Fiche du document numéro 9130

Num
9130
Date
Jeudi 5 mars 1998
Amj
Auteur
Taille
114780
Titre
Faire la clarté sur les responsabilités françaises
Sous titre
Le député Jean-Claude Lefort et le groupe communiste appellent à une commission d'enquête relative au génocide de 1994. La commission de la Défense propose, elle, une mission d'information aux pouvoirs réduits.
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
UNE mission d'information de dix députés a été décidée à l'Assemblée nationale, afin de faire la lumière sur le rôle qu'ont pu jouer les différentes forces militaires étrangères dans la crise rwandaise entre 1990 et 1994, a annoncé la commission de la Défense. Précisant dans un communiqué que cette décision répond à une initiative de son président, Paul Quilès. Lequel aurait fait valoir qu'il n'était pas possible de mettre en place une commission d'enquête parlementaire - comme l'avait proposé dans les heures précédentes le groupe communiste - dans la mesure où les faits concernés donnent lieu à des poursuites judiciaires, en particulier devant le Tribunal pénal international d'Arusha (Tanzanie).

Une argumentation juridique qui ne saurait cacher que les moyens d'une commission d'enquête sont contraignants, à la différence de ceux d'une mission d'information. De plus, son champ d'investigation ne serait pas limité au domaine strictement militaire, laissant de côté le rôle des autorités politiques et des lobbies, ainsi que les trafics divers (commerce des armes en particulier) ayant précédé ou accompagné le génocide d'avril-juillet 1994. Il faut souligner à ce propos que c'est bien une commission d'enquête qui a été constituée par le Parlement belge afin d'établir la vérité sur le tissu de complaisances et de complicités en faveur de l'ex-dictature génocidaire.

Cette exigence de ne laisser aucune responsabilité dans l'ombre venait d'être réaffirmée par Jean-Claude Lefort et les membres du groupe communiste et apparentés, déposant une proposition de résolution (enregistrée le 3 mars à la présidence de l'Assemblée nationale) visant la création d'une commission d'enquête sur la part des responsabilités françaises dans le génocide perpétré au Rwanda.

Quatre ans après la tragédie, l'exacte vérité n'a toujours pas été établie et, malgré toutes les assurances, les responsables n'ont pas encore été jugés, souligne l'exposé des motifs. Cette situation est choquante au regard du droit et de la conscience. Elle est également porteuse de lourdes conséquences politiques pour l'Afrique de l'Est, pour notre pays et pour la communauté internationale tout entière.

Au Rwanda comme au Burundi, des civils continuent d'être assassinés du seul fait de leur origine ethnique. Le crime contre l'humanité, tel que le tribunal de Nuremberg et sa jurisprudence l'ont défini, est perpétré quotidiennement. A ce jour, seulement 23 cadres de l'ancien régime génocidaire de Kigali ont fini par être arrêtés pour être présentés au Tribunal international d'Arusha et le procès d'un seul d'entre eux (l'ancien bourgmestre Jean-Paul Akayezu) a pu être ouvert.

La France continue d'être montrée du doigt, poursuit le texte. Exemple récent, le plus que laconique communiqué de l'ambassade de France à Washington pour démentir la collaboration de la France avec les assassins, suite à une enquête du Boston Globe. Quant aux articles de la presse française consacrés à la question, ils n'obtiennent qu'un silence total.

Dès janvier 1995, Jean-Claude Lefort avait déposé une proposition de commission d'enquête. Pas de réponse. En revanche, la commission sénatoriale d'enquête belge vient de mettre en cause les autorités de son propre pays, mais aussi l'ONU, la France et les Etats-Unis, dont les services étaient tous informés du génocide planifié par leurs protégés...

Notre Assemblée a le devoir de témoigner de la même volonté de contribuer à faire la lumière sur le crime contre l'humanité commis au Rwanda en 1994, conclut l'exposé des motifs. Suit l'article unique de la proposition de résolution: Il est créé une commission d'enquête de 25 membres sur les responsabilités françaises dans le génocide perpétré au Rwanda à partir du 6 avril 1994... Le sort réservé à ce type de démarche aura valeur de test concernant la volonté gouvernementale d'un nouveau partenariat avec l'Afrique, selon l'expression utilisée par le premier ministre en juin dernier devant les députés.

JEAN CHATAIN.

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