Fiche du document numéro 34611

Num
34611
Date
Vendredi 25 octobre 2024
Amj
Taille
1295159
Titre
Génocide des Tutsi du Rwanda : derrière Charles Onana, les exaltés de « France Turquoise » [3/5]
Sous titre
« Contestation de l’existence d’un crime contre l’humanité, en l’espèce un crime de génocide » : c’est l’incrimination qui a conduit le polémiste Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris du 7 au 11 octobre derniers[1]. Nous rendons compte aujourd’hui de la troisième journée du procès, le 10 octobre. Après le témoignage du général Jean-Claude Lafourcade, ancien patron de « Turquoise », ceux du général Quesnot et du général Tauzin ont confirmé une sorte de vieille haine viscérale des Tutsi. Cette séquence judiciaire achève de mettre en pièces la prétendue « neutralité » de l’opération dite « militaro-humanitaire » française à la fin du génocide et l’idéologie qui la sous-tendait. Heureusement, le témoignage de Me Bernard Maingain a permis de réinsuffler clarté et vérité dans cette journée de paroles souvent confuses et/ou vicieuses. L’avocat belge a aussi levé pour la première fois un coin du voile sur les tractations déployées en Belgique – et sur leurs acteurs – entre 1990 et 1994 pour tenter d’empêcher l’issue tragique.
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Mot-clé
Mot-clé
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le général Marcel Gatsinzi, ancien ministre de la Défense, et Jean-François Dupaquier. Photo prise le 10 avril 2019 à 16 h 27, après une longue interview de Marcel Gatsinzi portant notamment sur son vécu de l’Opération Turquoise. ©

Afrikarabia, reproduction interdite sans autorisation.

Synthèse réalisée par Jean-François DUPAQUIER à partir des notes d’audience de Survie, Ibuka-France et divers observateurs ou témoins.

3e jour d’audience du procès de Charles Onana

Ce troisième jour d’audience a débuté ce jeudi 10 octobre par l’appel des trois témoins de la matinée. Le premier est Nkiko Nsengimana, d’origine rwandaise, un politologue et ancien témoin-expert du TPIR [pour la défense de Jean de Dieu Kamuhanda, ensuite condamné à la prison à vie…][2]. Cité par Charles Onana, il est âgé de 68 ans.

Le témoin explique être un militant des droits de l’Homme. Avant le génocide, en tant que membre de la société civile rwandaise, il a pu suivre le processus de négociations sur la paix et la répartition de pouvoir au sein des institutions rwandaises. Il stigmatise « le manque de volonté du FPR de partager le pouvoir, souhaitant plutôt l’obtenir par la guerre. » [3] Un des thèmes favoris d’Onana.

Avant le génocide, Nkiko Nsengimana dit avoir œuvré à laisser ouverts des espaces de discussion pour faire baisser les tensions. Selon lui il n’y a pas eu de planification du génocide. Il parle d’un « génocide rétributif » : un génocide « qui prendrait forme progressivement et qui serait une réaction spontanée à une menace réelle ou supposée. »

Selon Nkiko Nsengimana, il n’y a pas eu de planification du génocide

Selon Nkiko Nsengimana, le FPR a abandonné à leur sort les Tutsi de l’intérieur, avec qui il ne partageait rien. Il cite le livre de référence « Aucun témoin ne doit survivre » rédigé par Alison DesForges pour Human Rights Watch (HRW) et la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH). Il y voit « beaucoup de phrases communes avec celles de M. Onana qui sont poursuivies aujourd’hui ».

Nkiko Nsengimana : – « Il suffit de consulter les pages 808, 810, 813-818, 820-824, 838, 839, 844, 845, 849, 851…

Par exemple, pages 813 et 814 : « Alison DesForges écrit que le FPR veut gagner la guerre plutôt que de sauver des Tutsis »[…]. C’est ce que dit Nkiko Nsengimana. Le problème, c’est que dans les deux pages citées, Alison DesForges dit autre chose à savoir que face à l’échec de ses efforts pour une solution négociée, le FPR entreprit de mettre seul un terme au génocide.

Nkiko Nsengimana poursuit : « Voyez la page 816. Il est écrit que le FPR s’oppose à la venue de la MINUAR. » [nouveau problème : cette interprétation est caricaturale. Le FPR déclarait à la fin du mois d’avril que l’intervention était tardive et craignait d’être ralenti dans ses mouvements militaires qui permettaient de protéger réellement les Tutsi dans les zones libérées]

« Alison DesForges écrit que le FPR veut gagner la guerre plutôt que de sauver des Tutsis »

Nkiko Nsengimana dit avoir fait partie de ceux qui ont appelé la FIDH à lancer une commission d’enquête début 1993, et ajoute que l’enquête a été partiale : « Carbonare a été problématique en fondant en larmes » [que veut-il dire par là, alors que la suite a montré que Jean Carbonare avait raison en craignant un génocide ?].

Nkiko Nsengimana continue sans pouvoir être démenti au moment où il s’exprime : « Dans les années 1990 la FIDH enquêtait aussi sur les crimes au Congo/Zaïre mais depuis les années 2000 elle a changé. Puisque le ministère de l’intérieur rwandais actuel parle de 2 millions de morts pendant le génocide [Nkiko Nsengimana ne fournit pas la référence de ce chiffre – pour autant que la référence soit réelle] c’est qu’il y a eu plus de morts Hutu et Twa que Tutsi ». Et le témoin enfonce le clou : « Eric Gillet a dit qu’il ne faut pas réécrire l’Histoire du génocide, mais il ne faut pas non plus réécrire l’Histoire de façon à stigmatiser collectivement tous les Hutus ».

« Il y a eu plus de morts Hutu et Twa que Tutsi »

Nkiko Nsengimana a varié dans ses analyses. Dans un rapport d’expertise au TPIR en faveur d’un homme finalement condamné pour génocide, il a écrit en 2002 au sujet des trois premiers mois de 1994 que « l’insécurité généralisée a donné lieu à l’installation d’un climat de guerre. Les deux camps opposés renchérissaient dans la propagande fondée sur des discours d’incitation à la violence et à la haine ethnique[…] ».

Le témoin ne se complait-il pas dans un certain équilibrisme ?

Il ajoutait en 2002 : « Le FPR, sans conteste militairement plus fort, donnait l’impression d’être le plus déterminé à reprendre la guerre puisqu’il affirmait déjà dans deux journaux ugandais que « les chances de Kagame de prendre Kigali se sont multipliés par 100[6] » et qu’il était prêt à foncer et à s’emparer de Kigali en un jour. Il était déterminé à reprendre les hostilités, quel qu’en fut le prix pour les Tutsi de l’intérieur et pour l’opposition. Devant les délégués de la société civile qui lui proposaient de privilégier le compromis politique à la force militaire afin d’éviter le sort tragique qui ne manquerait pas de s’abattre sur l’opposition et les Tutsi de l’intérieur, il avait déclaré que « même dans l’Allemagne nazie, il y avait eu des survivants des camps de concentration »[7]. Le témoin fournit des références malheureusement invérifiables et peu crédibles. Elles sont absentes de l’ouvrage d’Alison DesForges que Nkiko Nsengimana aime à citer.

Le témoin fournit des références malheureusement invérifiables

Me Patrick Baudoin demande à Nkiko Nsengimana s’il considère normal d’écrire que le génocide des Tutsis est une escroquerie.

Nkiko Nsengimana fait une réponse inaudible. Cependant, dans son rapport rédigé à Lausanne en décembre 2002, il écrivait que «  La notion de complice refait surface. Au niveau interne, le camp présidentiel récupère le concept de complice développé au début de la guerre et commence à l’imposer. Elle a une forte connotation ethnique et une grande résonance anti-FPR. […] Pendant cette période [entre octobre 1993 et le 6 avril 1994], les gens qui ont des contacts avec le FPR sont fichés par les services spéciaux de « l’akazu ». A Kigali, dans le quartier Gishushu par exemple, les « Interahamwe » font bien la reconnaissance des personnes et des véhicules des personnes qui se rendent au nouveau siège du FPR, à savoir l’immeuble du Parlement CND situé à Kimihurura[8]. Il en est de même des familles soupçonnées de loger des membres des brigades clandestines du FPR[9] ou d’avoir envoyé leurs enfants s’enrôler dans l’armée de ce dernier. »[10]

Nkiko Nsengimana reste fort confus sur la notion d’entente en vue de commettre le génocide tout en donnant des exemples montrant l’existence d’une coordination et d’une préparation.

Le témoignage du colonel Robardey

Me Pire, avocat d’Onana, vient au secours du témoin en faisant remarquer que ce qu’Onana considère comme une escroquerie, ce n’est pas le génocide, c’est de dire qu’il était planifié.

Le second témoin, le colonel en retraite Michel Robardey, est également cité par Charles Onana.

A l’époque lieutenant-colonel, Michel Robardey débarqua à l’aéroport de Kigali en septembre 1990 comme conseiller technique pour la gendarmerie nationale. Il était chargé de réorganiser la gendarmerie rwandaise et notamment le service de criminologie. Il quitta le Rwanda en décembre 1993 à regret, dans le cadre des Accords d’Arusha.

Michel Robardey entame sa déclaration liminaire : – « En se basant sur le passé, tout le monde savait depuis octobre 1990 que l’attaque du FPR pouvait entraîner un génocide en représailles. Fred Rwigema [alors le chef de la rébellion] a donc planifié une attaque très rapide de Kigali, en 1990. Cela a échoué et il est mort. Kagame a pris sa place et pouvait soit laisser tomber les armes, soit tenter une guérilla. Il a choisi la guérilla en sachant que ça sacrifiait les Tutsis de l’intérieur, dont il ne se souciait pas. Quand le TPIR dit que le génocide est un constat judiciaire et qu’on veut en déduire qu’il y a eu planification, c’est un sophisme. »

« Le constat judiciaire du génocide, c’est un sophisme »

Selon Michel Robardey, « Le mythe de la planification est censé se baser sur le témoignage de Janvier Afrika, sacralisé par le lobbying de Carbonare, dont la fausseté a été prouvée depuis[11]. Le discours de Léon Mugesera et le texte sur la « définition de l’ennemi » [élaboré par une commission de hauts gradés présidée par Théoneste Bagosora] ont aussi été montés en épingle alors qu’à l’époque ils sont restés confidentiels et n’ont pas eu d’impact réel. J’ai cherché la planification, je n’ai rien trouvé. En revanche j’ai trouvé que le FPR était responsable de la série d’attentats qui ont fait monter la tension[12]. Le FPR n’a rien fait pour sauver des Tutsis à part une campagne de communication médiatique. »

Michel Robardey affirme que « le livre d’Onana ne fait que retracer des faits : des Hutu et des Twa ont aussi été tués ». En somme, l’accusé se serait contenté d’énoncer des évidences.

