Citation
Jacques Hogard et Charles Onana © DR – captures YouTube
Synthèse réalisée par Jean-François DUPAQUIER à partir des notes d’audience de Survie, Ibuka-France et divers observateurs ou témoins
4e jour du procès de Charles Onana, matin
Jacques Hogard, 69 ans, est l’héritier d’une dynastie de généraux[2]. Il semble pressé de témoigner en faveur de Charles Onana. Après s’être brièvement présenté, il dit ne pas souhaiter faire une déclaration liminaire. Il attend les questions de la présidente et des avocats.
Il faut pourtant dire un mot de son pedigree et de sa découverte du Rwanda à la fin du génocide contre les Tutsi. Deux ans plus tôt, il a été nommé au bureau opérations de l’état-major des troupes françaises stationnées à Djibouti. Nommé lieutenant-colonel l’année suivante (à l’âge de 37 ans), il est appelé à commander un détachement du groupement de Légion étrangère lors de l’opération Turquoise au Rwanda, en 1994[3]. On verra sa photographie dans les médias comme conducteur d’Edouard Balladur au volant d’un gros véhicule de commandement.
Le Premier ministre de l’époque, qui prépare sa candidature à la présidentielle de 1995, cherche à se rendre populaire auprès de l’armée, un puissant lobby représentant au moins 500 000 électeurs. Quoi de mieux qu’un bain de foule dans une opération « militaro humanitaire » exotique ? Avec un chauffeur qui « fera bien » dans les pages de Paris Match ? Le colonel Hogard ne fréquente pas encore les politiciens d’extrême-droite jugeant Marine Le Pen « trop à gauche ».
Jacques Hogard pressé de témoigner
Après le Rwanda, Jacques Hogard avait rejoint l’état-major de la Légion étrangère, puis celui de l’armée de terre française et enfin le commandement des opérations spéciales (COS).
Il ne sera pas général comme son frère, son père et son grand-père. Le colonel Hogard prend sa retraite anticipée en 2000 et fonde la société ÉPÉE (Experts Partenaires pour l’Entreprise à l’Etranger), une entreprise spécialisée en « intelligence stratégique » c’est-à-dire l’espionnage, la toute jeune « réinformation » et la bonne vieille désinformation.
En réponse aux questions, Jacques Hogard assume le livre de Charles Onana et critique de façon acerbe les parties civiles « qui ont attaqué l’armée française ». Il a beaucoup à dire sur « l’agressivité des médias ». Il exprime ses soupçons concernant des officiers anglo-saxons invités par Paris pendant Turquoise.
Répondant à une question sur la négation du génocide des Tutsi, il botte en touche : « Un camp n’est pas meilleur que l’autre dans ce type de conflits, comme dans les Balkans. Ce n’est pas à moi de qualifier ces massacres ».
« Ce n’est pas à moi de qualifier ces massacres »
« Le FPR a commis de crimes et provoqué des incidents en bordure de la zone Turquoise, et on se doute qu’il a dû y infiltrer des agents », ajoute M. Hogard. On comprend que l’ex-colonel est fait pour son bizness : soigner la paranoïa des puissants de ce monde.
A la différence de l’accusé « secondaire » et de son éditeur dans le livre contesté, Jacques Hogard est très attentif au choix de mots durs, mais en apparence politiquement corrects.
Les réponses de l’ancien colonel coulent comme un robinet d’eau tiède. Si lors de cette quatrième journée d’audience, Jacques Hogard choisit ses formulations, il n’en a pas toujours été ainsi. Tournons à l’envers le film Hogard/Rwanda. Le témoin de Charles Onana semble notamment obsédé par les Juifs qui, comme certains s’en persuadent depuis 2 000 ans, sont de tous les complots : « Les personnes qui constituent la colonne vertébrale du système de complot (qui déstabilise le Rwanda et les Rwandais) sont des personnes ayant l’identité juive et ces personnes se trouvent dans les différents pays du monde qui sont en relation avec le Rwanda et l’Afrique », déclare Jacques Hogard en 2009.[4]
Hogard : « La colonne vertébrale du système de complot […] sont des personnes ayant l’identité juive »
En 2020, plus tard, ses certitudes s’étaient encore renforcées : « Je pense que les puissances anglo-saxonnes, et Israël […] on a vraiment, je pense, là, le cœur de l’affrontement – pas dénué non plus d’intentions stratégiques – de mettre ces petits Français qui nous embêtent un peu dans leurs présences africaines, parfois, à ce moment-là en tout cas. On est sorti de la Guerre froide. La Russie n’est pas encore revenue sur la scène africaine. Mais la France y est bien et je pense qu’à l’époque, ça gêne pas mal nos amis britanniques, américains et israéliens. […] Alors aujourd’hui au Rwanda, il y a bien entendu les Etats-Unis, qui sont très présents au Rwanda. Israël, très présent au Rwanda. La Grande-Bretagne, très présente au Rwanda. […] On voit donc l’influence, très forte, anglo-américaine et israélienne au Rwanda aujourd’hui. »[5]
Si ses convictions conspirationnistes et judéophobes sont chevillées au corps et au cœur de Jacques Hogard, pourquoi ne peut-il les répéter devant les juges ?
Dénonciateur de « l’anti-France » et admirateur de Vladimir Poutine
Admirateur de Vladimir Poutine[6] et du gouvernement serbe (qui lui a remis plusieurs médailles[7]), Jacques Hogard est un dénonciateur sourcilleux des menées de ce qu’il appelle « l’anti-France ». Cette anti-France qui s’est permis de dénoncer, avant même la commission Duclert, les responsabilités accablantes de l’Elysée dans le génocide des Tutsi du Rwanda. Jacques Hogard a clairement identifié ces ennemis de l’intérieur :
« Ce sont les idiots utiles, hein. Il faut… forcément des relais, dans l’opinion, dans les médias, tout ce qui est… relais d’influence. Donc, moi je m’interroge par exemple sur la position personnelle de Patrick de Saint-Exupéry[8], de son éditeur Laurent Beccaria. Je vois d’ailleurs que leur position… anti-France et anti-militariste persiste. Il… n’y a qu’à prendre connaissance de la ligne éditoriale des éditions Les Arènes, l’édition de Laurent Beccaria, pour voir que, mise à part son grand-oncle Hélie de Saint-Marc et l’ange de Dien Bien Phu, Geneviève de Galard, qui servent un petit peu de caution à décharge, les… autres titres sont tous des titres finalement d’inspiration… fortement anti-française, anti-patriotique, anti-militariste. Je dirais même jusqu’au dernier livre qui vient de paraître […] Le sort des femmes dans l’armée française. [NDLR : un ouvrage qui dénonce une certaine culture du viol dans l’armée française] Ça procède de la même chose. »[9] Le colonel Jacques Hogard en a la certitude, en 2014, déjà.
Hogard, chantre de la thèse du double génocide
Ces dernières années, Jacques Hogard était le chantre de la thèse du « double génocide » au Rwanda en 1994, c’est-à-dire un massacre à somme nulle. Ce double génocide il l’aurait pratiquement examiné à la loupe. C’est ainsi qu’il déclare en 2019 : « Je crois que c’est le Valeurs actuelles d’août ou septembre 94 – j’ai gardé le numéro – qui en parle le premier. En donnant des noms de lieux, des faits. En fait, l’armée tutsi procède de la manière suivante : on aligne la population hutu les mains liées dans le dos, face contre terre, et on décalotte tout le monde à coup de houe. Ça économise les munitions et c’est plus rapide. Et voilà. Et donc, il y a eu des milliers de victimes innocentes civiles hutu, qui sont tuées parce qu’Hutu. Donc c’est aussi un génocide. »[10]
Pour Jacques Hogard comme pour ses collègues de « France Turquoise », Paul Kagame est l’ennemi absolu : « Sa légitimité vient du fait qu’il se présente comme celui qui a mis fin à l’abomination des massacres, mais aussi comme un membre de l’ethnie victime. En même temps, de manière très cynique, cela lui permettait de faire le nettoyage des Tutsis de l’intérieur, ceux qu’il méprisait pour être restés en 1961 sous la loi de la majorité hutue. Pour lui ses malheureux frères de race de l’intérieur n’étaient en fait que des renégats et des traîtres à la cause et à la grandeur tutsie ! »[11]. Signé Colonel Jacques Hogard, 2008.
