Fiche du document numéro 75

Num
75
Date
Mercredi 22 avril 1998
Amj
Auteur
Taille
46085
Titre
Audition de Georges Martres, ambassadeur au Rwanda (1989-1993)
Tres
Georges Martres : « Le Colonel Serubuga, chef d’état-major adjoint de l’armée rwandaise, s’était réjoui de l’attaque du FPR, qui servirait de justification aux massacres des Tutsis »
Nom cité
Résumé
For Georges Martres, ambassador to Rwanda from 1989 to 1993, "The genocide was foreseeable from this period, without however one being able to imagine its scale and atrocity".
Source
MIP
Extrait de
MIP, Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 119
Commentaire
Georges Martres, French Ambassador to Rwanda, is heavily involved in the preparation of the Tutsi genocide. However, he does not try to disguise the reality during his hearing by the Parliamentary Information Mission. He recalls that the massacres of Tutsi began in 1959 and resumed in 1973 (page 1). There was no defense agreement between Rwanda and France. The genocide was foreseeable, according to him, as early as October 1990, Colonel Serubuga had welcomed the RPF attack "which would serve as justification for the massacres of Tutsis". He acknowledges that the shooting on the night of October 4 to 5, 1990 was staged by the Rwandan army. France did not support Habyarimana's dictatorship to the end, he underlines. He recalls the break of the CDR party with Habyarimana when it accepted the ceasefire agreement of March 7, 1993 in Dar Es-Salaam which involved the withdrawal of French troops (page 5). The support of France that he brings to this CDR party in his telegram of March 11, 1993 and which will be expressed in full Security Council on April 5, 1994 does not make it possible to doubt that the replacement of Habyarimana was decided by Paris. And in Paris, decisions concerning Rwanda are taken only at the Élysée (page 11). Habyarimana was overwhelmed by those around him who did not want the Arusha Accords. He had understood this well since he had mentioned his withdrawal on April 25, 1993 (page 6). The ingredients of the genocide are exposed by Georges Martres. Peace agreements difficult to implement and rejected by the president's entourage and by the CDR party supported by France, FAR soldiers, all Hutu, "more inclined to massacres than to open combat", impunity protecting the perpetrators of the massacres, maintenance of ethnic mentions on identity cards (page 6). He assures that he had foreseen ethnic violence after the withdrawal of French troops (page 12). Finally, he states that if the Hutu extremists are the authors of the attack against the president, they could only have done it with "European assistance" because they "already had a good difficult to fire mortars and cannons".
Type
Audition
Langue
FR
Citation
Audition de M. Georges MARTRES
Ambassadeur au Rwanda (1989-1993)
(séance du 22 avril 1998)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
Après avoir rappelé que M. Georges Martres avait été Ambassadeur
de France au Rwanda de 1989 à 1993, le Président Paul Quilès a souligné
l’intérêt de son audition dans la mesure où cette période revêtait un intérêt
capital pour la mission puisqu’elle a été marquée par le déclenchement du
conflit entre les forces régulières rwandaises et le FPR, par la négociation des
accords d’Arusha et par la démocratisation du pays après le discours de La
Baule. Il a souhaité connaître l’analyse personnelle de l’Ambassadeur sur
l’évolution de la situation rwandaise et que soit précisée la politique suivie
par la France au cours des années où il a représenté la France au Rwanda.
M. Georges Martres a tout d’abord insisté sur la nécessité de
replacer les événements tragiques du Rwanda dans leur contexte historique
et mis l’accent sur le rôle joué par l’administration belge dans l’exaspération
des relations entre Hutus et Tutsis. Il a relevé que la politique française
menée au Rwanda s’inscrivait dans le cadre général de notre “ politique du
champ ” visant à maintenir une sécurité dans les pays de cette zone en
appuyant des régimes que nous n’approuvions pas toujours mais dont
l’effondrement aurait provoqué le chaos. Il a également rattaché l’histoire du
Rwanda à celle du Burundi, le sort malheureux des Tutsis du Rwanda étant
lié à la politique inégalitaire menée par les Tutsis du Burundi. Les massacres
ont d’ailleurs commencé dès 1959 et se sont poursuivis dans les deux pays
tout au long des décennies suivantes.
En 1973, lors de la prise du pouvoir par le Général Habyarimana, il
a souligné que les Tutsis étaient menacés d’un nouveau pogrom et que,
paradoxalement, en dépit d’une politique discriminatoire qui fut menée à leur
égard dans l’administration et l’armée notamment, ces derniers considérèrent
le Président, à ses débuts, comme leur protecteur. Il a ensuite fait remarquer
que l’armée rebelle, qui avait envahi le Rwanda le 1er octobre 1990, avait
recueilli le soutien des personnalités hutues en rupture de ban avec le régime
d’Habyarimana, même si l’armée du FPR était essentiellement constituée de
Tutsis ayant servi dans l’armée ougandaise. Ainsi, les chefs du FPR, Fred
Rwigyema et Paul Kagame étaient-ils en 1989 respectivement Commandant
des opérations de l’armée ougandaise et Directeur adjoint du service de
renseignements de l’armée ougandaise.