Robardey : « J’ai cherché la planification, je n’ai rien trouvé »

Michel Robardey explique que durant sa mission au Rwanda de 1990 à fin 1993, les régimes qu’il a connus [le système du parti unique, puis le multipartisme] n’étaient pas des régimes génocidaires. Il n’y aurait eu aucune planification de leur part. « D’ailleurs, même le TPIR ne l’a pas prouvé » [une formulation hasardeuse et régulièrement déconstruite par des avocats, des magistrats et des juristes, mais constamment répétée par les négationnistes. Elle est basée sur la décision prononcée en appel dans l’affaire Bagosora et pourtant même dans les attendus de cette décision, les juges évoquent l’existence d’une entente sans que des preuves suffisantes ne leur paraissent rapportées par le Procureur. Cela n’empêche nullement de prendre aussi en compte les très nombreuses décisions judiciaires qui constatent l’intention génocidaire et la coalition des extrémistes…].

Répondant aux questions des avocats des parties civiles, il déclare que « Paul Kagame a provoqué le génocide, bien qu’il n’en soit pas le seul responsable ».

Michel Robardey ajoute : « Les associations qui font des rapports sur le génocide des Tutsi devraient me consulter avant d’écrire n’importe quoi et je leur ai toujours proposé mes sources ».

Me Gisagara lui pose une question sur le fichage des Tutsi et son rôle dans la création du « Fichier central ».

Michel Robardey : «  La justice a condamné Emmanuel Cattier qui m’avait attribué une responsabilité dans tout ça. Je n’ai pas participé à un fichage de Tutsi ».

Ce sera le mot de la fin.[14]

Le général Quesnot à la barre

Un troisième témoin a ensuite été appelé à la barre, et non le moindre : Christian Quesnot est l’ancien Chef de l’état-major particulier du président de la République de 1991 à 1995, donc pendant la presque totalité de l’intervention militaire française au Rwanda et au-delà. Il commence sa carrière en 1960 comme sous-lieutenant, stagiaire à l’école d’application du Génie à Angers. De 1962 à 1967, le voilà lieutenant au Centre instructions du génie parachutiste.

En 1972, le capitaine Quesnot commande la 1ère Compagnie du Génie Aéroporté (CGAP) du 17ème RGP, rattachée au 1er Régiment de Hussards Parachutistes à Tarbes. De 1972 à 1974 il est capitaine stagiaire à l’Ecole supérieure de guerre. Il poursuit sa carrière opérationnelle au sein du 17ème régiment du génie parachutiste (17ème RGP) de Montauban. Général de brigade en 1987, chef d’état-major de la première armée à Strasbourg (1987-89), il commande ensuite la septième division blindée et la 65e division militaire territoriale à Besançon. En 1991 il est remarqué par le général Jean Varret qui le recommande à l’amiral Jacques Lanxade, chef d’état-major particulier du président de la République, qui cherche alors un adjoint. Sa fiche biographique ne dit pas que, autoritaire et belliciste, Christian Quesnot jouera un rôle de premier plan dans l’intervention militaire française au Rwanda[15]. Ni que son caractère psychorigide et ses positions pro serbes amèneront Jacques Chirac à le « débarquer » le 8 septembre 1995. A peine plus d’un an après le génocide des Tutsi du Rwanda. Quesnot démissionnera de l’armée.

« Débarqué » par Jacques Chirac

Après avoir prêté serment, le général Christian Quesnot est invité par la présidente de la XVIIe Chambre, Madame Delphine Chauchis, à prononcer sa déclaration liminaire.

Le général dépose sur son expérience personnelle du dossier Rwanda.

Il déclare avoir été envoyé lui-même par le président Mitterrand en 1992 pour délivrer un message au président Habyarimana. « Habyarimana et Mitterrand promouvaient le dialogue ».

Son témoignage est bref et articulé en 4 points :

• 1990 : La France a repoussé le FPR en 1990 et a tué 600 hommes avec ses canons de 105 mm.[16]

• Les Accords d’Arusha : le FPR a exigé le départ des troupes françaises et a continué sa stratégie de prise du pouvoir par la force[17].

• Le 6 avril 1994 au soir, le FPR a abattu l’avion du président Habyarimana avec deux missiles SAM16, le tireur a été considéré comme un héros sur les réseaux sociaux jusqu’à ce que le juge Bruguière ouvre son enquête et alors tout a été effacé des réseaux sociaux. [18]

• En visite au Rwanda en 1992[19] j’ai vu de mes yeux les monceaux de cadavres puants ligotés et abattus d’une balle dans la nuque à la façon du FPR (150 000 morts) qui ont empuanti le lac Victoria, au point que Museveni a protesté car ça gênait la pêche des perches du Nil ».

Quesnot : « Le 6 avril 1994 au soir, le FPR a abattu l’avion du président Habyarimana »

La Présidente ramène le général Quesnot à l’ouvrage de Charles Onana et aux phrases incriminées.

Christian Quesnot : « M. Onana est un homme honnête qui ne cherche pas à nier le génocide. On parle d’un génocide des Tutsi d’un côté et de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis de l’autre côté par le FPR. » Tous les témoins cités par Charles Onana évitent l’expression « double génocide », tellement répétée dans la littérature négationniste. Une coïncidence ?

Selon Christian Quesnot, « le génocide n’a pas été planifié, le TPIR lui-même ne l’ayant pas reconnu. » Le témoin ajoute qu’il « n’a en tout cas jamais reçu d’informations en ce sens ».

Au passage, l’ancien chef d’état-major particulier de François Mitterrand critique le rapport Duclert [qui a conclu à « une responsabilité lourde et accablante » de l’Elysée dans le génocide des Tutsi du Rwanda]. Pour Christian Quesnot, ce rapport serait « partial et partiel ». [on relira avec intérêt le rapport Duclert rédigé par une équipe d’historien et son dernier ouvrage « La France face au génocide des Tutsi » qui donnent les sources et détails permettant de mettre en cause la responsabilité des militaires et hauts fonctionnaires du dossier Rwanda à l’Elysée dont monsieur Quesnot].

Quesnot : « Le génocide n’a pas été planifié, le TPIR lui-même ne l’ayant pas reconnu. »

Interrogé sur l’objectif de l’opération Turquoise, Christian Quesnot déclare que le but était uniquement humanitaire. « Je suis à l’origine de l’opération Turquoise : le 6 juin, dans l’avion de retour des commémorations du Débarquement, avec Elie Wiesel et Alain Juppé, j’ai convaincu ce dernier d’intervenir, et alors lui a convaincu Balladur et moi, difficilement, Mitterrand. »

Interrogé par l’avocat de Charles Onana sur les menaces qui auraient été proférées par Paul Kagame contre l’accusé, le vieux général répond « qu’il faut absolument les prendre au sérieux, car Kagame les met toujours à exécution. »

Mais faut-il prendre pour argent comptant les déclarations lénifiantes de Christian Quesnot devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris après qu’il ait juré de dire « toute la vérité » ? On connait ses prises de position antérieures vis-à-vis des Tutsi et du FPR, lorsqu’il était chef de l’état-major particulier de François Mitterrand. Et qu’il employait un langage pour le moins abrupt.

Les déclarations antérieures du général

Pendant le génocide, Christian Quesnot est intervenu à plusieurs reprises auprès du chef de l’Etat pour plaider une aide militaire de la France aux FAR. Pouvait-il ignorer que les militaires rwandais participaient au génocide ? Le 29 avril 1994, il déclara dans une réunion à l’Elysée : « Le FPR est le parti le plus fasciste que j’aie rencontré en Afrique. Il peut être assimilé à des ‘Khmers noirs’. »

Un façon d’insinuer que le FPR assassinait son peuple. Christian Quesnot ajouta, sans se prévaloir d’une quelconque enquête : « Il a une complicité belge. On a dit « les Hutu ont abattu l’avion d’Habyarimana ». Mais c’est faux. Ce sont des mercenaires, recrutés par le FPR, ou issus de lui, qui ont abattu l’avion. […] Derrière tout cela , il y a aussi Museveni (le président ougandais), qui veut créer un Tutsiland avec la complicité objective des anglo-saxons »[20]. C’est presque un mot-à-mot de la propagande de la RTLM.

Il est difficile de comprendre une telle exaltation, beaucoup plus facile de la relier aux thèmes habituels de Charles Onana dans l’un ou l’autre de ses sept livres. Dans une note du 3 mai 1994 à François Mitterrand, le chef d’état-major particulier dénonça le risque que « le FPR remporte une victoire militaire sur le terrain et veut imposer la loi minoritaire du clan tutsi » [21].

« Le FPR est le parti le plus fasciste que j’aie rencontré en Afrique. Il peut être assimilé à des ‘Khmersnoirs’ »

Le 6 mai 1994, Christian Quesnot se réfèrera à un long entretien téléphonique avec Théodore Sindikubwabo, le président du gouvernement du génocide, qu’il plaignait car « très âgé et de santé fragile » [une semaine plus tard à Butare, cette « fragilité » n’empêchera pas Sindikubwabo de prononcer un discours incendiaire, exigeant l’extermination des Tutsi jusqu’au dernier].

Quesnot proposait à François Mitterrand de trouver un moyen de soutenir les FAR en train de commettre le génocide [une commande d’armes fut passée à la SOFREMAS, entreprise publique entièrement contrôlée par l’Etat français].

Christian Quesnot s’inquiétait-il du génocide des Tutsi du Rwanda que les médias du globe évoquaient dorénavant jour après jour ? Pas un mot de sa part. Il préférait se concentrer sur le spectre du « contrôle de toute la partie Est du Rwanda y compris la capitale afin d’assurer une continuité territoriale entre l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Le président MUSEVENI et ses alliés auront ainsi constitué un « Tutsiland » avec l’aide anglo-saxonne et la complicité objective de nos faux intellectuels, remarquables relais d’un lobby tutsi auquel est également sensible une partie de notre appareil d’Etat »[22]. Des propos hallucinants.

