Fiche du document numéro 34180

Num
34180
Date
Mardi Juillet 2003
Amj
Taille
0
Titre
Rwanda, un génocide oublié ? [20 épisodes]
Sous titre
En 2001, un jury de personnes ordinaires est amené à juger "des personnes ordinaires" : quatre Rwandais, dont deux religieuses, font face à des accusations suite au génocide des Tutsis au Rwanda. Vingt-quatre jurés, huit semaines : c'est ce procès en assises qui est raconté ici.
Nom cité
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Type
Émission de radio (son)
Langue
FR
Citation
Le procès de 2001 est exemplaire à plus d'un titre. La Belgique est le seul pays au monde où le juge est compétent pour des crimes commis à l'étranger par un étranger contre un ressortissant étranger, alors que ni l'auteur ni la victime ne réside ou n'est de passage en Belgique. Cette série, Rwanda, un génocide oublié, vous plonge dans ce procès par la diffusion de son enregistrement.

D'abord, pourquoi ce titre ? Parce qu'en France, on ne parle plus qu'occasionnellement du génocide, alors qu'il s'est déroulé il y a peu, à la fin du 20e siècle. Quatrième génocide du 20e siècle, après celui des Arméniens, des juifs et des Cambodgiens, il a fait un million de victimes : des hommes, des femmes — du bébé au vieillard. Des victimes essentiellement tutsis dont le seul tort était d'être nées tutsis.

La mémoire du génocide des Tutsis au Rwanda



La mémoire d'un génocide est une mémoire paradoxale : plus le temps passe, moins on oublie. Heureusement pour l'histoire, la justice et peut-être la paix. Il faut pourtant entretenir et enrichir cette mémoire. Et, comme il existe un devoir de mémoire, il existe un devoir de connaissance. C'est ce à quoi France Culture veut contribuer par la production de cette fresque au long cours. À l'origine de cette série de 25 émissions, une association belge, RCN Justice et Démocratie, a obtenu l'autorisation exceptionnelle d'enregistrer l'ensemble des débats devant la cour d'assises de Bruxelles et les a fourni à France Culture.

Chaque émission s'appuie ainsi sur les extraits du procès : on y entend aussi bien des historiens et des politologues que des femmes rescapées des massacres, sorties vivantes d'entre les cadavres. Pour nourrir ensuite une réflexion plus générale sur les causes et les conséquences de ce génocide, voire sur les génocides en général, de nombreux interlocuteurs ont été sollicités : des acteurs du procès et des journalistes, mais aussi des historiens, des témoins, des femmes et hommes politiques, des écrivains, des militaires, des prêtres, un metteur en scène de théâtre, un médecin.

La journaliste Laure de Vulpian écoute avec vous ces documents uniques. À chaque épisode, elle prolonge ces "minutes sonores", les enrichie et les développe à travers un sujet précis. Parmi ces sujets, le rôle de l'Église avant et pendant le génocide, celui de la communauté internationale, celui des médias, la fabrication de la haine au prétexte de l'ethnisme, le statut et la situation des rescapés, ou encore les tentations révisionnistes.

Des Rwandais qui travaillent aujourd'hui à reconstruire leur pays



Laure de Vulpian s'est également rendue au Rwanda, d'où elle a rapporté des paroles fortes, émouvantes, éloquentes, pour faire de cette série un documentaire essentiel à la mémoire de notre histoire.

Il faut ainsi se poser la question de la mémoire ou de l'oubli pour au moins quatre raisons. Parce que, comme le dit Yolande Mukagasana à la barre des témoins, "en nonante-quatre, tuer, c'était comme boire un verre d'eau" ; parce que des jeunes gens se suicident encore par désespoir ; parce que "les enfants du viol ne savent pas encore qui ils sont" ; parce que, enfin, tous les rescapés n'ont pas encore pu enterrer leurs morts.

Écouter pour comprendre l'histoire du génocide



Voici quelques notes pour bien écouter cette série :

- les minutes sonores du procès constituent généralement la moitié de chaque émission ;

- à chaque émission, correspond une problématique ;

- pour chaque problématique, plusieurs interlocuteurs, certains parlent du procès et le racontent, d'autres du génocide rwandais, d'autres encore d'autres génocides ;

- il y a plusieurs niveaux de discours et d'analyse dans cette série : la chronique du procès, le récit du génocide, l'analyse du génocide rwandais et, enfin, des génocides du 20e siècle ;

- ainsi, on part du procès pour s'en éloigner : le récit nous accompagne du particulier pour aller au général.

Notez également que :

- pour éviter l'effet de répétition, vous n'entendrez pas en interview les experts qui ont déposé à la barre ;

- en revanche, vous pourrez écouter en interview certains acteurs du procès : président, juré, avocats qui s'expliquent sur leur vécu du procès de 2001 et ce qui leur en reste quelques années après ;

- de même, vous entendrez certains témoins au Rwanda, où ils vivent et d'où ils étaient venus pour témoigner au procès. Ces témoignages datent de deux ans après le procès — autant de points de vue importants pour éviter toute dérive ethnocentriste.

