Fiche du document numéro 34254

Num
34254
Date
Lundi 11 septembre 2023
Amj
Taille
69282
Titre
Ouverture du colloque international, Paris
Nom cité
Source
Type
Discours
Langue
FR
Citation
Dr Marcel Kabanda
IBUKA France

Excellences,
Mesdames,
Messieurs,
Chers amis,

Nous voilà réunis pour la deuxième session du colloque international sur « Savoirs, sources et ressources sur le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda. La recherche en acte ». La première s’est tenue au Rwanda l’année dernière aux dates presque identiques.
Les organisateurs m’ont fait l’insigne honneur de vous accueillir et m’ont confié la charge de vous remercier d’avoir répondu à leur invitation. C’est une marque de confiance à leur égard et d’intérêt que vous portez au sujet, un sujet oh combien grave que celui du génocide. Nombre d’entre nous avons participé à la première session. Si nous sommes là, c’est dire que l’initiative nous a convaincus. Elle répondait à un véritable besoin. La présentation de la session du Rwanda commençait par cette phrase : « L’une des voies pour attester de la recherche sur le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda et pour accroître est de réunir les chercheuses et les chercheurs spécialistes du sujet, de les entendre et de leur confier le soin de construire des savoirs scientifiques collectifs et internationaux ». Depuis 1994, chacun cogite, se pose des questions, enquête sur les archives. Les plus intrépides ont publié des articles et/ou des livres. Trente ans après, le temps est venu de confronter les expériences, d’échanger les acquis, d’ouvrir ou de baisser un peu les cloisons disciplinaires, académiques, de laisser au voisin l’occasion d’humer le parfum qui s’exhale des plantes qui poussent dans notre jardin afin de lui donner l’envie d’en faire la culture.
Ce qui m’a le plus frappé dans l’organisation de ce colloque, c’est l’ouverture très large à tous. Il en manque et on pourrait citer celles et ceux qu’on aurait pu inviter. Mais il faut noter et saluer, la volonté clairement affichée de rassembler au-delà de nos frontières, de nos relations, des disciplines, des professions. Certes, nous ne sommes pas tous de grands chercheurs, nous n’avons pas tous de grands savoirs à apporter. Mais chacun contribuera au moins à enrichir et élargir le questionnement. Bien évidemment, à la générosité des ambitions s’oppose la contrainte des ressources. Tout ceci coûte cher. Fort heureusement, l’équipe qui pense et organise nos rencontres s’en est acquitté avec cœur et dévouement mais bénévolement. Je les remercie et je leur dis mon admiration. Depuis le début, ils ont su affronter les tempêtes. Le fil du déni noué et plusieurs fois renoué pendant 25 ans obstruait le sujet. Votre absence d’expérience en mer tropicale ne vous désignait pas comme des capitaines idoines dans cette aventure en mer chaude. Le bateau n’a pas coulé et vous êtes encore sur pont. L’intelligence et l’honnêteté sont les seules armes qui vaillent.
Le deuxième point qui m’a frappé dans ces rencontres, c’est le triptyque de la mémoire, de la recherche et de l’éducation ; il n’est pas annoncé mais il transparaît à travers le choix des lieux de nos réunions, les séquences, l’organisation des séances et le profil de nos intervenants. Au Rwanda, nous avons commencé par l’inauguration du jardin de la mémoire à Nyanza, une séance d’ouverture à Gisozi et un moment d’hommage aux victimes de l’université de Huye. Rappelons aussi la visite au Mémorial de Murambi, la séance « la parole est forte » organisée au centre culturel de France à Kigali et la dernière table ronde du colloque tenue à Nyanza le dernier jour. Aujourd’hui, nous sommes dans l’un des hauts lieux du savoir en France, demain aussi. Après demain, nous serons au Lycée Louis Le Grand et le lendemain à l’Ecole Normale supérieure. Hier, nous avons visité le site sur lequel sera prochainement érigé le monument national en hommage aux victimes du génocide des Tutsi. Nous ne sommes des nomades en perpétuelle quête d’un lieu où poser nos bagages et reposer nos corps, nous balisons notre colloque. Trois gênes composent l’ADN de notre projet : MEMOIRE, RECHERCHE et ÉDUCATION.
Messieurs les Ministres, les chercheurs font leur travail, les professeurs nous ont montré qu’ils sont engagés. Mais c’est à vous de leur donner les clés pour qu’enfin s’ouvrent dans notre belle école de la République les vannes de l’attention à l’autre, de l’importance des mots, de la civilité, de la compréhension mutuelle, de la sympathie et de l’empathie, de la solidarité et de la responsabilité. Les savoirs scientifiques et technologiques, au propre comme au figuré, ont besoin pour être assimilés, du développement de la capacité à l’émotion et à l’émerveillement. Depuis quelques années, des équipes de professeurs ont mis en place un programme d’initiation à l’histoire du génocide. Ils connaissent la difficulté de l’exercice. La littérature déjà considérable ne suffit pas. Le sujet reste lointain, bien qu’il soit proche dans le temps. L’Afrique est lointaine. Le témoignage est un complément indispensable. Mais il y a lieu de faire plus et mieux : favoriser les visites du Rwanda. Ceux qui l’ont fait savent à quel point cela a changé les élèves. Ils ont aussi montré que cela était possible. Il manque un cadre, un canal, une porte, un interlocuteur.
Pour terminer, je veux en votre nom, remercier le Président de la République française, Monsieur Emmanuel Macron, qui, malgré la conjoncture, a mis à notre disposition les ressources qui nous permettent ces rencontres. Outre la mise à disposition, je note un accompagnement constant : son message au Rwanda et la présence de du Ministre de l’Education nationale aujourd’hui. Monsieur le Ministre, merci d’être parmi nous malgré les sollicitations liées à la rentrée scolaire. Ces rencontres doivent beaucoup à la volonté politique de votre gouvernement de faire la lumière sur sa part de responsabilité dans le génocide. Nous sommes ici pour que cette lumière ne soit pas mise sous le boisseau, mais qu’elle soit bien posée sur la table et éclaire notre histoire et en chasse l’ombre du négationnisme. A travers votre rapport, cher Vincent, nous avons lu le passé. Ce qui nous permet d’aller à la page d’après et de poursuivre le travail d’écriture.
Monsieur le Ministre, veuillez porter ce message à votre gouvernement. Dans quelques mois, nous célébrons le 30e commémoration du génocide des Tutsi. Nous comptons sur votre appui à l’organisation et votre présence à nos côtés.

Dr Marcel Kabanda

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024