Le génocide des Tutsi du Rwanda ? Pas un mot de Quesnot

Dans la même note Quesnot soupesait les avantages et inconvénients potentiels « de l’emploi d’une stratégie directe dans la région » [c’est-à-dire concrètement d’une éventuelle intervention de l’armée française en aide à l’armée génocidaires].

Le 24 mai 1994, le général Quesnot demanda encore au président Mitterrand, dans l’urgence, l’octroi d’un soutien militaire direct aux FAR et au gouvernement intérimaire : « L’arrivée au pouvoir dans la région d’une minorité dont les buts et l’organisation ne sont pas sans analogie avec le système des Khmers rouges est un gage d’instabilité régionale dont les conséquences n’ont pas été anticipées par ceux, y compris en France, dont la complicité et la complaisance sont patentes ».[23] Le général souffrait-il d’une indigestion aigüe de propagande génocidaire ?

Le 25 mai dans une réunion à l’Elysée relatée par la secrétaire de François Mitterrand Françoise Carle, le général Quesnot explosa : « Au Rwanda les parlottes continuent, les massacres aussi. Le FPR n’acceptera pas un cessez-le-feu tant que ses buts de guerre ne seront pas atteints. Kigali va tomber cette semaine, et au Nord le Tutsiland se fera. »[24] Telles étaient les convictions – et fausses prophéties – de l’homme qui, selon ses propres dires, lancera l’opération « Turquoise » dont la « neutralité » était, en 1994 comme aujourd’hui, tout sauf évidente.

Conspirationnisme, racialisme, négationnisme : les thèmes récurrents de Charles Onana sont déjà étalées dans les archives de l’Elysée en 1994. On comprend que le « rapport Duclert » soit particulièrement sévère envers le supporter galonné de M. Onana.

La parole à Me Bernard Maingain

En début d’après-midi, la parole est donnée à Bernard Maingain, cité par l’association IBUKA-France. Avocat au Barreau de Bruxelles, auteur d’un récent livre démontrant la puissance de l’imposture négationniste dans « l’enquête Bruguière », Me Maingain se rend dans la région des grands lacs plusieurs fois par an depuis 1989. Il a pris en charge de nombreuses défenses. Il a accepté de parler de sa propre expérience, ayant suivi de très près les événements entre 1990 et 1994. Nous publions ci-dessous un compte-rendu quasi intégral de son intervention, à l’aide des notes prises durant l’audience par différents interlocuteurs et de ses propres notes qu’il avait préparées pour cette audition.

Me Maingain : – « Je vais vous parler d’un Rwandais extraordinaire, Jean Birara. Même si ça vous semble hors-sujet, vous comprendrez que ce n’est pas le cas ». L’avocat belge commence par exposer dans quelles circonstances, il est arrivé au Rwanda à la fin des années quatre-vingt. Il n’avait aucun lien avec l’Afrique sauf qu’il était conseil de fripiers belges en négociation pour la cession de leurs filiales rwandaise et burundaise qui l’ont envoyé sur place pour négocier cette opération.

A cette occasion, il demanda à ses anciens professeurs du collège Saint Michel à Bruxelles d’avoir une recommandation chez une personne de référence. C’est dans ces conditions qu’il fit la connaissance de Jean Berchmans Birara.

Bernard Maingain : – « Le grand père de ce dernier fut chef hutu dans la région de Djumba [actuellement en RDC], un abami du nord. Son père exerça les mêmes responsabilités dans la région des Bagogwe au pied de la montagne des Virunga. Sa famille – Hutu – avait des liens étroits avec le mwami – Tutsi – et spécialement le Mwami Rudahigwa. Ces liens étaient nombreux et de grande qualité selon ce que m’a raconté Jean. Pendant la période précoloniale, il n’y avait pas ce conflit entre hutus et tusis. C’est à l’époque de Mgr. Classe avant la seconde guerre mondiale que les dirigeants hutu ont été ostracisés non par la famille royale mais par les autorités coloniales ».

« Je vais vous parler d’un Rwandais extraordinaire, Jean Birara »

Bernard Maingain poursuit : – « Dans l’histoire du Rwanda, il y avait certes des conflits de pouvoir mais ils n’étaient pas caractérisés par la fracture Hutu/Tutsi. Ainsi, le dernier mwami entretenait des relations cordiales avec le père de Jean et aussi avec Jean lui-même, qu’il considérait comme son propre fils. Cela aussi nous fait comprendre la ferme conviction de Jean Birara et de sa famille de refuser l’ethnicisation des relations entre Hutu et Tutsi. C’était aussi la position du mwami. La même position avait été prise par le prince Rwagasore, le leader panafricain au Burundi qui était républicain et refusait l’ethnicisation imposée par la vision racialiste de la société burundaise, qui fut assassiné par les belges après avoir obtenu démocratiquement le pouvoir dans son pays.

« Le second mentor de Jean fut Mgr. Bigarumwami, le premier évêque panafricain de la région qui suivit attentivement les études de Birara. Jean réussit brillamment. Il fut remarqué en Belgique par l’ancien Ministre André Oleffe et dès l’indépendance, il fut nommé adjoint du premier gouverneur de la Banque nationale rwandaise, Monsieur Atori. Il lui succéda à la tête de la Banque nationale qu’il quitta au milieu des années quatre-vingt en raison de l’influence négative de l’Akazu sur la gestion du pays.

« Jean a été notre mentor »

Me Maingain : – « Jean a été notre mentor. Il a passé de nombreuses années à nous former à la culture rwandaise et à son histoire dans le respect de l’Afrique et de ses valeurs. Il n’a eu de cesse de refuser ces conflits ethniques et sa porte était toujours ouverte à tous, sans discrimination ni distinction. Jean nous a toujours dit le rôle très néfaste d’Agathe, la faiblesse insigne du Président Habyarimana et l’influence de la belle famille du Président qui s’est accaparée de nombreuses richesses dans des conditions inadmissibles.

C’est dans ces conditions que Jean et moi avons rédigé le premier rapport sur les dérives de l’Akazu, rapport que j’ai diffusé ensuite en Belgique en 1989. Madame Jeanine Wynants, présidente du Mouvement ouvrier chrétien, m’a dit à l’époque que ce document était la première écriture critique du régime Habyarimana qui était encensé en Belgique à raison de ses liens avec un monde chrétien hypnotisé…

Bernard Maingain continue : – « Au début de la guerre civile, en octobre 1990, Jean a été menacé et j’ai demandé l’appui de Lamberto Dini, ancien gouverneur de banque centrale d’Italie et ultérieurement ministre des Finances, pour préserver la sécurité de mon ami. Ils s’étaient connus lorsqu’ils étaient tous deux administrateurs au sein des institutions de Bretton Woods.

« La première écriture critique du régime Habyarimana »

Me Maingain continue son récit : – « C’est Jean Birara, ami de Sylvestre Nsanzimana, le ministre de la Justice en 1990 et par la suite Premier ministre, qui a fait pression sur son ami et ensemble ils ont décidé de tout mettre en œuvre pour libérer les prisonniers tutsi arrêtés en masse et jetés en prison en octobre 1990 après le faux coup d’état manigancé par les extrémistes. J’étais présent lors de ces discussions.

« Lorsqu’il est venu à Bruxelles après les événements d’octobre 1990, Jean m’a expliqué que la revendication du droit au retour des jeunes gens du FPR était légitime et que c’était leur pays. Il m’a dit que je ne devais pas me laisser aller à suivre les propos des extrémistes et qu’il fallait que je rencontre les militants du FPR pour comprendre leur combat.

« C’est dans ces conditions qu’il m’a présenté plusieurs dirigeants et notamment Aloysa Inyumba, Jacques Bihozagara et Emmanuel Kayitana. Lors d’un séjour à Bujumbura, j’avais aussi fait la connaissance de Me Rwagasore qui deviendra le premier président de la Cour suprême du Rwanda après le génocide des Tutsi. J’ai aussi connu à l’époque les jeunes leaders de la ligue ITEKA au Burundi, Eugène Nindorera et Jean-Marie Ngendahayo.

« Il fallait que je rencontre les militants du FPR pour comprendre leur combat »

Me Maingain : – « Quand je me suis rendu au Rwanda entre 1990 et 1994, j’ai fait la connaissance chez Jean Birara de tous les leaders de l’opposition qu’ils soient Hutu ou Tutsi, Twagiramungu, Lando, Bagaragaza, Gatabazi, Gafaranga… J’ai participé à de nombreuses réunions avec toutes ces personnalités.

« C’est Jean qui m’a demandé d’organiser une réunion à Bruxelles en mai 1992 pour que l’opposition et le FPR se retrouvent ensemble et forment un front uni pour obtenir une évolution politique. A l’époque Jean m’avait exposé que cette réunion était nécessaire car la France bloquait toute évolution politique et seules les forces africaines travaillant ensemble pourraient faire bouger les choses. C’est ainsi que tous les dirigeants de l’opposition, y compris Pasteur Bizimungu, Alexis Kanyarengwe, Aloysa Inyumba, Tito Rutaremara, Thadée Bagaragaza, Justin Mugenzi qui allait trahir par la suite… – sauf Paul Kagame – se sont réunis et ont dégagé un accord politique pour soutenir l’évolution du Rwanda. Cet accord a fait l’objet d’une conférence de presse tenue en fin de session dans l’enceinte du Parlement belge.

« En 1992 un accord politique pour soutenir l’évolution du Rwanda »

Me Maingain : – « Me Scheers et moi-même avons été invités à participer à ces réunions non pour orienter les discussions mais en simples observateurs. Lorsque j’ai travaillé sur le dossier de l’attentat du 6 avril 1994, j’ai découvert avec stupéfaction que mon confrère Scheers avait été ensuite convié à rencontrer le président Habyarimana par Monsieur Reyntjens. J’ai été stupéfait. A mon avis, c’était une trahison grave du secret professionnel et un acte posant problème. Il faut savoir que par la suite le clan présidentiel n’a eu de cesse de diviser l’opposition intérieure et de déstabiliser le FPR.

