Fiche du document numéro 32397

Num
32397
Date
Mardi 29 novembre 2022
Amj
Taille
5423877
Titre
Analyse de la carte interactive des zones d’exploitation minière artisanale dans l’Est de la République démocratique du Congo. Mise à jour 2022 - Synthèse
Lieu cité
RDC
Résumé
In eastern Democratic Republic of Congo (DRC), the artisanal and small-scale mining (ASM) sector plays an important role in the local economy. While large-scale armed conflict over DRC’s mineral wealth has decreased significantly over the past twenty years, armed actors continuously interfere in the mining sector, and conflicts over resources at the local level are still common. IPIS has mapped around 2,720 ASM sites in eastern DRC since 2009, collecting primary data about the interference of armed groups, types of minerals, mineral pricing, worker demographics, trade routes, and environmental issues.
Source
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
Analyse de la carte interactive des zones
d’exploitation minière artisanale dans l’Est
de la République démocratique du Congo
Mise à jour 2022 - Synthèse

International Peace
Information Service vzw

Analyse de la carte interactive des zones d’exploitation minière artisanale dans l’Est de la
République démocratique du Congo, mise à jour 2022, Synthèse

Anvers, novembre 2022

Photo de la couverture :
Mineurs traitant les résidus d’une exploitation semi-industrielle, Watsa, Haut-Uélé

Auteurs : Ken Matthysen, Thomas Muller et Ntakobajira Zacharie Bulakali
Coordinateur des recherches de terrain: Ntakobajira Zacharie Bulakali
Chercheurs: Augustin Djamugisa Bedidjo, Bertin Nyamuhirwa Muganuza, Bienfait Mateso Mulindwa, Bienvenue Akasa Okoko, Chance-Clarice Cikanga, Emmanuel Kivuha Kahindo, Erick Mandingaka Itakabobo,
Freddy Mugombekere Baleke, Gabriel Igilima Lunanga, Jérémie Kabunga Katembo, Josué Mfunyi Kadima,
Lavoisier Lukindula Assumani, Mike Mudukwe Mirindi, Moise Katina Mbusa, et Philippe Bushiri Bilombele
SIG et analyse des données : Thomas Muller

Citation suggérée :
Matthysen, K., Muller, T. and Bulakali, N. Z. (2022) Analyse de la carte interactive des zones d’exploitation
minière artisanale dans l’Est de la République démocratique du Congo, mise à jour 2022, Synthèse, (IPIS,
Anvers, 2022), 20p.

International Peace Information Service (IPIS) est un institut de recherche indépendant fournissant
des informations, des analyses, des avis politiques et un renforcement de capacités sur mesure pour soutenir les acteurs qui veulent réaliser une vision de paix durable, de développement durable et de respect
des droits humains.

D/2022/4320/11
Clause de non-responsabilité
Ce document a été réalisé par IPIS avec le soutien de l’Integrated Land and Resource Governance Task
Order, dans le cadre du projet Strengthening Tenure and Resource Rights II (STARR II) IDIQ.
Cette publication a été rendue possible grâce au soutien du peuple américain par le biais de l’Agence
des États-Unis pour le développement international (USAID). Le contenu de cette publication relève de la
seule respon sabilité de IPIS et ne reflète pas nécessairement les opinions de USAID ou du gouvernement
des États-Unis.

2

TABLE DES MATIÈRES
ABRÉVIATIONS...................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION.................................................................................................................................... 5
ANALYSE DES DONNÉES...................................................................................................................... 7
EMAPE ET INGÉRENCE D’ACTEURS ARMÉS....................................................................................... 9
CONTRÔLE DE L’ÉTAT......................................................................................................................... 15
EXPLOITATIONS SEMI-INDUSTRIELLES........................................................................................... 17
CONCLUSION....................................................................................................................................... 18

3

ABRÉVIATIONS
3T

Étain, tantale et tungstène

ADF

Allied Democratic Forces

ANR

Agence Nationale de Renseignements

CODECO

Coopérative pour le Développement Économique du Congo

CNPSC

Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo

CNRD

Conseil national pour le renouveau et la démocratie

EMAPE

Exploitation minière artisanale et à petite échelle

FARDC

Forces Armées de la République démocratique du Congo

FC

Franc Congolais

FDLR

Forces Démocratiques de Libération du Rwanda

FPP/AP

Front Patriotique pour la Paix–Armée du Peuple

ILRG

Integrated Land and Resource Governance

IPIS

International Peace Information Service

NDC-R

Nduma Défense du Congo – Rénové

PMH

Police des Mines et Hydrocarbures

PNC

Police Nationale Congolaise

RDC

République démocratique du Congo

SAEMAPE
Service d’Assistance et d’Encadrement de l'Exploitation Minière Artisanale et à Petite
Échelle
UPCP

Union des Patriotes Congolais pour la Paix

UPLD

Union des Patriotes pour la Libération et le Développement (Mai Mai Luc)