Paul Kagame, l’ennemi absolu
« Moi, je ne suis ni pro-Tutsi ni pro-Hutu, je suis pour la vérité. Et donc je pense que le principal obstacle à la vérité aujourd’hui, c’est Paul Kagame lui-même. C’est son système totalitaire » [12] répète Jacques Hogard en 2019.
Voici près de vingt ans, le 17 décembre 2005 précisément, Jacques Hogard avait ouvert et animé un blog sur lequel étaient diffusés des propos furieusement négationnistes sur le génocide des Tutsi. Il l’a fermé en 2007. Sur les conseils d’amis pondérés ? A l’époque, il n’y avait pas de loi punissant la négation du génocide des Tutsi. Heureusement, ce Collector a été capturé avant sa mort programmée. Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, lorsqu’il monte à la tribune de colloques, aime en égrener le best-of. C’est comme appuyer sur le bouton des rires sardoniques de son auditoire.
Au moins la venue de Jacques Hogard rappelle-t-elle qu’ils ont, lui et Charles Onana leurs ronds de serviette dans les mêmes studios de la fachosphère radiophonique et youtubesque. L’interaction entre Charles Onana et l’extrême droite ? Qui manipule qui ? Un vaste sujet, trop vaste pour l’aborder ici. Nous y reviendrons tôt ou tard.
Le témoignage de Me Hamuli Rety
Hamuli Rety, 70 ans, lui aussi cité pour la défense de Charles Onana, succède au colonel Hogard.
Cet avocat congolais proche du président Félix Tshisekedi et ancien président des avocats du TPIR à Arusha (Tanzanie), plaide pour sa paroisse. Il commence par dénoncer les difficultés des avocats de la défense au Tribunal international face au bureau du procureur « qui disposait de gros moyens ». Hamuli Rety livre ensuite une précision intéressante : Charles Onana apportait aux avocats de la défense des documents et des contacts de témoins jugés utiles : « M. Onana a permis à la défense de s’organiser et d’obtenir des acquittements ». Les deux clients de Me Rety André Ntagerura, ancien ministre, et François-Xavier Nzuwonemeye, ancien militaire, ont été acquittés :
« Tous les prévenus voulaient Onana comme témoin-expert mais il a refusé », ajoute l’ancien président des avocats du TPIR. Charles Onana aurait mis Hamuli Rety en contact avec un descendant de la famille royale, dont la famille a été tuée pendant le génocide : « Ce prince tutsi a dénoncé les crimes du FPR et le fait que le TPIR n’a pas apporté la preuve de la planification. Les barrières près de sa maison étaient destinées à la sécurité contre les infiltrés du FPR et non à tuer les Tutsi. La preuve est que lui, reconnaissable comme Tutsi par sa morphologie, car il est grand, a pris son tour de garde sur ces barrières. Sans problèmes. »
Hamuli Rety : « M. Onana a permis à la défense de s’organiser et d’obtenir des acquittements »
L’exposé de Hamuli Rety démontre son adhésion aux thèses de Charles Onana : les témoins du procureur auraient tous menti car c’étaient des prisonniers au Rwanda préparés par Ibuka Rwanda qui leur avait dicté leur déclaration en échange d’amélioration de leur détention. Le mot génocide a été utilisé tôt par le FPR « pour créer un effet comme ça a été fait au Biafra quand la France a voulu justifier son intervention ». Carla Del Ponte n’a jamais pu enquêter sur les crimes du FPR. Kambanda a fait des aveux, c’est son choix personnel, il n’a pas voulu d’avocat [sous entendu : il a fait un mauvais choix].
« Les acquittés sont dans une situation difficile, ils n’ont pas de pays d’accueil malgré mes efforts, et la décision de justice n’est pas respectée : l’OFPRA refuse de les accueillir malgré leur acquittement, et dans les manifestations ou communiqués d’Ibuka ils sont quand même qualifiés de génocidaires », déplore Hamuli Rety en conclusion. Finalement, sa déclaration apparaît davantage comme un plaidoyer pro-domo qu’un soutien explicite aux thèses de Charles Onana.
L’intervention de Marcel Kabanda, président d’Ibuka France
Après une courte suspension d’audience, le président d’Ibuka France, Marcel Kabanda, partie civile, est auditionné. Il commence par présenter Ibuka France :
« Ibuka, c’est la forme impérative du verbe Kwibuka, en français, se souvenir, se rappeler, se remémorer, ne pas oublier. Ibuka veut dire, « souviens-toi ». Ca veut dire beaucoup de choses. Souvent utilisé dans un dialogue à but pédagogique entre parent et enfant. « Jya wibuka ». Ceci veut dire : rappelle-toi de ce que je t’ai dit chaque fois que tu seras dans telle ou telle situation. Se souvenir, se rappeler est une règle de conduite, de bonne conduite. »
Marcel Kabanda poursuit : « L’idée de créer l’association « Ibuka » est née en Belgique en 1994. Aux familles restées au Rwanda et qui étaient en train de disparaître sous les coups de machettes et d’armes à feu, la diaspora constituée de réfugiés tutsi des années 60 et 70, faisaient la promesse qu’on ne les oubliera jamais. En 1995, l’association était formellement constituée au Rwanda sous la forme d’un collectif réunissant plusieurs associations d’aide aux rescapés du génocide. Petit à petit, des associations « Ibuka » ont été constituées dans différents pays de la diaspora. Ibuka France est née en 2002.
« Ibuka, la promesse qu’on ne les oubliera jamais »
« Nous comptons aujourd’hui huit une dizaine d’associations Ibuka en Europe. La petite graine a donné naissance à un arbre qui étend ses branches sur tous les continents.
« Une même sève coule dans les différentes branches, la mémoire du génocide des Tutsi. Ne pas oublier ce qui s’est passé au Rwanda en 1994, un génocide, une entreprise d’extermination planifiée par l’Etat, exécutée par une population mobilisée par les cadres administratifs et politiques, et bénéficiant de l’appui de ses forces de l’ordre et de sécurité. Bien qu’elles poursuivent la même mission, les différentes branches sont indépendantes les unes des autres et fonctionnent de l’ordre juridique du pays dans lequel elles opèrent.
« Les associations d’Ibuka en Europe ont toutefois mis en place une instance de concertation, Ibuka Europe. Il convient de préciser que chacune a ses spécificités en fonction de l’environnement dans lequel elle se trouve. La spécificité d’Ibuka France est son engagement dans le domaine de l’éducation. En cela, nous avons de précieux partenaires : le Mémorial de la Shoah, la Ligue de l’enseignement et les établissements d’enseignement secondaire. Enfin, je dois vous informer que je dois ma présence ici au fait que je suis président de l’Association Ibuka France. Accessoirement, je fais partie de celles et ceux dont les familles ont été emportées par le génocide, ce qui m’a conduit à mener des recherches sur le sujet.
« Un génocide, une entreprise d’extermination planifiée par l’Etat »
Marcel Kabanda poursuit : « Depuis 1990, le pays était en guerre contre une rébellion constituée d’anciens réfugiés contraints de se battre pour recouvrer leur droit à la patrie et au rapatriement. Les plus anciens étaient en exil depuis les années 1959/1960. Une deuxième vague de réfugiés avait eu lieu en 1973. Elle était principalement composée de jeunes. J’y reviendrai.