[Épisodes :]



1/ De l'après-génocide à l'avant-procès. Lundi 28 juillet 2003
Devoir de mémoire et devoir de connaissance. C'est le double point de départ de cette série produite en 2003 par Laure de Vulpian : ce génocide rwandais, 4e génocide du XXe siècle après celui des Arméniens, des juifs d'Europe et des Cambodgiens, ne l'a-t-on pas déjà oublié ? Le connait-on vraiment ?
Avec
Jean Hatzfeld Journaliste et écrivain
Alain Destexhe Homme politique belge, ancien rapporteur de la Commission d'enquête sénatoriale consacrée au Rwanda
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
Un million de morts en 100 jours, hommes, femmes, enfants, jusqu'aux bébés et aux vieillards, le plus souvent tués à la machette. Parce qu'ils étaient nés Tutsi, par opposition à Hutu. Contrairement aux idées reçues, il ne s'agit pas d'ethnies mais plutôt de catégories sociales. Entre les deux, une idéologie raciste et totalement officielle.
Ce premier épisode est consacré à la présentation générale de cette série, puis à une explication du cadre dans lequel se tient le procès à Bruxelles de quatre rwandais dont deux religieuses. Procès tardif, puisqu'il a lieu sept ans après le génocide. Ce délai s'explique par des résistances ou réticences propres à certains milieux politiques ou religieux belges. Réticences qui s'appuient également sur les liens particuliers qui existent aujourd'hui encore entre la Belgique et le Rwanda.

2/ Un génocide à la fois si proche et si lointain. Mardi 29 juillet 2003
Quelle est la bonne distance ? Lors d'un procès, et en particulier lors de ce procès où une cour d'assises belge est appelée à se prononcer sur des accusations portées contre quatre citoyens rwandais soupçonnés d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda, c'est une question primordiale.
Avec
Gasana Ndoba Universitaire rwandais, ancien président de la Commision nationale des droits de l'homme du Rwanda
José Kagabo Historien franco-rwandais, spécialiste du génocide
8 000 kilomètres séparent Paris ou Bruxelles de Kigali. Le Rwanda est un tout petit pays, au coeur de l'Afrique centrale. S'il existe des liens forts entre la Belgique et le Rwanda, qui fut une de ses anciennes colonies, il y en a peu entre la France et le Rwanda. Ce génocide nous semble donc, à nous, Français, lointain.
Mais ce génocide, et donc ce procès qui s'est tenu du 17 avril au 8 juin 2001, est aussi très proche. Un génocide en effet est une atteinte à l'humanité entière. Il nous renvoie à un océan de questions sur la nature humaine, sur ce que nous sommes, individuellement et collectivement.
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez des actes de la partie civile par Michèle Hirsch et Eric Gillet. Vous entendrez également des actes de la défense par Annabelle Belamri, Sophie Cuykens et Serge Wahis.
Avec également : Patrick May, journaliste indépendant et écrivain belge et Pierre Vincke, directeur de l'ONG belge RCN Justice et démocratie.

3/ Des génocidaires ordinaires : "Tout le monde devait aller". Mercredi 30 juillet 2003
Le génocide des Tutsi au Rwanda a été commis au grand jour, entre voisins ou amis et même, parfois, au sein des familles. Il s'agit ici de décrire les liens entre les tueurs et leurs victimes, et la facilité avec laquelle les crimes on été commis. Mais qui sont les tueurs, et combien étaient-ils ?
Avec
Jean Hatzfeld Journaliste et écrivain
Stéphane Audoin-Rouzeau Historien, directeur d'études à l'EHESS, spécialiste de la Grande Guerre
Principale caractéristique du génocide de 1994 au Rwanda : c'est un génocide de proximité, entre voisins, entre amis et qui a nécessité une participation massive de la population. Combien étaient les tueurs ? On avance généralement le chiffre de 250 000. Et leurs complices ? Peut-être le double, voire plus.
Comment a-t-on tué ? À la machette essentiellement, et parfois dans une sorte de joie, d'allégresse. Comment en arrive-t-on là ? Comment des Hutu ont-ils prévu le massacre des Tutsi ? Et surtout : combien ? Combien étaient les tueurs ? Jean Hatzfled avance, dans cet épisode, une réponse : "Si on cherche le nombre de personnes qui ont tué, on est halluciné. Moi je crois que deux personnes sur trois ont tué : cultivateurs, fonctionnaires, médecins, curés, instituteurs." Et d'ajouter : "La rentabilité des tueries au Rwanda était 10 fois supérieure à celle des camps d'extermination [nazis]."
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez les curriculum vitae des quatre accusés qui, eux, n'ont pas tué de leurs mains mais sont soupçonnés d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda.
Avec également Bernadette, Rwandaise de naissance, Belge d'adoption et membre du Collectif des parties Civiles de Belgique ; Michèle Hirsch, avocate belge, membre du barreau de Bruxelles, elle représentait plusieurs parties civiles au procès de 2001 et Cost, dessinateur belge. Il a croqué le procès pour le quotidien belge Le Soir.