4

INTRODUCTION
Dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), le secteur de l’exploitation minière artisanale
et à petite échelle (EMAPE) emploie des centaines de milliers de personnes et joue un rôle important dans
l’économie locale. Alors que les conflits armés de grande échelle autour des richesses minières de la RDC
ont considérablement décru au cours des vingt dernières années,1 des acteurs armés continuent d’interférer dans le secteur minier et les conflits autour des ressources au niveau local sont toujours fréquents.
International Peace Information Service (IPIS) a cartographié environ 2 720 sites miniers artisanaux dans
l’Est de la RDC depuis 2009, en recueillant des données primaires sur l’ingérence des groupes armés, les
types de minerais, le prix des minerais, les données démographiques des travailleurs, les routes commerciales, les problèmes environnementaux, etc.
Les sites artisanaux et à petite échelle étant en constante évolution, IPIS met régulièrement à jour sa base
de données et sa carte des sites miniers sur base des nouvelles informations recueillies lors de chaque visite. Dans le cadre de son dernier projet de cartographie des mines, soutenu par le projet Integrated Land
and Resource Governance (ILRG) financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), IPIS a visité 450 mines artisanales dans l’Est de la RDC entre septembre 2021 et mars 2022.
Au total, 354 étaient des sites actifs, répartis dans différentes provinces, à savoir le Haut-Uélé, la province
de Tshopo, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema et le Tanganyika.2 IPIS sélectionne les zones d’étude en
fonction de plusieurs critères, incluant les récents développements intéressants, le temps écoulé depuis
la dernière visite de la zone et l’intérêt pour une zone particulière exprimé par d’autres parties prenantes
du secteur de l’EMAPE ou de partenaires (internationaux). Dans chaque zone, les équipes visitent autant
de sites que possible pendant la durée de leur mission de recherche, en donnant la priorité aux sites les
plus productifs.
La Figure 1 indique l'emplacement géographique des mines visitées. Ces sites se trouvent également sur
la carte interactive d’IPIS3 et dans son tableau de bord de données en libre accès sur l’artisanat minier en
RDC.4

1
2
3
4

IPIS, Armed conflict, insecurity, and mining in eastern DRC : Literature review report, commandé par USAID, mai 2022, publication
fin 2022.
Les équipes n’ont pas encore visité les mines de la province d’Ituri, principalement en raison de l’insécurité qui y règne.
https://ipisresearch.be/mapping/webmapping/drcongo/v6
IPIS Open Data Dashboard on artisanal mining in DRC https://ipisresearch-dashboard.shinyapps.io/open_data_app/ https://
ipisresearch-dashboard.shinyapps.io/open_data_app/

5

Figure 1 : Carte des sites miniers visités dans l’est de la RDC, septembre 2021 – mars 2022

6

ANALYSE DES DONNÉES
Le présent document est un résumé des informations recueillies et des conclusions provisoires.5 D’autres
visites de sites et collectes de données se poursuivront jusqu’au début de l’année 2023.
Tableau A : Sites miniers artisanaux par province, septembre 2021 - mars 2022
Province

Nombre de sites visités

Nombre de travailleurs

Haut-Uélé

25

3 745

Maniema

62

9 315

Nord-Kivu

126

24 209

Sud-Kivu

98

14 522

Tanganyika

28

2 733

Tshopo

15

1 080

IPIS a visité 354 sites miniers actifs, qui emploient environ 55 604 mineurs (Tableau A). Les mines d’or
représentaient 86 % des mines visitées, suivies par les mines d’étain, de tantale et de tungstène (3T), qui
représentaient 20 % des mines (Tableau B). Ces proportions sont cohérentes avec la base de données
plus large d’IPIS sur les sites artisanaux et à petite échelle dans l’Est de la RDC.6
Tableau B : Type de minerais dans l’ensemble des données
Minerai

Nombre de mines

% de mines

Nombre de mineurs

% de mineurs

Or

304

86 %

48 677

88 %

Cassitérite

48

14 %

4 537

8%

Coltan

19

5%

4 188

8%

Diamants

6

2%

511

1%

Tourmaline

3

1%

660

1%

Tungstène

3

1%

24

0%

Cuivre

2

1%

91

0%

Remarque : La somme du nombre de mines et de mineurs est supérieure à leurs totaux respectifs, à savoir 354 mines et 55 604 mineurs car une mine peut contenir différents minerais.
Bien que l’EMAPE constitue une importante source de moyens de subsistance pour les jeunes en RDC,
ces opportunités ne sont pas accessibles à tous. Les femmes ne représentent que 3 % des mineurs sur
les sites visités (1 730 mineurs femmes, sur un total de 55 604). Les normes sociales et les risques liés à la
sécurité constituent un obstacle à une plus grande participation des femmes. Pourtant, elles jouent un
rôle important dans le secteur de l’EMAPE, principalement à travers la prestation de services auxiliaires,
comme la préparation de nourriture, le transport et la tenue de boutiques dans les communautés minières. Les femmes sont présentes dans 53 % des sites visités et sont plus largement représentées dans
les plus grands sites miniers.
5
6

Un rapport complet est également disponible : Bulakali, N. Z., Matthysen, K. et Muller, T., Analysis of the interactive map of artisanal
mining areas in eastern Democratic Republic of Congo, IPIS, 2022
Sur les 2 480 mines (employant environ 330 000 mineurs) visitées par IPIS au cours des dix dernières années (depuis janvier 2013),
71 % sont des mines d’or (78 % des mineurs), 23 % des mines de cassitérite (19 % des mineurs) et 9 % de coltan (5 % des mineurs).

7

De même, IPIS estime que les enfants de moins de quinze ans représentent 3 % des travailleurs sur les
sites visités (1 614 mineurs de moins de 15 ans). Ces derniers travaillent principalement dans des mines
à ciel ouvert, par opposition aux mines souterraines, et sont souvent employés pour laver ou traiter les
minerais. Il est également préoccupant de constater que, dans 17 mines d’or, les enfants utilisent du mercure pour traiter les minerais d’or.

