Fiche du document numéro 32499

Num
32499
Date
Mercredi 7 juin 2023
Amj
Taille
31039
Titre
Génocide des Tutsis au Rwanda : Félicien Kabuga déclaré « inapte » à être jugé
Sous titre
Il n'y aura pas de procès devant le tribunal de La Haye sur le Rwanda pour Félicien Kabuga. Le procès avait commencé en septembre 2022 devant le mécanisme de l'ONU chargé de juger les dernières affaires du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), avant d'être suspendu. Le tribunal voulait étudier l'état de santé mentale de celui qui est considéré comme le financier présumé du génocide au Rwanda en 1994. Les juges ont tranché, Félicien Kabuga est inapte à subir son procès.
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Source
RFI
Type
Page web
Langue
FR
Citation
Avec nos correspondantes à La Haye et à Kigali

Félicien Kabuga est inapte à être jugé et il est peu probable qu’il retrouve ses capacités physiques. Il a fallu trois mois depuis la suspension de l’audition des témoins du procureur pour que les juges décident. Plusieurs experts se sont penchés au chevet de l’accusé, ils sont venus déposer à La Haye. Les deux psychiatres et le neurologue ont posé un diagnostic de démence d’origine vasculaire, rapporte notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas.

Félicien Kabuga, accusé d'avoir été le bras financier du génocide de 1994, est accusé de génocide et de crimes contre l'humanité. Depuis son arrestation en banlieue parisienne en 2020, sa santé est au cœur du dossier. Alors qu'il devait être jugé à Arusha, les juges ont préféré le garder à La Haye, de crainte que cet homme d'au moins 87 ans ne survive pas au voyage vers la Tanzanie.

Depuis l'ouverture du procès en septembre, les audiences étaient aménagées et avançaient très lentement. Seuls 24 témoins ont déposé, jusqu'à la suspension du procès début mars.

Félicien Kabuga ne sera pas libéré



Même s’il est inapte à subir son procès, cela ne clôt pas l’affaire pour autant. Félicien Kabuga ne sera pas libéré. L’ex-homme d’affaires va rester sous surveillance médicale, comme il l’est depuis son arrivée à La Haye en octobre 2020. L'acte d'accusation dressé contre lui est toujours actif. Les juges ont mis en place une procédure spéciale qui ressemble à une procédure de constat des faits dont il est accusé. Il reste quelques inconnus sur le fonctionnement de cette procédure, qui est complètement nouvelle et qui n'est pas prévue par le code de procédure pénale du Tribunal.

Les juges précisent néanmoins qu'elle collera au plus près d'un procès classique. On sait que le procureur devra reprendre la présentation de ses éléments de preuves, et appeler les témoins. Au terme de l'affaire, les juges ne pourront pas prononcer le verdict de culpabilité. Ils pourront tout au plus dire que l'accusé n'est pas innocent des faits reprochés.

Mais à leurs yeux, cela permettra de boucler l’affaire. Les juges placent leur décision dans un cadre plus large que ce seul procès. Ils expliquent que cette procédure spéciale exceptionnelle est nécessaire en raison de la gravité des crimes et des attentes des victimes et des survivants. Enfin, cette procédure exceptionnelle serait à leurs yeux justifiée par le mandat même du tribunal qui, selon eux, viserait à contribuer au maintien de la paix au Rwanda.

À Kigali, les rescapés du génocide dénoncent cette décision



Cette décision est une réelle déception pour les survivants du génocide. Ils attendaient beaucoup de ce procès emblématique, rapporte notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud. Philibert Gakwenzire, le président d'Ibuka, l'association nationale des rescapés, se dit « consterné » par cette décision, annoncée ce matin par les juges du mécanisme résiduel en charge des derniers dossiers du TPIR.

« Une justice qui n'arrive pas à temps n'en est pas une », a-t-il dit, regrettant « la lenteur des procédures internationales », il « espère qu'un appel pourra être déposé par le procureur afin d'aller jusqu'au bout des recours possibles ». La décision n'est cependant pas une surprise. Déjà, en mars dernier, l'association des rescapés s'était inquiétée, après la suspension temporaire du procès.

Une suspension qui faisait déjà craindre aux survivants de ne pas voir la conclusion à ces audiences face à l'âge et la santé déclinante de l'accusé, et donc de risquer que Félicien Kabuga ne meure présumé innocent sans verdict définitif, en réponse aux poursuites contre lui pour génocide et crimes contre l'humanité.

Félicien Kabuga, l’un des derniers suspects du génocide à être traduit en justice



Félicien Kabuga avait échappé aux enquêteurs du TPIR pendant un quart de siècle. Après des années de cavale en Suisse, au Congo, au Kenya, Félicien Kabuga avait été appréhendé en mai 2020 en France à Asnières-sur-Seine. Il avait été identifié grâce à une cicatrice dans le cou, stigmate d’une intervention chirurgicale passée. Financier présumé du génocide, l’homme est accusé d’avoir mis sa fortune au service des génocidaires.

Ce petit commerçant né en 1935 selon le tribunal, s’est constituée patiemment cette fortune en ouvrant plusieurs commerces dans la capitale puis en investissant dans les plantations de thé, de café, et dans l’immobilier. Cet argent lui a notamment servi à fonder avec d’autres la RTLM, la Radio télévision libre des milles collines. Cette radio dont il était membre du comité de pilotage relayait les appels aux massacres contre les Tutsi.

Membre du parti présidentiel, Félicien Kabuga était en 1994 proche des cercles de pouvoir. L’une de ses filles, Félicité, avait épousé Augustin Ngirabatware, le ministre du plan. Kabuga était lui membre de l’Akazu, un petit cercle d’extrémistes qui aurait planifié le génocide. L’homme est ainsi accusé d’avoir à l’époque fourni un soutien matériel, logistique, financier et moral aux milices Interahamwe de trois préfectures. Ce sont les raisons pour lesquelles il était jugé depuis septembre pour génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide et crimes contre l’humanité.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024