Fiche du document numéro 34446

Num
34446
Date
Jeudi 27 février 2020
Amj
Taille
73149
Titre
L’hommage de Macron à Charasse, « républicain formidable »
Sous titre
Emmanuel Macron a rendu hommage à l’ancien ministre et sénateur, mercredi, à Puy-Guillaume
Nom cité
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le président de la République Emmanuel Macron et Danièle Charasse, veuve de Michel Charasse, lors de l’hommage rendu à l’ancien ministre et sénateur, mercredi 26 février, devant la mairie de Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme). THIERRY ZOCCOLAN / AFP

Le jour des obsèques de François Mitterrand, le 11 janvier 1996, Michel Charasse, grand défenseur de la laïcité et « bouffeur de curés », avait refusé d’entrer dans l’église de Jarnac. L’homme aux cigares était resté sur le parvis avec Baltique, le chien du président. Vingt-quatre ans plus tard, une même triste journée d’hiver, c’est lui cette fois que l’on enterre. La petite église de Puy-Guillaume – dont il fut maire trente-trois ans – est donc restée fermée à clé, ce mercredi 26 février. C’est dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville, bloc en béton de couleur brique, que le cercueil de l’ancien ministre et sénateur, fidèle conseiller de Mitterrand à l’Elysée, a été déposé, sous une gerbe de fleurs rouges.

Emmanuel Macron est arrivé le dernier, peu avant 16 heures, suivi d’une poignée d’anciens dignitaires socialistes qu’il avait emmenés dans son Falcon : Laurent Fabius, Hubert Védrine, Claude Bartolone, ainsi que le député communiste du Puy-de-Dôme, André Chassaigne. Lionel Jospin et Jean Glavany ont pris le train jusqu’à Vichy. Tous ont rejoint le premier rang et le président du Sénat, Gérard Larcher, venu saluer un « républicain formidable », avec lequel il aimait chasser dans la forêt de Rambouillet.

Singulièrement, c’est en écoutant la messe de John Taverner, Gloria tibi Trinitas, que 200 personnes ont pris place dans l’austère salle des fêtes. Derrière son pupitre tricolore, inspiré de celui de Mitterrand, Macron a rappelé que Charasse « ne croyait pas en Dieu ». Mais « sans doute croyait-il en une forme de résurrection », a-t-il ajouté, puisqu’il a demandé qu’on place dans son cercueil un téléphone portable, « au cas où ». « Alors j’attendrai », a poursuivi le président, qui échangeait régulièrement avec ce fin juriste, ex-membre du Conseil constitutionnel, jamais avare d’un avis, d’une râlerie ou d’un bon mot.

« Tu aimais aussi les secrets »



Il a rendu hommage à un « amoureux de la République », de la politique et de Mitterrand, « l’homme de [sa] vie ». Il a salué aussi une « histoire française », « celle d’une gouaille rabelaisienne, d’un plaisir de la table, de tout ce que la vie offrait, d’un attachement à cette terre ». « Je ne suis pas sûr que tu adorais dans notre époque cette espèce de goût sans limite pour une transparence qui est devenue une forme de divulgation presque obscène pour tout, a ajouté Macron. Tu aimais aussi les secrets, ceux qui font l’épaisseur de la vie, la part de mystère. »

Dehors, sur la place Jean-Jaurès bordée de platanes dénudés par l’hiver, plusieurs centaines d’habitants de Puy-Guillaume ont suivi la cérémonie sur un écran géant. Le fils de François Mitterrand, Gilbert, et l’ancien journaliste de l’AFP Pierre Favier, qui chroniqua les deux septennats du président socialiste, regardent le convoi s’élancer vers le cimetière, sous un ciel incertain. Devant la voiture, une brigade de pompiers casqués, au pas. Derrière, Danièle Charasse, à pied, un drapeau français et Les Enfants de la Dore, la fanfare de Puy-Guillaume, qui font rouler leurs tambours.

« On pouvait toujours compter sur Michel dans les difficultés, c’était l’homme des solutions », glisse Gilbert Mitterrand à propos de celui qui empêcha son père de démissionner sur un coup de tête en 1990, en réglant un problème qui le hantait. Charasse n’a jamais révélé de quoi il retournait, ni ce qu’il avait fait pour dissuader Mitterrand de quitter l’Elysée. Quand on le lui faisait remarquer, il opposait un refus obstiné, empreint de farouche loyauté. Il est parti en emportant ses secrets.

Solenn de Royer, envoyée spéciale à Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme)

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024