4/ Le génocide en chantant. Jeudi 31 juillet 2003
Quels sont les mécanismes qui ont mené au génocide des Tutsi au Rwanda ? Comment expliquer la violence collective à l'œuvre ? Cette violence a été tolérée : il s'agit d'appréhender cette tolérance et de tenter de mieux percevoir les motivations de ce "génocide en chantant".
Avec
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
Jean Hatzfeld Journaliste et écrivain
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
Stéphane Audoin-Rouzeau Historien, directeur d'études à l'EHESS, spécialiste de la Grande Guerre
Comment comprendre l'incompréhensible ? Comment comprendre les mécanismes qui ont fait basculer tout un peuple dans la violence extrême ? S'agit-il d'une folie collective ? Il ne faut pas oublier que derrière l'apparente spontanéité de ce génocide, il y a un plan concerté et un objectif, notamment politique.
Reste que ce déchaînement de violences est l'aboutissement d'un long processus, entamé plusieurs décennies plus tôt, dont le génocide serait en quelque sorte le point d'orgue. De massacres en massacres, les rwandais en effet ont développé une tolérance particulière à la violence : violence subie et violence agie.
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez les expertises psychiatriques de chacun des quatre accusés.
Avec également Cédric Vergauwen, avocat, défenseur de Sœur Gertrude, l'une des quatre accusés.

5/ Les germes de la haine. Vendredi 1 août 2003
Les Hutu et les Tutsi ne sont pas des ethnies mais des populations dont la distinction pseudo-ethnique a été développée par les colonisateurs européens. Mais d'où vient la haine entretenue entre les Hutu et les Tutsi ? Quels sont les mécanismes de diffusion de cette haine ?
Avec
Colette Braeckman Grand reporter belge au journal Le Soir
José Kagabo Historien franco-rwandais, spécialiste du génocide
Boubacar Boris Diop Journaliste et écrivain sénégalais
Hutu et Tutsi : deux mots qui résonnent comme des coups de machette. Deux mots, pour nommer deux pseudo-ethnies. On croit souvent que le génocide de 1994 au Rwanda se résume à une haine ethnique ancestrale. Cette idée reçue doit être rejetée.
Dans un premier temps, cette haine supposée s'est reposée sur une idée fausse introduite par le colonisateur belge. Dans un deuxième temps et après l'indépendance du Rwanda, cette idée a été reprise à son compte par le pouvoir hutu, qui a nourri, entretenu et attisé une haine fabriquée de toutes pièces. Plus près de nous encore, les intellectuels rwandais ont joué un rôle majeur dans la légitimation et la diffusion de cette haine.
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez l'historienne française Claudine Vidal et le magistrat belge Armand Vandeplas, qui a exercé au Rwanda avant l'indépendance.
Avec également Laurien Ntezimana, théologien rwandais, animateur pastoral à Butare, témoin au procès de Bruxelles.

6/ Les paradoxes de l'identité rwandaise. Lundi 4 août 2003
Il s'agit ici de retracer l'histoire d'une haine : celle qui oppose les Hutu aux Tutsi. Encouragée par les coloniaux belges puis par le gouvernement hutu, cette haine se raconte. C'est ce que cet épisode s'emploie à faire.
Avec
José Kagabo Historien franco-rwandais, spécialiste du génocide
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
Jean Hatzfeld Journaliste et écrivain
Un million de morts en 100 jours, soit 10 000 morts par jour pendant trois mois. Une des caractéristiques du génocide rwandais est sa fulgurance. On lui cherche des explications, y compris culturelles. Une de ces explication serait de dire que le peuple rwandais est obéissant par nature et soumis à l'autorité par principe — explication évidemment non valide. Le déterminisme culturel n'existant pas, comment ce peuple a-t-il pu basculer dans cette violence extrême ?
Le procès de quatre Rwandais, deux religieuses, un universitaire et un ancien ministre, donne des clés pour comprendre. À propos de cette haine entre Hutu et Tutsi, il faut se souvenir que certains hutus modérés ont également été tués au cours du génocide des Tutsi au Rwanda. Entre archives, témoignages et extraits du procès, c'est l'histoire d'une haine qui se raconte pendant une heure.
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez notamment le témoignage de Charles Karemano, sociologue.