M. Georges Martres a fait référence aux accords de coopération
militaire qui nous liaient avec le Rwanda et qui, à l’origine, en 1975, ne
concernaient que la Gendarmerie. Pour autant, même en l’absence d’accord
de défense avec le Rwanda, ce pays a été traité par le Gouvernement français
comme l’auraient été le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, dans une situation
analogue, s’ils avaient été victimes d’une incursion armée.
M. Georges Martres a ensuite traité du déroulement des
événements.
Le 3 octobre 1990, le Ministre des Affaires étrangères du Rwanda a
sollicité auprès de M. Jean-Christophe Mitterrand et de M. Jacques Pelletier,
Ministre de la Coopération, l’appui de la France contre l’invasion conduite
par le FPR qui avait atteint à ce moment Rwamagana, à une soixantaine de
kilomètres de Kigali. La question de la sécurité des Français et des
Européens a été la préoccupation unique et immédiate de la cellule de crise
réunie le 4 octobre à l’Elysée, à laquelle participaient des représentants des
ministères des Affaires étrangères -dont lui même-, de la Défense et de la
Coopération. Les militaires estimaient qu’il était nécessaire de s’assurer le
contrôle de l’aéroport de Kigali pour pouvoir procéder correctement à une
évacuation des Européens. C’est dans cet esprit que M. Jean-Christophe
Mitterrand a téléphoné au Président de la République, en voyage dans le
Golfe, et que l’envoi le jour même à Kigali d’une compagnie du deuxième
régiment étranger parachutiste a été décidé.
Expédié au Rwanda dans le but de garantir la sécurité du pays, le
détachement français y est resté trois années. Il a été renforcé pour atteindre
deux puis finalement quatre compagnies au début 1993, soit un effectif
maximum d’environ 600 hommes, effectif toutefois modeste au regard de la
gravité croissante de la situation.
De retour à Kigali le 5 octobre, M. Georges Martres a éprouvé le
sentiment, qu’il a estimé partagé par Paris, que le FPR n’entraînait pas,
contrairement à ses affirmations, l’adhésion de la majorité des Rwandais,
malgré le soutien de la minorité tutsie et d’une partie de la bourgeoisie hutue,
hostile au Président Habyarimana. La corruption et le népotisme régnant
dans son entourage avaient en effet lassé une grande partie des Hutus du sud,
mais, pour autant, les opposants au régime ne cessaient d’affirmer que la
véritable majorité populaire était favorable, non pas au FPR, mais à une
opposition intérieure qui ne demandait qu’à s’exprimer. Il a noté que le
programme du FPR, publié dans le journal ougandais New Vision le
5 octobre, ne faisait aucune allusion à la démocratie pluraliste, mais
préconisait la création d’un mouvement national unique, inspiré de celui de
Museveni en Ouganda, dans lequel toutes les composantes politiques seraient

représentées sans toutefois pouvoir exercer de véritables responsabilités. En
somme, une situation politique proche de ce que connaissait déjà le Rwanda.
Bien que le FPR ait été porteur du souhait légitime de la minorité
tutsie de mettre fin à l’exclusion dont elle était victime, il apparaissait évident
que sa seule victoire militaire provoquerait des massacres de Tutsis, auxquels
il répondrait par des représailles, suivies sans doute d’une guerre civile, soit
le processus qui s’est déroulé et se déroule encore depuis.
Le génocide était prévisible dès cette période, sans toutefois qu’on
puisse en imaginer l’ampleur et l’atrocité. Certains Hutus avaient d’ailleurs
eu l’audace d’y faire allusion. Le Colonel Serubuga, Chef d’état-major
adjoint de l’armée rwandaise, s’était réjoui de l’attaque du FPR, qui servirait
de justification aux massacres des Tutsis. Le génocide constituait une hantise
quotidienne pour les Tutsis. Dès le début du mois d’octobre 1990, plusieurs
milliers de personnes ont été emprisonnées à Kigali, la plupart en raison de
leur appartenance à la minorité tutsie ou parce qu’elles avaient des
sympathies ou des communautés d’intérêts avec les Tutsis. Il a souligné que
la libération de plusieurs milliers d’entre elles a été due à la pression
internationale, essentiellement celle de la France en raison du poids de sa
présence militaire. C’est donc dans l’unique but d’éviter les pires
débordements que la présence militaire française a été maintenue, d’une part,
sous la forme statique et dissuasive du détachement Noroît qui n’a jamais
combattu et, d’autre part, sous la forme d’une assistance militaire technique,
qui a atteint un effectif d’environ quatre-vingts conseillers militaires, qui ont
joué un rôle très actif dans la formation des forces armées rwandaises à tous
les niveaux, y compris à l’état-major. Conformément à l’accord de
coopération militaire et parallèlement aux moyens humains, une aide en
matériel et en munitions a également été accordée, mais relativement
modeste si l’on considère les besoins qui étaient exprimés et les livraisons
d’armes légères qui ont été effectuées en provenance de l’Egypte et de
l’Afrique du Sud. En revanche, contrairement aux demandes réitérées du
Président Habyarimana, aucun appui militaire direct n’a été accordé par la
France, et notamment aucun appui de feu aérien, pourtant sollicité par le
Chef de l’Etat rwandais, qui se référait à l’intervention des avions Jaguar lors
de l’incursion libyenne au Tchad.
M. Georges Martres a alors déclaré que notre soutien au régime
Habyarimana n’avait pas été inconditionnel contrairement à ce qui se dit
souvent dans les médias.
A l’évidence, la réconciliation des Rwandais avait peu de chances de
se réaliser si une minorité dominée par les Tutsis s’emparait du pouvoir par
les armes, pas plus qu’elle ne pouvait se faire sous l’égide d’un

