Fiche du document numéro 33790

Num
33790
Date
Mardi 27 février 2024
Amj
Auteur
Taille
209894
Sur titre
Politique
Titre
Génocide des Tutsi au Rwanda : pourquoi Macron n’ira pas à Kigali
Sous titre
Le président français a choisi de se faire représenter par une délégation ministérielle pour les cérémonies du 7 avril prochain, qui marqueront les trente ans depuis le génocide. Explications.
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le président rwandais, Paul Kagame, et son épouse, Jeannette, allument la flamme
du Mémorial du génocide, à Kigali, lors de la 29e cérémonie de commémoration du génocide des Tutsi, le 7 avril 2023. © Presidency of Rwanda / Anadolu via AFP

Selon toute vraisemblance, Emmanuel Macron ne sera pas le premier chef d’État français à prendre part à la commémoration du génocide des Tutsi, qui se tient chaque année le 7 avril, au Rwanda. Invité à assister à Kigali à la cérémonie marquant le trentième anniversaire du génocide, le président français envisage de se faire représenter par l’un de ses ministres.

Séjourné et Sarkozy attendus

Selon nos informations, c’est son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui a été désigné pour représenter la France lors de cet événement. Cette décision a été communiquée à l’ambassade française sur place. Sollicitée par Jeune Afrique, une source ministérielle rwandaise, au courant de ce choix, précise que les autorités rwandaises n’ont pas encore été formellement informées. Emmanuel Macron devrait, en revanche, prendre part à une cérémonie commémorative organisée en France le même jour.

Premier président français à s’être rendu au Rwanda en visite officielle après le génocide des Tutsi (c’était en février 2010), Nicolas Sarkozy a lui aussi été convié aux cérémonies. Resté proche de Paul Kagame, avec qui il a maintenu un contact régulier, l’ancien chef de l’État français s’est rendu au Rwanda à plusieurs reprises depuis qu’il a quitté le pouvoir. Il siège par ailleurs au conseil d’administration du groupe hôtelier français Accor, qui investit de plus en plus au Rwanda, notamment dans les complexes hôteliers.

Multiples couacs

Ce n’est pas la première fois que la question du niveau de représentation de la France pour ce type d’événement solennel se pose. Il s’agit en réalité d’un casse-tête diplomatique récurrent, alimenté ces trente dernières années par les nombreuses péripéties rencontrées par les rares représentants français dépêchés sur place pour les commémorations.

Le 7 avril 2004 déjà, Paul Kagame avait publiquement dénoncé les pays restés indifférents alors que se perpétrait, sur le sol rwandais, le génocide des Tutsi. En présence du secrétaire d’État aux Affaires étrangères de l’époque, Renaud Muselier, il avait nommément épinglé la France pour son rôle aux côtés du gouvernement rwandais qui a préparé et mis en œuvre le génocide.

« C’est criminel, et ils ont l’audace de rester là sans s’excuser ! » avait lancé Paul Kagame. Dix ans plus tard, à la veille de la 20e commémoration, c’est cette fois dans les colonnes de Jeune Afrique que Paul Kagame accusait la France et la Belgique d’avoir « joué un rôle direct » dans la « préparation politique du génocide ». Conséquence de cette déclaration : Christiane Taubira, garde des Sceaux de François Hollande, avait annulé sa participation à la cérémonie du 7 avril.

Ces échecs, les autorités françaises ne les ont pas oubliés. Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a certes considérablement resserré les liens avec le Rwanda. Cela s’est notamment traduit par le travail de la commission dirigée par l’historien Vincent Duclert, qui, en 2021, a conclu à une « responsabilité lourde et accablante de la France » dans le génocide des Tutsi. Mais en dépit de l’amélioration des relations entre Paris et Kigali qui avait suivi, l’Élysée avait choisi de se faire représenter, pour les cérémonies organisées en 2019, par une délégation parlementaire, dirigée par le député Hervé Berville.

Goma menacée ?

Au-delà du caractère historiquement sensible des relations entre la France et le Rwanda, la question d’un déplacement d’Emmanuel Macron à Kigali se posait dans un contexte sous-régional explosif. Ces dernières semaines, les rebelles du M23, que Kigali est accusé de soutenir, ont continué de progresser en direction de Goma, la principale ville de la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Les combats avec l’armée congolaise et ses différents alliés se sont concentrés autour de la ville de Sake.

Le 20 février, le Quai d’Orsay a condamné « la poursuite des offensives du M23 avec le soutien du Rwanda et la présence des forces rwandaises sur le territoire congolais », appelant ces dernières à se retirer. Une déclaration qui a suscité l’agacement de Kigali. Le gouvernement rwandais a réagi par la voix de sa porte-parole, Yolande Makolo, qui a affirmé sur X (anciennement Twitter) que « personne ne connaît mieux que la France les causes profondes et l’histoire du conflit dans l’est de la RDC ».

Tshisekedi invité à Paris

Ce raidissement affiché par Paris a suscité des inquiétudes au sein de l’ambassade de France au Rwanda, dirigée depuis 2021 par le diplomate Antoine Anfré. Paris se trouve in fine dans une position délicate dans la sous-région. À Kinshasa, l’Élysée demeure perçu comme étant trop proche de Kigali.

Mais le fait que Jérémie Robert, le nouveau conseiller Afrique d’Emmanuel Macron, ait assisté à l’investiture de Félix Tshisekedi, en janvier, a semblé satisfaire l’administration congolaise. Par ailleurs, selon nos informations, des discussions ont également été entamées en vue d’une visite prochaine de Félix Tshisekedi en France.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024