7/ "Tuer, c'était comme boire un verre d'eau". Mardi 5 août 2003
Comment survivre à un génocide ? Et, ici, comment survivre après le génocide des Tutsi au Rwanda, pendant lequel trois Tutsi sur quatre ont été tués ? Yolande Mukagasana a survécu, elle témoigne au procès à la cour d'assises de Bruxelles en 2001.
Avec
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
Jacques Delcuvellerie Metteur en scène, fondateur du Groupov
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
En 2003, on recense 300 000 rescapés du génocide des Tutsi au Rwanda. Sans passé et sans avenir, voici que se raconte lors du procès en cours d'assises de 2003 à Bruxelles la vie des rescapés tutsis dont une partie de la famille a été exterminée. Il y a aussi une exigence pour certains d'entre eux : parler, car "se taire est impossible".
Vous entendrez dans cet épisode le récit d'une ancienne infirmière rwandaise qui a perdu son mari et ses enfants, enregistré lors du procès de 2001. Elle s'appelle Yolande Mukagasana. La première fois qu'elle pénètre dans la salle d'audience, l'émotion submerge la cour d'assises de Bruxelles : impossible de ne pas l'entendre en écoutant son témoignage.

8/ La communauté internationale immobile. Mercredi 6 août 2003
Au printemps 1994, le génocide des Tutsi au Rwanda a eu lieu sous les yeux de tous. Mais alors, qu'ont fait l'ONU, la France, la Belgique et les États-Unis ? Voici les récits de ce que les puissances mondiales ont fait et n'ont pas fait avant, pendant et après le génocide.
Tous les massacres à grande échelle ne sont pas forcément des génocides. La notion de "génocide" est définie par le droit international et la convention des Nations unies de 1949. Elle prescrit trois conditions pour qu'il y ait génocide : il faut qu'il y ait un acte criminel, il faut également l'intention de détruire tout ou partie d'un groupe ethnique, religieux ou racial. Enfin, il faut que ce groupe soit visé comme tel.
En avril 2001, devant la cour d'assises de Bruxelles, quatre Rwandais sont sur le banc des accusés : deux religieuses, un universitaire et un ancien ministre. Ils sont poursuivis pour des crimes de droit international. La première question est ainsi de savoir s'il y a eu ou non génocide. La seconde question que pose cet épisode et cette partie du procès, c'est de comprendre l'inertie de l'ONU, de la France et des États-Unis – avant, pendant et après les crimes commis.
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez l'audition édifiante du juriste camerounais René Degni Ségui, envoyé spécial de l'ONU au Rwanda juste après le génocide.

9/ La trahison ou l'impuissance. Jeudi 7 août 2003
Peut-on empêcher ou interrompre un génocide ? Les actes d'interposition d'individus isolés sont-ils voués à l'échec ? Qu'éprouve-t-on quand on est soi-même dans la position du témoin passif face à l'horreur en train de s'accomplir ? C'est tout ce que cet épisode tente de mettre en lumière.
Peut-on empêcher, stopper ou interrompre un génocide ? Ou bien les forces qui sont à l'œuvre sont-elles trop fortes pour être canalisées, freinées ou détournées ? Quand rien n'a été fait pour empêcher ou prévenir le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, alors que ses préparatifs étaient connus en France, en Belgique ou aux États-Unis, d'autres pouvaient-ils agir à leur niveau ?
L'inertie générale de la communauté internationale n'a fait que conforter les planificateurs du génocide dans leur résolution de mener à terme leur entreprise d'extermination. Dans ce neuvième volet de cette série documentaire consacrée au génocide Rwandais de 1994, un témoin raconte comment il s'occupait, au moment du génocide, de deux camps de Médecins sans frontières, Saga 1 et Saga 2, à 30 kilomètres de la ville de Butare, au Rwanda.
Au moment où il est arrivé pour évacuer les réfugiés dont il s'occupait, ainsi que le personnel de Médecins sans frontières, on lui a répondu : "Si vous êtes ici pour évacuer des Tutsis, on va les tuer tous. Et vous aussi." Ce récit est un des nombreux témoignages d'opposition, d'interposition ou d'impuissance de certains étrangers présents au Rwanda pendant le génocide.
Ainsi, vous entendrez le docteur Rony Zachariah, médecin pour Médecins sans frontières, qui témoigne lors de ce procès en cour d'assises à Bruxelles.

10/ La machine à tuer. Vendredi 8 août 2003
Lors du génocide des Tutsi au Rwanda, au contraire des massacres précédents, on assassine jusque dans les églises. Il n'y a plus de refuge possible pour les Tutsi, qui doivent être tués jusqu'au dernier. Tel est le message officiel. C'est ce message officiel qui est analysé dans cet épisode.
Avec
Colette Braeckman Grand reporter belge au journal Le Soir
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
Au cours du mois d'avril 2001, devant la cour d'assises de Bruxelles, quatre Rwandais (deux religieuses, un universitaire et un ancien ministre) sont poursuivis pour des crimes de droit international.
Lors de ce procès, il a fallu analyser le mot d'ordre étatique du gouvernement rwandais : l'extermination des Tutsi jusqu'au dernier, y compris dans les églises. Cette extermination a été préparée, avec notamment l'achat d'armes et leur distribution massive.
Pas de réactions internationales et un mot d'ordre national très clair : tuer. Pour comprendre ce double mouvement, voici le témoignage, lors de ce procès, de l'historienne américaine Alison Des Forges, spécialiste du génocide des Tutsi au Rwanda.
Avec également Luc Maes, président de la cour d'assises de Bruxelles lors du procès de 2001 et Luc Marchal, militaire belge faisant partie de la Mission des Nations unies au Rwanda (MINUAR) en 1993 et 1994.