gouvernement tout aussi minoritaire s’appuyant sur une poignée d’officiers
Bashiru, originaires du nord du pays et suscitant l’aversion conjointe des
Tutsis et des Hutus du sud au pouvoir lors de l’indépendance. C’est
pourquoi, dès le début et tout au long de la crise, notre soutien au Chef de
l’Etat rwandais a été assorti, le 10 octobre 1990 et maintes fois ensuite,
d’une triple condition : d’une part, la résolution du problème des
500 000 réfugiés tutsis rwandais vivant à l’extérieur, d’autre part la défense
et le respect des droits de l’homme, régulièrement bafoués par des
arrestations arbitraires, des assassinats et des pogroms, enfin l’engagement
d’un dialogue, tant avec l’opposition intérieure qu’extérieure, pour faire une
place à toutes les composantes de la Nation. Ce message, qu’il avait pour
mission de faire passer auprès du Président Habyarimana, lui a également été
adressé lors des contacts que ce dernier a eu avec le Président de la
République, le Directeur des affaires africaines et malgaches, le Ministre de la
Coopération, le Chef d’état-major des armées, ce qui contredit le soi-disant
monopole de la cellule africaine de l’Elysée dans le suivi de ce dossier. Il a
alors cité les rencontres entre les Présidents François Mitterrand et Juvenal
Habyarimana le 18 octobre 1990, le 23 avril 1991 et le 17 juillet 1992 ; la
visite au Rwanda le 9 novembre 1990 de M. Jacques Pelletier ; la
communication spéciale du Président François Mitterrand le 2 février 1991
dans laquelle il précisait la nécessité de négocier avec le FPR ; les entretiens à
Kigali avec M. Paul Dijoud, Directeur des Affaires africaines et malgaches,
les 18 et 20 juillet ; la rencontre, les 23 et 25 décembre 1991, avec l’Amiral
Jacques Lanxade, Chef d’état-major des armées ; la mission à Kigali, le
12 février 1993, de M. Bruno Delaye, Conseiller à la Présidence de la
République, et de M. Jean-Marc Rochereau de la Sablière, Directeur des
Affaires africaines et malgaches ; le 28 février 1993, la visite au Rwanda de
M. Marcel Debarge, Ministre de la Coopération.
M. Georges Martres a fait observer que l’on pouvait estimer que, si
ces messages portant sur les réfugiés, les droits de l’homme et la
démocratisation étaient pareillement renouvelés, c’était parce qu’ils étaient
suivis de peu d’effet. En ce qui concerne le problème des réfugiés, les
conditions de la guerre ne permettaient pas d’espérer de solution. S’agissant
des droits de l’homme, la présence française n’a malheureusement pas
empêché plusieurs massacres de Tutsis dans le Bugesera ou dans le Mutara.
Chaque attaque du FPR entraînait des massacres qu’il était difficile de
connaître : ils se déroulaient en dehors de Kigali et le Président Habyarimana,
de surcroît, rétorquait qu’il ne pouvait faire face à la vindicte populaire qui
avait perpétré ces massacres en réplique à des attaques du FPR, très
meurtrières, et visant tout autant les militaires que les civils. La présence
française n’était en outre pas suffisante pour faire face à des violences
ethniques généralisées ou juguler les attentats venant, soit du FPR, soit des

extrémistes Hutus. L’action la plus efficace de la France a sans aucun doute
été celle conduite en faveur de l’ouverture politique et du dialogue avec les
rebelles, puisqu’elle s’est traduite par la signature des accords d’Arusha.
Lors de son assassinat, le 6 avril 1994, le Président Habyarimana
n’était plus le potentat qu’il était lors de l’invasion de son pays, le 1er octobre
1990. C’est sous la pression de la communauté internationale et surtout de la
France qu’il s’est engagé dans un processus de démocratisation intérieure qui
a conduit à la formation, le 16 avril 1992, d’un gouvernement de transition
composé à parité entre l’ancien parti unique et l’opposition. Ce
gouvernement de transition a permis d’engager un dialogue plus productif
avec le FPR, qui a conduit, le 9 janvier 1993, à Arusha, à un accord sur le
partage du pouvoir entre l’ancien parti du Président Habyarimana, le FPR et
l’opposition intérieure. Sur vingt ministres, seuls cinq venaient du parti du
Président. C’est sans doute pour ne pas avoir pris suffisamment en
considération les conséquences de cet affaiblissement du Président
Habyarimana que la communauté internationale a été surprise par les
événements tragiques qui ont suivi l’attentat du 6 avril 1994. Il a estimé qu’il
n’était pas possible de prétendre que la France avait soutenu jusqu’au bout la
dictature du Président Habyarimana car elle a fait de lui un président
considérablement diminué dans ses pouvoirs.
M. Georges Martres a indiqué que dans les trois derniers mois qui
ont précédé son départ du Rwanda, le 27 avril 1993, la situation était
devenue explosive. L’accord du 9 janvier prévoyant l’insertion du FPR dans
la vie nationale et les négociations sur l’intégration du FPR dans l’armée
rwandaise avaient été jugés inacceptables par les extrémistes hutus exclus de
la négociation mais dont l’influence ne cessait de s’étendre dans le pays. Ces
derniers, qui ne pouvaient admettre que le Président Habyarimana perde le
pouvoir, s’étaient structurés en parti politique : la Coalition pour la défense
de la République (CDR) qui s’appuyait sur un paysannat illettré hutu mais
comptait à sa tête des hauts fonctionnaires, des universitaires et des officiers.
Ce parti n’a pas hésité à rompre avec le Président Habyarimana le 9 mars
1993, après l’accord de cessez-le-feu de Dar Es-Salam qui confirmait
l’accord politique du 9 janvier prévoyant le départ des troupes françaises et
leur remplacement par une force internationale.
Dans un communiqué du 11 mars, la CDR se déclarait
“ profondément choquée par l’attitude d’Habyarimana Juvénal, Président
de la République, qui a approuvé le contenu du communiqué [de Dar
Es-Salam] qui lèse manifestement les intérêts du peuple rwandais. Ceci
montre clairement que M. Habyarimana Juvénal, Président de la