« Pendant trois ans, de 1990 à 1993, le pays a vécu au rythme de la guerre dans sa partie septentrionale, aux mouvements de revendication de la démocratie à l’intérieur du territoire. Le 4 août 1993, les Rwandais reprennent l’espoir. Une paix négociée entre la rébellion et un gouvernement dirigé par un Premier Ministre de l’opposition intérieure, est signée à Arusha. Les extrémistes le rejettent, crient à la trahison et appellent le peuple à s’opposer à ce qu’il soit mis en œuvre.
« Le 6 avril 1994, après des mois d’atermoiements, le Président Habyarimana meurt dans l’attentat perpétré contre son avion. Un gouvernement intérimaire constitué par les durs de son entourage lance une milice constituée depuis 1992 dans une agression généralisée contre tous les Tutsi, quel que soit leur âge, leur sexe et leur situation sociale. L’administration territoriale est invitée à apporter leur concours à la milice.
« Chez-moi, en commune de Rutsiro… »
Marcel Kabanda : « Chez-moi, en commune de Rutsiro, ouest du Rwanda, loin de Kigali et du front de guerre, les massacres ont débuté le lundi 11 avril. Mon petit frère fut le premier exécuté. Puis ce fut ma mère, avec d’autres infortunés. Elle est brûlée vive dans la salle polyvalente de la commune. Je ne sais ni comment ni où le reste de la famille a été massacré. Mon cas n’a rien d’exceptionnel. Tous les Tutsi ont connu une tragédie familiale semblable. Seules les modalités, les lieux et les moments ont été différents. Les jeunes filles et les femmes ont été violées et/ou mutilées. Nombre d’entre elles ont dû élever les enfants nés dans ces conditions. D’autres ont été contaminées par le virus du sida. En moins de trois mois, plus d’un million de Tutsi ont été assassinés et jetés dans des fosses communes plus ou moins hâtivement recouvertes.
« Le premier objectif de notre association est de faire en sorte que cela ne soit pas oublié. En décidant de les détruire en raison de ce qu’ils étaient censés incarnés, les assassins ont cherché à les sortir de la communauté humaine. Ils appelaient cela « travailler ». Leur travail consister à extraire de la société rwandaise ce qu’ils considéraient comme une mauvaise race. Nous espérons par un acte de mémoire et d’hommage, les « réhabiliter », leur réintégrer dans l’univers des humains. Nous disons qu’ils ont existé et qu’ils ont été assassinés pour ce qu’ils étaient. C’est un acte de justice posthume.
« Ils ont été assassinés pour ce qu’ils étaient… »
Marcel Kabanda explique : « La promesse est difficile à tenir et cela pour au moins deux raisons. La première tient à l’état de nos forces. Le génocide ne s’arrête pas à la fin des tueries. Il se poursuit dans les cœurs et les corps des survivants. Beaucoup portent les blessures visibles et/ou invisibles qui affectent durablement leur capacité de penser et d’agir.
« La deuxième raison tient au phénomène qui caractérise tous les génocides, le déni récurrent. Il est présent dans tout le processus génocidaire, depuis quasiment l’émergence de la pensée elle-même. Il est l’élément structurant du discours de mobilisation en vue d’une entreprise de destruction du groupe. Les auteurs des génocides commencent par accuser les futures victimes de nourrir des projets criminels. Puis, au moment des tueries, l’euphémisation du langage s’ajoute au recours continu à la stratégie de la propagande en miroir. Les génocidaires rwandais parlent du « travail » et désignent les victimes comme « cancrelats » et « serpents » accusés de vouloir exterminer les Hutu.
Ce sont les rencontres de la vie et la recherche historique qui m’ont appris le Rwanda des années 1960 à 1994. J’avais cinq ans lorsque ma famille a été expropriée de ses biens, le bétail et les champs. Le bétail a été en partie volé, en partie abattu dans l’enclos, puis débité en quartier que les voisins se sont partagés devant le regard effondré de mon père.
« J’avais 5 ans lorsque ma famille a été expropriée »
Marcel Kabanda : « J’ai vu comment, un matin, très tôt, des hommes ont effectué des mesures de notre propriété, ont planté des piquets et se sont partagé les terres, laissant à ma famille une petite parcelle avec l’obligation de payer régulièrement un tribut pour avoir le droit d’en conserver l’usage. A l’époque, deux de mes oncles qui avaient travaillé pour l’administration coloniale ont été particulièrement persécutés. L’un s’est enfui au Congo. L’autre a été déporté au Bugesera (Nyamata). Sur les collines, deux chansons égayaient les soirées festives :
« Nta mututsi numwe wigeza akonda ishyamba, icyo bari bazi baje ari abashumba » (Aucun Tutsi n’a participé à la déforestation, ils ne faisaient qu’une chose, ils sont venus derrière leurs troupeaux de vaches).
Abatutsi bose bazajya i Nyamata, akazasigara tuzagapfakaza. Abagore babo tuzabarongora, abagabo babo tuzabashahura. (Tous les Tutsi iront à Nyamata, celui qui restera on le tuera. Leurs femmes on les épousera. Leurs hommes on les émasculera). »
« C’est à l’école, à mes dépens, que j’en ai appris davantage sur la condition des Tutsi au Rwanda. A partir de la classe de 4e, l’équivalent du CM1, j’ai observé pour la première fois les manifestations de la violence d’Etat exercée sur les Tutsi. Régulièrement, nos instituteurs tutsi étaient arrêtés. Ils revenaient après plusieurs jours, rasés, amaigris, changés, portant le masque de l’humiliation et de la peur. Pendant leur absence, les quelques instituteurs hutu passaient d’une classe à l’autre, plus pour maintenir l’’ordre que pour enseigner.
« Régulièrement nos instituteurs tutsi étaient arrêtés »
Marcel Kabanda continue : « Je me souviens qu’en classe de 6è j’étais personnellement chargé de veiller à l’entrée à l’heure en classe et d’écrire au tableau noir la leçon préparée par un instituteur d’une clase équivalente. J’écrivais et effaçais aussitôt. Je n’avais pas le temps de prendre des notes. J’ai appris à cette époque à utiliser la mémoire des mains. J’écris quand je veux retenir.
« Enfin, je me souviens de l’année 1973, lorsque nous avons été chassés de l’école par nos camarades de classe, uniquement parce que nous étions tutsi. Je suis d’abord retourné à la maison. Très vite, la campagne s’est embrasée. Les maisons des Tutsi ont flambé. Ma famille a été harcelée. Les voisins hutu m’accusaient d’être un perturbateur de l’ordre public. Plus pour moi que pour eux, mes parents m’ont convaincu qu’il fallait que je parte. Je me suis réfugié au Burundi. Lorsque le général Habyarimana a pris le pouvoir en juillet 1993, nous avons pensé qu’il allait nous rappeler. Ce ne fut pas le cas. Je n’étais plus au Rwanda lorsque ma famille a été assassinée en avril 1994.
« C’est uniquement sur la base de mes recherches que je sais ce qui se passait au Rwanda entre 1973 et 1994. J’ai appris plus tard la pratique des quotas ethniques comme moyen d’exclusion des Tutsi de l’éducation et des emplois. J’ai appris comment le gouvernement de Habyarimana a refusé d’accueillir des réfugiés tutsi renvoyés par l’Ouganda dans les années 1980.
« J’ai appris plus tard la pratique des quotas ethniques »
Marcel Kabanda poursuit : « Plus tard, j’ai étudié la production éditoriale des médias au Rwanda entre 1990 et 1994. J’ai constaté le corollaire entre discours de haine diffusé dans les médias, le positionnement des autorités officielles et les pogromes commis contre les Tutsi. Il y avait une logique et une cohérence : le Tutsi est présenté comme un ennemi, une menace existentielle pour les Hutu. Il fallait qu’il disparaisse.