11/ L'infinie douleur des rescapés. Lundi 11 août 2003
Qu'est-ce qui définit un rescapé ? Lors du procès des quatre Rwandais de Butare, une rescapée du génocide des Tutsi au Rwanda, Spéciose Mukayiranga, témoigne. Elle décrit les tortures et la mort de son mari et de deux ses enfants ; elle raconte ce qu'être rescapée veut dire.
Avec
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
Annette Wieviorka Historienne, directrice de recherche honoraire au CNRS et vice-présidente du Conseil supérieur des Archives
Le Rwanda est un pays pauvre : ainsi, l'assistance aux rescapés du génocide au Rwanda est minimale. Les orphelins isolés sont encore nombreux. Très peu de rescapés peuvent se faire soigner. Les 300 000 rescapés éprouvent un sentiment d'abandon. Certes, il y a la création d'associations et d'assistance aux rescapés mais, comme le dit Spéciose Mukayiranga, rescapée elle-même, "le pays n'a pas arrêté la vie parce qu'il y a eu des rescapés".
Dans cet épisode, il s'agit d'écouter avec beaucoup d'attention mais aussi beaucoup d'effort, le témoignage de Spéciose Mukayiranga, rescapée du génocide des Tutsi au Rwanda, qui décrit les tortures morales et physiques subies à la machette par elle-même, son mari et deux de ses enfants, décédés.
Et de tenter de répondre à cette question primordiale pour les vivants : qu'est-ce qui définit un rescapé ? "Le sentiment d'être le dernier," répond l'historienne Annette Wieviorka, qui parle aussi du "narcissisme du survivant", en complétant : "le caractère exceptionnel de la survie donne la force de continuer à vivre, même si c'est une vie mutilée."
Dans les extraits du procès en cour d'assises à Bruxelles, vous entendrez le témoignage de Spéciose Mukayiranga, réscapée du génocide des Tutsi au Rwanda.
Avec également Patrick May, journaliste et écrivain belge, auteur de Quatre Rwandais aux Assises belges, paru en 2003 aux éditions de L'Harmattan.

12/ Les médias de la haine. Mardi 12 août 2003
Le mot "Itsembabwoko" a été forgé après 1994. En kinyarwanda, le mot "génocide" n'existe pas avant. On a donc créé ce terme qui indique l'idée de l'extermination. En revanche, le mot "Inyenzi" existait bien. "Cancrelat" ou "cafard", il a servi aussi à nommer les Tutsi avant le génocide.
Avec
Colette Braeckman Grand reporter belge au journal Le Soir
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
José Kagabo Historien franco-rwandais, spécialiste du génocide
Jean-François Dupaquier Journaliste et écrivain
Jean-Pierre Chrétien Historien, spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs
Quand le langage a été l'autre tranchant de la machette dans le génocide des Tutsi au Rwanda, comment s'est fait la propagande avant et pendant le génocide. Comment a-t-on tordu le langage ?
Le kinyarwanda est une langue complexe qui a longtemps été la seule parlée au Rwanda. Le français est arrivé avec le colonisateur belge, et l'anglais avec le retour des réfugiés Tutsis, après le génocide. En kinyarwanda, le mot "génocide" n'existait pas avant 1994. Il a fallu créer un mot pour désigner ce qui s'était passé. Ainsi le mot "Itsembabwoko".
Dans cet épisode, un autre aspect du génocide est analysé : le rôle du langage, avec l'utilisation artificielle de certains mots, leur détournement et la création d'autres à des fins de propagande. Le rôle des médias convoyant le langage des génocidaires est également raconté. Dans ces médias, comme la Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM) ou la revue Kangura, on accoutumait la population à la violence et on l'engageait à "aller travailler" — ce qui revenait à lui demander d'aller "débusquer les gens".
Dans les extraits du procès de 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez Jean-Pierre Chrétien, historien et Jean-François Dupaquier, journaliste qui a effectué plusieurs missions au Rwanda pour Reporters sans frontières, sur le rôle des médias et sur les appels à la discrimination et à la haine.
Avec également Jean de Dieu Karangwa, linguiste et Pierre Vincke, directeur de RCN Justice et Démocratie.