République, ne se préoccupe plus des intérêts de la Nation. Il a plutôt
d’autres intérêts à défendre ”.
Dans le même temps, les tensions ethniques commençaient à
provoquer un clivage au sein des partis d’opposition intérieure et un
affaiblissement des tendances modérées, accusées de trahison. Ainsi, au sein
du Mouvement des démocrates républicains (MDR), s’est constitué le MDR
“ power ” de tendance extrémiste hutue.
M. Georges Martres a déclaré avoir eu deux indices directs
permettant de conclure à l’affaiblissement du Président Habyarimana. Le
12 février 1993, au cours d’une soirée, le Président s’était laissé convaincre
qu’il lui fallait signer un communiqué conjoint avec son Premier Ministre
d’opposition, affirmant l’unité de vue des deux hommes sur les accords
d’Arusha. En aparté, l’épouse du Président Habyarimana a fait savoir que ce
communiqué serait probablement désapprouvé par les propres partisans du
Président. Le 25 avril 1993, le Président Habyarimana avait évoqué son
souhait de se retirer de la vie publique, à la fin de la période de transition, et
demandé que la France puisse alors assurer sa sécurité future et celle de son
entourage.
Dans cette période cruciale, à l’exception du FPR, tous les acteurs
rwandais appréhendaient le départ du détachement français si celui-ci n’était
pas remplacé par une force internationale d’interposition conséquente, dotée
des moyens de s’opposer aux extrémistes des deux bords. Cette force,
compte tenu de la part active jouée par la France pour contenir l’avancée du
FPR, ne pouvait, pour ce dernier, être composée de Français. Les acteurs
souhaitaient que l’intervention des Nations Unies décourage toute reprise des
combats d’un côté comme de l’autre. M. Boniface Ngulinzira, Ministre des
Affaires étrangères, s’était montré particulièrement inquiet des réactions
violentes que l’accord d’Arusha avait suscitées dans les milieux extrémistes
hutus et appréhendait les conséquences de l’intégration prochaine des
combattants du FPR dans l’armée nationale. Il demandait la constitution
rapide de la force internationale, non seulement pour accompagner la
restructuration de l’armée rwandaise, mais aussi pour assurer la sécurité
civile dans l’ensemble du pays, sollicitant ainsi une mise sous tutelle
internationale du Rwanda.
En conclusion, M. Georges Martres a estimé qu’en favorisant la
signature des accords d’Arusha, la communauté internationale avait posé les
bases d’une gestion transitoire difficile mais susceptible d’être conduite par le
Président Habyarimana, à condition qu’il soit soutenu et que sa sécurité soit
assurée contre les extrémistes. A son avis, ce n’est pas la présence d’un
détachement français pendant trois ans qui a provoqué le génocide, mais son

