Fiche du document numéro 32591

Num
32591
Date
Lundi 27 juin 1994
Amj
Hms
20:00:00
Taille
25659253
Surtitre
Journal de 20 heures [5:20] [2/2]
Titre
Edouard Balladur : « Notre opération est destinée à défendre tout le monde ! Nous ne venons pas prendre parti pour les uns contre les autres »
Soustitre
Extrait de l'interview du Premier ministre Edouard Balladur diffusée en direct de l'hôtel de Matignon.
Nom cité
Lieu cité
Mot-clé
Résumé
Edouard Balladur: "Why did we decide on this operation in Rwanda? Because the whole world and the whole of France were moved and upset by the images we saw. And it seemed to us that the government of France could not remain indifferent or immobile. And that it was therefore necessary for France, with others, but for France to take the initiative of proposing it to others, for France to organize an international humanitarian operation. That being the case, precautions had to be taken not to be drawn into what is an internal civil war in Rwanda. This is why we have decided on a certain number of principles, which I have moreover explained to the National Assembly: we are here for a humanitarian operation and for that only. We are here for a limited time. We expect reinforcements from other nations. And we hope that by the end of July the United Nations will take over from us. […] It was better to take the decision to intervene than not to take it at all. Obviously we could have done it earlier. We had made a number of contacts for this. But it finally dawned on us that we had to lead by example. And that's what we've done. At the same time, precautions had to be taken to prevent our soldiers from being put in unnecessarily dangerous positions. So I repeat: it is out of the question for them to take part in internal battles. There is no question for them of being an interposition force. They are there for a humanitarian purpose limited in time and for that only. And I hope that the example set by France will stimulate other countries around the world and ensure that the relay is organized quickly. […] If the RPF is close to the French troops, we will advise at that time. I note one thing: it is that the RPF, which was very reluctant to say the least in the face of the French operation, declared for 24 hours that it noticed that we were there for a humanitarian purpose, for a humanitarian purpose only , and that under these conditions he had fewer reservations about the operation we are conducting. […] I spoke about the operation with the President of the Republic about ten days ago and we both agreed that there was reason to intervene. And then we defined together the mission in a perfectly precise way so as not to be dragged, and it was my express wish, not to be dragged further than necessary. […] I don't think we have any responsibility. Moreover, one of our first interventions for 48 hours, it was precisely to go to the aid of Tutsi populations! To show that we had in view an operation intended to defend everyone! We don't come to take sides against each other. […] Things are clear and simple: France wants to be a world power. It is her ambition and it is her honor and I hope that she will keep this ambition. And the first field of its intervention is Africa where, by a tradition which is now secular, it has an eminent role to play. Especially French-speaking Africa! So because it's about Africa, because it was a French-speaking country, we couldn't remain indifferent. But for all that, we must define and carry out this operation in such a way that we are not dragged further than we want".
Source
Commentaire
The interview can be viewed in its entirety here: https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cab94066419/duplex-matignon-edouard-balladur
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[diffusion d'un générique "matignon en direct"]

Arlette Chabot : Monsieur le Premier ministre, bonsoir.

Edouard Balladur : Bonsoir.

Arlette Chabot : Nous avons regardé, euh, ensemble, euh, les reportages de nos envoyés spéciaux au Rwanda. J'vous demanderai d'abord évidemment de…, de nous dire comment vous jugez le début, euh, de cette opération, euh, Turquoise. Euh…, se déroule-t-elle comme vous le souhaitez et est-elle à votre avis aujourd'hui un peu mieux comprise ?

Edouard Balladur : Je l'crois. Je l'crois. Pour…, pourquoi avons-nous décidé cette opération au Rwanda [une incrustation "Edouard Balladur, Premier Ministre" s'affiche en bas de l'écran] ? Parce que le monde entier et la France entière ont été émus et bouleversés par les images que nous avons vues. Et il nous a semblé que le gouvernement de la France ne pouvait pas rester indifférent ni immobile. Et qu'il fallait donc que la France, avec d'autres -- mais que la France prenne l'initiative de le proposer à d'autres --, que la France organise une opération internationale humanitaire. Cela étant, il fallait prendre des précautions pour ne pas être entraîné dans ce qui est une guerre civile intérieure au Rwanda. C'est pourquoi nous avons arrêté un certain nombre de principes, que j'ai d'ailleurs exposé à l'Assemblée nationale [une incrustation "Hôtel Matignon, direct" s'affiche en haut de l'écran] : nous sommes là pour une opération humanitaire et pour cela seulement. Nous sommes là pour un temps limité. Nous attendons des renforts d'autres nations. Et nous souhaitons que d'ici la fin du mois de juillet les Nations unies prennent notre relais. Voilà.