13/ Des idéologues sans conscience. Mercredi 13 août 2003
Le 25 avril 2001, à la cour d'assises de Bruxelles, un accusé est à la barre : Vincent Ntezimana, professeur de climatologie et diplômé de l'université de Louvain. Il est notamment accusé d'avoir une responsabilité intellectuelle dans l'organisation du génocide des Tutsi au Rwanda.
Avec
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
Gasana Ndoba Universitaire rwandais, ancien président de la Commision nationale des droits de l'homme du Rwanda
Au cours du mois d'avril 2001, le procès devant la cour d'assises de Bruxelles de quatre Rwandais accusés d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda a lieu. Le 25, l'examen des faits commence, accusé par accusé.
Le premier accusé a être interrogé par le président de la cour Luc Maes est Vincent Ntezimana. Il lui est reproché d'avoir participé intellectuellement au génocide, par son engagement politique au sein de l'université, d'avoir organisé et financé le génocide et d'avoir laissé des écrits incitatifs, en l'occurrence "l'Appel à la conscience des Bahutu, suivi des 10 commandements", paru dans la revue Kangura en décembre 1990 et qualifié d'appel à la haine raciale
Dans les extraits du procès à la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez ainsi cet interrogatoire de Vincent Ntezimana.
Avec également Pierre Vincke, directeur de l'ONG belge RCN Justice et Démocratie.

14/ Ces signes qu'on n'a pas voulu voir. Jeudi 14 août 2003
Le génocide des Tutsi du Rwanda a été planifié au sein de l'État, au nom d'une haine ethnique fabriquée dans les décennies précédentes. Était-ce prévisible ? La communauté internationale aurait-elle pu prévoir ?
Avec
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
José Kagabo Historien franco-rwandais, spécialiste du génocide
Objectif pour les organisateurs : conserver le monopole du pouvoir. Or, ce monopole, déjà entamé, était fortement menacé par les accords d'Arusha. Des accords signés en août 1993 entre partis politiques et qui devaient mettre fin à la guerre civile larvée qui se prolongeait depuis 1990. Cette guerre, déclarée par les Tutsi en exil qui voulaient rentrer dans leur pays, entretenait un climat de violence et d'insécurité qui a préparé le terrain au génocide.
Un génocide planifié
Le génocide a été planifié, selon certains par les membres de l'"akazu". L'akazu est l'appellation donnée au cercle restreint qui entourait le président Habyarimana et qui a souvent été présenté comme constitué autour de son épouse, Agathe Habyarimana. Cercle extrémiste à l'origine de la naissance du mouvement Hutu Power en 1993 et dont faisait partie, semble-t-il, Alphonse Higaniro.
Alphonse Higaniro est l'un des quatre accusés d'un procès qui se tient au printemps 2001, soit sept ans après le génocide, devant la cour d'assises de Bruxelles. À l'époque du génocide, il est donc un cacique du régime Habyarimana. Il va s'agir, dans cet épisode, de comprendre si le génocide était prévisible et si les informations recueillies par la communauté internationale auraient permis de prendre la mesure des préparatifs en cours.
Un magistrat, Hutu modéré, témoigne
Dans les extraits du procès de 2001 à la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez la déposition de François-Xavier Nsanzuwera, magistrat rwandais, procureur de la République de Kigali avant et après le génocide. Actuellement réfugié en Belgique, il a eu connaissance de dossiers liés à la préparation du génocide et a eu su se montrer critique vis à vis du régime, bien avant 1994.
Avec également Pierre Vincke, directeur de l'ONG belge RCN Justice et Démocratie.

15/ En quête d'une preuve impossible. Vendredi 15 août 2003
Qui a commandité l'attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana, attentat détonateur du génocide des Tutsis au Rwanda ? Aucune certitude. Mais tout de même : quelles ont été les mécaniques en jeu dans le déclenchement du génocide ?
Avec
José Kagabo Historien franco-rwandais, spécialiste du génocide
Pendant le procès de quatre Rwandais devant la cour d'assises de Bruxelles au mois d'avril 2001, plusieurs heures ont été consacrées au rappel des faits qui ont déclenché le génocide et en particulier l'assassinat en 1994 de Juvénal Habyarimana, alors président du Rwanda depuis 1973. Poussé par la pression internationale, il s'est résolu à signer les accords d'Arusha prévoyant le partage du pouvoir entre Tutsi et Hutu.
Vivement critiqué pour cette décision, Juvénal Habyarimana est assassiné. Le procès essaie ici, avec les moyens dont il dispose, de déterminer les commanditaires de l'assassinat du président, véritable détonateur du génocide.
Dans les extraits du procès de 2001 à la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez la déposition d'Alphonse Higaniro, un des quatre Rwandais comparaissant pour sa participation au génocide. Vous entendrez également Alphonse Tilivamonda, témoin, et Spéciose Mukayiranga, Rwandaise, rescapée du génocide.
Avec également Patrick May, journaliste et écrivain et Pierre Vincke, directeur de l'ONG belge RCN Justice et Démocratie.