« C’est bien cela qui était poursuivi dans la campagne de meurtres entre avril et juillet 1994. Par le biais de plusieurs procès, le TPIR et devant autres tribunaux, il ne fait plus de doute qu’au Rwanda les Tutsi ont fait l’objet d’un génocide. Juste un rappel, ce mot est revenu au moins trois fois dans l’histoire du Rwanda : 1963/64, 1993, dans le rapport d’une commission d’enquête internationale impliquant les associations de défense des droits de l’homme . Et en août de la même année dans le rapport d’enquête du rapporteur spécial des Nations unies, M. Bacre Ndiaye.
« Parler des alertes de génocide ne relève pas d’une escroquerie. Le mettre en doute, le banaliser ou le nier relève du négationnisme. C’est un délit et c’est à ce titre que nous nous sommes joints à la plainte contre M. Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx, pour le livre « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise ».
Le témoignage de Jean-François Dupaquier
Jean-François Dupaquier est invité par la présidente à déclarer son état civil et à jurer de dire toute la vérité. Il est journaliste et écrivain. Il explique qu’il connait la région des Grands Lacs depuis 1971, d’abord comme coopérant au Burundi jusqu’en juillet 1973, puis dans le cadre de missions pour Reporters sans Frontières, de reportage, de voyages privés. « Au total, j’ai passé entre cinq et six ans de ma vie en partie au Burundi, surtout au Rwanda ». Il a été cité par Ibuka France.
A la demande de la présidente, Jean-François Dupaquier commence ensuite sa déclaration.
« J’ai lu des centaines de livres sur le génocide et tous les ouvrages de Monsieur Onana, dont Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise – Quand les archives parlent. J’ai lu aussi intégralement sa thèse, dont je reparlerai. M. Onana nie plus ou moins insidieusement la réalité d’un génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994.
Il déclare ainsi page 195 : « Lorsque le procureur (du TPIR) s’est trouvé en difficulté de fournir des preuves et de la planification et du génocide, il a préféré recourir à l’artifice du « constat judiciaire » » plutôt que de mettre sur la table des pièces à conviction » (p. 195).
« M. Onana nie plus ou moins insidieusement la réalité d’un génocide contre les Tutsi du Rwanda »
Jean-François Dupaquier note : « M. Onana insinue à plusieurs reprises que le procureur n’avait pas de pièces à conviction de la réalité du génocide contre les Tutsi.
« J’ai fréquenté le Tribunal Pénal International pour le Rwanda comme témoin-expert pour le TPIR dans le « Procès des Médias » en 2001-2002, puis comme consultant, enfin voici trois ans dans le procès de Félicien Kabuga surnommé « le financier du génocide », procès interrompu en raison de la vieillesse de l’accusé. Bien que M. Onana s’exprime avec une confondante assurance, j’apporte un démenti formel à ses assertions.
Le 16 juin 2006, pour la première fois, la Chambre d’appel du TPIR a dressé le constat judiciaire du génocide perpétré contre le groupe ethnique tutsi au Rwanda en 1994. Le génocide est ainsi reconnu comme un fait établi et incontestable. Ce constat est prononcé non pas par un procureur comme l’insinue M. Onana, mais par les magistrats internationaux professionnels et indépendants à l’occasion d’un procès où, une fois encore, l’accusé a prétendu qu’on devait commencer par prouver l’existence du génocide des Tutsi du Rwanda. Le TPIR a été institué en 1994 par une résolution des Nations-Unies. Douze ans plus tard, les magistrats étaient exaspérés de devoir commencer chaque procès en perdant des semaines ou des mois dans les arguties négationnistes répétitives. Comme le temps nous est compté Madame la Présidente, je propose de ne pas citer le détail du Constat judiciaire.[14]
Madame la Présidente l’en remercie.
« Le dispositif du constat judiciaire du 18 juin 2006 »
Jean-François Dupaquier reprend : « Si je souhaitais citer le dispositif du Constat judiciaire du 16 juin 2006, c’est que la justice internationale a invalidé ici par avance, de façon définitive voici dix-huit ans, une large part des thèses négationnistes de M. Onana.
« Venons-en à la page 190, M. Onana affirme que la validation du mot génocide « ne sera jamais soumise à l’avis des magistrats professionnels ni à la consultation d’une quelconque juridiction internationale ».
« Que répondre à ces propos insensés ? Je pense en particulier à un magistrat français, Olivier Leurent, particulièrement estimé dans la magistrature. Ce grand professionnel, comme président de la cour d’assises, a été appelé à juger le capitaine Pascal Simbikangwa, dans le premier procès pour génocide en France. Dans un communiqué annexé au verdict, il soulignait en 2015 l’évidence du génocide[15].
« Que répondre à ces propos insensés ? »
Jean-François Dupaquier : « Toutes ces avancées judiciaires, cette jurisprudence, le « scientifique » Monsieur Onana n’en a cure. Il n’a même pas été valider sur internet ses informations. J’ai encore vérifié ce matin même : en « googelisant » « Constat judiciaire, TPIR », il faut moins d’une seconde pour accéder aux informations essentielles.
« Notamment celle-ci : le 17 avril 2009, le site Justice Info, composé de journalistes professionnels spécialistes des génocides et de la violence de masse, écrivait : « Le constat judiciaire, pratique courante devant le TPIR, a notamment pour but l’économie judiciaire. Il permet en effet au Procureur de ne plus devoir apporter la preuve de faits qui sont considérés comme étant de « notoriété publique », les procédures peuvent de ce fait être plus rapides. Alors que le procès d’Augustin Ngirabatware doit être terminé pour la fin de cette année, cette décision est la bienvenue. »[16]
« Nous avons vérifié qu’il faut une poignée de secondes sur internet pour avoir accès à toutes les information sur le « constat judiciaire » de 2006, son contexte et sa signification. Mais la méthodologie prétendument « scientifique » de M. Onana ne va pas jusqu’à ce genre de vérifications.
« Ces avancées judiciaires, le « scientifique » Monsieur Onana n’en a cure »
Jean-François Dupaquier insiste : « Revenons à présent sur la prétendue inexistence d’une conspiration pour commettre un génocide contre les Tutsi du Rwanda, seconde thèse centrale de M. Onana dans son dernier livre.
« Monsieur Onana répète cette thèse de façon lancinante. Contentons-nous de la page 198 : « La thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un “génocide” au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle ».
« La prétendue inexistence d’une conspiration pour commettre un génocide »
Jean-François Dupaquier : « L’analyse de la propagande extrémiste précédant le génocide, tant dans les périodiques écrits que par voie de tracts, de discours, de conférences, de diffusion de caricatures, d’émissions de radio, de témoignages de repentis, a démontré l’existence de cette conspiration. Notre expertise menée sous la direction de l’historien Jean-Pierre Chrétien, a convaincu le tribunal international de condamner l’accusé principal Ferdinand Nahimana en 2003 à la prison à vie pour génocide, complicité de génocide, entente en vue de commettre le génocide. Si en appel sa peine a été réduite et l’accusation de conspiration abandonnée, je l’expliquerai dans quelques instants.
« Plusieurs accusés ont été condamnés définitivement par le TPIR pour entente en vue de commettre le génocide.
« Ce fut le cas de Pauline Nyiramasuhuko, ministre de la Promotion féminine et de la Famille, condamnée à la prison à perpétuité le 24 juin 2011 pour génocide, crimes contre l’humanité et pour s’être entendue avec des membres du gouvernement intérimaire en vue de tuer les Tutsi dans la préfecture de Butare.
« Plusieurs accusés ont été condamnés définitivement pour entente en vue de commettre le génocide »
Jean-François Dupaquier: « Si Monsieur Onana était le « scientifique » qu’il prétend, il aurait facilement trouvé le § 3521 de l’arrêt Nyiramasuhuko et co-accusés.
« Le ministre Eliézer Niyitegeka a également été déclaré coupable d’entente en vue de commettre le génocide par la chambre de 1ere instance du TPIR en mai 2003 et lui aussi condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Son appel a été intégralement rejeté.
« Ce fut aussi le cas du premier ministre du gouvernement génocidaire Jean Kambanda, qui malgré une procédure de « plaider coupable » a été condamné à la prison à vie pour génocide, entente en vue de commettre le génocide le 4 septembre 1998, peine intégralement confirmée en appel.