remplacement par une force internationale, dont la mission et les moyens
n’étaient pas adaptés à la gravité de la situation.
Le Président Paul Quilès a souhaité savoir comment pouvaient
s’expliquer la désorganisation et la faiblesse des FAR, pourtant bénéficiaires
d’une assistance technique française. Il a également demandé à
l’Ambassadeur Georges Martres son sentiment sur l’offensive des 4 et
5 octobre 1990, et sur les combats dans Kigali, à propos desquels certains
observateurs ont parlé de mise en scène destinée à obtenir un renforcement
de l’aide militaire française.
M. Georges Martres a fait appel à des critères sociologiques pour
expliquer la faible combativité des FAR, qu’il n’avait jamais comprise. Les
Hutus, inférieurs en valeur militaire, n’étaient pas des soldats et se trouvaient
plus portés aux massacres qu’aux combats ouverts, alors que les Tutsis du
Général Kagame étaient des guerriers et constituaient une excellente armée.
Mais il a reconnu qu’il était difficile pour un Européen de prononcer des
jugements dans ce domaine. Il a admis que, s’il y avait eu une mise en scène
le 4 octobre 1990, il avait été lui-même abusé. Trois morts avaient été
dénombrés à Kigali le 5 octobre 1990 et les dégâts matériels étaient peu
importants. C’étaient d’ailleurs les FAR qui avaient tiré sur les troupes
françaises. Il a indiqué que l’ambassade de France à Bujumbura, où il se
trouvait le 5 octobre, recevait des messages et des télégrammes annonçant,
au nom du FPR, un ultimatum et accordant quarante-huit heures aux troupes
françaises pour évacuer le pays. Il a reconnu que, compte tenu de ces
injonctions, il avait vraiment cru à de violents combats et à une attaque du
FPR contre nos soldats. Pourtant, à l’époque, il s’est avéré qu’il n’y avait pas
eu de contact à Kigali entre l’armée française et celle du FPR. Le
représentant du FPR pour l’Europe, M. Bihozagara, a confirmé dans un
entretien à Paris le 13 janvier 1992 que le parti tutsi rwandais n’avait jamais
envoyé de messages et que ceux-ci devaient provenir des Tutsis du Burundi
et non du FPR, d’autant que Fred Rwigyema venait d’être tué le 2 octobre. Il
s’agit donc d’une double intoxication.
Le Président Paul Quilès a alors interrogé M. Georges Martres à
propos des déclarations qu’il aurait faites qualifiant de “ rumeurs ” les
massacres de mars 1992 dans le Bugesera et de janvier 1991 dans le nordouest du Rwanda.
M. Georges Martres a affirmé qu’après avoir effectué des
recherches dans ses archives, il avait retrouvé le télégramme démontrant qu’il
s’était bien associé à la démarche conjointe des ambassadeurs de l’Union
européenne auprès du Général Habyarimana après les massacres du Bugesera

pour lui demander de faire cesser de telles exactions. Il a reconnu qu’il
pouvait avoir parlé de “ rumeur ” à une occasion avant que les massacres ne
soient confirmés car, si les massacres étaient bien réels, les rumeurs étaient
constantes. Toutefois, aucun doute n’était permis s’agissant du Bugesera. Un
membre de l’ambassade qui s’était rendu sur place a confirmé ces massacres.
Le Président Paul Quilès a souhaité avoir copie des télégrammes
diplomatiques cités par M. Georges Martres. Il s’est également interrogé sur
les raisons expliquant l’absence de livraison des nouvelles cartes d’identité
avant avril 1994 alors que le Général Habyarimana avait annoncé, dès le
9 novembre 1990, la suppression de la mention ethnique sur ces cartes. Il a
souligné que ce point était d’autant plus important qu’il avait été fait état
devant la mission d’information des conséquences de la mention ethnique,
qui aurait favorisé le génocide. De plus, il semblerait que le Président
Habyarimana ne disait pas les mêmes choses dans ses interventions lorsqu’il
s’exprimait en Français et dans la langue locale, et que la suppression de la
mention ethnique n’avait pas été annoncée à la radio.
M. Georges Martres a préféré que soient vérifiées, par exemple
auprès du ministère de la Coopération, les différentes étapes de la commande
des nouvelles cartes d’identité, notamment pour savoir si la France avait
promis de participer à cette opération, et à quelle date la commande du
Gouvernement rwandais avait eu lieu. Il a indiqué que la mention ethnique
avait une valeur symbolique qui choquait tout le monde mais que sa
suppression aurait été peu efficace pour empêcher le génocide. L’annonce de
sa suppression avait provoqué une grande émotion dans les campagnes car
les populations craignaient de ne plus savoir qui était Tutsi ou qui était Hutu.
C’est pourquoi les préfets avaient dû organiser des campagnes d’information,
d’où il ressortait que la suppression de cette mention n’empêcherait pas de
savoir qui était Tutsi et qui était Hutu. Ce projet de changement de carte
était bien connu puisqu’il suscitait des réactions. Les populations rwandaises
semblent toujours savoir qui est Hutu et qui est Tutsi sans avoir besoin de
document, malgré les erreurs et les malentendus dus notamment aux enfants
issus de mariages mixtes, mais il est difficile d’expliquer comment elles font.
Faisant référence au rapport de fin de mission de l’Ambassadeur
Georges Martres et citant un passage sur “ le métissage biologique qui s’est
accompagné d’un métissage culturel ”, M. Bernard Cazeneuve,
rapporteur, l’a interrogé sur cette possibilité de distinguer physiquement
Hutus et Tutsis : “ C’est ainsi que les dignitaires extrémistes hutus
recherchent les femmes tutsies qu’ils estiment très belles sauf celles qui ne
présentent pas de faciès nilotique ”.

