Fiche du document numéro 33818

Num
33818
Date
Vendredi 19 mars 2004
Amj
Taille
23797
Titre
Boutros Boutros-Ghali : « J'ai déjà fait mon mea culpa sur le Rwanda »
Soustitre
Selon un rapport du juge Jean-Louis Bruguière, le Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par l'actuel président du Rwanda, Paul Kagame (tutsi), aurait abattu l'avion de son prédécesseur, Juvénal Habyarimana (hutu), le 6 avril 1994. Le crash devait marquer le début du génocide. Secrétaire général de 1991 à fin 1996, Boutros Boutros-Ghali répond aux critiques sur l'absence d'enquête menée par l'ONU.
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Que pensez-vous de ce rapport ?

Ne l'ayant pas lu, je ne peux pas me prononcer. Mais je remarque que, dans les quatre rapports établis après les faits par des parlementaires français, des sénateurs belges, l'Organisation de l'union africaine et les Nations unies, rien n'a été dit sur le crash. Comment se fait-il que, pendant dix ans, cette affaire a été passée sous silence ? Pourquoi le Conseil de sécurité, qui a adopté des résolutions demandant une enquête, n'a-t-il jamais rien dit ?

Mais il avait justement demandé au secrétaire général, vous-même, d'enquêter...

J'avais une cinquantaine de sujets à traiter à l'époque, le secrétaire général ne peut pas s'occuper de tous les détails. En réalité, c'était à d'autres départements de l'ONU de travailler sur ce dossier.

Reconnaissez-vous qu'il y a eu de graves dysfonctionnements à l'ONU sur le dossier rwandais ?

Certainement, mais le département des opérations de maintien de la paix (dirigé à l'époque par Kofi Annan, ndlr) était très infiltré par les autorités américaines. Comme nous manquions de moyens, nous recrutions des officiers qui étaient payés par leur gouvernement. J'ai déjà fait mon mea-culpa sur le Rwanda : je n'ai pas réussi à convaincre le Conseil de sécurité d'agir à l'époque. Mais il y a eu, je ne dirais pas un complot, un consensus, en faveur de la non-intervention au Rwanda.

L'ONU vient de découvrir la boîte noire de l'avion d'Habyarimana dans un tiroir. Comment expliquer une telle défaillance ?

C'est une grande maison, où nous sommes souvent les derniers à savoir ce genre de détails. La quantité de documents qu'elle recèle est invraisemblable ! Mais de deux choses l'une : ou bien cela a été considéré comme une question secondaire, ou bien on a tenu compte du désir de certaines puissances de ne pas aborder ce problème. Bien souvent, les fonctionnaires de l'ONU écoutent davantage les instructions de leur gouvernement que celles du secrétaire général.

Un enquêteur australien de l'ONU, Michael Hourigan, nous a affirmé que, en février 1997, la procureure du Tribunal pénal international chargé du Rwanda (TPIR), Louise Arbour, lui a demandé d'interrompre ses investigations tendant à incriminer Paul Kagame...

Il y a bien quelque chose de mystérieux et de synchronisé dans toute cette affaire : la boîte noire s'égare, le TPIR interrompt son enquête... Le système onusien est très infiltré. Un réseau s'est arrangé pour enterrer ce sujet.

Si une commission internationale décidait de mener une enquête sur l'attentat du 6 avril 1994, accepteriez-vous d'être entendu ?

Non, car j'ai un principe qui relève du secret professionnel : je ne veux mettre en cause ni mes prédécesseurs ni mes successeurs. Dans vingt ans, si je suis encore en vie, je dirai beaucoup de choses...

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024