16/ La faillite du message de l'Église. Lundi 18 août 2003
Deux religieuses font face à un tribunal : c'est inédit en Belgique jusqu'au procès d'avril 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles de quatre Rwandais accusés d'avoir indirectement participé au génocide des Tutsi au Rwanda. Il s'agit ici de comprendre le rôle de l'Église belge dans le génocide.
Avec
Alain Destexhe Homme politique belge, ancien rapporteur de la Commission d'enquête sénatoriale consacrée au Rwanda
François Janne d'Othée Journaliste belge, membre de l'ONG Concertation Chrétienne
De 1923, après la défaite de l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale, à 1962, la Belgique a administré le Rwanda. Prenant alors le relais des Allemands, les Belges administrent le Rwanda en se fondant sur une hiérarchie entre des soi-disant ethnies : les Tutsi priment sur les Hutu.
Cette référence identitaire devient une distinction essentielle et une nomenclature ethnique, entretenue notamment et à la fois par les missionnaires catholiques sur place et l'Église belge. C'est la mise en cause du rôle de l'Église belge et de certains membres du clergé dont il est question ici.
Ainsi, dans les extraits du procès de 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez sœur Gertrude Mukangago et sœur Maria Kisito, respectivement prieure et novice d'un couvent à Sovu, accusées de ne pas avoir porté aide à des milliers de réfugiés Tutsi, et d'être de connivence avec le chef milicien qui les a ensuite massacrés à la machette.
Avec également Léopold Greindl, missionnaire catholique, membre de la Congrégation des Pères Blancs, et Eustache Butera, prêtre rwandais, rescapé du génocide, directeur du Collège Saint-André de Kigali.

17/ L'Église et l'omerta. Mardi 19 août 2003
À travers le procès de deux religieuses, accusées d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, c'est aussi l'institution de l'Église qui est mise en cause. Comment des religieuses ont-elles pu prêter leur concours à l'entreprise génocidaire ?
Avec
Christian Terras Rédacteur en chef de la revue Golias
Un rappel historique du rôle de l'Église dans l'administration du Rwanda s'impose. Le processus de colonisation religieuse du Rwanda par la Belgique s'appuie sur des postulats erronés, en particulier ethniques. L'Église et les missionnaires de la région des Grands Lacs en Afrique ont une responsabilité historique.
À travers deux accusées, il s'agit ici de faire un retour sur les rôles de l'Église catholique au Rwanda, "pays le plus catholique du monde", montrée comme porte-étendard voire modèle de réussite de l'évangélisation catholique, qui considère d'abord les Tutsi comme une race supérieure aux Hutus puis change d'alliance pour se mettre du côté des Hutus, majoritaires et considérés comme serviles. La mission de l'Église catholique s'est alors transformée en stratégie missionnaire, puis en collaboration active avec le génocide.
Et avant la colonisation du Rwanda et la conversion des Rwandais, qui était leur Dieu ? Quelle était la religion traditionnelle des Rwandais ?
Dans les extraits du procès de 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez le témoignage de Marie-Claire Duche, enseignante laïque au monastère de Sovu.
Avec également Laurien Ntezimana, théologien rwandais, animateur pastoral à Butare, témoin au procès de Bruxelles.

18/ Résister et sauver. Mercredi 20 août 2003
L'Église complice passive et active, mais aussi l'Église une victime du génocide : des prêtres, des religieuses et des paroissiens sont assassinés, des couvents, monastères et chapelles sont profanés, détruits, pillés et incendiés. Dans une inversion totale des valeurs.
Avec
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
Jean Hatzfeld Journaliste et écrivain
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
Claude Lanzmann Journaliste, écrivain et cinéaste français
Le rôle de l'Église dans le génocide des Tutsi au Rwanda est enchevêtré dans le rôle d'un État anciennement colonisé. Laure de Vulpian l'affirme dès l'ouverture de cet épisode : "L'Église, dont le message d'amour et de charité a été totalement dévoyé et bafoué lors du génocide, par une population pourtant chrétienne à 90%. Dans une inversion totale des valeurs, les auteurs et complices innombrables du génocide ont enfreint, dans l'alégresse parfois, le sixième des 10 commandements : Tu ne tueras point." Le bilan : un Rwandais sur six a été exterminé en raison de son clan lors du génocide.
Dans les conditions où la discrimination est quasiment inscrite dans la loi, l'adhésion populaire à l'entreprise génocidaire, sincère ou dictée par la peur, a été très large. Ainsi, les actes de résistances individuels ou collectifs ont été rares et isolés — la plupart du temps tués dans l'œuf. Et l'Église catholique n'a jamais officiellement appelé ni à la résistance au génocide ni à la désobéissance.
Dans les extraits du procès de 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez notamment le père Venuste Linguyeneza, Rwandais réfugié en Belgique. En 1994, il dirige le centre de formation des prêtres de Kabgayi, abritant notamment l'évéché, qui sert de refuge à de nombreux Tutsis pendant le génocide.
Avec également Laurien Ntezimana, théologien rwandais et témoin au procès de Bruxelles.