« Tout cela dans un contexte où les membres de la délégation de l’opposition rwandaise m’avaient annoncé à l’aéroport avant leur départ, qu’on les assassinerait vu qu’ils avaient participé à ces discussions pour la paix. Le même message m’avait été communiqué par Agathe Uwilingiyimana lorsqu’elle était à la Primature. Je n’oublierai jamais qu’elle m’avait annoncé son assassinat imminent, ce qui s’est finalement passé le 7 avril au matin ainsi que la liquidation des dix courageux commandos belges qui la protégeaient.

« Avec Jean, nous avions énormément d’informations. Il avait la confiance des dirigeants du FPR, des dirigeants de l’opposition et aussi d’autres personnalités modérées comme Nzanzimana au sein de l’équipe au pouvoir. Tout le monde nous rendait visite chez Jean et je séjournais chez lui où nos conversations furent d’une richesse exceptionnelle.

« C’est d’ailleurs ainsi que j’ai été contacté par un informateur tutsi, Evariste Sissi qui m’a remis la liste des Bagogwe victimes du pogrom mené par certaines forces extrémistes. J’ai transmis cette liste au ministre belge Eyskens qui ne m’a pas accusé réception du courrier, ce qu’a fait son successeur Willy Claes. Evariste Sissi est une victime du génocide.

« Evariste Sissi m’a remis la liste des Bagogwe victimes du pogrom »

Me Maingain continue : – « Parmi nos informateurs il y avait le chef d’état-major, Déogratias Nsabimana. Ce dernier était loyal aux instructions données à l’armée mais il refusait les dérives des extrémistes génocidaires. C’est lui qui prévenait particulièrement Jean Birara des opérations menées par les extrémistes et de la préparation des massacres de Tutsi. C’est lui qui nous a annoncé la confection des listes de personnes à abattre.

« Jean et moi avons rencontré le nonce et monsieur Johan Swinnen à l’ambassade de Belgique. Je me souviendrai toujours que Jean a informé monsieur Swinnen en 1993 de l’existence d’un groupe secret d’extrémistes décidés à exterminer les Tutsi, de la confection des listes de gens à abattre, précisant même qu’il y aurait plusieurs centaines de milliers de morts. Je regretterai toute ma vie de ne pas avoir cru à ces paroles prophétiques, étant convaincu à l’époque que le dispositif de la Minuar nous éviterait tous ces problèmes.

J’avais tort.

« Parmi nos informateurs il y avait le chef d’état-major, Déogratias Nsabimana »

Me Maingain toujours : – « A dater de janvier 1994, Jean m’a fortement déconseillé de venir au Rwanda en me disant que notre vie était désormais en danger. Il m’avait montré un extrait de journal extrémiste où nous étions tous deux visés et pointés pour trahison du pays dans son cas, et pour complicité de ma part.

« Lorsque survint l’attentat, je me dois de préciser quelque chose d’important. Le fils de Jean, Charles Birara, devait prendre l’avion le lendemain 7 avril assez tôt. Il avait été convenu qu’il irait dormir chez l’ami de son papa, Monsieur Kagina dans une ferme à Kabeza-Kanombe ce qui le rapprochait de l’aéroport. Ce dernier a contacté Charles vers 17 heures le 6 avril pour lui déconseiller de venir car il y avait des tueries dans les environs. Monsieur Kagina fut assassiné avec sa femme en début de soirée avant même la chute de l’avion. Antonia Mukantabana, la marraine de Charles, épouse d’un homme nommé Iyamuremye que je connaissais bien car il travaillait pour mes clients de la société Sirwa, a été assassinée vers 18 heures. Il me semble important de souligner que son assassinat précéda lui aussi de quelques heures l’attentat contre l’avion d’Habyarimana. Les massacres ont commencé avant l’attentat.

« Après l’attentat et quasi simultanément, la radio extrémiste RTLM a accusé le FPR et les Belges d’être à l’origine de l’attentat alors qu’il n’y avait aucune enquête sérieuse menée.

« Le génocide débutait…

« Les massacres ont commencé avant l’attentat »

Me Maingain : – « Toutes les personnes qui m’ont dit quel sort funeste leur était réservé ont été assassinées et ensuite des milliers et des milliers de personnes. Et ma vie ne sera plus la même. Il y a un avant et un après le 7 avril 1994. Comment en serait-il autrement.

« Grâce à des amis, Jean a eu la vie sauve, rapatrié en Belgique. Il fut sauvé à l’aéroport Kanombe avec l’aide de Jean-Loup Denblyden, un militaire belge héroïque qui a désobéi aux ordres de sa hiérarchie et sauva tous les Tutsi qu’il pouvait sauver. Je dois aussi citer le rôle de Colette Braeckman qui à l’époque connaissait Jean et qui a attiré l’attention de Jean Loup sur le fait que des tireurs embusqués près de l’aéroport l’attendaient pour le tuer.

Arrivé à Bruxelles, Jean a travaillé dans mon bureau d’où nous avons lancé un appel à l’arrêt du génocide. Mais en vain. Jean fut aussi après le génocide le premier ministre du Budget et ordonnateur des payements du gouvernement qui fut constitué dans ces conditions difficiles.

« Par la suite, il se retira du gouvernement car durant la période 1996-1998, il a été troublé de voir certaines pratiques de corruption qui ne correspondaient pas à son éthique. Dois-je rappeler que, lorsque Paul Kagame a pris la présidence du pays, il a entamé une lutte sans merci contre la corruption qui lui a valu des inimitiés acharnées mais aussi le respect de mon ami Jean.

« La lutte sans merci de Paul Kagame contre la corruption lui a valu le respect de mon ami Jean »

Me Maingain : – « De mon côté, comme avocat, j’ai accepté de nombreux dossiers de défense dans la région des Grands lacs en restant fidèle à mon engagement pour l’état de droit et contre le racisme Hutu-Tutsi dans la tradition de l’enseignement de mon ami.

« Récemment Jean m’a demandé à pouvoir participer au meeting de soutien à la réélection du Président en compagnie son épouse et son neveu, car pour lui, cet homme avait fait du très bon travail et les Hutu du pays solidairement avec les Tutsi étaient à ses côtés dans la lutte pour une société qui surmontait les logiques de haine.

« Au regard de cette expérience, il faut comprendre que les écritures de monsieur Onana ne correspondent en rien à ce que j’ai vu et vécu. Je rappelle à cet égard que le négationnisme est partie intégrante du crime de génocide tout comme la préparation d’un génocide qui nécessite une stratégie, une infrastructure, des instructions, des achats de matériel, tous éléments révélateurs d’une intention et plus encore d’une véritable hiérarchie opérationnelle, aussi bien sur le plan idéologique que matériel.

« Les écritures de monsieur Onana ne correspondent en rien à ce que j’ai vu et vécu »

Me Maingain toujours à la barre : – « Aujourd’hui des dizaines de décisions judiciaires ont été prononcées, à chaque fois avec des acteurs de justice différents – policiers, magistrats, témoins, plaideurs, nationalités, et tous ces jugements se réfèrent méticuleusement au génocide des Tutsi. On eût aimé un travail scientifique d’analyse de ces dossiers et de ces décisions de justice de la part de monsieur Onana mais il n’a rien fait et ses prétendues « analyses scientifiques » constituent autant d’impostures. Ses écrits n’ont jamais été reconnus comme écrits scientifiques et sa « thèse » reste confidentielle sous couvert d’un jury lyonnais, sans assumer la contradiction avec les meilleurs historiens français.

« Dans ce contexte, comment qualifier les faits c’est-à-dire le génocide des Tutsi par des extrémistes hutu de « plus grande escroquerie du 20ème siècle » et remettre en question la planification.

« Les décisions de justice et notamment la première décision du TPIR dans l’affaire Akayesu ? Et le choix du plaider-coupable du chef interahamwe Joseph Serugundo, pour ne citer que deux acteurs du génocide ? Sans compter les aveux de Monsieur Kambanda en première instance au TPIR. Les jugements, les confessions des acteurs, les témoignages concordants contiennent des informations précises sur la planification du génocide.

« Le rapport du Sénat belge contient une description précise des éléments annonciateurs du génocide qui est nécessairement préparé. L’on y trouve les preuves des mouvements financiers opérés par monsieur Kabuga et son groupe pour acheter des machettes en masse, ce que le rapport du sénateur belge Pierre Galand a démontré à l’époque. On avait retrouvé des indicateurs précis de listes de personnes à éliminer dans le dossier des religieuses de Butare.

« Le rapport du Sénat belge contient une description précise des éléments annonciateurs du génocide »

Me Maingain : – « Le marché de Mulindi, situé non loin de l’aéroport de Kanombe, est fermé et évacué par les FAR le 6 avril après-midi ; on tue dans les heures qui précèdent comme dans celles qui suivent l’attentat. Dès le 7 avril, le génocide est lancé à grande échelle au rythme de 10.000 morts par jour pendant cent jours.

« Il y a eu une multitude de rapports annonciateurs du génocide, dont celui de la FIDH/HRW de 1993, le rapport Ndiaye, rapporteur spécial de la commission des droits de l’homme déposé le 11 août 1993, et aussi le rapport de Degni Segui en juin 1994 sans compter la note de Christophe Mfizi sur le réseau zéro. Les contenus des rapports des services de renseignement ont été révélés au Sénat belge et c’est édifiant. Comme le contenu des rapports du général Varret, mystérieusement subtilisés dans les archives parisiennes, dont l’intéressé a témoigné en son temps.

« Dans le dossier de l’attentat j’ai découvert qu’on avait le renseignement que Madame Agathe Uwilingiyimana [la Première ministre] et Monsieur Kavaruganda [président de la Cour suprême] seraient tués, et ce, bien avant l’assassinat. C’étaient les deux personnes susceptibles d’assurer la continuité de l’Etat après l’attentat. On avait les renseignements de « Jean-Pierre », le lanceur d’alerte de la MINUAR. Sans compter la campagne dans les médias tels RTLM et Kangura dont les analyses complètes ont été faites depuis lors.

« Il y a eu une multitude de rapports annonciateurs du génocide »

Me Maingain : – « Je terminerai en disant que ce n’est pas par hasard qu’Agathe Uwilingiyimana a été empêchée de lancer un message à la radio pour appeler la population à arrêter les crimes contre les Tutsi et certains Hutu. La tuer fut un acte soigneusement prémédité ainsi qu’il ressort des dossiers que j’ai consultés. Tout comme le refus des extrémistes de poursuivre le processus d’Arusha. M. Onana aurait pu accéder facilement à toutes ces informations. Face à cette montagne d’évidences, comment ose-t-il employer le mot « escroquerie » ?