Alain Duhamel : La…, la question qu'forcément on s'pose, euh, dans ces cas-là, c'est que, puisque… malheureusement -- tout l'monde l'a vu -- y'a eu des…, des massacres abominables et sans doute des centaines de milliers de morts, pourquoi est-ce que cette décision qu'on a prise on n'a pas pu la prendre avant ?

Edouard Balladur : Je crois qu'il valait mieux la prendre quand nous le…, quand nous l'avons prise que ne pas la prendre du tout. Évidemment on aurait pu l'faire avant, vous avez raison Alain Duhamel. Et on aurait pu l'faire avant, on aurait pu l'faire plus tôt. Nous avions pris un certain nombre de contacts pour cela. Mais il nous est apparu finalement qu'il fallait que nous donnions l'exemple. Et c'est c'que nous avons fait. Mais qu'en même temps il fallait prendre des précautions pour éviter que nos soldats ne soient mis dans des positions dangereuses inutilement. Donc je l'répète : il n'est pas question pour eux de participer aux combats intérieurs. Il n'est pas question pour eux d'être une force d'interposition. Ils sont là pour un but humanitaire limité dans le temps et pour cela seulement. Et j'espère que l'exemple qu'aura donné la France stimulera les…, d'autres pays de par le monde et fera en sorte que le relais soit organisé rapidement.

Arlette Chabot : Vous dites que…, effectivement les troupes françaises ne sont pas là pour faire de l'interposition, euh, participer aux combats mais que va-t-il se passer si par exemple le FPR progresse, prend Kigali et si, progressant, il se trouve extrêmement proche des troupes françaises. Comment doivent-elles réagir ?

Edouard Balladur : Écoutez, nous avié…, nous aviserons à ce moment-là. J'constate une chose : c'est que le FPR, qui était fort réticent pour ne pas dire plus devant l'opération française, a déclaré depuis 24 heures qu'il constatait que nous y étions pour un but humanitaire, pour un but humanitaire seulement, et que dans ces conditions il avait moins de réserves - j'dis pas qu'il l'approuvait --, mais qu'il avait moins de réserves sur l'opération que nous menons.

Alain Duhamel : On…, est-ce qu'on peut dire que, sur cette, euh, question de l'opération humanitaire française au Rwanda, y'a un accord absolu entre le président de la République et le gouvernement, point par point ?

Edouard Balladur : J'en ai parlé avec le président de la République il y a de cela il me semble une dizaine de jours et nous sommes convenus tous les deux qu'il y avait lieu de…, d'intervenir. Et puis nous avons défen…, dé…, défini ensemble la mission de façon parfaitement précise pour ne pas être entraîné -- et c'était mon souhait exprès --, pour ne pas être entraîné plus loin qu'il ne le fallait.

Alain Duhamel : Et il y a une question qui est, euh, souvent, euh…, posée : c'est…, c'est le fait que la France -- vous allez me répondre que c'était avant votre gouvernement [sourire] -- mais enfin, la France, euh, disons, avait de bonnes relations avec le gouvernement précédent…

Edouard Balladur : Mmm.

Alain Duhamel : Sur place, au Rwanda. Et ce sont des séides de ce gouvernement précédent qui se sont comportés de façon complètement abominable. Est-ce que, au fond, on n'a pas une part… -- à vos yeux --, est-ce qu'on a une part de responsabilité indirecte ?

Edouard Balladur : Non je ne le crois pas. Et d'ailleurs, l'une de nos premières interventions depuis 48 heures, ça a été justement d'aller au secours de populations tutsi ! Pour bien montrer que nous avions en bu…, en vue une opération desti, déci…, euh, enfin, destinée à défendre tout l'monde ! Nous ne venons pas prendre parti pour les uns contre les autres.

Arlette Chabot : Est-ce qu'au fond, certains nous disent qu'à… propos de cette opération au Rwanda…, du Rwanda, on pourrait peut-être un peu réfléchir à la politique de la France en Afrique : justement, quel type d'aide, quelle type de coopération ? Est-ce que ça vous semble être effectivement une…, une occasion de réfléchir un peu à ça ?

Edouard Balladur : C'est sûrement une occasion de réfléchir. Mais vous savez, les choses sont claires et simples : la France se veut une puissance mondiale. C'est son ambition et c'est son honneur et je souhaite qu'elle conserve cette ambition. Et le premier champ de son intervention c'est l'Afrique où, de par une tradition qui est maintenant séculaire, elle a un rôle éminent à jouer. Spécialement l'Afrique francophone ! Donc parce qu'il s'agit de l'Afrique, parce qu'il s'agissait d'un pays francophone nous ne pouvions pas rester indifférent. Mais pour autant il faut définir et mener cette opération de telle sorte que nous ne soyons pas entraînés plus loin que nous ne le voulons.

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