Traitement de l’or, Mwenga, Sud Kivu

8

EMAPE ET INGÉRENCE D’ACTEURS ARMÉS
L’exploitation minière et le commerce des minerais sont des éléments importants de la perpétuation des
conflits et de l’insécurité dans l’Est de la RDC. Les acteurs armés étatiques et non étatiques profitent du
secteur minier pour générer des revenus, ce qui alimente les violations des droits humains : ce que l’on
appelle le problème des « minerais de conflit ».7 Alors que les conflits armés de grande échelle autour
des richesses minières de la RDC ont considérablement décru au cours des vingt dernières années, le
présent rapport illustre que des acteurs armés interfèrent continuellement dans le secteur minier et que
les conflits autour des ressources sont toujours fréquents à l'échelle locale.
IPIS évalue le niveau de sécurité sur les sites miniers en fonction de différents critères, notamment les
visites de groupes armés, le comportement des forces de sécurité étatiques, la violence et les conflits.
Des tensions économiques, sociales et politiques apparaissent souvent au sein du secteur de l’EMAPE.
Ainsi, l’équipe d’IPIS a signalé des conflits sur 29 % des sites visités (103 sur 354), impliquant des tensions sur les limites géographiques entre différentes exploitations, le vol de minerais, des conflits entre
propriétaires fonciers et mineurs, et des conflits concernant la répartition des revenus entre les parties
prenantes. Des incidents de violence ont été signalés sur 14 % des sites (51 sur 354) au cours des six derniers mois.
L’ingérence d’acteurs armés, étatiques et non étatiques, a été rapportée sur 41 % des sites miniers (146
des 354 sites miniers). Les acteurs armés les plus présents sur les sites artisanaux et de petite échelle sont
les forces de sécurité de l’État, dont les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC)
(présentes dans 36 % des mines) et la Police Nationale Congolaise (PNC) (15 % des mines). Les acteurs
armés non étatiques sont également présents sur les sites artisanaux, parmi lesquels les groupes Mai Mai
(présents sur 20 % des sites), NDC-R (5 %) et Nyatura (1 %) (Tableau C).
Tableau C : Présence d’acteurs armés sur les sites miniers
Acteur armé

Nombre de mines

% de mines

126

36 %

22 931

41 %

PNC (Police)

54

15 %

11 311

20 %

Groupes Mai Mai

70

20 %

19 353

35 %

NDC-R

17

5%

12 571

23 %

Autre

4

1%

355

1%

FARDC (forces armées nationales)

Nombre de mineurs

% de mineurs

Les FARDC sont le principal acteur armé présent dans les mines et il est à noter que des unités interfèrent
dans le secteur minier dans presque tous les territoires (Figure 2) Les unités des FARDC peuvent régulièrement être observées dans les mines dans des zones où elles sont déployées pour assurer la sécurité contre
les activités de groupes armés. Dans ces cas-là, elles ont souvent recours à la taxation illégale, appelée
« effort de guerre » pour générer des revenus. Il existe cependant des cas où les FARDC et les groupes Mai
Mai ont des accords informels sur la distribution des revenus de mines d’or afin de protéger leurs inté7

Les minerais ont joué un rôle important dans le financement des conflits dans l’Est de la RDC au cours des vingt dernières
années. Alors que le Rwanda et l’Ouganda étaient principalement motivés par des préoccupations politiques et sécuritaires lors
de la première Guerre du Congo (1996-1997), la deuxième Guerre du Congo (1998-2003) était bien davantage motivée par des
préoccupations d’ordre économique, à savoir l’accès aux ressources naturelles et leur contrôle. Depuis la fin des Guerres du Congo
en 2003, l’insécurité et la violence armée ont persisté dans l’Est de la RDC. Ces vingt dernières années ont été marquées par la
prolifération de groupes d’autodéfense, dont les groupes Mai Mai, Nyatura et Raïa Mutomboki, entraînant une situation où environ
120 groupes armés opèrent dans l’Est de la RDC. La plupart des groupes armés ont été créés pour des raisons idéologiques ou
sécuritaires, souvent pour soutenir des communautés ethniques spécifiques. L’exploitation des ressources naturelles n’est pas une
raison directe de conflit, mais l’abondance de mines (en particulier, de mines d’or) offre des opportunités économiques aux groupes
armés pour financer leur survie.

9

rêts économiques respectifs. (Par exemple, entre
les Mai Mai Malaika et les FARDC dans le territoire
de Kabambare, dans la province de Maniema, cf.
section 3.2.1.6 du rapport intégral). 8
Néanmoins, les éléments des FARDC sont également présents dans des zones relativement
calmes, comme le territoire de Kasongo dans la
province de Maniema. Bien qu’ils n’extorquent pas
toujours directement les mineurs dans ces zones,
les commandants de l’armée ont développé des
intérêts dans les activités minières, une pratique
illégale. Certains éléments des FARDC possèdent
des puits de mine ou des machines de concassage
et organisent la fraude, en facilitant les exonérations fiscales par exemple.
Les points névralgiques de l’ingérence des
groupes armés dans le secteur minier sont : le territoire de Bafwasende dans la province de Tshopo
(Mai Mai Luc) ; les territoires de Lubero et Walikale
au Nord-Kivu (rebelles Simba, Mai Mai, FPP-AP,
NDC-R et Nyatura) ; Bunyakiri-Nyawarongo dans
le territoire de Kalehe et le territoire de Shabunda au Sud-Kivu (Mai Mai et Nyatura) ; le territoire
de Kabambare dans la province de Maniema (Mai
Mai) ; et les territoires de Kalemie et Moba dans
la province de Tanganyika (Mai Mai). Ces groupes
sont brièvement décrits dans l’encadré ci-dessous.
Une discussion plus approfondie et des cartes détaillées de leur présence figurent dans le rapport
intégral.9
Il ne s’agit certainement pas d’un aperçu complet
du « financement des conflits » et de l’ingérence armée dans les mines de l’Est de la RDC. Les Mai Mai
Yakutumba (territoire de Fizi, Sud-Kivu) et les milices
Figure 2 : Carte des sites miniers visités enregistrant
Coopérative pour le Développement Économique du
des interférences illégales par des unités des FARDC,
Congo (CODECO) et Zaïre (territoire de Djugu, pro2021-2022
vince d’Ituri) sont les acteurs les plus connus absents de cette analyse. Les Mai Mai Yakutumba, et
leurs intérêts dans le secteur de l’exploitation aurifère, font l’objet d’une autre étude d’IPIS datant de 2021.10
Par ailleurs, IPIS a évité le territoire de Djugu au cours des quelques derniers mois en raison de l’insécurité
qui y règne. CODECO et Zaïre sont cependant abordés dans une récente revue littéraire d’IPIS11 et feront
l’objet d’une étude de cas développée fin 2022.
Pour terminer, l’Est de la RDC abrite plus d’une centaine de groupes rebelles, pour la plupart de petite
taille.12 Même si beaucoup d’entre eux fournissent des exemples intéressants de la dynamique entourant
le financement des conflits, comme Charles Quint dans le territoire de Shabunda (un groupe Raïa Mutomboki), ils n'ont pas pu être tous abordés dans le temps imparti pour cette étude.
8
9
10
11
12