« Curieusement l’ordonnance de Monsieur Bruguière est silencieuse sur la mort des paracommando et sur la campagne antibelge lancée dès l’attentat. Mais le dossier révèle l’explication à ce sujet. L’attentat ne peut avoir été commis que de Masaka ou de Kanombe [dans le camp de la Garde présidentielle et de l’unité de Reconnaissance] ou sa proximité immédiate.

« Ces deux sites étaient inaccessibles au FPR. Interrogé au TPIR, le colonel Bagosora explique noir sur blanc que le tir ne peut provenir que de Masaka et qu’il fallait nécessairement la complicité des Belges car même à Masaka les militaires ou commando FPR ne pouvaient se rendre. Et l’on comprend alors pourquoi il fallait une complicité belge comme alibi pour justifier le site de Masaka…

« Mais l’expertise balistique ordonnée par les deux juges d’instruction qui ont succédé à Bruguière, monsieur Trevidic et madame Poux, a anéanti la thèse de la main du FPR dans l’attentat en validant l’origine des tirs à Kanombe, au camp des FAR. C’est la même conclusion que celle de l’équipe d’experts écossais engagés par le gouvernement de Kigali. Et on pourrait citer encore de multiples arguments par rapport à ce dossier et ici encore, l’ouvrage de monsieur Onana ne rend pas compte des résultats de l’instruction française. Lui qui n’a jamais mis les pieds au Rwanda !

« L’expertise balistique […] a anéanti la thèse de la main du FPR dans l’attentat »

Me Maingain : – « Certains accusent le Président Kagame d’être à l’origine de l’attentat contre l’avion. C’est faux et le dossier complet de l’attentat renvoie constamment au groupe des extrémistes génocidaires avec la complicité de certains. Je pense à cet égard au rôle du capitaine Paul Barril qui reste à analyser de façon approfondie. Je rappelle que lors des cérémonies du 30ème anniversaire du génocide, monsieur Kagame a expliqué que dès l’attentat, il va prioritairement s’enquérir du sort de sa cousine qu’il considérait comme sa sœur et qui vivait au Rwanda à Kigali en avril 1994. Il est resté en contact avec elle toute la journée du 7 avril mais finalement, elle n’a pas échappé aux tueurs génocidaires.

« Je rappelle aussi que le 7 avril après midi le général Dallaire a rencontré Monsieur Kagame à Mulindi et il a témoigné de la teneur de cet entretien. On le trouve au dossier de l’attentat. Contrairement à ce qu’a mentionné le juge Bruguière dans son ordonnance, Paul Kagame a immédiatement accepté une enquête sur les causes de l’attentat et ce alors que l’accès au site était interdit à la Minuar et réservé à certains Far et à quelques militaires français.

« Au cours de cet entretien, selon le témoignage du général Dallaire, Monsieur Kagame a réclamé l’arrêt des crimes contre les Tutsi et ce immédiatement et la reprise et poursuite du processus d’Arusha. Il a exigé que cela se passe dans les 24 heures. Malheureusement, rien n’a été fait. Le génocide était enclenché et le FPR a décidé le 8 avril après midi d’entamer le mouvement de ses troupes pour protéger les populations.

« Tout cela est documenté et bien précisé dans le dossier de l’attentat.

« Le FPR a décidé le 8 avril après-midi d’entamer le mouvement de ses troupes pour protéger les populations.

Me Maingain tient à préciser un point qui fait polémique : – « Tous les récits reçus des survivants me disent qu’ils n’ont été en sécurité que dans les zones libérées par le FPR. Je ne peux témoigner de rien d’autre car ce serait contraire à ce que j’ai reçu comme témoignages. Des dizaines de témoins.

« Les ouvrages de monsieur Onana reproduisent tous les poncifs et imaginaires antisémites : la « « race des menteurs », les femmes qui recherchent les lits de certains hommes pour leur soutirer des secrets politiques, la cupidité, l’appât de l’argent… Les extraits de l’ouvrage en sont le révélateur, non seulement dans l’ouvrage concerné par le procès mais dans l’ensemble de la production pseudo scientifique de cette personne. L’opposition racialiste sur l’origine des Tutsi et des Hutu ne nous a pas été épargnée. Tout ceci n’a aucune base scientifique et ignore le travail des historiens de la région et de certains qui se sont penchés sur l’histoire profonde et débarrassée des scories pseudo-scientifiques.

« Le refus de monsieur Onana de toute référence ou comparaison avec la Shoah est une forme d’aveu de ses efforts pour minimiser la tragédie. Elle est une autre façon de tenter de déconnecter le génocide des Tutsi des autres génocides du XXe siècle, en faisant tout pour que le génocide des Tutsi devienne un génocide du bout des lèvres, réductible à un massacre. Ce ne sont que les traficotages et les mensonges de M. Onana, ce n’est pas la vérité.

« Les ouvrages de monsieur Onana reproduisent tous les poncifs et imaginaires antisémites »

Me Maingain encore : – « J’ai aussi été frappé par la multiplication des efforts d’écriture pour valider la théorie des massacres interethniques et démonétiser la réalité tragique du génocide des Tutsi. Je ne nierai jamais que, comme dans tout conflit armé, il n’y a pas de guerre propre. Il y eut des crimes de guerre et des actes de vengeance. Mais cela n’a rien à voir avec la tragédie du génocide planifié et exécuté au prix de souffrances atroces pour les familles victimes de cette tragédie.

« Monsieur Onana a aussi développé une thèse farfelue parlant d’un plan d’envahissement du Congo et reliant les événements à une sorte de complot mondial pour renverser les rapports de force entre anglo-saxons et francophones. Si la région des Grands lacs attire les convoitises de certaines grandes puissances et s’il il y a des intérêts en jeu, comme partout dans le monde, cela n’a rien à voir avec les aspirations profondes des populations. Elles ont le droit de vivre en paix, se reconstruire humainement, socialement, culturellement, économiquement et récupérer leur dignité. N’en déplaise à M. Onana et à ses puissants amis.

« Les populations ont le droit de vivre en paix, n’en déplaise à M. Onana et à ses puissants amis »

« Les gens qui ont frappé à ma porte à l’époque avaient cela exclusivement en tête. Et ils étaient plus préoccupés de leur région, de leurs familles, de retrouver leurs terres et de reconstruire que des élucubrations des livres de Monsieur Onana.

« Ces ouvrages continuent malheureusement à attiser la haine. J’ai énormément d’amis et de clients au Congo.

« Même s’ils se taisent aujourd’hui parce qu’ils ont peur des représailles, ils sont demandeurs de vivre en paix en retissant les liens de respect sans discours de haine et sans éliminer les Tutsi parce que Tutsi. Ces gens de bonne volonté existent encore et toujours. Je crois en eux. Mais les leaders et militants FDLR n’ont aujourd’hui que le nom Onana en tête… et en bouche.

« En RDC aujourd’hui, l’heure est à des massacres de Tutsi, Hemas et Banyamulenge parce que ces messages de haine sont de nouveau propagés.

« Je ne veux pas m’étendre ici sur ici sur cette nouvelle tragédie et ses vecteurs de haine. Je suis venu évoquer le négationnisme visé à la prévention mais cette haine continue à percoler au préjudice de nombreux civils à l’Est du Congo.

Il faut garder à l’esprit les valeurs fondatrices en humanité et ne pas trahir l’histoire notamment en niant ou minimisant le génocide des Tutsi au Rwanda.

« Quant à moi, je poursuivrai ma route dans le respect de ce que Jean Birara m’a appris et dans la volonté de mener à terme un projet qui permette d’arrêter les logiques racialistes et négationnistes pour que cette terre d’Afrique offre une part de bonheur tellement méritée à ses habitants, à tous ses habitants, enfants de la terre d’Afrique »

« En RDC aujourd’hui, l’heure est à des massacres de Tutsi, Hemas et Banyamulenge parce que ces messages de haine sont de nouveau propagés »

Répondant à quelques questions, Bernard Maingain résume : « Le négationnisme actuel suit l’imaginaire des génocidaires, dont Kangura et la RTLM diffusaient l’idéologie et la propagande sur les Tutsi menteurs et leurs femmes espionnes. De même qu’on disait « le Juif veut l’argent », on dit « Le Tutsi veut les minerais ». » Et Bernard Maingain d’évoquer l’ouvrage qui porte le titre « Ces Tutsi tueurs » qui révèle à lui seul la vision de monsieur Onana. Il ne cite pas des auteurs précis de crimes. Il cite les Tutsi et il les qualifie de tueurs… C’est la base des discours de haine et de la levée de l’interdit du meurtre. Tuer un Tutsi c’est se défendre contre les tutsis tueurs.

Bernard Maingain : « Le négationnisme actuel suit l’imaginaire des génocidaires »

Me Gisagara lit le passage de cet ouvrage consacré à la femme tutsi et demande l’avis du témoin. Me Maingain rappelle l’imaginaire raciste concernant la femme juive, la femme noire – « la négresse » –, la femme arabe et leur sexualité. Il précise que cela ne correspond pas du tout à son expérience de la culture rwandaise. Dans la société rwandaise, la femme est profondément respectée. La structure familiale est toute entière orientée sur le transgénérationnel et les familles ont attaché une importance considérable à l’éducation, comme moyen d’émancipation par rapport au pouvoir colonial.

Me Maingain ajoute que la codification de la sexualité dans ou hors mariage est importante et la pudeur est une donnée importante. Le pouvoir colonial a dévoyé les femmes africaines sans respect pour leur culture historique. Le récit racialiste de monsieur Onana a largement amplifié cette vision de mépris en reproduisant ici encore l’imaginaire raciste et antisémite. « Tout cela est lamentable et contraire à mon expérience du statut de la femme au Rwanda ».

Une question de l’avocat de Charles Onana : « Etes-vous l’avocat du FPR ? »

Bernard Maingain : – « Pourquoi me posez vous cette question. J’ai pris en charge des défenses pour des personnes et autorités au Rwanda. Pourquoi ne me demandez vous pas si je suis l’avocat du Président des Seychelles avec qui j’ai travaillé ou si je suis l’avocat de l’opposition burundaise compte tenu de mon intervention pour les victimes de répression, ou si je suis l’avocat du clan Myboto au Gabon, ou de militaires israéliens vu mon travail pour un général à Madagascar, ou de dirigeants ukrainiens que j’ai défendu, etc., etc. J’espère que je suis consulté parce que je ne suis pas trop mauvais. J’ai des amis et des clients également au Congo.

