Fiche du document numéro 34295

Num
34295
Date
Lundi 20 mai 2024
Amj
Taille
360472
Titre
Nick Barigye, directeur général de Rwanda Finance Limited (RFU) : « Kigali est devenu la deuxième place financière en Afrique subsaharienne »
Sous titre
Quatre ans après l'entrée en activité de son Centre financier international, la capitale rwandaise s'est déjà hissée sur le podium des meilleurs hubs du continent.
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Au quatrième étage de la tour de la Banque populaire du Rwanda, dans le quartier d’affaires de Kigali, les bureaux de Nick Barigye offrent une vue imprenable sur la capitale. À 47 ans, il est directeur général de Rwanda Finance Limited (RFL), société privée créée en 2019 sous l’impulsion du président Paul Kagame et mandatée par le gouvernement rwandais pour promouvoir et développer l’écosystème commercial et financier du pays.

Au sein de son conseil d’administration, RFL compte des figures emblématiques de la finance africaine, comme le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam, qui en est le président, et le Gabonais Liban Soleman, également membre du Rwanda Development Board.

Ex-cadre supérieur de Crystal Ventures, holding appartenant au Front populaire rwandais (FPR, au pouvoir), Nick Barigye est auparavant passé par le secteur du conseil. Désormais à la tête de RFL, il pilote à ce titre le développement du Centre financier international de Kigali (KIFC), opérationnel depuis 2020.

Dans la 35e édition de l’indice Global Finance Centres Index (GFCI 35), publiée en mars, Kigali apparaît comme l’une des places financières les plus prometteuses de sa zone, à l’instar de Casablanca et d’Abou Dhabi. La capitale rwandaise gagne en effet 14 places par rapport à l’édition 2023, se classant au 67e sur 121 centres financiers étudiés au niveau mondial, au 9e rang pour la région Afrique – Moyen-Orient et au 3e rang sur le continent, après Casablanca et Port-Louis (Maurice).

Jeune Afrique : Quelles ont été vos principales actions depuis que le KIFC est opérationnel ?

Nick Barigye : Selon la stratégie Vision 2050, nous sommes appelés à devenir un pays à revenu élevé, à atteindre la neutralité carbone et à nous transformer en centre d’affaires et de services. C’est là que notre secteur financier entre en compte. Or, celui-ci présente encore quelques lacunes, en particulier au regard de sa contribution à l’économie globale du Rwanda : sa part dans le PIB [produit intérieur brut] n’est que de 3 %, alors qu’elle doit atteindre 11,8 % selon la stratégie Vision 2050.

L’une de nos priorités est de créer un environnement légal qui attire les investissements en Afrique. Depuis 2020, dix-neuf lois ont été promulguées pour mettre en place un cadre fiscal qui facilite l’investissement au Rwanda et sur le continent. Avant 2020, nous n’avions par exemple pas de loi sur les fondations, lesquelles sont des véhicules d’investissement pour les institutions de développement quand elles envisagent d’investir ailleurs que dans le caritatif.

Pour pouvoir attirer cette forme de capital, nous avons introduit deux lois entre 2021 et 2022, l’une sur les sociétés de personnes et l’autre sur les organismes de placement collectif. Et, sur le plan fiscal, nous avons modifié notre loi sur la promotion et la facilitation des investissements pour y inclure des incitations fiscales destinées à attirer le type d’investisseurs que nous recherchons.

Avez-vous mis en place d’autres mesures destinées aux investisseurs ?

Nous avons aussi travaillé à l’élargissement de nos conventions de double imposition afin de faciliter la tâche des investisseurs internationaux qui domicilient leurs investissements au Rwanda, mais investissent dans l’ensemble de la région [Afrique – Moyen-Orient]. Par exemple, le Feda, le Fonds pour le développement des exportations en Afrique, filiale de l’Afreximbank, qui a désormais son siège au Rwanda, investit dans une entreprise tunisienne. Il a donc besoin de savoir qu’un accord a été conclu sur la façon dont l’investissement qu’il a fait en Tunisie sera taxé sur place et comment il le sera au Rwanda.

Par ailleurs, pour être en mesure de servir les investisseurs, il faut s’assurer que l’on dispose des meilleures compétences. C’est pourquoi nous avons mis en place ce que nous appelons un conseil des compétences du secteur financier. Il réunit des représentants du public et du privé afin d’identifier les lacunes en matière de compétences, de définir des stratégies de formation, d’identifier les compétences futures pour lesquelles nous devons commencer à nous former, etc.