Bulakali, N. Z., Matthysen, K. et Muller (2022), op. cit.
Bulakali, N. Z., Matthysen, K. et Muller, T. (2022), op. cit.
IPIS, Conflict analysis and stakeholder mapping in South Kivu and Ituri, commandée par le projet Madini, avril 2021.
IPIS (à paraître fin 2022), op. cit.
Kivu Security Tracker, The Landscape of Armed Groups in Eastern Congo: Missed opportunities, protracted insecurity and self-fulfilling
prophecies, février 2021

10

Site minier de Katuzo, Shabunda, Sud Kivu

Bref aperçu des groupes armés dans le secteur minier
IPIS a rencontré un large éventail de groupes armés dans les 354 sites miniers visités. Nous les avons
tous répertoriés, ainsi que quelques autres groupes importants, dans cet encadré. Le site internet
Kivu Security Tracker (KST) donne aussi un aperçu plus général des groupes armés présents dans
l’Est de la RDC.13
« Mai Mai Simba » est un nom utilisé par plusieurs groupes armés, qui remonte à 1964, lorsque le
Lumumbiste Pierre Mulele a lancé un mouvement de rébellion contre l’État congolais. Ce mouvement
s’est toutefois rapidement retrouvé bloqué dans les forêts de la zone frontalière entre le Maniema, le
Nord-Kivu, l’Ituri et la Tshopo. Nous avons rencontré trois groupes qui utilisent le nom Simba :
• Mai Mai Luc, ou Union des Patriotes pour la Libération et le Développement (UPLD), commandée
par Luc Yabili ;
• Les rebelles Simba des commandants Mangaribi et Manu (ex-Morgan) opèrent pour la plupart dans
le territoire de Mambasa (Ituri) jusqu’à la zone frontalière avec le territoire de Lubero (Nord-Kivu) ;
• Les rebelles Simba du général Mando Mazeri (les « Forces Divines Simba ») ont trouvé refuge
dans le parc national de la Maiko, dans le territoire de Lubutu (nord du Maniema) depuis des
décennies et ont aussi été observés traversant parfois le territoire voisin de Walikale (Nord-Kivu).
La situation sécuritaire la plus difficile a été observée dans la zone frontalière entre le sud de Lubero
et le nord de Walikale, dans la province du Nord-Kivu. Les territoires de Lubero et Walikale abritent
plusieurs groupes armés d’autodéfense appelés collectivement « Mai Mai Mazembe ».
Le mouvement est apparu vers 2015 dans le but de défendre les communautés Nande et Kobo
contre les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), mais aussi plus tard contre
d’autres groupes comme les Allied Democratic Forces (ADF) dans le territoire de Beni. Les Mai Mai
Mazembe ont également été accusés de violences contre des civils Hutus de manière générale.14
Dans ce rapport, nous faisons référence à deux factions Mazembe :

13 https://kivusecurity.org/about/armedGroups
14 https://kivusecurity.org/about/armedGroups

11

• Mai Mai Juvenal au nord de Batangi ;
• Le Front Patriotique pour la Paix–Armée du Peuple (FPP/AP) est à l’heure actuelle le groupe
le plus puissant au sud du territoire de Lubero. Il compte entre 200 et 300 combattants et est
commandé par Kasereka Kasyano Kabidon. FFP/AP affronte régulièrement les Nduma Défense
du Congo – Rénové (NDC-R) de Guidon, notamment pour l’accès aux mines d’or.15
NDC-R est la faction la plus importante du mouvement NDC original de Sheka Ntabo Ntaberi, qui
a émergé de la communauté Nyanga dans le territoire de Walikale. Entre-temps, le NDC-R s’est
également scindé en deux factions, une appartenant au commandant Bwira et l’autre à Guidon. Les
équipes d’IPIS ont signalé l’ingérence de NDC-R Guidon dans le secteur minier à Walikale et Lubero
Plusieurs groupes Nyatura opèrent traditionnellement dans les territoires de Masisi et Rutshuru,
dans le sud du Nord-Kivu. Ils prétendent protéger la population hutu congolaise (rwandophone)
contre les menaces des Mai Mai ou de l’armée. Dans de précédents rapports, IPIS a évoqué les
défis que la présence et l’ingérence des Nyatura représentent pour les mines validées autour de
Rubaya.16 Depuis 2018, ces derniers opèrent toutefois aussi dans le territoire de Kalehe, dans le
nord du Sud-Kivu, dans le sillage de l’arrivée de réfugiés rwandophones. Des affrontements avec
des groupes armés Raïa Mutomboki ont été signalés.
Une pléthore de groupes Raia Mutomboki opère dans plusieurs territoires du Sud-Kivu,
principalement dans les territoires de Shabunda, mais aussi de Walungu et même de Kalehe. Ils
ont été créés comme groupes d’autodéfense contre les FDLR vers 2005. Au fil des années, ils ont
développé différentes sources de revenus et IPIS a régulièrement signalé leur ingérence dans le
secteur minier.17 Leur niveau d’ingérence semble toutefois décroître.
La mobilisation armée dans la zone frontalière entre le Sud-Kivu (territoires de Shabunda et Fizi), le
Maniema (territoire de Kabambare) et le Tanganyika (territoires de Nyunzu et Kalemie) se concentre
principalement autour de la Coalition Nationale du Peuple pour la Souveraineté du Congo (CNPSC).
La Coalition est dirigée par William Amuri Yakutumba et réunit une douzaine de groupes Mai Mai
locaux. Le groupe principal, Mai Mai Yakutumba, n’est pas évoqué dans le présent rapport puisque
sa zone d’opérations, notamment le territoire de Fizi, fait l’objet d’une autre étude d’IPIS datant de
2021.18 Mai Mai Yakutumba est actuellement l’un des exemples les plus notoires de financement
des conflits par des ressources naturelles. Le Groupe d’Experts des Nations Unies signale depuis
de nombreuses années ses revenus tirés de l’exploitation forestière illégale, du commerce de
séquoias, des taxes sur la pêche et de l’exploitation aurifère.
Deux autres organisations membres de la CNPSC, à savoir les Mai Mai Malaika et les Mai Mai
Apa Na Pale, sont évoquées dans le présent rapport. Les Mai Mai Malaika ont été chassés du
territoire de Shabunda et opère actuellement à Kabambare (province de Maniema). Le groupe a
été fondé par défunt She (ou Sheikh) Assani et est connu pour sa lutte armée contre les activités de
la compagnie minière industrielle Banro à Namoya et Salamabila.
Le groupe Mai Mai Apa Na Pale est basé dans le territoire de Kalemie, mais opère également dans
les territoires voisins de Kabambare, Nyunzu et Fizi. Le groupe, commandé par Mundus, a été créé
pour protéger la communauté Batwa contre les Bantous.
À l’inverse, le groupe Mai Mai Éléments est une milice d’autodéfense locale protégeant les
communautés bantoues contre la mobilisation du groupe armé Twa. Ce rapport abordera certaines
des activités de la faction menée par Bitonto, qui opère entre Kalemie et Moba, le long des côtes
du Lac Tanganyika.