Question : « Le FPR a-t-il laissé massacrer les Tutsi ? »

Bernard Maingain : – «  Je vous ai déjà répondu. C’est l’avancée du FPR qui a permis de sauver des Tutsi. C’est ce que j’ai vécu ».

Question : « Etiez vous au Rwanda pendant le génocide ? »

Bernard Maingain : – « Je n’étais pas sur place entre avril et juillet 94. Auparavant, depuis 1989, j’allais plusieurs fois par an. Dès la fin 94, je suis retourné sur place et je vais dans la région des grands lacs plusieurs fois par an depuis plus de trente années ».

Fin des questions à Me Maingain. Suit le général Didier Tauzin, cité pour la défense de Charles Onana.

La parole au général Didier Tauzin

Le général de division Didier Tauzin, 74 ans (il est né en 1950 à Dakar), est le fils de Raoul Tauzin, ancien militaire et combattant de la France libre. Le père était un homme énergique : Raoul Tauzin, commis de ferme à 14 ans, s’engagea comme soldat en 1939, à 20 ans. Fait prisonnier, il s’évada et rejoignit le général de Gaulle à Londres. Parachutiste SAS de la France Libre, il termina la guerre à Stuttgart. Ensuite il rempila pour l’Indochine. Prisonnier à l’issue de la bataille de Dien Bien Phu, il fut emprisonné dans les terribles camps du Vietcong. Il participa enfin à la guerre d’Algérie sur les confins marocains. Il termina sa carrière militaire avec le grade de chef de bataillon. Sorti du rang, c’était le mieux que pouvait espérer l’ancien valet de ferme.

Enfant, Didier Tauzin a suivi les affectations paternelles en France, au Maroc, en Centrafrique avant d’intégrer le Prytanée de La Flèche puis Saint-Cyr en 1971. Au sein de l’Armée de terre, il entra à l’Ecole de Guerre, dont il sortit diplômé en 1988.

De 1992 à 1994, Didier Tauzin commanda le 1er RPIMA (ancien « régiment colonial »). Il devint conseiller militaire du président Habyarimana à l’occasion de diverses missions de 1990 à 1993. Il fut chef du DAMI Panda et de l’opération Chimère (22 février-28 mars 1993). Il s’agissait d’une intervention secrète où, avec une petite centaine d’officiers et sous-officiers français d’état-major, Didier Tauzin se substitua au chef d’état-major de l’armée rwandaise et à son équipe pour mettre en échec l’offensive du Front patriotique. Sous un déluge d’obus français de 105 dont les tirs étaient « indirectement » (?) réglés par des artilleurs français, les rebelles furent contraints de décrocher. Tauzin explique dans son premier livre qu’il aurait aimé battre définitivement Kagame et même l’expédier hors de ce monde.

[Devant le tribunal Didier Tauzin se montra peu prolixe concernant sa biographie et c’était dommage. Nous l’avons ici détaillée.]

En 1993, Didier Tauzin inflige une râclée au FPR

En juin 1994, ce fougueux chef de guerre, plus familier de l’argot des casernes que d’un français châtié a été appelé à commander un des groupes participant à l’opération dite « militaro-humanitaire » Turquoise sous mandat de l’ONU. Il se vit prématurément rappelé à Paris à la suite de propos et de gesticulations anti-FPR n’ayant rien « d’humanitaires ». Devenu général, il prit sa retraite de l’armée en 2006. Il profite de ses loisirs pour écrire des livres[26] très hostiles au régime post-génocidaire et à Paul Kagame qu’il traite à plusieurs reprises de « salopard ».

Revenons à sa déclaration liminaire. Elle est le résumé de ses livres, de ses articles, de ses conférences et de ses interventions dans les médias[27]. Les non-dits de M. Tauzin sont également criants de sa vindicte anti-tutsi lors de l’opération Turquoise dont il dit tant de bien. Selon la déclaration liminaire du général Tauzin,

• c’est le FPR qui faisait de l’épuration ethnique [sic]. « Si Paris m’avait laissé renvoyer Kagame en Ouganda en 1993, ou à nouveau le 7 avril 1994 en sautant sur Kigali, le génocide ne serait jamais arrivé. Et il n’y aurait pas non plus les 20 millions de morts du Kivu. »[28]

• « Pendant Turquoise on a été calomniés comme jamais. J’ai sauvé Nyarushishi[29] et sur place à la demande des anciens encore présents, je leur ai organisé une messe. A Butare j’ai exfiltré 600 Tutsi malgré le FPR qui violait la trêve prévue [sic] ».

• A ce moment j’ai vu de mes yeux le FPR tirer dans le dos de paysans hutus.

• Onana dit la même chose que moi mais en mieux. On peut extraire de son livre des phrases et leur faire dire ce qu’on veut : ces parties civiles ont des méthodes bolchéviques et maoïstes pour tromper [sic].

Tauzin : « Onana dit la même chose que moi, mais en mieux »

En réponse à une question, le général Tauzin se lance dans un long développement sur « l’origine nilo-hamitique des Tutsi arrivés d’Ethiopie au XIV-XVIe siècle avec leur culture militaire au milieu des Hutu bantous habitant dans des villages dispersés dans la forêt et ne sachant pas se battre » [un bon résumé de la propagande du régime politique raciste au Rwanda entre 1962 et 1994].

Il ajoute : «  Certains Tutsi, les Hima, appellent les Hutu « les singes ». Kagame est un Hima et considère les Tutsi restés au Rwanda (ceux qui n’ont pas émigré) comme des collabos. »

« Dans tous les lieux d’opération où j’ai été, notamment en Somalie et en Bosnie, j’ai vu des guerres civiles et des massacres. Au Rwanda des hutus aussi ont été massacrés et ça continue. Seul le massacre des Tutsi a été qualifié génocide. »

On comprend pourquoi, de nouveau interrogé sur le livre de Charles Onana par l’avocat de ce dernier, le général Tauzin a assuré qu’il ne voyait pas en quoi celui-ci contesterait l’existence du génocide. « Simplement, Charles Onana a mis en exergue les autres victimes qui sont oubliées. »

« Seul le massacre des Tutsi a été qualifié génocide »

Bien qu’intarissable sur Turquoise, le général Tauzin n’évoque jamais un incident sur lequel nous avons enquêté. Le 7 juillet 1994, à Kigeme (préfecture de Gikongoro, en zone « Turquoise »), un groupe de hauts-gradés rwandais, le général de brigade Léonidas Rusatira, le général de brigade Marcel Gatsinzi et plusieurs officiers de l’armée de terre et de la gendarmerie rwandaises signent une déclaration condamnant le génocide des Tutsi. Aussitôt les génocidaires envoient une escouade pour les liquider. Sur ordre de Paris ils sont exfiltrés par les Français de Turquoise qui, curieusement, ne se vantent pas de cet exploit.

A quelques années de distance nous avons interrogé le général Gatsinzi et un de ses subordonnés. Ils avaient une opinion pour le moins mitigée de ce « sauvetage » : les militaires français chargés de l’exfiltration les auraient préalablement désarmés et passés à tabac[30] ! On aimerait des explications sur ce « traitement spécial » de gradés hutu opposés au génocide.

Les prises de position antérieures du général Tauzin

Avant cette audition en faveur de Charles Onana, Didier Tauzin a, tout comme le général Quesnot, exposé des convictions qui interpellent sur son racialisme, selon lui une clef majeure d’explication :

« C’est au Burundi et au Rwanda que cette prétention à la supériorité intrinsèque d’une ethnie a connu, dans la longue durée, ses plus grands succès, débouchant sur une véritable sacralisation, plutôt une déification du Tutsi, allant en cela plus loin que toutes les idéologies de race supérieure développées en Europe au XIXe et au XXe siècles. […] Fondée sur une imposture quasiment ontologique, elle a provoqué le développement d’une culture de la manipulation, de la dissimulation, du secret, de l’expression au deuxième voire au troisième degré, culture de la défiance qui est particulièrement désarçonnante pour des Occidentaux dont la culture d’essence chrétienne est fondée sur la confiance et le précepte du Christ “que votre oui soit oui, que votre non soit non !”… »[31] [Général Didier Tauzin, 2011].

« [La France] ne connaissait pas ou n’appréhendait pas à leur juste valeur la rouerie et la duplicité des Tutsi, ni la haine viscérale et la peur de l’autre
chevillées au cœur des hommes et des femmes des deux ethnies ennemies. » [32] [Général Didier Tauzin, 2011].

Tauzin : [La France] ne connaissait pas ou n’appréhendait pas à leur juste valeur la rouerie et la duplicité des Tutsi »

« C’est sans doute en Europe que cette déclinaison de l’orgueil a connu son développement extrême et le plus dramatique, avec l’idéologie hitlérienne de la race supérieure. L’Afrique ne fait pas exception et les Africains ont bien sûr succombé à cette tentation. »[33] [Général Didier Tauzin, 2011].

« Nous avions des journalistes français qui faisaient la navette – un journaliste français, à l’époque ; il n’est plus français, paraît-il, peu importe, hein – qui faisait la navette entre les lignes françaises, nos campements à nous, et… Kampala où était… la capitale… donc, ougandaise, où étaient installés Kagame et l’état-major de Kagame. Donc, il avait des relations directes avec Kagame mais ce journaliste avait aussi une maîtresse tutsi, nous le savions. Parce que nous avions quand même aussi des informations solides. Donc, nous savions que nos informations passaient directement chez Kagame. »[34] [Général Didier Tauzin, 2016].

« Kagame ? C’est une crapule, c’est un salopard. »[35] [général Didier Tauzin, 2013].

Général Tauzin : « Kagame ? C’est une crapule, c’est un salopard »

« L’ONU considère cela comme un génocide et installe un tribunal, le TPIR – Tribunal pénal international pour le Rwanda –, à Arusha, en Tanzanie. Pour juger les génocidaires présumés ! Donc, tous des gens qui étaient au Rwanda en 90 [sic], avant juillet. Quasiment tous – tous – des Hutu désignés par Kagame et le FPR.

