Fiche du document numéro 34531

Num
34531
Date
Vendredi 20 septembre 2024
Amj
Taille
138524
Titre
Entre le Rwanda et la RDC, polémique autour du transfert depuis le Niger de six hommes jugés par le TPIR
Sous titre
Kinshasa proposerait d’accueillir six Rwandais installés à Niamey depuis novembre 2021, après avoir été jugés pour génocide. Opposé à ce transfert, Kigali souhaiterait les voir ramenés dans leur pays.
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le bâtiment abritant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha, en Tanzanie, en décembre 2014. NICHOLE SOBECKI / AFP

L’affaire, qui détient tous les ingrédients d’une crise diplomatique, est d’autant plus énigmatique qu’une partie des protagonistes se mure dans le silence. Dans le contexte de tension entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, se joue en coulisse une bataille impliquant aussi le Niger et les Nations unies. Celle-ci trouve sa source dans une lettre, datée du 26 juillet, attribuée au cabinet de Félix Tshisekedi, le président de la RDC, proposant d’accueillir dans son pays six Rwandais, installés à Niamey depuis novembre 2021.

Cette relocalisation avait été faite suite à un compromis entre le Niger et l’ONU et alors que ces hommes ont purgé leur peine ou ont été acquittés des accusations de génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), installé à Arusha, en Tanzanie. La colère de Kigali suite à cette requête présumée s’explique par le profil des concernés.

Protais Zigiranyirazo, le frère de l’ancienne première dame Agathe Habyarimana et considéré comme une figure du régime extrémiste hutu, François-Xavier Nzuwonemeye, un ancien commandant d’une unité d’élite, Alphonse Nteziryayo, un ex-préfet, et André Ntagerura, le ministre des transports au moment du génocide des Tutsi en 1994 ont été acquittés en appel par le TPIR.

Prosper Mugiraneza, ministre de la fonction publique à cette époque, et Innocent Sagahutu, un ex-capitaine de l’armée rwandaise, ont eux fini de purger leur peine. Ce dernier avait été condamné à quinze ans de prison pour avoir « aidé et encouragé » au meurtre d’au moins deux casques bleus belges.

Une note « confidentielle »



Rapidement devenus indésirables à Niamey, qui assurait un mois après leur arrivée ne rien savoir du passé de ces six hommes, ceux-ci vivent depuis dans l’inconnu. Les autorités nigériennes ont depuis trois ans plusieurs fois manifesté leur souhait de les expulser. Longtemps, seul le Rwanda souhaitait les voir revenir dans le pays, possiblement pour qu’ils soient jugés devant un tribunal local.

C’est dans ce cadre qu’une lettre attribuée au directeur de cabinet du chef de l’Etat de la RDC, Anthony Nkinzo Kamole, a fait surface sur les réseaux sociaux. Ni confirmé, ni démenti par la présidence congolaise, contactée par Le Monde Afrique, le document tel que présenté dit vouloir obtenir « la liberté de circuler en faveur des Hutu rwandais » et « les documents nécessaires pour leur permettre de voyager au plus tôt en RDC, où ils obtiendront l’accueil ».

A cet effet, « Ali Illiassou Dicko, dit “petit Gourou”, de nationalité centrafricaine mais habitant à Niamey », se voit délivrer un mandat spécial de trois mois pour obtenir leur transfert. Intermédiaire occasionnel mais aux réseaux limités au Niger, au Togo, en Centrafrique et au Nigeria, M. Dicko n’a pas répondu à nos sollicitations.

Pourtant, son nom est bien cité dans une note – frappée du sceau « confidentiel » – du Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles du TPIR, datée du 6 septembre, elle aussi divulguée sur les réseaux sociaux, dans laquelle le Mécanisme prend acte de la requête congolaise et dit ne voir « aucune objection à ce que le Niger facilite leur transfert volontaire en RDC ». Contacté, le Mécanisme dit ne pouvoir commenter ni le contenu de la note verbale, ni son origine. Plusieurs sources diplomatiques africaines certifient toutefois la véracité du document.

Silence congolais et nigérien



Cependant, l’avocate nigérienne des six Rwandais, Me Kadidiatou Hamadou, émet des doutes à propos d’informations énoncées dans le texte onusien. Elle nie avoir participé à une réunion avec le premier ministre du Niger, Ali Lamine Zeine, et Ali Illiassou Dicko, le 15 juillet, comme le relate la note. « Je ne vois pas comment le Mécanisme peut dire que ce sont des personnes libres dans la mesure où mes clients vivent sous résidence surveillée à Niamey », indique par ailleurs l’avocate, refusant de donner plus de détails « en raison du secret professionnel ».

Devant le silence congolais et nigérien, et le flou qui entoure l’origine de ces lettres, le ministre rwandais des affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a réagi dans un message sur le réseau social X le 17 septembre, affirmant que le document congolais pour obtenir la libre circulation des six hommes est « bien authentique ». Puis de dénoncer : « Si le gouvernement congolais souhaite obtenir la liberté de circuler et de voyager [en RDC] en faveur de Hutus rwandais (….) qu’il le fasse au moins sans se cacher derrière son petit doigt ! »

Alors que la médiation angolaise se poursuit à Luanda, un ancien député congolais s’interroge : « Quel intérêt auraient les deux parties à vouloir jeter de l’huile sur le feu ? » Après l’annonce d’un cessez-le-feu – non respecté – le 30 juillet, le possible transfert depuis le Niger de ces six Rwandais pourrait compliquer encore un peu plus des pourparlers déjà laborieux entre Kigali et Kinshasa.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024