Fiche du document numéro 442

Num
442
Date
Lundi 2 mai 1994
Amj
Taille
128639
Titre
Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Votre entretien avec M. Léotard le lundi 2 mai. Situation
Tres
Christian Quesnot : « Aux Nations-Unies, la France a dû s'opposer à une condamnation partisane des seules exactions commises par les forces gouvernementales »
Résumé
At the United Nations, France had to oppose a partisan condemnation of the only abuses committed by government forces. However, its partners in the Security Council, concerned about the impact on world public opinion of the images of horror conveyed by the media, wish to promote a regional initiative to impose peace.
Commentaire
In this note to François Mitterrand, General Quesnot alludes to France's diplomatic action to prevent the Security Council from recognizing that genocide is being perpetrated against the Tutsi by the interim Rwandan Government that France supports. "At the United Nations, he writes, France had to oppose a partisan condemnation of the only abuses committed by government forces". Reporting that "the government is well aware of the futility of its efforts in the event of victory of the Tutsi clan which would ruin any chance of democratic evolution and lasting peace in Rwanda and Burundi", he expresses that France is engaged in a racial war against the Tutsi, that they are the enemies of democracy and therefore that their assassins are its defenders.
Type
Note
Langue
FR
Citation
PRÉSIDENCE
DE LA

RÉPUBLIQUE

Le 2 mai 1994

Le General
Chef de L'Etat-Major Particulier

- N O T E -

à l'attention de
Monsieur le Président de la République

av

O B J E T : Votre entretien avec M.Léotard le lundi 2 mai.
Situation.

1. - Ex-Yougoslavie.

Malgré un calme apparent les incidents se sont
multipliés au cours des derniers jours.

A TUZLA, vendredi soir, les chars Léopard du bataillon
nordique ont riposté au canon à un tir serbe. Cet incident, qui
s'est prolongé toute là nuit, constitue la plus importante
riposte terrestre de la Forpronu, par sa durée et par le nombre
de coups échangés. |

A GORAZDE, une patrouille britannique a répondu à des
tirs isolés et tué trois Serbes. Des éléments serbes sont
toujours présents dans la zone des 3 km, sur la rive orientale
äe la Drina. -

Dans le secteur de BRCKO des renforts serbes et
musulmans continuent de faire mouvement.

Enfin en ADRIATIQUE un incident a opposé dimanche matin
des unités serbes et alliées. Les bâtiments serbes avaient été
appelés par un pétrolier maltais, prétendument en difficulté
(voie d'eau provoquée), pour le remorquer vers la côte. Le
commandant du groupe naval allié a contrôlé la situation avec
fermeté. Les unités serbes ont regagné la côte et le pétrolier a
été visité ‘et détourné. Cet incident montre que les Serbes ont
un besoin en carburant et qu'ils ont mis au point une procédure
pour violer l'embargo.

Au plan diplomatique le groupe de contact quadripartite
poursuit ses contacts en Bosnie mais aucun accord de cessez-le-
feu n'est encore en vue.



2. - RWANDA.


Les combats se poursuivent dans l'ensemble du
territoire et les rebelles du F.P.R., bénéficiant
vraisemblablement de l'aide de l'armée ougandaise, progressent
dans l'est et le sud du pays.

L'exode vers la Tanzanie de centaines de milliers de
Hutus fuyant l'avancée des troupes du F.P.R. met à mal leur
image de libérateurs, largement propagée par les Belges et les
Anglo-Saxons.

Aux Nations-unies, la France a du [dû] s'opposer à une condamnation
partisane des seules exactions commises par les forces
gouvernementales. Cependant nos partenaires au Conseil de Sécurité
soucieux de l'impact sur l'opinion publique mondiale
des images d'horreurs véhiculées par les médias, souhaitent
favoriser une initiative régionale pour imposer la
paix.

Mais le F.P.R. qui bénéficie d'un avantage militaire au
moins temporaire, à refusé de se rendre à l'invitation du
président tanzanien à Arusha pour y rencontrer le gouvernement
rwandais intérimaire.

Dans ce contexte, Matignon étudie un plan d'action qui
pourrait comporter trois volets

- une campagne d'information pour rétablir la vérité
sur les événements récents et sur l'action passée et
présente de la France,

- un appui à une solution négociée parrainée par tous
les états de la région et pas seulement les pays anglo-
saxons proches du F.P.R.,

- une aide humanitaire appliquée initialement en
priorité au nord du Burundi.


Mais le gouvernement est bien conscient de l'inutilité de ces efforts
en cas de victoire du clan tutsi qui ruinerait toute chance
d'évolution démocratique et de paix durable au Rwanda et au Burundi.

Commentaire personnel :

Si l'idée générale des accords d'Arusha était bonne, la phase Arusha
III a donné des avantages exorbitants au FPR, en particulier dans le
domaine militaire. Ces avantages étaient et sont inacceptables et
injustes pour la majorité hutu. Le Président Habyarimana, seul
obstacle physique à la prise du pouvoir tutsi a été éliminé, sans
doute par des mercenaires belges recrutés par le
FPR.

L'ampleur des massacres est considérable et sous
prétexte que ce sont seulement des Noirs il n'y a aucune
réaction internationale digne de ce nom. La seule solution
techniquement viable est une intervention militaire des pays
intéressés (France et Belgique ?) limitée dans l'espace et le
temps pour permettre la distribution d'une aide humanitaire qui
pourrit sur place et forcer les parties prenantes à un accord
équilibré.

3. - Burundi.

Le Président intérimaire, protégé et conseillé par nos
assistants militaires techniques, à fait procéder par l'armée
tutsi au désarmement d'une partie des milices extrémistes hutues
dans Bujumburaä.

L'opération s'est déroulée jusqu'ici sans heurts mais
l'ensemble du pays vit dans un état d'extrême tension.

Au nord où on compte plus de 100.000 personnes
déplacées, la situation sanitaire est préoccupante. Une aide
humanitaire française importante est en Cours d'acheminement à
Bujumbura par avion militaire à partir de Bangui et Nairobi.

4. - Votre intervention sur la dissuasion.

M.Léotard souhaitera peut-être aborder avec vous ce
sujet. Il en aura parlé avec le Premier ministre avant votre
entretien.

Général QUESNOT

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