Après avoir rappelé les difficultés économiques rencontrées par le
Rwanda lors de la mise en oeuvre de la politique d’ajustement structurel et
après avoir souligné que la France s’était souvent trouvée seule pour aider
financièrement ce pays à affronter les charges de la démocratisation, il a
souhaité avoir des précisions sur les fonds exceptionnels accordés à l’Etat
rwandais au titre de la coopération en 1990, et s’est interrogé sur la
pertinence de l’achat, pour 60 millions de francs, de l’avion présidentiel. Il a
demandé quelles avaient été les motivations de l’avenant de 1992 à l’accord
de coopération militaire de 1975. En particulier, il a souhaité savoir, d’une
part, quelles raisons motivaient l’extension de la coopération aux forces
armées rwandaises et non plus seulement à la gendarmerie, d’autre part, ce
que recouvrait la réorientation des objectifs de la coopération vers le
maintien de l’ordre, la police judiciaire et la formation de la garde
présidentielle, enfin s’il y avait une différence de nature entre la formation de
jeunes recrues et celle des jeunes officiers prévues dans l’avenant, et en quoi
consistait cette formation.
M. Georges Martres a affirmé que les traits physiques, c’est-à-dire
à la fois la silhouette trapue des Bantous et la silhouette gracile rappelant
celle des nomades du Sahel, étaient présents dans tous les Rwandais et
reconnaissables dans les familles : il s’agit d’ailleurs d’un mystère de ce
peuple où, malgré les métissages biologiques, les traces des origines
historiques de ses composantes subsistent.
Il a précisé que l’achat en 1990 d’un Falcon d’occasion pour le
Président Habyarimana correspondait au remplacement de la Caravelle très
vétuste qui avait été financée par la France, à une époque où le Rwanda
n’était pas en guerre contre le FPR. Il a indiqué qu’il s’agissait là d’une
pratique courante de coopération consistant à offrir un avion personnel aux
Chefs d’Etat africains. Le Président Bongo et vraisemblablement le Maréchal
Bokassa ont ainsi reçu des appareils. La France, ayant jugé qu’il lui était
difficile de ne pas répondre à cette demande de renouvellement, a acquis un
Falcon d’occasion et a fourni le même équipage d’officiers français, ce qui
permettait de connaître les déplacements importants du Président rwandais.
M. Georges Martres a indiqué s’être aperçu en 1992 que la
coopération militaire destinée à l’armée rwandaise manquait de base juridique
explicite puisque l’accord en vigueur à cette époque ne mentionnait que la
gendarmerie. Cet accord n’avait au demeurant rien de mystérieux, ce n’était
pas un accord de défense mais un simple accord d’appui en formation et en
matériel.
M. Georges Martres a reconnu que c’était probablement lui qui
avait suggéré à Paris la signature d’un avenant qui remplacerait le mot

“ gendarmerie ” par les mots “ forces armées ”. Cette proposition était
motivée par la volonté de donner à la coopération militaire une forme
juridique qui lui manquait.
M. Georges Martres a souligné que la formation des unités de
maintien de l’ordre n’avait pas pour objet de renforcer une quelconque
dictature. Il existait des menaces permanentes d’affrontements avec les partis
d’opposition, aussi le Président Habyarimana avait-il demandé que des unités
de gendarmerie soient formées à contenir les manifestations, comme elles le
font habituellement dans les démocraties occidentales.
M. Georges Martres a estimé que la formation de la police
judiciaire, qui était encore moins critiquable au regard de la morale, s’est
soldée par un échec. Au cours des années 1992-1993, le Rwanda a connu de
nombreux attentats dont les auteurs demeuraient introuvables. En
conséquence, il a été proposé au Président Habyarimana, qui a accepté, de
former la police judiciaire rwandaise pour constituer une brigade d’enquête.
L’expérience, selon M. Georges Martres, s’est révélée assez décevante car
cette formation n’a pas permis de recueillir davantage d’informations sur les
origines des attentats. La cause en est à rechercher non pas dans la qualité
des formateurs, qui était grande, mais probablement dans les problèmes
linguistiques, le kinyarwanda n’étant pratiquement pas parlé par les Français.
M. Georges Martres a fait valoir que la formation de la garde
présidentielle à laquelle étaient affectés un ou deux officiers, n’avait pas pour
objet de former des escadrons de la mort, mais au contraire de rendre cette
garde plus humaine et plus disciplinée. Toutefois, estimant que les rumeurs
qui couraient sur la garde présidentielle pouvaient devenir préjudiciables à la
fois à l’image de la France et à l’honneur des officiers, M. Georges Martres a
indiqué avoir envoyé un télégramme à Paris, resté sans réponse, suggérant
que l’on mette un terme à cette formation.
M. Georges Martres a évoqué la formation de jeunes recrues
rwandaises, par quarante-sept assistants techniques français, dans un camp
situé entre Ruhengeri et Gisenyi, et a souligné qu’il s’agissait de former des
soldats et non des criminels. L’objectif était de dynamiser une armée
rwandaise qui avait manifesté plus d’activité dans les massacres que dans les
combats.
M. François Lamy a demandé à M. Georges Martres de confirmer
l’information donnée par M. François Léotard selon laquelle il y aurait eu des
soldats ougandais dans les troupes du FPR.

