Fiche du document numéro 33523

Num
33523
Date
Jeudi 9 février 2012
Amj
Taille
24716
Surtitre
Interview
Titre
Lef Forster : « On peut continuer à minorer le génocide rwandais »
Soustitre
Négationnisme. L’avocat Lef Forster critique la nouvelle loi Boyer.
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Pourquoi la récente loi sur la négation du génocide arménien a-t-elle été amputée d'un paragraphe, pourtant fondamental ? L'avocat Lef Forster qui déplore ce «coup de gomme» dans le texte initial, revient sur les vrais enjeux de cette loi, examinée en ce moment par le Conseil constitutionnel. Et il demande que les députés tirent les conséquences de leur vote en reconnaissant également le dernier génocide du siècle, perpétré il est vrai par des «amis de la France»…

Vous avez défendu en 1996 des Arméniens contre un auteur accusé de négationnisme. Pourquoi la loi Boyer vous révolte-t-elle ?

Parce que la version initiale a été modifiée de façon honteuse. La première mouture du texte, présentée à l'Assemblée le 18 octobre, évoquait la négation du génocide en citant explicitement les principales institutions internationales et les textes historiques de référence. Mais, en toute discrétion, la commission des lois a décidé de couper le texte. En ôtant soudain toutes les références aux textes internationaux. La nouvelle version se contente de sanctionner la négation des seuls génocides «reconnus par la loi française». Aujourd'hui, il n'y en a que deux : la Shoah, et plus récemment le génocide arménien. Résultat, pour punir une forme de négationnisme, il faudra désormais faire d'abord voter la reconnaissance du crime concerné par le Parlement français, contraint à chaque fois de se positionner devant l'histoire. Et qui pourrait choisir de refuser de reconnaître un génocide pourtant identifié comme tel par l'ONU ? C'est aberrant ! Mais c'est surtout scandaleux, car le véritable combat contre le négationnisme en France concerne peu le génocide arménien.

Où est la vraie menace ?

Avec la Shoah, le seul génocide qui, en France, est la cible des négationnistes, c’est le génocide des Tutsis du Rwanda, qui nous concerne bien plus. Or, avec la nouvelle version de la loi, on ne pourra plus nier le génocide arménien. Mais en revanche, on pourra continuer à minorer celui qui s’est déroulé au Rwanda en 1994. C’est pourtant le seul avec la Shoah à avoir été reconnu par l’ONU. C’est pourquoi je souhaite lancer un appel pour que le Parlement français reconnaisse officiellement le génocide des Tutsis. Afin de mettre l’esprit de la loi en conformité avec les enjeux réels qui sont de dissuader ceux qui refusent la nature génocidaire du massacre des Tutsis, voire soutiennent ceux qui l’ont perpétré.

Vous êtes partie prenante dans ce dossier, puisque vous défendez les officiels rwandais que le juge Bruguière avait accusés d’avoir commis l’attentat contre le président du pays, à la veille du génocide…

Les conclusions de Bruguière sont désormais largement contestées. Mais là n’est pas le sujet. Cette loi a été votée avec des visées électoralistes à court terme : séduire la communauté arménienne mais aussi braquer la Turquie. C’est un choix délibéré, comme le prouve le coup de gomme sur sa portée générale. Car il est évident que le texte initial sanctionnant tout négationnisme en se référant aux conventions internationales, était moins stigmatisant pour les Turcs, qui ne se seraient pas sentis spécifiquement visés.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024