Fiche du document numéro 5982

Num
5982
Date
Mercredi 4 janvier 2012
Amj
Taille
129318
Titre
Rwanda : Retour sur l’attentat qui fit un million de morts (2)
Nom cité
Source
Type
Blog
Langue
FR
Citation

II. Une batterie de missiles : les Accords d’Arusha



Le Falcon présidentiel approchait de l’aéroport de Kigali et le commandant n’allait pas tarder à demander de boucler sa ceinture, tout en sachant que le président de la République, qu’il savait depuis peu sujet à des crises d’anxiété, n’en ferait qu’à sa tête. Ces derniers temps, Habyarimana ne pouvait plus se défaire de sa peur. Son visage gonflé et sa démarche alourdie témoignaient d’une certaine addiction à l’alcool, peut-être aussi à des antidépresseurs prescrits par son médecin personnel, le docteur Akingénéyé.

Depuis longtemps ça n’allait plus, au physique comme au moral. Dans un conseil restreint tenu à l’Elysée le 3 mars 1993, le ministre de la Coopération Marcel Debarge, qui rentrait du Rwanda, observait : « Le président Habyarimana est désorienté et à bout de souffle ». Dans un climat de déliquescence générale, le Falcon présidentiel s’était mué en une sorte de bulle où le chef de l’Etat rwandais s’efforçait d’oublier ses misères publiques et privées.

Une certaine addiction à l’alcool



La confortable cabine du jet permettait à Habyarimana d’économiser l’effort de cacher à son entourage ses nuits de cauchemars et ses crises d’angoisse : la hantise d’un coup d’Etat, de la perte irrémédiable du pouvoir, ou pire encore, d’un attentat. Au point de ne plus oser s’absenter du pays depuis des mois.

C’avait été un crève-coeur de devoir renoncer à se rendre en décembre 1993 aux obsèques du président de Côte-d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny (quatre-vingt-dix chefs d’Etat dans la basilique de Yamoussoukro). De ne pouvoir s’y entretenir une nouvelle fois avec son protecteur, François Mitterrand. Et de décliner un rendez-vous difficilement négocié avec le nouveau roi des Belges, Albert II. Il aurait pourtant été utile de briser le climat de méfiance qui s’aggravait chaque jour un peu plus avec Bruxelles et le risque de coup d’Etat. Tout allait mal : au même moment se retiraient les derniers militaires français de « l’Opération Noroît ».


Rendez-vous raté



Depuis 1990, le corps expéditionnaire français avaient sauvé le régime, confronté à la rébellion majoritairement tutsie du Front patriotique, et en même temps refroidi les ardeurs des ultras. Mais la paix, même fragile, faite de mensonges de chaque côté, de mémoire blessée, de haine, de faux-semblants et de serments hypocrites était signée. Une paix armée sous contrôle. Dans ce cadre, les Français avaient été remplacés par des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour le Rwanda (MINUAR).

Le général Habyarimana ne se trouvait aucune affinité avec leur chef, le méticuleux, incorruptible et ennuyeux général Roméo Dallaire. « Un empoté », aurait maugréé le président rwandais, un jour d’impatience. Rien à voir avec la chaleureuse empathie des colonels français, leur aversion des Tutsi - l’ennemi intérieur et extérieur - avec qui il fallait dorénavant composer, partager le pouvoir, imaginer l’avenir.

Habyarimana avait pourtant réussi un joli coup : brouiller définitivement le général Dallaire avec son supérieur, l’envoyé spécial extraordinaire du secrétaire général de l’ONU Jacques-Roger Booh-Booh. Habyarimana avait vite repéré l’ego surdimensionné du Camerounais. Trop facile de l’amener à se prendre pour le vice-président du Rwanda.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024