Il a souhaité savoir s’il y avait une gestion directe du dossier
rwandais par l’Elysée et, dans l’affirmative, si une telle situation était de
pratique courante.
M. Georges Martres a confirmé qu’il y avait à l’évidence des
soldats ougandais dans l’armée du FPR et que les premières troupes qui ont
envahi le Rwanda étaient composées de Rwandais enrôlés dans l’armée
ougandaise. Il a précisé qu’il avait lui-même eu sous les yeux des cartes
d’identité, des armes ou des rapports ougandais. En revanche, il a déclaré
ignorer la proportion d’Ougandais autres que des Tutsis d’origine rwandaise
qui ont continué à affluer dans les troupes du FPR après les événements,
même si le Gouvernement rwandais avait tendance à insister sur cette
présence.
M. Georges Martres a déclaré s’être rendu compte assez
rapidement, dès le début des événements, qu’il y avait un intérêt particulier
de l’Elysée pour ce qui se passait au Rwanda. Il en résultait une plus grande
efficacité dans la prise des décisions au jour le jour. Le Chef d’état-major
particulier du Président de la République jouait le rôle d’élément
centralisateur, ce qui avait pour conséquence d’éviter que le processus de
décision, en cas de crise, ne s’enlise entre le ministère des Affaires
étrangères, le ministère de la Coopération et divers services du ministère de
la Défense. Il en résultait ce que M. Georges Martres a qualifié de “ situation
de confort ” : M. Georges Martres lui-même a souligné qu’il avait pris
l’habitude, au vu de la façon dont les décisions étaient adoptées, de
communiquer tout ce qu’il faisait à la Présidence de la République.
M. Pierre Brana a demandé des précisions sur la formation des
troupes rwandaises et si ces troupes étaient composées uniquement de
Hutus.
M. Georges Martres a répondu que les Français participaient à la
fois à la formation des officiers et des troupes de base et que les uns et les
autres étaient bien sûr des Hutus parce que l’armée n’était constituée
pratiquement que de Hutus.
M. Pierre Brana a fait état d’informations selon lesquelles des
officiers français auraient conduit ou assisté sinon participé à des
interrogatoires de combattants du FPR.
M. Georges Martres a contesté que des officiers français aient pu
conduire des interrogatoires mais a admis qu’il arrivait que ceux-ci se
rendent dans les locaux où étaient détenus des officiers du FPR, le plus

souvent ougandais, dans le but d’obtenir des renseignements concernant
justement la part que prenaient les Ougandais dans l’offensive du FPR.
M. Pierre Brana a demandé des informations sur un éventuel
hélicoptère de combat destiné, lors de l’opération Noroît, à neutraliser les
colonnes ennemies.
M. Georges Martres a relevé qu’un hélicoptère de combat de
l’armée rwandaise avait, le 4 ou 5 octobre 1990, détruit une dizaine de
véhicules du FPR et quatre ou cinq camions contenant de l’essence et que,
selon les comptes rendus des militaires français, cette opération avait été
menée par un pilote rwandais, même si ce pilote avait été formé par les
Français. L’officier instructeur était d’ailleurs assez fier du succès de son
élève.
M. Pierre Brana a demandé à M. Georges Martres s’il avait
effectivement envoyé dès les premiers jours d’octobre 1990 des télégrammes
mentionnant la possibilité de massacres à grande échelle.
M. Georges Martres a déclaré ne pas se souvenir s’il avait utilisé
l’expression de “ massacres à grande échelle ” mais qu’il avait attiré
l’attention de ses correspondants sur les risques de violences ethniques.
M. Georges Martres a souligné qu’il s’était constamment demandé
si, en cas de retrait des troupes françaises, des massacres se produiraient. Si
l’on répondait par la négative à cette question, il n’y avait aucune raison que
la France intervînt au Rwanda. Kagame ou Habyarimana, quelle importance ?
Souvent Paris interrogeait son ambassadeur sur les conséquences d’un départ
des forces françaises et M. Georges Martres avait toujours répondu que,
dans cette hypothèse, il y aurait à coup sûr des violences ethniques. Il a
constaté que les événements qui se sont produits après son départ ont validé
a posteriori ses appréciations de l’époque.
M. Guy-Michel Chauveau a demandé quelles étaient les relations
entre la famille du Président Habyarimana et les extrémistes hutus.
M. Georges Martres a estimé que ces relations étaient bien
mystérieuses. L’entourage du Président Habyarimana, appelé l’Akazu, est
souvent décrit comme le noyau de l’extrémisme. Cet Akazu était
prétendument dirigé par le Colonel Sagatwa, secrétaire particulier du
Président et cousin de Mme Habyarimana. Le Colonel Sagatwa a trouvé la
mort dans l’attentat contre l’avion présidentiel. En conséquence, si l’on
admet que ce sont les extrémistes qui ont organisé cet attentat, il faut