« Toutes ces personnes vraisemblablement, mourront en prison car le tribunal international ne badine pas avec l’incrimination « entente en vue de commettre le génocide » et n’a jamais accordé de remise de peine à cette catégorie de condamnés.
« Voici la réalité de ce que M. Onana appelle « l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle ». »
Voici la réalité de ce que M. Onana appelle « l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle »
Jean-François Dupaquier précise : « Malgré sa prétention à une « démarche scientifique », le déni de M. Onana est sans fondement. Cependant il a raison de signaler que certains des principaux accusés ont échappé à cette incrimination, comme Théoneste Bagosora, surnommé « Colonel Apocalypse » et considéré comme l’architecte du génocide.
« Les magistrats du TPIR, dans une procédure judiciaire anglo-saxonne dite « Common law », sont privés du droit à ce que nous appelons « l’intime conviction ». Ils ne doivent retenir un chef d’incrimination que « au delà de tout doute raisonnable ». Or la machine génocidaire, fonctionnant comme une Mafia, a laissé très peu de traces écrites. Vous savez que ce problème de « l’entente en vue de commettre le génocide » a agité le monde judiciaire, journalistique et historique à la fin de la Seconde guerre mondiale. On a vainement cherché un ordre d’Hitler d’exterminer les Juifs.
« Surtout, au Conseil de sécurité des Nations unies, lors de la création du TPIR, le représentant de la France a exigé que le mandat du Tribunal ne s’étende prorata temporis que du 1er janvier au 31 décembre 1994. C’est ce que les avocats de Ferdinand Nahimana ont rappelé – tardivement. La chambre d’appel leur a donné raison en invalidant toute la partie de notre expertise portant sur des évènements, des écrits et des témoignages de la période entre 1990 et 1993. Voici le résultat de l’action de l’Elysée de François Mitterrand : la sanction internationale de l’entente en vue de commettre le génocide a été rendue presque impossible !
« Son négationnisme prétendument « scientifique » appliqué à la Shoah serait jugé insupportable »
Jean-François Dupaquier : « Parlons à présent de la Shoah.
« M. Onana semble conscient que son négationnisme prétendument « scientifique » appliqué à la Shoah serait jugé insupportable. C’est pourquoi il récuse inlassablement toute analogie entre l’extermination des Juifs du Rwanda et la Shoah, malgré tous les spécialistes soutenus par le Mémorial de la Shoah à Paris, et toutes leurs publications. Il dénonce par exemple la critique des rares universitaires qui se rapprochent de certaines de ses thèses.
Je cite page 34 : « L’arme de destruction massive qui a été trouvée pour disqualifier ou pour discréditer le travail des chercheurs américains est de les traiter de « révisionnistes » ou de « négationnistes », un vocabulaire réservé en général aux auteurs qui nient l’holocauste des Juifs et que certains veulent étendre abusivement et maladroitement à la tragédie rwandaise. Le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs ».
Onana : « Le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs ».
Jean-François Dupaquier ajoute : « Il n’est pas illégitime de se demander ce qui est comparable ou différent dans des génocides. Mais qu’est ce qui permet à M. Onana, dans une démarche prétendument scientifique, de s’interdire de confronter deux opinions ? Par exemple d’interroger le Mémorial de la Shoah à Paris, très sensible au génocide commis contre les Tutsi ?
« Banaliser le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 est l’objet d’affirmation aussi péremptoires que répétitives. Par exemple page 409 : « Est-ce le « génocide » ou la conquête du pouvoir par les armes, qu’est-ce qui est la cause des massacres en 1994 au Rwanda ? […] Autrement dit, le « génocide » n’est pas le cœur du sujet et n’explique finalement rien ».
« Le « génocide » entre guillemets des Tutsi du Rwanda serait-il donc un « détail de l’histoire » ? On se souvient des propos provocateurs similaires de Jean-Marie Le Pen le 3 septembre 1987. Le président du Front national, interrogé sur l’utilisation par les nazis de chambres à gaz répond : « Je n’ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. » Il réitère ses propos à plusieurs reprises, notamment en séance au Parlement européen le 25 mars 2009.
« Le « génocide » entre guillemets des Tutsi du Rwanda serait-il donc un « détail de l’histoire » ? »
Jean-François Dupaquier : « Malgré les excuses verbales de Jean-Marie Le Pen, le 18 mars 1991 la cour d’appel de Versailles le condamne à verser un total de près d’1,2 million de francs aux associations parties civiles pour banalisation de crimes contre l’humanité et « consentement à l’horrible ». Soit, en tenant compte de l’inflation, environ 500 000 euros d’aujourd’hui. Lorsqu’il réitère ses propos, il est de nouveau condamné.
« Comme dans ses livres précédents, différents procédés littéraires sont utilisés par Monsieur Onana pour banaliser le génocide des Tutsi. Ainsi, il met systématiquement le mot « génocide » entre guillemets ou euphémise l’événement dans des termes tels que « les événements tragiques », « les affrontements armés », « la guerre civile », « la reprise des hostilités », « les massacres dits interethniques », « la conflictualité hutu/tutsi », « la contre-révolution », la « folie meurtrière », « le calvaire des Rwandais », « les affrontements », etc.
« M. Onana fait preuve d’une grande créativité qui lui permet d’épuiser le stock des synonymes et des antiphrases. Il y a pourtant une expression qui doit nous alerter : ses multiples dénonciations de « l’histoire officielle ». De Maurice Bardèche à Robert Faurisson, c’est l’expression favorite des négationnistes. De tous les négationnistes. On attend toujours de savoir ce qu’est « l’histoire officielle » !
La jurisprudence Le Pen
Le témoin cité par Ibuka : « Revenons sur le conspirationnisme, également un marqueur du négationnisme. M. Onana écrit page 190 : « Pour ne pas avoir à s’exposer à la moindre réflexion ou à des questions embarrassantes, les États-Unis valident ainsi, sans la moindre réserve et très officiellement, la demande pressante du FPR de retenir le mot “génocide” ou de qualifier comme tel les massacres du Rwanda. Ce terme est donc retenu sans examen ni enquête préalable. Sa validation ne sera jamais soumise à l’avis des magistrats professionnels ni à la consultation d’une quelconque juridiction internationale. C’est la volonté du FPR et la décision d’un secrétaire d’État américain qui ont conduit à parler de “génocide” au sein des Nations unies et principalement au Conseil de sécurité. »
« On reste interloqué devant une telle série de contre-vérités. Nous n’allons pas rappeler ici comment le mot « génocide » s’est imposé dès le mois d’avril 1994 dans les médias, à travers les alertes des ONG puis dans le monde politique. Quand au soi-disant manque de validation du mot génocide par des « magistrats professionnels », nous avons déjà vu ce qu’il en était.
« Dans son livre, Monsieur Onana aime faire la leçon aux universitaires, aux chercheurs de toutes disciplines, aux journalistes, aux organisations de défense des droits de l’Homme qui ont analysé le génocide des Tutsi du Rwanda. Il décrète que leur démarche n’est pas « scientifique ». Que penser du caractère « scientifique » du négationnisme de M. Onana ?
« On reste interloqué devant une telle série de contre-vérités »
Jean-François Dupaquier : « Je vais poser une question stupide. Stupide, car je connais la réponse : combien de temps M. Onana a-t-il passé au Rwanda pour écrire sept livres et tant d’articles sur le Rwanda ?
« Selon mes informations, M. Onana n‘a jamais mis les pieds au Rwanda. Encore une preuve de la qualité « scientifique » de sa démarche.
« J’en viens à présent à la dernière partie de mon intervention : dans quelle catégorie de négationnistes se range M. Onana ? Quelle est la base idéologique et la traçabilité de son négationnisme ?
