Fiche du document numéro 33322

Num
33322
Date
Mercredi 20 décembre 2023
Amj
Taille
211718
Titre
Génocide des Tutsi au Rwanda : Sosthène Munyemana condamné à 24 ans de prison
Sous titre
Après cinq semaines de procès, la cour d’assises de Paris a rendu son verdict, mardi 19 décembre. Le gynécologue de Butare, condamné pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », est désormais derrière les barreaux.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Des photos de famille de personnes décédées exposées au Centre commémoratif
du génocide à Kigali, au Rwanda. © Ben Curtis/AP/SIPA

Le verdict est finalement tombé cinq semaines après l’ouverture du procès, le 13 novembre, à la cour d’assises de Paris. Sosthène Munyemana, gynécologue rwandais, a été condamné à 24 années de prison pour « génocide », « crimes contre l’humanité », « entente » et « atteinte à l’intégrité physique ».

Le médecin, qui réside à Bordeaux depuis son départ du Rwanda, en 1994, a passé la journée à attendre sa sentence dans l’une des salles du Palais de Justice. Le président de la cour d’assises a autorisé sa famille, en particulier sa femme et son fils, à lui rendre visite. Au terme d’un délibéré qui aura duré jusque dans la nuit du 19 au 20 décembre, la cour a finalement décidé d’une peine moins lourde que celle demandée par le parquet, trente ans.

« Tout est allé très vite »

Le médecin, aujourd’hui à la retraite, s’est exprimé pour la dernière fois au cours du procès le 19 décembre au matin, avant que la cour ne se retire. « Je n’ai jamais fait adhésion, je n’ai jamais eu d’engagement, je n’ai jamais prêté allégeance à qui que ce soit, a affirmé Sosthène Munyemana, qui vivait dans la préfecture de Butare durant le génocide. Avec certains de mes voisins et certains de mes collègues, nous nous sommes opposés aux massacres des Tutsi. »

« Nous avons fait de notre mieux, c’était très risqué, et tout est allé très vite », a renchéri le gynécologue, qui a ensuite tenu une nouvelle fois à exprimer « toute sa compassion aux familles » des victimes. Sosthène Munyemana a fui le Rwanda avec sa famille en passant par le Zaïre, en juin 1994, avant la fin du génocide. Il s’est ensuite installé dans le sud-ouest de la France, où il réside depuis. La première plainte le concernant avait été déposée dès 1995, vingt-huit ans avant le début de son procès.

« Je voulais aussi avoir une pensée pour la famille, particulièrement celle de ma belle-sœur tutsi, dont le père et le frère ont été tués pendant le génocide, a déclaré Sosthène Munyemana. Je n’ai jamais eu l’occasion de faire le deuil de toutes ces familles, qui sont les miennes, et qui ont aussi été balayées par le génocide. »

Le gynécologue, qui a été condamné par les gaçaça, n’est pas retourné au Rwanda depuis 1994. Demandant à la cour d’assises de prendre « une décision qui le délivrerait, lui rendrait sa vie et lui permettrait de revivre », Sosthène Munyemana a également exprimé le souhait de « reconstruire ensemble [son] pays ».

La défense fait appel

Durant cinq semaines, dans la salle Victor-Hugo, au cœur de l’île de la Cité, à Paris, les témoins se sont succédé à la barre, et les visages sont devenus familiers. Celui de l’accusé, Sosthène Munyemana, 68 ans, mais aussi celui des parties civiles et de leurs avocats, des témoins, des jurés de la cour qui ont, en quelques semaines, dû tout apprendre ou presque du génocide des Tutsi au Rwanda.

Sont aussi devenus familiers les visages de ses avocats, des conseils des parties civiles, des témoins, de la cour et des proches de l’accusé, qui se sont rendus tous les jours à l’étage du Palais de Justice. Ils étaient encore nombreux lorsque Sosthène Munyemana a été menotté et conduit au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis, dans la nuit.

« Ce n’est pas la peine requise, mais c’est une décision correcte », commente Alain Gauthier, cofondateur du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) avec son épouse, Dafroza Gauthier, qui a perdu nombre de ses proches durant le génocide. « Pour des crimes aussi graves, il y a toujours une part de déception. Mais c’est la vérité judiciaire. C’est une étape dans notre combat », conclut Alain Gauthier, qui évoque les procès à venir en 2024 : celui d’Eugène Rwamucyo, un autre médecin de Butare, et celui en appel de Philippe Hategekimana – naturalisé Manier.

« De notre point de vue, ce verdict est totalement inacceptable et scandaleux, réagit Florence Bourg, avocate de la défense, contactée par Jeune Afrique. Cette condamnation d’un médecin qui n’avait aucune responsabilité ni politique ni administrative est invraisemblable. » Les conseils de Sosthène Munyemana ont décidé de faire appel.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024