Fiche du document numéro 34582

Num
34582
Date
Vendredi 14 octobre 2024
Amj
Auteur
Taille
96748
Titre
Procès de Rwamucyo à la Cour d’assises de Paris - 8ème jour
Sous titre
Compte rendu de l’audience du 10 octobre 2024
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
La journée du 10 octobre a débuté avec l’audition de Monsieur Jean GAHURURU, économiste retraité et ancien secrétaire adjoint de la Croix-Rouge rwandaise. Ce dernier a connu Eugène RWAMUCYO car ils fréquentaient les mêmes établissements scolaires. Le témoin a tout d’abord explicité la composition de la Croix-Rouge rwandaise. Il mentionne notamment avoir secouru des réfugiés, qui pour nombreux s’étaient réfugiés à la Sainte Famille. Interrogé sur cela, il affirme que les victimes ont été tuées par les Interahamwe mais aussi par des bombardements de la part de « rebelles » (en référence au FPR). Ils affirment en outre que les Interahamwe comprennent des membres du FPR.

Interrogé par le Président de la Cour sur l’ensevelissement des corps, le témoin explique que le ministère des travaux publics s’occupait de la logistique, des camions bennes circulaient dans les quartiers et les prisonniers « collectaient » les corps. Il ajoute « je crois qu’on n’a pas enterré de vivant, c’était normalement des corps ».

En outre, il soulève le fait que la Croix-Rouge rwandaise, dans une déclaration, affirmait que le conflit était lié à un problème « d’ennemis politiques » et non pas de génocide. L’association aurait corrigé son point de vue lorsque les Nations Unies ont affirmé l’existence d’un génocide. Interrogé par les conseils des parties civiles sur l’ensevelissement des corps, il précise que la Croix-Rouge rwandaise a participé à la sensibilisation sur la question de l’hygiène mais n’a pas participé à l’ensevelissement des corps faute de moyens et affirme en outre que le rôle de la Croix-Rouge était de sauver les vies en danger. Il ajoute que la décision d’ensevelir les corps a été motivée par l’urgence et non la dissimulation des preuves.

La matinée s’est ensuite poursuivie avec l’audition de Madame Marie-Claire MWITAKUZE, ancienne secrétaire de l’ONAPO. La témoin a été assistée d’interprètes. Elle affirme reconnaître l’accusé dans la salle. Lors de son témoignage, Madame Marie-Claire MWITAKUZE explique que le docteur RWAMUCYO s’entretenait avec elle et les différentes employées. La témoin a notamment décrit l’accusé se tapant la poitrine et affirmer qu’il ne se présentait pas à ses étudiants à l’université par son nom mais en disant « I am CDR ». Après cela, Madame MWITAKUZE a commencé à se méfier de lui, celle-ci étant Tutsi.De plus, elle décrit avoir entendu à la radio, juste avant le 27 mai 1994, dans le cadre d’une réunion de l’université, l’accusé déclarer « nous avons fait des listes systématiques, ceux qui sont encore en cachette qu’ils n’espèrent rien, nous allons les trouver ». C’est lorsqu’elle aurait entendu ces propos qu’elle aurait compris à quoi correspondait la liste trouvée sur l’ordinateur.

Monsieur Ndoba GASANA a ensuite été entendu par la Cour à des fins de renseignements. Ce dernier est de la région de Butare, ancien président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme au Rwanda.

Il explique dans sa déclaration avoir mené des missions d’enquête dans la région de Butare, il a notamment participé à la commission internationale d’enquête en janvier 1993. Il précise qu’à chaque enquête il lui a été signalé que parmi les intellectuels qui ont un rôle figurait Monsieur Eugène RWAMUCYO en ce qu’il est réputé avoir organisé le ramassage des corps.

Le témoin décrit l’assassinat de son frère et de sa famille à Butare le 21 avril 1994. Le Président de la Cour a demandé à l’accusé s’il connaissait le frère de Monsieur GASANA. L’accusé a répondu qu’il ne le connaissait pas, notamment car il était nouveau à Butare. Néanmoins, le témoin déclare que cela est impossible en ce que son frère Monsieur Pierre-Claver KARENZI était professeur à l’université, que c’était une personne connue du fait de sa qualité de sportif, que c’était le fondateur d’un grand club de football et était membre du parti unique où il était président de la commission chargé de l’éducation. Interrogé sur l’ensevelissement des corps par le ministère public ainsi que par les conseils des parties civiles, le témoin fait un lien entre la déshumanisation des victimes et le traitement des corps. Il explique notamment la découverte des corps et la manière de procéder afin d’honorer les corps, en précisant que cette étape est très importante pour la société. La journée s’est achevée par l’audition de Monsieur Tony ZACHARIAH, médecin ancien responsable de MSF à Butare, travaille à l’OMS.

Lors de sa déclaration, le témoin relate le déroulement des évènements dont il a été témoin entre le 6 avril 1994 et le 24 avril 1994. Il explique avoir assisté à la mise en place progressive de nombreuses barrières. Il souligne avoir réalisé très rapidement que les Tutsi étaient visés. C’est tout d’abord à travers le contrôle des cartes d’identité aux barrières qu’il constate que les Tutsi sont visés. Il rapporte que des Interahamwe ont contraint des Hutu à tuer leurs collègues Tutsi avec des machettes.

Il souligne notamment l’absence de soutien des autorités publiques à MSF à partir du moment où le nouveau préfet Sylvain NSABIMANA a été nommé. Le témoin relate en outre de nombreux corps sur la route entre Butare et le Burundi, ainsi que près des barrières. Interrogé sur la gestion à l’hôpital de Butare, le témoin raconte que 41 enfants ont disparu une nuit, « évacués » selon personnel de l’hôpital pour des « raisons d’hygiène » à l’hôpital de Kabutare. Il déplore alors que MSF n’a retrouvé que six enfants, et qu’aucun ne se trouvait à l’hôpital indiqué. Il indique en outre qu’environ 150 civils se trouvaient à l’hôpital ainsi que plus ou moins 140 militaires. Il ajoute avoir vu les prisonniers venir y ramasser des corps. Il raconte que les militaires ont rassemblé les civils dans la cour de l’hôpital pour les fusiller et les tuer à l’aide de machettes. Il relate le décès d’une de ses collègues malgré son intervention. Il précise que le capitaine des militaires a vérifié l’ethnie de cette femme sur une liste qu’il détenait. Le témoin explique que le militaire lui a confirmé que la personne était Hutu mais que son mari était Tutsi. Celle-ci étant enceinte, elle portait donc un enfant qui serait Tutsi. Elle a été tuée.

Interrogé par les conseils des Parties civiles sur les fosses communes, le témoin souligne qu’il pense que la gestion des fosses s’expliquait plus par une « convenance logistique que par une pensée plus profonde ».

La journée se termina à la suite des dernières questions posées par la Défense au témoin sur les fosses de Butare.

Par Ella Grappin

Stagiaire Commission Justice Ibuka France

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