Fiche du document numéro 32825

Num
32825
Date
Dimanche 20 août 2023
Amj
Taille
27621
Titre
On se dirige donc vers une saison froide entre Bruxelles et Kigali
Soustitre
Opinion par Albert Rudatsimburwa, depuis Kigali.
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La Belgique a-t-elle refusé d’accréditer le diplomate choisi par le Rwanda pour occuper le poste d’ambassadeur en Belgique ? Les us et coutumes découlant de la Convention de Vienne, qui régit les relations diplomatiques entre les nations, n’imposent pas à celles-ci de justifier leurs décisions en la matière. Par ailleurs, il est d’usage que des nations amies aient recours aux canaux diplomatiques traditionnels pour communiquer leur point de vue et le soumettre au débat le cas échéant.

Ces traditions diplomatiques ne semblent pas avoir été respectées dans le cas d’espèce. C’est en effet par la presse belge et RFI qu’on a appris, fin juillet, que Bruxelles aurait décliné l’accréditation de Vincent Karega en tant que nouvel ambassadeur du Rwanda en remplacement de Dieudonné Sebashongore, qui avait achevé son mandat au début de 2023. Or, jusqu’ici, la Belgique n’a formulé aucune déclaration officielle concernant l’acceptation ou non de cette accréditation.

Le 24 juillet, le site web de l’ASBL Jambo News titrait pourtant, pour s’en réjouir : « La Belgique rejette la nomination de Vincent Karega en tant qu’ambassadeur du Rwanda ». On pouvait s’étonner que la primeur d’une telle information soit accordée à un média en ligne émanant d’une organisation composée d’opposants au régime rwandais. Ce n’est qu’après cette annonce – non sourcée – sur le site Jambo News que l’on a pu lire une poignée de reprises venues la corroborer – toujours à partir de sources anonymes – dans la presse mainstream.

La réaction de Kigali ne se fit pas attendre et l’on pouvait lire dans la presse à Kigali : « Il est regrettable que le gouvernement belge semble avoir cédé aux pressions du gouvernement de la RDC et à la propagande des organisations et militants négationnistes », a accusé la porte-parole du gouvernement rwandais. « Cela n’augure rien de bon pour nos relations bilatérales ». Et la réponse de Bruxelles ne s’est d’ailleurs pas fait attendre non plus : « La Belgique communiquera à ce sujet par la voie diplomatique », a indiqué un porte-parole du ministère belge des Affaires étrangères à Bruxelles, également contacté par l’AFP.

Si nul ne conteste que le choix de la Belgique en la matière est souverain, il n’en reste pas moins étrange qu’une décision de cette importance, susceptible de détériorer les relations diplomatiques entre deux pays amis, puisse fuiter via un média associatif tel que celui décrit plus haut. Cela relève-t-il d’une inexplicable incompétence ou plutôt d’une marque de mépris délibérée envers le Rwanda ? La Belgique aurait-elle adopté un comportement similaire envers une nation autre qu’africaine ?

Doit-on en déduire que des sources bien placées au ministère belge des Affaires étrangères entretiennent des connexions directes avec cette association ouvertement hostile aux autorités de Kigali ? L’affront envers le Rwanda, dans ce cas, apparaîtrait à la fois intentionnel et délibéré.

A la supposer crédible, l’information relative à la décision belge réjouira sans doute le président congolais Félix Tshisekedi, dont le gouvernement avait expulsé en octobre 2022 l’ambassadeur Vincent Karega conformément à la position anti-rwandaise affichée par la RDC au cours des deux dernières années. S’agit-il, pour Bruxelles, de s’attirer les bonnes grâces de ce pays au détriment de sa relation, ancienne, avec le Rwanda ?

Selon Jambo News, le refus d’accréditation de l’ambassadeur Karega aurait été motivée par le rôle prêté au Rwanda dans l’assassinat de l’ancien chef du renseignement rwandais Patrick Karegeya, le 31 décembre 2013, dans un hôtel sud-africain ainsi que par l’accusation récurrente faite à Kigali de traquer ses opposants politiques jusqu’en exil. Malgré la persistance de ces accusations, le Rwanda a toujours clairement indiqué n’avoir aucune responsabilité dans la mort de Patrick Karegeya ni dans celle d’autres opposants ayant connu une fin tragique. De plus, Vincent Karega, ambassadeur du Rwanda en Afrique du Sud à l’époque, avait alors suivi de manière scrupuleuse la ligne attendue d’un diplomate, s’abstenant de remettre en cause l’enquête menée sur place. Il finira par quitter l’Afrique du Sud à la fin de son second mandat avant d’être nommé ambassadeur en RDC.

La convention de Vienne, selon laquelle la Belgique n’est pas tenue de justifier sa décision en cas de refus d’accréditation d’un diplomate, aurait dû guider le ministère belge des Affaires étrangères.

Mais dans la situation actuelle, il est peu probable que le Rwanda acceptera docilement ce qu’il ne pourrait que considérer comme un geste de mépris injustifié. Ce n’est pas dans les habitudes de Kigali de jouer dans le registre dramatique mais le minimum auquel il faut s’attendre, c’est que Kigali ne soumettra pas d’autre candidature et que le poste d’ambassadeur restera vacant pour longtemps. D’autre part ce sera réciproque pour Bruxelles. Quand viendra le moment de nommer un nouvel ambassadeur pour la Belgique au Rwanda, les chances sont fortes que Kigali renvoi l’ascenseur, sans devoir aller chercher un media en ligne anti Belgique pour divulguer sa décision. Et nous nous dirigeons donc vers une saison froide entre Bruxelles et Kigali dont on ne connaît pas encore la longueur ni l’intensité, mais qui, au vu des éléments disponibles, aurait pu être évitée. Il reviendrait ensuite à la Belgique de restaurer les relations diplomatiques qu’elle aurait ainsi imprudemment et inutilement mis à mal.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024