Nous nous sommes aussi attachés à réviser notre code de conduite dans le but de faciliter l’acquisition de visas pour les compétences que nous n’avons pas. Dans le même temps, nous sensibilisons la diaspora rwandaise, qui possède l’expertise et les connexions, et l’encourageons à présenter des opportunités d’emploi et d’investissement au Rwanda.

Qui sont ces investisseurs et quels flux financiers cela représente-t-il ?

Plus de cent nouveaux investisseurs se sont installés avec le KIFC : des fondations créées par la Banque africaine de développement [BAD], le Virunga Africa Fund [promu par le fonds souverain du Qatar et le Rwanda Social Security Board] et des gestionnaires de fonds comme Admaius Capital Partners. En 2023, le réseau Aban [African Business Angel Network] a domicilié une structure d’accueil au sein du KIFC. De plus, le KIFC permet également à des entreprises privées locales de se structurer, à l’instar du groupe BK [la maison mère de Bank of Kigali].

Ces investisseurs mettent en place des fonds domiciliés au Rwanda, des fondations, des fintechs, des sociétés de portefeuille, des fournisseurs de services professionnels… Nous sommes vraiment fiers de voir qu’une majorité d’entre eux sont africains et structurent désormais leurs investissements sur le continent à travers le KIFC. Certains viennent aussi d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Asie… Ce qui fait réellement de nous une place financière internationale.

Ces actifs sous gestion représentent plus de 1 milliard de dollars, structurés à travers le KIFC. À lui seul, le Feda a levé plus de 670 millions de dollars.

Avez-vous atteint vos principaux objectifs ?

Globalement, oui. Lorsque nous avons lancé le KIFC, le Rwanda n’était présent sur aucun classement ou index financier. Désormais, nous sommes reconnus. Quatre ans après sa création, KIFC est classée deuxième place financière en Afrique subsaharienne. Nous sommes à présents membres de l’Alliance mondiale des centres financiers internationaux et avons pu signer des partenariats stratégiques avec plus de cinq centres analogues, dont Abou Dhabi, Casablanca, Doha et Luxembourg.

Tant que le cadre macroéconomique global est fort, nous allons voir de plus en plus de flux d’investissements en Afrique

À quels défis êtes-vous encore confrontés ?

Les tendances mondiales nous affectent beaucoup, en particulier les pressions inflationnistes auxquelles doivent faire face les plus grandes économies. La fuite des capitaux en Afrique et au Rwanda, en cas de crise économique ou de récession, est aussi un problème important. La question de la perception à l’international est le dernier défi majeur auquel nous sommes confrontés : les gens oublient parfois que l’Afrique compte 54 pays ! Ce qu’il se passe en Afrique de l’Ouest, par exemple, est automatiquement attribué à l’ensemble du continent.

Quelle est l’influence de Tidjane Thiam et de Liban Soleman au sein du KIFC ?

Comme les autres directeurs du conseil d’administration, Tidjane et Liban nous donnent des orientations stratégiques et nous soutiennent en nous ouvrant des portes. Ce sont des personnalités influentes qui disposent d’un vaste réseau. Mais dans l’ensemble, il s’agit de nous fournir des orientations stratégiques et de nous soutenir dans nos activités.

Que pensez-vous de la proximité de la place financière kényane ?

Les centres financiers internationaux sont en concurrence, mais il existe aussi des possibilités de collaboration – je n’ai d’ailleurs jamais entendu quelqu’un demander ce que le centre financier de Francfort pensait de celui de Berlin, tous deux dans un même pays ! Nous ne pouvons pas répondre seuls à tous les besoins des investisseurs. Le centre financier international de Nairobi sera bon sur certaines questions et KIFC sur d’autres…

Ne craignez-vous pas que la multiplication des centres financiers sur le continent ne dilue les investissements ?

Je pense que c’est le contraire. Tout le monde dit que « l’Afrique est la prochaine frontière ». Le continent offre des possibilités d’investissements très attractives dans différents secteurs, de l’infrastructure à l’éducation, en passant par la santé et la logistique. Tant que le cadre macroéconomique global sera fort, il y aura de plus en plus de flux d’investissements en Afrique.

Notre rôle est de créer un environnement propice pour ces flux de capitaux. Et, plus important encore, nous verrons les capitaux détenus par les Africains rester sur le continent. Auparavant, les grandes fortunes africaines et les institutions financières du continent cherchaient à investir à l’extérieur. Mais si nous créons un environnement propice, nous conservons ces capitaux, et d’autres afflueront. Je ne vois donc pas de dilution, mais une augmentation.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024