Fiche du document numéro 5136

Num
5136
Date
Jeudi 11 mars 2004
Amj
Taille
34812
Titre
Un rapport accuse Paul Kagamé de la mort de Juvénal Habyarimana
Sous titre
Rwanda. Une enquête judiciaire française met en cause l'actuel président Kagamé dans le crash de l'avion de son prédécesseur.
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Un rapport réalisé dans le cadre de l'enquête française sur l'attentat qui a coûté la vie en 1994 au président rwandais Juvénal Habyarimana met en cause l'actuel président Paul Kagamé, d'après les informations publiées dans son édition d'hier par le quotidien Le Monde. Réalisé par la division nationale antiterroriste (Dnat) sous la responsabilité du juge Jean-Louis Bruguière, qui dirige l'enquête judiciaire ouverte en mars 1998 à la suite du dépôt d'une plainte par la famille d'un pilote français de l'avion, le rapport de 220 pages est daté du 30 janvier mais n'aurait toujours pas été communiqué au parquet de Paris.

Le 6 avril 1994, un Falcon 50 en phase d'atterrissage près de l'aéroport de la capitale rwandaise, Kigali, est atteint par un missile sol-air. Il transportait notamment le président Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira. Cet attentat a été le déclencheur, dès le lendemain, d'un génocide perpétré par les partisans hutus du défunt chef de l'État contre la minorité tutsie et contre les Hutus modérés, qui a coûté la vie à environ 800 000 personnes. Les massacres n'ont pris fin qu'après la victoire militaire du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, en juillet 1994.

L'hypothèse la plus fréquente, défendue notamment par l'ONU, désigne comme auteurs de l'attentat des
extrémistes hutus opposés à un partage du pouvoir avec les Tutsis, un processus auquel s'était rallié Juvénal Habyarimana. Le rapport de la Dnat, qui incriminerait au contraire le FPR, se fonderait notamment sur les témoignages de dissidents exilés de ce parti. Le Monde rapporte qu'un membre du commando a expliqué aux enquêteurs pourquoi le FPR, mouvement rebelle des Tutsis en exil, a pu sacrifier par cet attentat les « Tutsis de l'intérieur », qui seront les victimes des génocidaires. « Les Tutsis de l'intérieur étaient des ennemis potentiels qu'il fallait éliminer au même titre que les Hutus pour prendre le pouvoir », a-t-il affirmé. Selon les policiers
français, l'attentat aurait été commandité par une dizaine d'officiers supérieurs du FPR, l'ex-chef rebelle Paul Kagamé ayant été le principal « décisionnaire » de cette opération.

Paul Kagamé a toujours nié que lui-même ou le FPR aient joué le moindre rôle dans l'attentat. Le rapport n'apporte « aucune preuve nouvelle pour étayer des accusations qui datent au moins du mois de mars 1998 », a affirmé avant-hier à l'Agence France-Presse Servilien Sebasoni, un porte-parole du FPR. Il a estimé que le choix du moment de sa divulgation, alors que Paul Kagamé entamait hier une visite en Belgique, était à mettre sur le compte d'une « animosité entre la France officielle et le Rwanda. »

Le porte-parole du ministère des affaires étrangères français, Hervé Ladsous, s'est refusé hier à tout commentaire. Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, s'est dit étonné que le rapport accuse l'ONU d'avoir caché la boîte noire de l'avion dans lequel le président rwandais a été tué en 1994. Enfin, l'avocat de l'épouse d'un pilote tué dans l'attentat a estimé que le rapport de police était « une des très nombreuses pistes révélées par l'enquête », mais que « d'autres éléments pourraient militer contre ce point de vue ».

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