15 Groupe d'experts de l'ONU, Rapport final du Groupe d'experts de l'ONU sur la RDC, 10 juin 2021, S/2021/560, Annexe 30 ; Congo
Research Group, For the Army, With the Army, Like the Army ? La montée en puissance de Guidon, mai 2020
16 IPIS, Mapping artisanal mining areas and mineral supply chains in eastern DR Congo Impact of armed interference & responsible
sourcing, Avril 2019, p.30.
17 IPIS (Avril 2019), op. cit., p. 16; IPIS (à paraître fin 2022), op. cit.
18 IPIS, (Avril 2021), op.cit.

12

L'analyse des données permet de dégager certaines tendances et corrélations sur l’ingérence armée et l’insécurité autour des sites miniers. IPIS utilise plusieurs outils analytiques, parmi lesquels la carte interactive19
et le « Responsible Mining Scorecard » (RMS) d’IPIS. Le RMS calcule des scores pour des indicateurs clés, parmi
lesquels l’« accessibilité », la « sécurité » et la « présence de l’État ». Le calcul des scores se fait par la comparaison entre les données recueillies sur le terrain et une liste de critères prédéterminés.20
Les résultats d’IPIS suggèrent que les acteurs armés ont tendance à convoiter davantage les mines
les plus productives. En effet, on peut observer une corrélation négative entre « production » et « sécurité » (cf., par exemple, le corrélogramme au point 3.3.4 du rapport intégral, pour les sites aurifères, Pearson corr = -0.24, P < .001). Cette observation est confirmée par le nombre d’acteurs armés présents sur les
sites miniers. IPIS a observé l’ingérence d’acteurs armés sur 41 % des sites miniers visités (146 sites miniers
sur 354) et ces mines emploient 65 % des mineurs de notre ensemble de données (36 276 mineurs sur un
total de 55 604).21
En outre, les données d’IPIS montrent clairement que les mines d’or souffrent considérablement plus
de l’insécurité que les mines 3T. L’indicateur « sécurité » du RMS d’IPIS se base sur les visites de groupes
armés, le comportement des forces de sécurité étatiques, la violence et les conflits. La moyenne est de -2,1
pour les mines d’or (écart type : 4,8), soit un score nettement plus bas que celui des mines 3T (moyenne :
1,3 ; écart type : 2,6) (Figure 3).
L’or est traditionnellement beaucoup plus sujet aux problèmes de contrebande et de financement des
conflits que d’autres minerais. Comme l’or présente un rapport valeur/volume élevé, il est plus facile à
cacher, à transporter et à passer en contrebande. Il est aussi régulièrement utilisé comme mode de paiement dans certaines zones isolées où les flux monétaires sont limités, ce qui sape les efforts officiels de
traçabilité et de contrôle de la chaîne d’approvisionnement.

Figure 3 : Boxplots des scores de l’indicateur du RMS ‘Sécurité’, 3T vs or, avec des indications sur les valeurs minimales,
maximales et médianes (texte en brun), et la moyenne (violet).

19 https://ipisresearch.be/mapping/webmapping/drcongo/v6
20 Le RMS est abordé en détail dans un rapport consultable sur le site Internet d’IPIS : IPIS, Responsible mining scorecard in eastern
DRC, août 2022 (https://ipisresearch.be/publication/responsible-mining-scorecard-in-eastern-drc/) ; De plus, un tableau de bord
en ligne donne accès aux scores des sites miniers pour les différents indicateurs : https://ipisresearch-dashboard.shinyapps.io/
mining_scorecard_easterndrc_app/
21 Ces tendances sont largement confirmées sur la base des sites miniers visités par IPIS au cours des trois dernières années (depuis
avril 2019) : 321 mines sur 785 (soit 41 %), qui représentent 54 000 travailleurs sur un total de 94 000 (57 %), sont touchées par une
ingérence armée.

13

Pour terminer, nous observons également une corrélation positive entre les scores des indicateurs « accessibilité » et « sécurité » (Pearson corr = 0.27, P < .001, pour les sites aurifères). Ces résultats suggèrent
que les sites plus accessibles sont moins susceptibles de souffrir de l’ingérence d’acteurs armés.

