Fiche du document numéro 33420

Num
33420
Date
Vendredi 1er novembre 1996
Amj
Taille
26105
Sur titre
 
Titre
Un mur du silence à la frontière, côté Rwanda
Sous titre
Kigali veut à tout prix éviter d'être soupçonné de connivence avec les Banyamulenges.
Tres
 
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Une route, un pont, un fouillis d'arbres, et derrière, les premières maisons de Kamanyola. Il suffirait de quelques pas pour atteindre ce bourg situé à 60 kilomètres au sud de Bukavu. Aucun militaire ou douanier zaïrois en vue. Kamanyola est aux mains des Banyamulenges, des Tutsis du Sud-Kivu installés depuis des générations au Zaïre qui ont pris les armes pour se défendre contre l'épuration ethnique. Il suffirait de quelques pas pour passer la frontière. Mais côté Rwanda, à une dizaine de mètres du poste-frontière, une ficelle et quelques militaires barrent la route. Le fonctionnaire de l'immigration refuse de regarder les papiers officiels, intime l'ordre de rebrousser chemin. Le ton monte très vite. Impossible de passer. Un peu plus au nord, en face de Bukavu, une équipe de télévision filme des réfugiés qui viennent de franchir le pont. Tout d'un coup, c'est la panique, les militaires foncent sur eux, tentent d'arracher la caméra. Prétexte à l'intimidation, un militaire serait passé devant l'objectif.

Tout en accusant la communauté internationale et les médias de ne s'intéresser qu'à l'aspect humanitaire du conflit de l'Est zaïrois, les autorités rwandaises leur interdisent soigneusement de voir autre chose que des réfugiés. Que les frontières soient fermées pour se protéger ou contrôler les entrées relève de la sécurité nationale. Interdire à ceux qui le souhaitent de passer la frontière rwandaise pour témoigner sur un conflit, dont le gouvernement de Kigali répète qu'il ne le concerne pas, est plus discutable. Kigali a certes le souci d'éviter d'être soupçonné de connivence avec les combattants banyamulenges, ou de prêter le flanc à ceux qui pourraient accuser le Rwanda de provocation. Mais pourquoi le Burundi, qui n'a pas cette préoccupation, s'est-il aligné sur le Rwanda et empêche-t-il de traverser la frontière entre Bujumbura et Uvira, également aux mains des Banyamulenges ? Circulez, il n'y a rien à voir.

Le président rwandais, Pasteur Bizimungu, engage la responsabilité de la communauté internationale et la fait remonter à... la conférence de Berlin de 1885 et au démembrement du Rwanda en 1910. Il repousse l'idée d'une médiation internationale pour désamorcer la crise des Grands Lacs. Après avoir laissé d'hypothétiques médiateurs monter au créneau, le vice-président et ministre de la Défense, Paul Kagame, leur a coupé l'herbe sous le pied : un oui prudent au principe d'une conférence régionale, accompagné de déclarations visant à avertir qu'il ne reculerait pas devant une guerre ouverte avec le Zaïre. «Ce qui nous paraît un double langage, commente un observateur étranger, est un mode de fonctionnement de ce gouvernement. Chacun s'exprime sur la question, mais Kagame est l'homme fort qui traduit une décision politique en acte militaire ou en rapport de force.»

Le mur élevé par le Rwanda sur sa frontière occidentale et les positions contradictoires des principaux membres de son gouvernement rendent encore moins «visible» l'issue de cette guerre. Cette stratégie aura permis à Kigali d'atteindre, sans avoir eu l'air d'y participer, l'un de ses principaux objectifs : priver les forces de l'ex-gouvernement rwandais des bases arrière que constituaient les camps de réfugiés. Depuis le début du conflit, les infiltrations armées des miliciens hutus au Rwanda ont cessé.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024