« Selon mes informations, M. Onana n’a jamais mis les pieds au Rwanda »
« Depuis plus de vingt ans les écrits négationnistes de Charles Onana visant le génocide des Tutsi du Rwanda ne cessent de gagner en radicalité. Pourquoi ? Nous n’avons pas le temps d’explorer les racines communes du génocide et du négationnisme. Pour le comprendre, je vous propose de réfléchir à l’épidémie de Covid 19.
« Le virus est cultivé dans un laboratoire jusqu’à ce qu’il s’en échappe et tue une grande quantité de personnes. On invente des vaccins mais le virus, très contagieux, mute et menace encore.
« Pour le génocide, c’est un peu pareil. On cultive le virus de la haine raciale dans un laboratoire. A force d’inventivité de propagande, une souche semble mortifère. Alors on libère le virus de la haine « raciale ». Il tue entre 800 000 et un million de Tutsi et de Hutu démocrates – je n’aime pas l’expression « Hutu modéré ». Les génocidaires sont battus, les morts s’arrêtent, mais le virus, toujours très contagieux, mute. Le génocide est passé mais le négationnisme en assure la poursuite par les mots de haine et les discours de confusion.
« Kangura, le Mein Kampf rwandais »
Jean-François Dupaquier explique : « J’ai une photographie, ou plutôt une photocopie de ce laboratoire du virus de la haine (L’intervenant montre un fac-simile du numéro de Kangura n°6). Madame la Présidente, je vous propose de vous le remettre. Il contient un article important, « Les Dix commandements du Hutu », ce que j’appelle « le Mein Kampf rwandais ».
« Au Rwanda, depuis la « Révolution sociale de 1959 et les premiers massacres de Tutsi flottait insidieusement le fantasme de leur extermination. Ce fantasme a été publiquement transformé en corpus idéologique en décembre 1990 avec la diffusion au Rwanda des « Dix commandements ». Tous les éléments du racisme anti-tutsi y sont résumés, d’où mon appellation de petit Mein Kampf rwandais. Avec une mention particulière pour le racisme de genre. Sur les dix articles de ces « Commandements », les trois premiers concernent les femmes tutsi, globalement essentialisées et vilipendées. Permettez-moi de vous en donner lecture en français, ça ne prendra qu’une poignée de secondes :
Tout Hutu doit savoir que toute femme tutsi où qu’elle soit, travaille à la solde de son ethnie tutsi. Par conséquent, est traître tout Hutu
-qui épouse une femme tutsi ;
-qui fait d’une femme tutsi sa concubine ;
-qui fait d’une femme tutsi sa secrétaire ou sa protégée.
Tout Hutu doit savoir que nos filles hutu sont plus dignes et plus consciencieuses dans leur rôle de femme, d’épouse et de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes secrétaires et plus honnêtes !
Femmes hutu, soyez vigilantes et ramenez vos maris, vos frères, et vos fils à la raison. »
Un des articles suivants énonce : « Les Hutu doivent cesser d’avoir pitié des Tutsi ».
« Dans ce court texte de 357 mots, les Tutsi sont essentialisés en tant que « race » »
Jean-François Dupaquier : « Dans ce court texte de 357 mots, les Tutsi sont essentialisés en tant que « race » avec toujours les mêmes accusations de rapacité, de malhonnêteté, de volonté de domination, de culture du mensonge. Ainsi, le patrimoine génétique supposé de la soi-disant « race » tutsi s’accompagnerait de caractères somatiques qui en feraient des personnes foncièrement dangereuses et irrécupérables. Comme les Juifs dans l’Europe nazifiée ou les Arméniens en Turquie.
« La société rwandaise de cette époque était marquée par la violence patriarcale et une misogynie générale, dont les filles et femmes tutsi constituaient la cible privilégiée. Aussi la propagande répétant que toutes les femmes et filles tutsi trahissaient la société « à la solde de leur ethnie » eut un grand impact.
« Les « Dix commandements » ont initié près de quatre ans de propagande acharnée. Ils été repris sous forme de tracts. Ils ont été illustrés par des caricatures obscènes ou carrément pornographiques de femmes à la morphologie réputée tutsi représentées comme des prostituées, caricatures elles-mêmes distribuées sous forme de tracts. Et cette campagne contre les femmes tutsi fut encore amplifiée par la radio RTLM à partir de la fin-1993.
« La propagande répétant que toutes les femmes et filles tutsi trahissaient la société « à la solde de leur ethnie » eut un grand impact »
Jean-François Dupaquier précise : « Le résultat a été effrayant. Durant le génocide, d’innombrables filles et femmes tutsi ont subi un sort atroce : d’abord exhibées nues dans les rues au milieu des cris et des ricanements, victimes de viols collectifs, parfois empalées, brûlées vives ou enterrées vivantes. Les atrocités massives contre les femmes tutsi ont constitué en 1994 quelque chose de pratiquement inconnu des autres génocides du XXe siècle.
Oui, le martyr des femmes tutsi constitue la grande singularité du génocide des Tutsi. Rien de tel dans la Shoah. Durant le génocide des Arméniens de Turquie, on voyait des Turcs arracher les plus belles femmes des convois de la mort, pour en faire leurs épouses.
« Cette tragédie dans la tragédie a été largement documentée dès le premier procès devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, celui du bourgmestre Jean-Paul Akayesu entre 1997 et 1998.
« Il y a lieu de s’interroger : comment M. Onana pourrait-il ignorer le martyre des femmes tutsi pendant le génocide et les ravages de la haine conspirationniste, raciste et genrée, dont il se fait à son tour le propagandiste longtemps après le génocide ?
« Comment M. Onana pourrait-il ignorer le martyre des femmes tutsi pendant le génocide ? »
Jean-François Dupaquier rappelle : « Dans son livre « Ces Tueurs Tutsi au cœur de la tragédie congolaise » auto-publié en 2009, c’est-à-dire quinze ans après le génocide des Tutsi, M. Onana écrit page 99 : « Le dispositif central de leur stratégie de conquête des Occidentaux est la femme tutsi. C’est leur arme de destruction massive. Elle détruit les diplomates belges, allemands, américains, britanniques, français, suisses… des hommes politiques, des hommes d’affaires, et même des Hutu. […] Ces demoiselles à la jalousie invisible sont chargées de traquer les cibles occidentales pour les besoins de la cause tutsi. Ce sont des missiles à tête chercheuse qui peuvent être, soit des prostituées de luxe, soit des agents de renseignement, soit des commandos de la mort par empoisonnement soit, simplement, des femmes ordinaires. Elles utilisent leur charme pour faire triompher le tutsime. Elles opèrent partout où l’idéologie tutsi mérite d’être défendue. Elles sont, à ce titre, envoyées pour séduire leurs victimes mais aussi pour neutraliser ou liquider leurs ennemis. Elles sont des « hirondelles » formées comme des monstres froids dans des missions clandestines et parfois meurtrières ».
« De livre en livre, Charles Onana pousse ses lecteurs à croire que si des Tutsi ont été exterminés au Rwanda en 1994, c’est de leur faute. Et s’il faut parler de massacres massifs, les Tutsi en sont les coupables et, on l’aura compris, les femmes tutsi ont une lourde part de responsabilité.
Onana : « La femme tutsi est leur arme de destruction massive »
Jean-François Dupaquier : « Dans son livre « Le patron de Dallaire parle », sous-titré « Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda » (Ed. Duboiris, 2005), M. Onana a une théorie sur l’échec de l’ONU. Ce n’est pas parce qu’elle a retiré du Rwanda presque tous les Casques bleus que la communauté internationale s’est déshonorée. C’est, écrit-il (en quatrième de couverture), car « cédant facilement aux avances de femmes rwandaises, Dallaire a carrément choisi son camp en contribuant secrètement à la victoire des rebelles tutsi contre l’armée hutu ».