Conditions routières difficiles dans le territoire de Bafwasende, Tshopo

IPIS a également souligné l’importance d’analyser le lien entre insécurité et exploitation minière au-delà
de la définition traditionnelle du « financement des conflits », c’est-à-dire au-delà de l’ingérence directe
de groupes armés sur les sites miniers. Dans certaines zones, bien que peu de mines sont soumises à
l'interférence de groupes armés, subsistent des problèmes de sécurité étroitement liés à l’exploitation
minière. Des tensions et des conflits locaux peuvent persister autour de l’accès aux mines et aux minerais
avec un risque que les différents parties se tournent vers des groupes armés pour protéger leurs revendications. De surcroit, les derniers paragraphes de cette synthèse traitent de la présence accrue d’exploitations semi-industrielles dans le secteur de l’EMAPE de l’Est de la RDC, ce qui représente une autre source
de tensions pour l’accès aux ressources. Enfin, de nombreux anciens Mai Mai non démobilisés travaillent
dans les mines, entravant considérablement la capacité des agents de l’État à surveiller le secteur.

14

CONTRÔLE DE L’ÉTAT
Même si la majorité des activités minières dans l’Est de la RDC est informelle, les services étatiques
surveillent dans une certaine mesure la plupart des sites. Les équipes d’IPIS ont fait état de visites de services de l’État sur 83 % des sites miniers (293 sites). Les principaux services présents sur les sites miniers
visités sont le SAEMAPE et la Division des Mines, qui sont tous deux des services du Ministère des Mines.
La Police des Mines (PMH, Police des Mines et Hydrocarbures) est la force policière spécifiquement chargée
de veiller à la sécurité dans et autour des sites miniers. « Chefferie/secteur » et « Groupement » sont des
autorités locales (souvent douanières).
Tableau D : Services de l’État présents sur les sites miniers (au cours des six mois précédant la visite)
Service

Nombre de mines

% de mines

SAEMAPE

269

76 %

Division Mines

256

72 %

Police des Mines (PMH)

154

44 %

Chefferie/secteur

77

22 %

Groupement

28

8%

Malgré des niveaux raisonnablement élevés de présence signalée de services étatiques (Tableau D), le
contrôle réel de l’État sur l’EMAPE est plutôt restreint. Premièrement, bien que les services de l’État visitent
de nombreux sites, la fréquence des visites peut être très faible. Deuxièmement, dans de nombreux cas,
les gens considèrent les agents comme des « exploiteurs » plutôt que comme des « soutiens ». Alors que
les agents de l’État sont présents sur 83 % des sites, des plaintes ont été enregistrées sur 74 % de
ces sites. Les plaintes concernent le plus souvent une taxation exagérée, ainsi que des problèmes liés aux
agents de l’État ayant leurs propres intérêts dans l’exploitation minière ou qui menacent les mineurs. La
« taxation sans reçu » a par exemple été signalée sur 182 sites, la « surtaxation » (demander plus que ce que
prévoit la législation) sur 127 sites et l’« appropriation de puits » par des agents étatiques (ce qui est illégal)
sur 63 sites.
Une fois encore, il existe une différence notable entre les sites 3T (40 %) et les sites aurifères (82 %) en ce
qui concerne les plaintes relatives au comportement des agents de l’État. Des niveaux élevés de fraude
et de contrebande dans le secteur aurifère semblent stimuler le comportement de prédation de la part
de certains agents de l’État.
L’avidité de certains agents étatiques ne constitue pas nécessairement le principal moteur de ces pratiques illégales. Des problèmes structurels de gouvernance persistent, notamment le non-paiement des
agents de l’État, le manque de contrôle de l’EMAPE en général et des pratiques de gouvernance informelles bien établies. Par ailleurs, le secteur de l’EMAPE se caractérise par un « pluralisme légal », à savoir
la coexistence de différents systèmes normatifs et d'autorités, dont les services de l’État, les autorités
coutumières, les acteurs économiques et de plus en plus d'initiatives d’approvisionnement responsables.
Pour pouvoir accéder aux mines et aux minerais, il est nécessaire de traiter avec diverses autorités, parmi
lesquelles des représentants de l’État, des chefs militaires, des chefs locaux, des associations et des coopératives. Tous perçoivent des taxes officielles (prévues par la loi) et non officielles.
Comme la collecte des impôts représente un véritable défi dans un secteur de l’EMAPE largement informel, et en particulier dans les mines d’or, les agents étatiques appliquent des stratégies alternatives, souvent informelles. Un exemple courant est la taxation forfaitaire appliquée par de nombreux agents de l’État.