« A ce jour, aucun des présumés coupables n’a été condamné pour génocide, aucun ! C’est-à-dire que, selon la définition de l’ONU, il y a génocide quand il y a préméditation, organisation et exécution, bien sûr, du génocide. Il faut qu’il y ait préméditation et organisation. […] Si, donc, il y a vraiment eu génocide, ça veut dire que les responsables sont ailleurs ! Et on sait où ils sont ! Ils sont à Kigali en ce moment. C’est Kagame. »[36] [Général Didier Tauzin, 2013].

« C’est le président du FPR, du Front patriotique rwandais. Il l’appelle “Front patriotique rwandais” pour faire croire que c’est une affaire multiethnique, qu’il y a des Hutu chez lui. Effectivement, il y avait des Hutu comme otages, il y avait des Hutu comme prisonniers. Et il y en avait aussi quelques-uns qui étaient, si vous voulez, les serviteurs de ces deux clans depuis des siècles – parfois de père en fils – et qui les avaient suivis. Mais il y avait très peu de Hutu. En fait, c’était… Le FPR est tutsi ! »[37] [Général Didier Tauzin, 2013].

« A ce jour, [au TPIR] aucun des présumés coupables n’a été condamné pour génocide, aucun ! »

« Moi, j’affirme dans mon livre et je continuerai d’affirmer que, dès le départ, dès la conception de sa guerre, Kagame avait envisagé, voulu, le nettoyage ethnique ! […] D’éliminer le maximum de Hutu.

« Et, aujourd’hui encore, on ne nous parle en général que des – c’est devenu un refrain dans les médias – 800 000 Tutsi et Hutu modérés qui ont été victimes du génocide de 94. Les dernières estimations, parce que la guerre a continué après 94 […] Elle continue aujourd’hui dans l’est zaïrois, au Kivu, voilà. Eh bien, les dernières estimations sont de huit millions de morts ! De personnes massacrées. Huit millions, pas 800 000 ! Et sur les huit millions, il y a peut-être – peut-être – 200 000 Tutsi. »[38] [Général Didier Tauzin, 2013].

Quel crédit accorder à un tel exalté ?

Les témoignages de Théoneste Habimana et de Théobald Rutihunza

[Suit le témoignage de Théoneste Habimana, cité par Charles Onana, qui semble très voisin de celui de Nkiko Nsengimana, sauf que ce dernier était clair et précis, tandis que Théoneste Habimana apparait confus, au point que les notes d’audience qui nous ont été transmises se révèlent inutilisables]

Théobald Rutihunza, lui aussi cité par Charles Onana est lapidaire. Son témoignage peut se résumer en une seule phrase : « Les accusations contre Onana sont infondées, sans rapport avec son livre, qui concerne Turquoise ».

Ses réponse aux questions posées sont très voisines de celles de Nkiko Nsengimana.

Dernier témoin, le général Emmanuel Habyarimana

Dernier témoin, le général Emmanuel Habyarimana. Précisons qu’il n’y a aucun lien de parenté avec le président Juvénal Habyarimana. Ce nom – en réalité, un surnom donné à la naissance signifiant « c’est Dieu qui donne la vie » – est courant au Rwanda. Lui aussi a été cité par Charles Onana.

Emmanuel Habyarimana, hutu, est devenu militaire sous Juvénal Habyarimana. Il a ainsi expliqué être parti à la guerre après l’attaque d’octobre 1990 et que par suite il a été emprisonné[39]. Acquitté, il rejoint le gouvernement en tant que ministre des Sports et de la jeunesse.

Le témoin a changé plusieurs fois de camp. Emmanuel Habyarimana a été signataire de la « déclaration de Kigeme »[40] (en pleine « zone Turquoise ») dénonçant le génocide des Tutsi le 7 juillet 1994 et demandant à rejoindre le secteur contrôlé par le FPR, ce qu’il se garde de rappeler devant le tribunal, vraisemblablement pour ne pas indisposer ses amis d’aujourd’hui.

Il a été signataire de la « déclaration de Kigeme »

Car après cette « déclaration » et la victoire du FPR, Emmanuel Habyarimana a rejoint l’Armée patriotique rwandaise (APR) nouvellement constituée en intégrant les militaires de la rébellion et d’anciens éléments des FAR non suspects de génocide. Il y a reçu le grade de colonel. Il est devenu député à l’Assemblée nationale du Rwanda.

En 1997, il est nommé ministre d’État à la Défense. En 2000, il devient ministre de la Défense de plein exercice. Sur le plan militaire, il est promu quelque temps après au grade de général de brigade. Tout en occupant son poste gouvernemental, il a joué un rôle important lors de la Seconde guerre du Congo.

En novembre 2002, Emmanuel Habyarimana a été démis de ses fonctions de ministre de la Défense, ce que le porte-parole du gouvernement Joseph Bideri a attribué à ses opinions « extrêmement pro-Hutu ». Il a été remplacé par le général Marcel Gatsinzi, lui aussi Hutu, issu lui aussi de l’ancienne armée rwandaise[41].
Quatre mois plus tard il a fait défection vers l’Ouganda avec plusieurs autres officiers de l’Armée patriotique rwandaise[42].

Selon Emmanuel Habyarimana, son poste au gouvernement lui a permis d’être informé de massacres du FPR

Depuis sa fuite du Rwanda, le général Emmanuel Habyarimana s’affiche avec les amis des génocidaires et les milieux négationnistes. Dans des conférences et sur des sites sociaux, il affirme que son poste gouvernemental lui a permis d’être directement informé de massacres du FPR, de 1990 à 2003. Il dit avoir protesté officiellement auprès de Paul Kagame, « qui a couvert », dit-il.

Dans sa déclaration liminaire, le général Emmanuel Habyarimana raconte qu’il était député en 1995 quand l’Assemblée (« majoritairement FPR ») a décidé la dénomination « génocide rwandais », restée officielle jusqu’au changement de 2006 en faveur de « génocide des Tutsis ». Que veut-il dire ? Il est difficile de transcrire la suite des déclarations sibyllines du général Emmanuel Habyarimana, sinon qu’il soutient Charles Onana et ne voit « pas de problèmes dans les phrases incriminées ».

C’est la fin du troisième jour d’audience. Le défilé des hauts-gradés français et leurs déclarations à l’emporte-pièce posent bien des questions sur leur partage de l’idéologie négationniste. Les « variations » des renégats aussi.

Le négationnisme, Turquoise, Onana, les hauts gradés français, tant de questions…

Depuis une quinzaine d’années, certains membres de l’association « France Turquoise » développent un nouveau discours de négation du génocide des Tutsi. Le florilège de leurs déclarations fait surgir les « éléments de langage » d’une idéologie presque décalquée de la propagande haineuse qui préparait le génocide au Rwanda. S’agit-il vraiment, par des affirmations racistes et péremptoires, de « défendre la mémoire de l’armée française » engagée dans l’opération Turquoise en 1994 ? Ces polémistes ne sont-ils pas plutôt poussés en première ligne par des acteurs parisiens cherchant à dissimuler la folle politique menée au nom de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 ?

Bien involontairement, à force d’excès de verbe et de plume, des enragés de France-Turquoise et leurs thuriféraires dévoilent la pensée des « hommes de l’Elysée » brûlant dans les années 1990 d’en découdre avec le FPR, d’arbitrer la guerre civile au Rwanda en se référant à leurs seuls préjugés et en soutenant un régime corrompu dont nombre de dirigeants préparaient le génocide. Livres, interviews, articles, conférences… Disons-le franchement : des anciens hauts gradés et leurs supporters remplissent un extravagant pot-pourri d’arrogance, d’inculture, de racisme, de misogynie, de conspirationnisme.

En définitive, pourquoi tant d’exaltation et de haine ? Nous nous posons cette question depuis longtemps. Le procès de Charles Onana pour négationnisme la remet à l’ordre du jour.

Prochain article : le 4e jour du procès de Charles Onana

_____________________

[1] Pour une analyse juridique du délit en cause, voir :
https://www.leclubdesjuristes.com/justice/genocide-au-rwanda-un-proces-pour-negationnisme-a-paris-7265/

[2] Jean de Dieu Kamuhanda est un homme d’État rwandais qui a participé aux crimes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Le jugement rendu en janvier 2005 le déclare coupable des crimes de génocide et d’extermination constitutive de crime contre l’humanité et le condamne à l’emprisonnement à perpétuité1. Jean de Dieu Kamuhanda interjetta appel et la chambre d’appel, en septembre 2005, confirma le jugement et la sentence 8.

[3] Le témoin a raconté son action dans un rapport d’expertise au TPIR titré « QUELQUES ELEMENTS D’ANALYSE POLITOLOGIQUE DE L’HECATOMBE RWANDAISE DE 1994
RAPPORT D’EXPERTISE REQUIS POUR LE TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL SUR LE RWANDA DANS L’AFFAIRE : LE PROCUREUR CONTRE JEAN DE DIEU KAMUHANDA, ICTR-99-54A
Accessible sur
https://rwandanet.tripod.com/nkikonsengimana2003.html

[4] L’ouvrage énonce exactement le contraire p . 813 : « Selon deux dirigeants haut placés du FPR, le mouvement s’attendait à ce que la communauté internationale participe à la défense des civils si les tueries massives commençaient. Ni les Nations unies ni aucun gouvernement étranger n’ayant manifesté l’intention d’intervenir, le FPR proposa le 9 avril une opération conjointe avec la MINUAR et l’armée rwandaise, chacune devant fournir 300 hommes pour arrêter les massacres. Le FPR estimait que ce nombre devait être suffisant pour faire cesser les tueries essentiellement perpétuées par la Garde présidentielle. L’armée rwandaise rejeta la proposition le lendemain et la MUNUAR ne devait pas davantage participer au projet. Après l’échec de cette initiative, le FPR entreprit de mettre seul un terme au génocide ». Etc.

[5] Dans leur déclaration publique du 8 janvier 1994 relatif au retard de la mise sur pied des institutions de transition définies dans l’Accord de paix d’Arusha, le collectif de la société civile représenté par les organisations de femmes « Pro-femmes Twese Hamwe », les Organisations de droits de l’homme « CLADHO » et les ONG de développement « CCOAIB » demandent notamment à la Radio Muhabura du FPR et la Radio RTLM du camp présidentiel de cesser de propager des discours ethnisants. Le collectif condamne aussi la distribution des armes qui était en train de se dérouler. » Cependant, « l’ethnisme » de Radio Muhabura n’a jamais été démontré, jamais documenté. Bien au contraire…

[6] Journal Uganda Confidential du 28 février au 7 mars 1994 et journal The People du 4-8 mars 1994.