également supposer que ceux-ci ont délibérément tué leur chef et certains de
leurs amis.
Le Président Paul Quilès a demandé si la présence du Colonel
Sagatwa dans l’avion présidentiel rendait improbable pour M. Georges
Martres l’hypothèse d’un attentat organisé par les extrémistes hutus.
M. Georges Martres a répondu que tel était son sentiment, sauf si
le Colonel Sagatwa avait trahi la cause des extrémistes. Il s’est dit très
perplexe et impressionné face aux déclarations de M. Filip Reyntjens parlant
de l’utilisation d’un missile français. Il a déclaré qu’en 1994, jamais la thèse
des extrémistes hutus ne lui serait venue à l’esprit. En revanche, il savait que
le FPR possédait, au moins depuis 1990, des lance-missiles anti-aériens -le
FPR avait d’ailleurs abattu en octobre 1990 un avion de l’armée rwandaise
ainsi qu’un hélicoptère rwandais- et des missiles SAM-16, du type de celui
utilisé pour l’attentat, qui ont été retrouvés dans le parc national de
l’Akagera et rapportés par nos militaires en 1990 ou 1991. Par ailleurs, il a
estimé peu probable qu’il y eût, lorsqu’il a quitté le Rwanda, un membre des
FAR sachant utiliser un lance-missiles. La France n’avait jamais accordé ce
type d’assistance à l’armée rwandaise ; elle ne lui avait pas fourni de missile
sol-air puisque le FPR ne disposait d’aucune aviation. Les seuls missiles
donnés par la France furent des engins Milan, sol-sol, qui n’ont d’ailleurs
jamais servi. En conséquence, retenir la responsabilité des extrémistes hutus,
qui avaient déjà bien du mal à tirer au mortier et au canon, reviendrait à
admettre qu’ils aient bénéficié d’une assistance européenne pour l’attentat.
Ce serait là un point crucial à éclaircir.
Selon M. Georges Martres, les responsabilités seraient davantage à
rechercher du côté du FPR qui, somme toute, au terme d’un génocide qui a
fait plus de 850 000 morts, a réussi à revenir au pouvoir.
M. Jean-Bernard Raimond a demandé à M. Georges Martres si,
personnellement, il était en mesure de distinguer un Tutsi d’un Hutu et l’a
interrogé, par ailleurs, sur les autorités qu’il était amené à rencontrer lors de
ses séjours à Paris, en dehors du directeur des Affaires africaines du Quai
d’Orsay, notamment à l’Elysée.
M. Georges Martres a répondu que, dans certains cas, il était
possible de reconnaître des Hutus ou des Tutsis, notamment en raison de la
très grande taille de ces derniers, mais qu’il n’était pas possible pour autant
de se prononcer systématiquement. Il a indiqué qu’avant les événements, le
Rwanda ne suscitant guère d’intérêt, il voyait uniquement des membres de la
direction des Affaires africaines et malgaches ; après les événements, outre
ses correspondants habituels au Quai d’Orsay, il rencontrait à l’Elysée

M. Jean-Christophe Mitterrand puis son successeur, M. Bruno Delaye,
parfois le Secrétaire général du Quai d’Orsay et le Ministre de la
Coopération, mais non le Ministre des Affaires étrangères.
M. Jacques Myard a souhaité savoir si M. Georges Martres avait
éprouvé le besoin de réagir pour démentir les propos tenus par la presse à
son sujet.
M. Georges Martres a estimé qu’il s’était donné pour principe de
n’accorder aucun entretien aux journalistes et de ne pas exercer de droit de
réponse considérant qu’il ne fallait pas tomber dans le piège médiatique et
que mieux valait garder le silence.
M. Jean-Claude Decagny a rappelé que le déploiement de nos
forces en 1990 dans le cadre de l’opération Noroît n’avait fait l’objet,
semble-t-il, d’aucune concertation avec le gouvernement de l’époque et a
demandé si, parmi les quatre compagnies présentes au Rwanda en 1993, des
soldats français avaient participé aux combats. Il s’est étonné que ni le Chef
du Gouvernement, ni le Ministre des Affaires étrangères n’aient été cités
comme ayant rencontré le Président Habyarimana et a souhaité savoir à qui
M. Georges Martres rendait compte des événements qui survenaient au
Rwanda.
M. Georges Martres a déclaré que les forces françaises du
détachement Noroît n’avaient participé à aucun engagement mais que l’on
pouvait toujours s’interroger sur le point de savoir si les assistants
techniques, lorsqu’ils dispensent des formations ou jouent un rôle actif et
proche de conseil de l’état-major, participent aux combats même s’ils ne
combattent pas directement. Nos assistants techniques n’ont pas participé
aux combats en ce sens qu’ils n’ont pas directement combattu mais ils ont
joué un rôle actif de conseil qui peut être considéré comme très proche d’une
participation aux combats.
Il a admis que ni le Ministre des Affaires étrangères, ni le Chef du
Gouvernement n’ont eu la volonté personnelle d’intervenir dans le conflit et
qu’aucune audience ne leur avait été demandée par le Président
Habyarimana. Mais il a précisé que M. Roland Dumas avait rencontré le
Président Habyarimana lorsque celui-ci avait été reçu par le Président
François Mitterrand. Il a indiqué que, très normalement, il avait rendu
compte au Quai d’Orsay de la situation au Rwanda.
M. Michel Voisin a demandé si les troupes du FPR, outre les
militaires ougandais, comportaient des effectifs d’autres nationalités.

M. Georges Martres a dit ne disposer d’aucune preuve, en ce
domaine, même si les services rwandais affirmaient qu’il y avait des
mercenaires parmi les troupes du FPR.
M. Didier Boulaud s’est interrogé sur les missiles sol-air
appartenant au FPR, qui ont été trouvés par des militaires français. Il a
demandé où étaient désormais ces missiles.
M. Georges Martres a affirmé n’avoir vu qu’un seul missile et ne
pas avoir de réponse concernant l’endroit où il se trouve. Il a suggéré de
poser la question aux attachés militaires français et a supposé que ce missile
avait été rendu aux FAR.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024