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Alors que la plupart des acteurs de l’EMAPE travaille de manière non officielle, des efforts ont été
accomplis en vue de formaliser le secteur, parmi
lesquels l’exigence imposée par le gouvernement
en 2010 aux mineurs artisanaux de s’organiser en
coopératives minières. Cette exigence a été mise
en place pour améliorer la réglementation du secteur minier afin de lutter contre l’exploitation minière illégale et le commerce de minerais qui s'en
suit, et son lien avec les groupes armés et l’insécurité dans l’Est de la RDC. Les coopératives minières
ont fleuri dans tout l’Est du pays. Cinquante-six
pour cent des sites miniers visités par IPIS (197
sites) avaient au moins une coopérative en place.
Ce pourcentage est nettement plus élevé pour les
sites 3T (76 % du nombre total de sites 3T, par rapport à 52 % pour les sites aurifères), le secteur 3T
étant plus régulé que le secteur aurifère.
Malheureusement, dans la pratique, les coopératives minières dans l’Est de la RDC sont souvent
devenues des vecteurs d’exploitation, touchées
par la captation d’élites imposant des monopoles
commerciaux sans offrir aucun soutien aux miSite aurifère de Mambuluku, Walikale, Nord Kivu
neurs et parfois organisées selon des lignes ethniques. Les équipes d’IPIS ont recueilli des données concernant la perception des coopératives par les mineurs. Sur 44 % des sites miniers dotés d’une
coopérative (86 sites sur 197), les mineurs se sont plaints que les coopératives les exploitaient ou ne leur
offraient aucun soutien. Cependant, il se peut que ces perceptions ne constituent pas une évaluation
précise des performances réelles des coopératives, car la plupart des mineurs ne sont pas suffisamment
informés des responsabilités et des devoirs des coopératives.
Au cours de la dernière décennie, les efforts politiques et les initiatives internationales d’approvisionnement responsable ont contribué à faire progresser la transparence dans le secteur 3T. La surveillance de
l’État est plus soutenue dans ce secteur que dans le secteur aurifère et il est moins affecté par l’ingérence
d’acteurs armés. Néanmoins, le gouvernement continue également de lutter contre les problèmes de
gouvernance dans le secteur 3T.
Un récent rapport de Global Witness22 a dénoncé la manière dont les systèmes de traçabilité blanchissent
de grandes quantités de 3T dans l’Est de la RDC, « contaminant » les ainsi-nommées « chaînes d’approvisionnement de minerais responsables et exempts de conflit ». Dans ces chaînes d’approvisionnement
contrôlées, les sacs de minerais doivent être étiquetés (ou marqués) par des agents de l’État au niveau
des sites miniers afin de garantir l’origine de tous les minerais exportés. Cependant, des sacs de minerais
continuent d’être étiquetés dans des centres de négoce éloignés des sites miniers et comme s’ils provenaient d'autres sites miniers qui seraient, aux, validés. Les équipes d’IPIS, par exemple, ont signalé ce type
de problèmes dans le territoire de Lubutu, dans la province du Maniema. Des efforts ont été déployés
pour combler les lacunes dans les principaux systèmes de traçabilité. Néanmoins, les principaux facteurs
à l’origine de l’échec des efforts d’approvisionnement raisonnable persistent, parmi lesquels un manque
d’appropriation locale, des stratégies d’exclusion, la corruption et les défis plus larges de la gouvernance
minière.23

22 Global Witness, The ITSCI laundromat: How a due diligence scheme appears to launder conflict minerals, avril 2022
23 IPIS (Decembre 2022), op. cit.

16

EXPLOITATIONS SEMI-INDUSTRIELLES
Le nombre croissant d’entreprises, souvent dotées de capitaux étrangers, dédiées à l’exploitation aurifère
semi-industrielle constitue une autre tendance clé dans le secteur de l’EMAPE. La présence de sociétés
semi-industrielles chinoises a été observée dans plusieurs mines. L’arrivée de ces sociétés étrangères est
souvent associée à un certain nombre de problèmes récurrents : ces dernières paient souvent pour que
leurs sites soient gardés par les FARDC et la PNC ; elles évincent les mineurs artisanaux locaux ; les représentants de l’État sont incapables de surveiller leurs activités et leur production ; elles travaillent illégalement avec des permis de coopératives minières artisanales, en utilisant un niveau de mécanisation qui
ne serait pas autorisé sur ces sites ; et les communautés locales se plaignent de l’impact environnemental
et du manque de contribution au développement local.
Le manque de clarté concernant les permis et le contrôle limité par les services de l’État suscitent de
sérieuses inquiétudes quant aux risques potentiels liés aux exploitations semi-industrielles, par exemple
concernant l’impact environnemental et social. Les risques deviennent plus tangibles quand on analyse
l’ampleur de certaines de ces exploitations à l’aide d’images satellites. La Figure 4 montre comment le
site minier « Dieu Merci » s’est étendu au cours des deux dernières années, via un nombre croissant de
puits et de bassins. D’autres exemples sont abordés dans le rapport intégral afin de montrer pourquoi
une gouvernance claire et une surveillance étroite de ces exploitations sont nécessaires pour gérer les
risques potentiels.

Figure 4 : Images satellites du site ‘Dieu Merci’, où une exploitation aurifère semi-industrielle a eu lieu au cours des
deux dernières années. Images composites sans nuage à partir d’imageries compilées au cours du premier semestre
des années 2020 (à gauche) et 2022 (à droite).
Source : Sentinel-2. Images composites sur six mois calculées via Digital Earth Africa Sandbox24

Les frustrations des communautés locales liées à ces exploitations sont une source de tensions réelle
qui risque d’entraîner un regain d’insécurité et de violence. Une surveillance plus étroite de ces exploitations et une gestion des risques afférents sont donc importantes pour éviter tout dérapage ultérieur de la
situation. IPIS a observé ces frustrations dans différentes zones, dont les territoires de Lubutu (Maniema),
Kabambare (Maniema) et Watsa (Haut-Uélé).