« Monsieur Onana précise page 120 : « Les membres du FPR ont cherché les faiblesses de leur interlocuteur et sa propension à succomber à ses fameux « cadeaux » c’est-à-dire les jeunes femmes tutsi ». Il ajoute page suivante que Dallaire « était leur sous-marin au sein de la MINUAR avec, semble-t-il une Tutsi sous son toit ».
« La reprise d’un ragot ? Une belle explication « scientifique » !
Onana : « Dallaire avait semble-t-il une Tutsi sous son toit »
Jean-François Dupaquier ajoute : « Dans le livre « Les secrets de la Justice internationale » paru en 2005, Charles Onana écrit page 332 à propos des familles qui demandent justice en France contre les suspects de génocide réfugiés dans notre pays. Je cite : « La particularité de ce réseau est qu’il est constitué de Français ayant des compagnes ou des épouses tutsi. Une vieille technique que les criminels de l’APR utilisent pour recruter leurs partisans. D’après plusieurs hauts responsables rwandais et zaïrois, l’APR a toujours utilisé les femmes tutsi soit comme des agents de propagande, soit comme des agents de renseignement de l’APR. Ce sont parfois des prostituées de luxe qui opèrent auprès de personnalités influentes pour des raisons politiques et financières. Elles sont chargées de manipuler leur compagnon ou leur mari pour servir la cause de l’APR. Les victimes de cette méthode ont toujours été des Occidentaux (Américains, Belges, Français et quelques Allemands), des Hutu et des Zaïrois. »
« Je pourrais vous citer d’autres passages tout aussi significatifs des livres de M. Onana, mais je m’arrête là car le temps m’est compté.
« Ni le résultat de cette propagande extrémiste, ni le martyre des femmes et filles tutsi ni l’extermination des trois-quarts de la population tutsi n’ont amené M. Onana à adopter des expressions prudentes. Au contraire il a multiplié les assertions sur une sorte de prédisposition génétique des femmes tutsi à la prostitution à des fins politiques.
« Tout ceci fait de M. Onana ce que j’appellerai un négationniste intégral »
Jean-François Dupaquier conclut : « C’est à mon avis, la singularité de M. Charles Onana parmi les nombreux négationnistes occidentaux du génocide des Tutsi du Rwanda. Depuis le décès de son maître à penser, le polémiste Pierre Péan, dont je rappelle qu’il signait la préface du livre que je vous ai cité « Les secrets de la justice internationale », Monsieur Onana est le seul négationniste occidental à reprendre à son compte l’intégralité de l’argumentaire raciste et misogyne des « 10 commandements du Hutu », ce texte dont on ne peut méconnaître la violence autoréalisatrice, un texte fondateur de l’idéologie du génocide.
« Tout ceci fait de M. Onana ce que j’appellerai un négationniste intégral.
« Je vous remercie. »
La présidente n’a pas de questions à poser. Les avocats des parties civiles non plus.
Me Emmanuel Pire, l’avocat de M. Onana demande à Jean-François Dupaquier des explications sur l’expression « les massacres dits interethniques » qu’il a présentée comme une tentative d’euphémiser le génocide.
« Hutu et Tutsi sont des groupes socio-politiques, ni plus, ni moins »
Jean-François Dupaquier répond que tout est faux dans cette expression. Il ne s’agissait pas de massacres. Par ailleurs il n’y a pas plus d’ethnies que de « races » au Rwanda. « Une ethnie est un groupe humain caractérisé par sa langue, par sa culture. Rien de tel au Rwanda. Hutu et Tutsi sont des groupes socio-politiques, ni plus, ni moins ».
L’avocat demande si l’intervenant aurait un autre mot pour parler des « massacres dits interethniques ».
Jean-François Dupaquier répond qu’il ne voit qu’un seul mot : « le génocide des Tutsi ».
L’avocat de M. Onana demande à Jean-François Dupaquier s’il connait l’épistémologie, et si celle-ci pourrait aider à expliquer le livre de M. Onana.
« Pensons à l’obsession, après la Seconde Guerre mondiale, de trouver un document signé Hitler ordonnant l’extermination des Juifs. Il n’y en a pas.
Jean-François Dupaquier répond que l’épistémologie est la science de la connaissance. Qu’il la connait relativement bien, quoique n’étant pas philosophe des sciences. Que comme journaliste, il n’est pas habituel de recourir à l’épistémologie, mais plutôt à des récits qui permettent la pédagogie d’un événement. Il ajoute : « Pour revenir à l’épistémologie, pensons à l’obsession, après la Seconde Guerre mondiale, de trouver un document signé Hitler ordonnant l’extermination des Juifs. Il n’y en a pas.
Ensuite se sont opposées deux écoles de pensée sur la Shoah, celle des intentionnalistes et celle des fonctionnalistes. Les premiers voulaient prouver que Hitler projetait d’exterminer les Juifs dès l’avant-guerre. Les seconds cherchaient à démontrer que la Shoah fut en quelque sorte le produit de la guerre. Je crois qu’aujourd’hui on a compris qu’un génocide est beaucoup plus compliqué. »
L’avocat de M. Onana conteste la comparaison du génocide avec un laboratoire où sont cultivés les virus. Il revient sur les péripéties qui ont suivi l’apparition du virus et notamment les multiples hypothèses conspirationnistes.
« Aujourd’hui on a compris qu’un génocide est beaucoup plus compliqué »
Jean-François Dupaquier répond que la comparaison répond à un besoin de pédagogie, qu’il y a des laboratoires de la haine comme la rédaction du magazine Kangura.
L’avocat de M. Onana déclare qu’il existe une « histoire officielle », que cette expression n’est pas un marqueur négationniste.
La présidente intervient pour demander que cette question soit clarifiée : que signifierait une « histoire officielle » ?
Jean-François Dupaquier dit que ce concept « histoire officielle » est un mythe négationniste, sans fondement. Un slogan… Que les négationnistes se gardent bien de dire qui serait « historien officiel » ou pas. Que tout ça leur permet de se poser en victimes, comme M. Onana qui a fait écrire en couverture de son ouvrage « Ce livre qu’ils veulent interdire ». Or personne n’a demandé son interdiction !
Selon lui, pour qu’une histoire soit déclarée officielle, il faudrait qu’elle soit régie par une loi ou une institution scientifique hautement légitime, mais on ne voit pas bien comment. Il existe seulement un « roman national » créé aux débuts de la IIIe République où sont glorifiés des sortes de saints laïcs dans le but de conforter la cohésion des Français.
« Ce concept « histoire officielle » est un mythe négationniste sans fondement. Un slogan… »
L’avocat insiste : « Et les programmes scolaires ? »
Jean-François Dupaquier répond que ces programmes ne sont que des adaptations de l’enseignement de l’histoire selon l’âge et la maturité des enfants. Et que, comme les programmes changent presque à chaque nouveau ministre de l’Education nationale, on voit mal comment on pourrait les qualifier de « histoire officielle » (sourire de la présidente).
L’avocat de Charles Onana : « Et les lois mémorielles, ce n’est pas de l’histoire officielle ? »
Jean-François Dupaquier rétorque que ce sont des lois assurant la paix publique et la sérénité des Français devant des évidences.
L’avocat de M. Onana demande si le Mémorial de la Shoah serait l’organisme légitime pour juger des phrases de l’accusé sur la non-pertinence d’une comparaison entre le génocide des Tutsi et l’extermination des Juifs.
« Les lois mémorielles assurent la paix publique »
Jean-François Dupaquier répond que le Mémorial constitue une haute autorité morale qui a observé depuis longtemps les termes de comparaison. Que le Mémorial de la Shoah a développé une réflexion profonde sur le génocide des Tutsi, notamment en créant le centre Raphaël Lemkin. Que pratiquement chaque semaine on y trouve des conférences, des réunions, des expositions etc., témoignant d’une profonde empathie des Juifs pour les Tutsi du Rwanda.
Sans autre question, la Présidente libère l’intervenant.
L’intervention de Raphaël Doridant
Raphaël Doridant est entendu au nom de l’association Survie, partie civile.