[7] « Propos tenus par M. P. Mazimhaka en date du 12 février 1994 devant les délégués de la société civile dont je faisais partie. Nous rendions visite au FPR dans le cadre de pression politique en vue de la mise en place des institutions de transition. »

[8] L’immeuble du CND n’a jamais été « le nouveau siège du FPR » mais le lieu de cantonnement militaire d’un bataillon, comme chacun le sait.

[9] Ces « brigades infiltrées du FPR » sont une invention du négationniste Pierre Péan, reprise depuis lors par tous les négationnistes sans en apporter la moindre preuve.

[10] https://rwandanet.tripod.com/nkikonsengimana2003.html

[11] Il est inexact d’affirmer que la documentation de la conspiration du génocide repose sur les déclarations de Janvier Afrika.

[12] Affirmation inexacte : le texte sur la « définition de l’ennemi », diffusé pour partie en 1992 dans toutes les casernes, a été révélé dans la presse rwandaise dès septembre 1992. Il est mentionné dans le rapport de la FIDH/HRW de mars 1993, que le colonel Robardey, alors à Kigali, avait aussitôt lu et contesté la pertinence.

[13] La fausseté de cette affirmation est démontrée dans un de nos derniers livres : Jean-François Dupaquier, « Politiques, militaire et mercenaires français au Rwanda, chronique d’une désinformation, Ed. Karthala, Paris, 2014.

[14] Nous avions demandé par mail à M. Robardey de nous adresser ses notes d’audience, ou bien un compte-rendu de ses déclarations, auxquelles nous ne pouvions assister, étant témoin le 11 octobre. Nous lui avions également demandé de transmettre une requête similaire aux autres militaires qui témoignaient la demande Charles Onana et dont nous ne possédions pas les coordonnées. Nous n’avons pas obtenu de réponse avant la publication de cet article.

[15] Pendant le génocide, Christian Quesnot semble s’être s’entretenu plusieurs fois avec le président Théodore Sindikubwabo.

[16] Pour autant qu’il dise vrai en déclarant que « la France a repoussé le FPR en 1990 », le général Quesnot dévoilerait un des aspects les plus secrets de l’intervention militaire directe de l’Elysée sur le champ de bataille : le rôle de pilotes français d’hélicoptères de combat cédés au Rwqnda, qui malgré leur statut de simples « coopérants », auraient détruit la colonne de ravitaillement des rebelles, condamnant leur offensive à l’échec faute de carburant et de munitions. Pour la seconde partie de sa phrase, il s’agit des opérations militaires menées en 1993 sous les ordres opérationnels du colonel Tauzin, qui ont effectivement fait reculer les combattants du FPR.

[17] Cette interprétation est contestable. A Arusha le Front patriotique avait obtenu le 4 août 1993 d’importants avantages politiques. Ce sont les Forces armées rwandaises (FAR) qui, récusant les Accords d’Arusha, ont repris les hostilités dès le soir du 6 avril 1994

[18] Cette allégation est inexacte de bout en bout. « L’enquête Bruguière a été invalidée par ses successeurs qui ont rendu un non-lieu au bénéfice des membres du FPR poursuivis ; Il n’existait pas de « réseaux sociaux » en 1994 et donc personne ne pouvait s’y vanter de quoi que ce soit.

[19] Par moments, le général Quesnot semble confus. Il n’a jamais été le témoin direct des « monceaux de cadavres » qu’il affirme avoir vus. Il n’aurait pu apercevoir des « monceaux de cadavres » qu’en 1994. Or Hubert Védrine, alors secrétaire général de l’Elysée, s’est opposé avec succès à son projet de voyage durant l’opération Turquoise, car, écrit Hubert Védrine à François Mitterrand, « les journalistes connaissent trop ses positions très anti-FPR » [Cf. Les archives secrètes de Mitterrand », p. 545]. Le général Quesnot en aurait été très mortifié, ce qui ne l’autorise pas à réécrire l’histoire aujourd’hui. Quant aux auteurs des tueries massives au Rwanda en 1994, le général Quesnot en identifie les responsables comme les dirigeants du FPR, pas les organisateurs du génocide des Tutsi…

[20] Récit rédigé par Françoise Carle, secrétaire de François Mitterrand le 29 avril 1994, reproduit par Bruno Boudiguet, dans « Rwanda. Les archives « secrètes » de Mitterrand 1982-1995) », Ed. Aviso, L’Esprit Frappeur, Paris.

[21] Ibid., p.386.

[22] Ibid. p. 390.

[23] Ibid. p.434.

[24] Ibid., p. 440.

[25] Bernard Maingain, « Le Cri du Falcon, un crime judiciaire d’Etat, Kigali, 6 avril 1994 », collection Histoire et Images, Kigali/Bruxelles, 2024.

[26] Général Didier Tauzin, « Rwanda, je demande Justice pour la France et ses soldats : le chef de l’opération Chimère témoigne », Paris, Ed. Jacob-Duvernet, 2011 ; Général Didier Tauzin « La haine à nos trousses de Kigali à Paris : témoignage, Aix-en-Provence », Éditions Persée, 2012 ; Général Didier Tauzin « Rwanda : je demande justice pour la France et ses soldats ! : le chef de l’opération Chimère témoigne », Paris, réédition, Mareuil, 2014 ; Général Didier Tauzin « Rebâtir la France », Paris, Mareuil, 2015, 103 p. Etc.

[27] Le général Didier Tauzin déclare en 2013 « Il y en a trois [ethnies]. Mais l’une est presque insignifiante : elle ne représente plus que 1 % de la population. Ce sont les Twa, qui sont des pygmées. C’est le peuplement le plus ancien. Et les deux autres ethnies sont…, se partagent en 85 % – se partageaient, à l’époque ! –, en 85 % de Hutu, qui sont des bantous qui viennent de la forêt équatoriale, qui sont arrivés dans ce pays avant le Christ, avant l’ère chrétienne. Et 15…, 14 % de Tutsi qui, eux, sont des nilo-hamitiques, des pasteurs qui viennent d’Ethiopie, qui sont arrivés dans la région vers le XVème, XVIème, XVIIème siècle. » « Vers le XVème, XVIème siècle, deux clans se sont unis pour unifier le Rwanda. Et en fait, ils représentaient très peu de monde. Et ils avaient quasiment esclavagé tous les autres Rwandais, hutu et tutsi ! Et ces gens-là, ces deux clans royaux – les Nyiginya et les Bega –, qui en fait, donnaient ensuite le roi et la reine mère, avaient même développé une idéologie tout à fait étonnante. Ils ont fait mieux que Hitler puisque, eux, prétendaient être descendus du ciel et se nourrir…, de recevoir leur nourriture des anges. […] c’est machiavélique ! C’est totalement machiavélique, cette affaire-là. » [Général Didier Tauzin, 2013].

[28] Chiffre avancé par Charles Onana sans la moindre ébauche de preuve ni même de démonstration.

[29] Dans le camp de Nyarushishi au sud-ouest du Rwanda, lors de l’arrivée des éléments avancés de Turquoise survivaient environ 8 000 Tutsi. Le général Lafourcade et ses collaborateurs se vantent de les avoir sauvés, oubliant qu’ils ont traversé les trois mois du génocide sous la protection de gendarmes rwandais particulièrement courageux et efficaces…

[30] Interview (enregistrée) du général Gatsinzi par Jean-François Dupaquier le 10 avril 2019 entre 14 h 06 et 16 h 24. Voir la photo ci-dessus faite juste après l’interview à 16 h 27. Il est pour le moins bizarre que France Turquoise ne tire pas gloire d’avoir sauvé de la mort huit hauts-gradés hutu, dont deux généraux !

[31] Général Didier Tauzin, 2011, pp. 38-39.

[32] Général Didier Tauzin, 2011, p. 168.

[33] Général Didier Tauzin, 2011, p. 39.

[34] Didier Tauzin : « la France a des responsabilités, mais pas de culpabilité ». « 23 ans après le génocide rwandais : des officiers français mis en cause. Réaction exclusive du général Didier Tauzin, candidat à l’élection présidentielle ». Transcription de l’entretien avec Armel Joubert des Ouches le jeudi 1er décembre 2016 (mis en ligne le 3 janvier 2017 sur le site « reinformation.tv »). Lien vidéo :
http://reinformation.tv/genocide-rwanda-mis-en-cause-general-didier-tauzin-joubert-64382-2/

[35] Transcription de l’émission de radio intitulée : « L’affaire du Rwanda : mensonges et trahisons », op. cit.

[36] Transcription de l’émission de radio intitulée : « L’affaire du Rwanda : mensonges et trahisons », op. cit.

[37] Transcription de l’émission de radio intitulée : « L’affaire du Rwanda : mensonges et trahisons », op. cit.

[38]Transcription de l’émission de radio intitulée : « L’affaire du Rwanda : mensonges et trahisons », op. cit.

[39] Le général Habyarimana ne dit pas pourquoi il a été mis en prison. A cette époque, pour un militaire des FAR, les principaux motifs d’arrestation étaient le soupçon d’être un Tutsi ayant falsifié son « ethnie », le refus d’un ordre raciste ou une allégation de manque de combativité. Et tant de décisions arbitraires…

[40] Déclaration signée par le général de brigade Léonidas Rusatira, le général de brigade Marcel Gatsinzi, le colonel BEM Venant Musonera, le lieutenant-colonel Dr Froduald Mugemanyi, le major BEM Emmanuel Habyarimana, le major gendarme Cyriaque Habyarabatuma, le major Alex Rwabukwisi, le major gendarme Jeanne Ndamage.

[41] Pour plus de détails sur la déclaration de Kigeme, voir :
https://rwandadelaguerreaugenocide.univ-paris1.fr/wp-content/uploads/2010/01/Annexe_122.pdf

[42] Dont le lieutenant Ndayambaje et le lieutenant-colonel Balthazar Ndengeyinka

[43] Pour plus de détails sur la déclaration de Kigeme, voir :
https://rwandadelaguerreaugenocide.univ-paris1.fr/wp-content/uploads/2010/01/Annexe_122.pdfLe 7 juillet 1994, désarmés et passés à tabac !

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024