19/ Pour en finir avec la culture du mensonge. Jeudi 21 août 2003
Blanc ou jaune, les jerricanes d'essence qui ont servi à incendier un centre de santé tenu par des religieuses et où étaient massés 600 Rwandais réfugiés lors du génocide des Tutsi au Rwanda ?
Avec
Naason Munyandamutsa Psychiatre rwandais
Jacques Semelin Historien français, spécialiste du crime de masse
Jean Hatzfeld Journaliste et écrivain
Les quatre de Butare sont devant la cours d'assises de Bruxelles : deux religieuses, un ancien ministre et un universitaire sont accusés d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda. Les 24 jurés écoutent celles qu'on appelle les veuves de Sovu.
Les veuves de Sovu sont entendues à la barre de la cour d'assises de Bruxelles. Elles témoignent de ce qu'elles ont vécu lors du génocide des Tutsi au Rwanda. Ces paysannes rwandaises viennent directement de leurs collines pour dire ce qu'elles ont vécu, ce qu'elles ont subi et qui elles ont perdu lors du génocide. Certaines n'ont jamais quitté leur village, d'autres portent des chaussures pour la première fois. Avec leur témoignage, c'est la question de la vérité et du mensonge qui est soulevé par la défense : elles font toutes le même récit — et la défense s'interroge.
Dans les extraits du procès de 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez le témoignage des veuves rwandaises de Sovu et l'interrogatoire des accusés.
Avec également Cédric Vergauwen, avocat et défenseur de l'accusée sœur Gertrude, Pierre Vincke, directeur de l'ONG belge RCN Justice et Démocratie, Michèle Hirsch, avocate de plusieurs parties civiles et Spéciose Mukayiranga, Rwandaise, rescapée du génocide, partie civile au procès de Bruxelles.

20/ Ce qui fait le lit du révisionnisme. Vendredi 22 août 2003
L'universitaire Vincent Ntezimana, accusé d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda, a été accueilli par l'université catholique de Louvain. Comment s'est fait son accueil ? Et pourquoi a-t-il été accueilli alors que des soupçons pesaient déjà sur ses actes en 1994 au Rwanda ?
Lors du procès dit des quatre de Butare, où quatre Rwandais sont jugés pour avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda devant la cour d'assises de Bruxelles en 2001, le révisionnisme est encore possible. Dans ces conditions, la production de thèses qui révisent ce que l'on considère comme acquis est à l'œuvre.
Dans ces enregistrements du procès de 2001 devant la cour d'assises de Bruxelles, vous entendrez deux professeurs belges de l'université catholique de Louvain. Jean Pestiau et Jean-Pascal Van Ypersele sont en désaccord sur l'accueil à réserver à à Vincent Ntezimana à l'Université catholique de Louvain alors que des rumeurs commençaient à circuler sur sa responsabilité dans le génocide des Tutsis au Rwanda.
Ainsi, comme le dit Laure de Vulpian, journaliste et auteur de ce documentaire, "sans poser directement la question du révisionnisme, ces deux témoignages montrent que le génocide des Tutsis rwandais n'échappe pas à la règle qui veut que tout génocide sécrète sa contestation ou, du moins, des interprétations nouvelles qui peuvent prêter à caution." Ces révisions reposent notamment sur le fait que ni la vérité historique ni la vérité judiciaire ne sont totalement établies.
L'armée tutsi, c'est-à-dire le FPR, pendant et après le génocide, a fait des victimes parmi les Hutus. Vengeances individuelles, représailles collectives, exécutions sommaires... En ce qui concerne le bilan des victimes, les chiffres les plus fantaisistes circulent — mais parce que l'intention du FPR n'est pas l'extermination, on ne peut pas parler de génocide en retour. Néanmoins, la thèse du double-génocide prospère. Elle serait "pratique", remettant les compteurs à zéro pour tout le monde et une forme d'égalité.
Vous entendrez également Charles Karemano, sociologue Hutu. En avril 1994, il est l'un des responsable du Parti social-démocrate, un des partis d'opposition, créé en 1991 lors de l'introduction du multi-partisme au Rwanda. D'abord traqué par les génocidaires en tant qu'opposant, il réussit à échapper au massacre. Après le génocide, il reprend ses activités avec la bénédiction du Front patriotique rwandais (FPR), qui l'a toujours soutenu. Mais ensuite, des membres de sa famille sont tués, semble-t-il sur ordre du FPR. Il quitte alors son pays pour la Belgique et décide de porter plainte auprès du Tribunal pénal international contre le FPR. Il est dès lors persona non-grata au Rwanda.

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