présidence et je peux vous dire qu'il va circuler entre
toutes les capitales européennes au cours des prochains jours pour
trouver un accord./.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024