Fiche du document numéro 33118

Num
33118
Date
Dimanche 29 octobre 2023
Amj
Taille
99156
Surtitre
Déplacement
Titre
En RDC, Mélenchon met la pression pour une position claire de la France face aux « visées expansionnistes du Rwanda »
Soustitre
En visite en république démocratique du Congo, le leader de La France insoumise déplore le « deux poids deux mesures » des Occidentaux qui dénoncent l’invasion russe de l’Ukraine mais pas « l’envahisseur rwandais » de la RDC.
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Mot-clé
M23
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
photo : Jean-Luc Mélenchon à Kinshasa, juste devant les locaux de l'association Banazola, le 28 octobre.

par Paul Lorgerie, correspondant à Kinshasa (RDC)

Une voiture de la Garde républicaine congolaise arrive à toute berzingue dans le quartier populaire de Kauka, au cœur de Kinshasa, la capitale de la république démocratique du Congo (RDC). Les soldats, normalement attitrés à la garde rapprochée du président de la République, Félix Tshisekedi, sécurisent le secteur. Un invité de marque se fait attendre. La centaine de femmes présentes commence à lever le nez. «C’est le président des Américains, là-bas», se risque Dora, 22 ans.

«Mélenchon, président», scande la foule. La chevelure gris cendrée de Jean-Luc Mélenchon pointe à travers l’encablure de la voiture. Accompagné d’une délégation de trois députés de La France insoumise (LFI), le triple candidat à la présidentielle est en déplacement dans le pays depuis le mardi 24 octobre. Il est accompagné d’Arnaud Le Gall et Carlos Martens Bilongo, tous deux députés du Val-d’Oise (le second étant aussi président du groupe d’amitié France-RDC) et de Nadège Abomangoli, députée de Seine-Saint-Denis.

«Pour nous aussi, cela a été une surprise»



Une visite surprenante pour de nombreux observateurs de la vie politique et diplomates en place, même s’il s’est engagé depuis quelques semaines dans une série de conférences, en France et à l’étranger, pour faire la promotion de son dernier livre Faites mieux ! (Robert Laffont). Il était par exemple au Maroc il y a trois semaines. «J’avoue ne pas savoir ce qu’il vient faire», botte en touche un observateur. «Pour nous aussi, cela a été une surprise», dit Lorraine Zola, Française d’origine congolaise et femme de l’ancien joueur de l’AS Monaco Distel Zola, dans les locaux de leur association d’aide aux enfants vulnérables, Banazola. Ils auront droit à une visite du leader de LFI. Avec l’aide de Carlos Bilongo, le couple s’affaire depuis quelques mois à «créer des ponts» entre les deux pays.

«C’était d’autant plus important que Jean-Luc Mélenchon vienne étant donné que la visite de M. Macron n’avait pas très bien été perçue par l’opinion congolaise», soulève Lorraine Zola. En mars, le président français avait joué de détours pour éviter de citer le Rwanda, voisin du Congo accusé de soutenir une rébellion armée qui ensanglante l’est du pays depuis la fin de l’année 2021. Si Kigali continue de nier toute implication dans le conflit, de nombreux rapports des experts des Nations unies ainsi que de Human Rights Watch attestent que des soldats rwandais ont bel et bien foulé le sol congolais depuis la résurgence, en octobre 2021, d’un groupe armé nommé le Mouvement du 23 mars.

Au milieu de l’assistance, Esther Ledi espère que Jean-Luc Mélenchon «peut nous secourir, on nous a dit que c’était le président». «Nous ne vivons pas bien. A l’est, il y a des viols, des kidnappings, l’insécurité est partout, que peut-il faire pour repousser le Rwanda ?» s’interroge cette infirmière de 45 ans. La partie orientale du pays a fait l’objet d’une longue discussion entre le chef d’Etat congolais et l’homme politique français, selon la présidence congolaise.

Combats autour de Goma



Alors qu’un cessez-le-feu de plusieurs mois avait été observé depuis le 1er octobre, les détonations se font à nouveau entendre aux abords de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, province aujourd’hui en proie à de violents affrontements, même si la ville de Goma elle-même reste pour le moment épargnée. Près de 200 000 personnes ont été jetées sur la route en trois semaines, s’ajoutant aux près de 600 000 personnes qui avaient déjà fui. A la veille d’élections générales, attendues le 20 décembre – dont la présidentielle à laquelle le président actuel est candidat –, il se pourrait que des centaines de milliers de personnes ne puissent pas se rendre aux urnes en raison des combats. La tension entre le géant congolais et le petit rwandais, accusé par Kinshasa d’attiser les combats autour de Goma, reste palpable. Mercredi 25 octobre, devant un parterre de diplomates européens, le ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a prévenu : «Si une balle tombe sur Goma, nous réagirons dans les heures qui suivront.»

Vendredi 27 octobre, tandis qu’une partie des parlementaires s’est rendue dans les nombreux sites de déplacés qui enserrent la ville de Goma, Jean-Luc Mélenchon, resté à Kinshasa, a dénoncé le «deux poids deux mesures» du discours des pays occidentaux. «On ne peut pas avoir des principes qui s’appliquent à l’Ukraine contre la Russie et ne pas avoir les mêmes à propos de la RDC contre son envahisseur rwandais», a-t-il déclaré à la sortie d’une rencontre avec des députés congolais, reprenant ainsi l’argumentaire de la population congolaise, souvent frustrée de passer au second voire au troisième plan des discussions au sein des institutions internationales et des médias.

Selon le fondateur de LFI, «les parlementaires insoumis qui se trouvent ici […] ont été les auteurs d’une résolution signée par 75 députés français» pour que la France adopte une position claire vis-à-vis des «visées expansionnistes du Rwanda». «Mais elle n’est jamais programmée à l’ordre du jour», regrette un membre de la délégation. Avec cette visite, les insoumis espèrent créer un levier de pression pour remettre le Congo sur la carte «comme ce fut le cas lorsque [Jean-Luc Mélenchon] s’était rendu au Burkina Faso alors que Mathilde Panot [la présidente du groupe LFI à l’Assemblée, ndlr] avait demandé la création d’une commission d’enquête sur le meurtre de Thomas Sankara, ancien président burkinabè», ajoute cette source.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024