Après avoir présenté l’association, il a rappelé les raisons pour lesquelles elle avait déposé une plainte avec constitution de partie civile. La Défense porte ses questions sur les relations de Jean Carbonare, ancien président de l’association, avec Paul Kagame.
Raphaël Doridant ne se laisse pas entraîner sur ce terrain. Il revient sur les motivations de la loi de 2017. Il précise pourquoi la planification du génocide des Tutsi a été retenue par la justice française.
Prochain article : plaidoiries et réquisitions. Le profil bas de Charles Onana et de éditeur
Pour consulter nos précédents articles sur le procès de Charles Onana et de Damien Serieyx
Le 1er :
Génocide des Tutsi du Rwanda : le négationnisme en débat au tribunal de Paris
Le 2e :
Génocide des Tutsi du Rwanda : Un général français embourbé dans la partialité négationniste
Le 3e :
Génocide des Tutsi du Rwanda : derrière Charles Onana, les exaltés de « France Turquoise »
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[1] Pour une analyse juridique du délit en cause, voir :
https://www.leclubdesjuristes.com/justice/genocide-au-rwanda-un-proces-pour-negationnisme-a-paris-7265/
[2] Son frère, le général d’armée Jean-François Hogard, a été directeur de la DRSD entre 2014 et 2018. Son père Jacques Hogard, a été officier d’infanterie de marine, combattant de la Seconde Guerre mondiale et des guerres d’Indochine et d’Algérie, ayant atteint le grade de général. Son grand-père, Émile-Louis Hogard (1894-1990), lui-même général, a été officier de l’armée d’Afrique, proche collaborateur du maréchal Lyautey au Maroc et commandant les goumiers marocains entre 1944 et 45. Jacques Hogard est aussi le neveu du général Pierre de Bénouville, héros de la Résistance et Compagnon de la Libération.
[3] Dans le souci de n’indisposer aucun secteur de l’armée française, l’état-major avait veillé à ce que dans l’opération Turquoise toutes les « armes » soient représentées par un contingent, y compris le GIGN et la Marine.
[4] Jacques Hogard, « À propos du Rwanda, des Grands Lacs et de la politique française en Afrique », Diplomatie, mars-avril 2009, n° 37, p. 50.
[5] Jacques Hogard, transcription de l’entretien avec Marion Maréchal-Le Pen, op. cit.
[6] « En 2022, lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Jacques Hogard prend position en faveur de la Russie. Très actif sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, et apprécié de nombreux sites et des médias russes ou pro-russes comme TV Libertés, Boulevard Voltaire et Sputnik9, il accuse les États-Unis et l’OTAN d’être les principaux responsables de cette guerre par leur agressivité vis-à-vis de la Russie de Poutine10. Selon Jacques Hogard : « L’Otan est dans une stratégie d’encerclement [qui] touche aux intérêts vitaux de la Russie. […] Je pense que l’Otan est une organisation fauteur de guerre aujourd’hui »10. Il qualifie également la révolution populaire de Maïdan, en novembre 2013, de révolte « fasciste », thèse qualifiée de « complotiste » par l’hebdomadaire L’Express qui accuse Jacques Hogard de faire partie des relais de la « désinformation russe » en France10. De son côté, le quotidien Le Parisien écrit que « le colonel Jacques Hogard relaie régulièrement les publications de l’ambassade de Russie en France » et fait partie des militaires français qui « contribuent aux intérêts du Kremlin »1 Source : Wikipedia1
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Hogard_(colonel)
[7] Le 22 mars 2017, il est décoré à Belgrade des mains du président de la République de Serbie, Tomislav Nikolic, de l’ordre de « Milos Obilic » (médaille de la Bravoure Miloš Obilić) pour son action au Kosovo en 1999. Le 25 novembre 2019, il reçoit à Belgrade le Prix « Braca Karic » en tant que « lauréat pour la paix, la coopération et l’amitié entre les peuples, pour son courage exceptionnel, sa charité vis-à-vis du peuple serbe et le renforcement de l’amitié franco-serbe séculaire ».
[8] « Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry a mis en cause le rôle joué par les autorités de Paris et l’armée française dans le génocide des Tutsis au Rwanda, notamment dans son livre Complices de l’inavouable, la France au Rwanda, publié en 2004 et republié en 2009. Son nom étant cité en page de couverture de ce livre, Jacques Hogard s’estime accusé d’être un « complice » du génocide, et assigne le journaliste et son éditeur en diffamation. Patrick de Saint-Exupéry est relaxé en première instance le 11 décembre 2009 par le tribunal correctionnel de Paris6. Jacques Hogard fait aussitôt fait appel de cette décision. Le 29 juin 2011, la cour d’appel de Paris confirme la relaxe de Patrick de Saint-Exupéry. La Cour souligne les « éléments sérieux » dont disposait le journaliste pour nourrir son enquête7 ». Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Hogard_(colonel)
[9] Transcription de l’émission « Le Libre journal » diffusée le 10 mars 2014 sur Radio Courtoisie, op. cit.
[10] Transcription de l’émission « Le Libre Journal des historiens », diffusée le 1er mai 2019 sur Radio Courtoisie, op. cit.
[11] Interview du colonel Jacques Hogard par Alain Chevalérias, décembre 2008, accessible sur : https://www.anocr73.org/libre-expression/21-rwanda-que-justice-soit-faite.html
Alain Chevalérias est l’animateur du site http://www.recherches-sur-le-terrorisme.com qui publie très régulièrement des analyses sur les terrorismes mais aussi des informations sur l’actualité internationale et la géopolitique.
[12] Transcription de l’émission « Le Libre Journal des historiens », diffusée le 1er mai 2019 sur Radio Courtoisie et mise en ligne sur le site internet de cette radio avec le titre suivant : « La question du Rwanda : le Rwanda 25 ans après ». Lien vers l’émission :
https://www.radiocourtoisie.fr/2019/05/01/libre-journal-des-historiens-du-1er-mai-2019-la-question-du-rwanda-le-rwanda-25-ans-apres/
[13] Me Hamuli Rety veut jouer la victime d’une sorte de « rouleau compresseur » judiciaire international. Il oublie de préciser que chaque accusé disposait d’un avocat principal, d’un avocat secondaire, d’un conseiller juridique et de plusierurs défenseurs-enquêteurs, tous payés par le TPIR dans le souci de fournir à la défense des moyens proportionnés à ceux du Parquet. Pour davantage de détails, voir :
https://afrikarabia.com/wordpress/5-rdc-rwanda-une-campagne-negationniste-aux-frais-de-lonu/
[14] Constat judiciaire du TPIR : « Sont dorénavant exclus du débat contradictoire, les faits suivants : du 6 avril au 17 juillet 1994 i) il y a eu un génocide contre les Tutsis; ii) les citoyens rwandais étaient « individuellement identifiés » en trois classifications ethniques tombant sous la protection de la Convention contre le génocide de 1948 ; iii) les Tutsis ont été victimes d’attaques systématiques et généralisées et il en a résulté, au sein de leur groupe, un grand nombre de morts ; iv) le conflit armé au Rwanda n’était pas de caractère international ; v) le Rwanda était Etat partie à la Convention contre le génocide de 1948 qu’il a ratifié en 1975 ; vi) et enfin le Rwanda était Etat partie aux différentes Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels qu’il a ratifiés. »
[15] L’Institut des Hautes Etudes sur la Justice a parlé d’une « révolution judiciaire en marche » qu’il commente ainsi : « Le crime de génocide n’a été introduit dans le code pénal français qu’en mars 1994 (art. 211-1), trop tard pour servir de mode d’incrimination aux procès de Klaus Barbie ou de Maurice Papon mais juste à temps, soit quelques semaines avant que n’éclate le génocide des Tutsi au Rwanda. »
[16] https://www.justiceinfo.net/fr/10693-170409-tpirjurisprudence-le-l-constat-judiciaire-r-devant-le-tpir-eclairage7500.html