24 https://www.digitalearthafrica.org/

17

CONCLUSION
Les 354 sites actifs visités par IPIS constituent une source d’informations permettant de mieux comprendre les grandes tendances du secteur de l’EMAPE. Notre étude se concentre sur l’ingérence d’acteurs
armés dans les sites miniers, le contrôle de l’État sur l’EMAPE et les niveaux croissants de mécanisation.
Un éventail de groupes armés sont présents sur les sites miniers. La situation sécuritaire la plus difficile
a été observée dans la zone frontalière entre le sud de Lubero et le nord de Walikale, dans la province
du Nord-Kivu. Plusieurs groupes armés, dont différentes factions du NDC-R et le FPP/AP, s’affrontent en
partie pour l’accès aux sites miniers. Le financement des conflits est un problème important dans la zone,
car quelques dizaines de sites sont contrôlés par ces groupes. Pour certaines des mines de plus grande
taille, le FPP/AP gagne quelques milliers de dollars américains par mine chaque mois à travers des taxes
forfaitaires, imposées aux mineurs et à leur personnel, ainsi qu’à travers des taxes et monopoles sur le
commerce d’autres marchandises.
Dans plusieurs zones, les groupes armés continuent de s’approprier les bénéfices du secteur minier, tandis que les FARDC semblent tolérer ces pratiques. Les FARDC ont parfois repoussé les rebelles Mai Mai,
par exemple dans le sud du territoire de Shabunda (Sud-Kivu), mais ne les combattent plus activement
dans d’autres territoires comme ceux de Kalemie (Tanganyika) et Kabambare (Maniema). Dans plusieurs
cas, les FARDC et les groupes Mai Mai se préoccupent tous deux de leurs intérêts économiques et s'accordent même parfois sur la répartition des revenus des mines aurifères.
Il existe également un lien entre l’EMAPE et l’insécurité, au-delà du financement direct des conflits. D’anciens rebelles travaillent dans les mines et n’ont jamais été vraiment démobilisés, suscitant la peur parmi
les agents de l’État, par exemple dans le territoire de Moba (Tanganyika), où d’anciens combattants Mai
Mai constituent une grande partie de la main-d’œuvre.
La principale source d’ingérence armée demeure les FARDC. Vingt-sept pour cent des mineurs dans notre
ensemble de données travaillent dans une mine où les FARDC extorquent les bénéfices (15 060 mineurs
sur 55 604). Les unités des FARDC prélèvent régulièrement des taxes illégales dans les mines situées dans
les zones où elles sont déployées pour assurer la sécurité contre les groupes armés. En outre, des unités
des FARDC sont parfois présentes dans les mines de zones relativement calmes, comme le territoire de
Kasongo (Maniema).
De plus, les FARDC et les unités de la police sont régulièrement présentes sur les permis d’exploitations
semi-industrielles afin de les protéger contre plusieurs menaces, comme les groupes armés non-étatiques, et le mécontentement des mineurs locaux ou des communautés locales. L’utilisation des FARDC
comme gardes de sécurité privée soulève des questions et les équipes d’IPIS ont régulièrement fait état
de plaintes concernant de mauvaises pratiques à l’encontre de mineurs comme des arrestations arbitraires ou l’imposition d’amendes illégales, par exemple dans la concession SOMIL dans le territoire de
Lubutu (Maniema).
Malgré les exemples illustrant le lien persistant entre « mines » et « insécurité », des progrès ont été réalisés au cours des dix dernières années. Les réformes de la gouvernance et les initiatives d’approvisionnement responsable semblent décourager l’ingérence armée dans le secteur minier artisanal. Il existe une
différence notable entre le secteur aurifère et le secteur 3T. Le secteur 3T a connu les meilleurs progrès,
mais pourrait aussi être considéré comme « une question plus facile à traiter » : il a traditionnellement
été moins sujet au financement des conflits que l’or et il ne représente pas plus de 23 % du secteur de
l’EMAPE dans l’Est de la RDC.25

25 23 % des travailleurs (76 000 travailleurs sur 330 000) dans les sites miniers visités par IPIS entre 2013 et 2022 travaillent dans des
mines contenant des minerais 3T, tandis que 78 % (258 000 travailleurs sur 330 000) travaillent dans des mines d’extraction aurifère.
Source : Artisanal mining in DR Congo - IPIS Open Data Dashboard, consulté le 13 juillet 2022, https://ipisresearch-dashboard.
shinyapps.io/open_data_app/

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L’impact global des réformes de gouvernance et des initiatives d’approvisionnement responsable sur la
sécurité et l’ingérence armée dans les mines restent toutefois décevants. Après toutes ces années, 57 %
des mineurs (54 000 mineurs sur un total de 94 000)26 sont toujours touchés par l’ingérence d'acteurs
armés (étatiques et non-étatiques). La dynamique a certainement changé et l’EMAPE ne finance plus les
conflits ouverts à grande échelle dans la même mesure qu'au début du siècle. Cependant, l’extorsion et
le racket sous motif de protection ainsi exercés par l’armée et des groupes armés congolais locaux sont
toujours omniprésents dans les mines d’or. La plupart des orpailleurs sont toujours soumis à une taxation
illégale ou à d’autres formes d’extorsion pratiquées par des acteurs armés.
Les chiffres relatifs à « l’ingérence armée » doivent être contextualisés. Comme la majeure partie de « l’ingérence armée » est le fait des FARDC, elle n’est souvent pas directement liée au « financement des
conflits », mais plutôt aux pratiques générales de prédation qui prospèrent dans un climat d’insécurité
et de corruption systémique. Alors que les FARDC ont un besoin urgent d’un véritable processus de réforme, leur comportement s’inscrit également dans cette problématique plus vaste de corruption et de
prédation. Les mineurs se sont plaints du comportement d’agents étatiques (non armés), appartenant
par exemple au Ministère des mines, dans 74 % des mines où ils sont présents.
Au-delà de la définition traditionnelle du « financement des conflits », il est de plus en plus important
d’analyser les problèmes sécuritaires plus généraux entourant l’exploitation minière. Alors que le nombre
de mines touchées par des groupes armés est limité dans certaines zones, plusieurs problèmes de sécurité restent étroitement liés à l’exploitation minière. En plus de l’extorsion pratiquée par les FARDC, des
tensions et des conflits locaux persistent autour de l’accès aux mines et aux minerais avec le risque que
les différents parties se tournent vers des acteurs armés pour protéger leurs revendications. Par ailleurs,
la présence d’exploitations semi-industrielles, souvent développées grâce à des investissements étrangers, représente une autre source de tension. Ces exploitations, qui ont un impact considérable sur les
communautés et l’environnement local, ont créé un grand mécontentement dans plusieurs provinces.
Enfin, plusieurs tensions intercommunautaires latentes ont été observées dans les zones minières visitées et beaucoup d’anciens membres Mai Mai non démobilisés travaillaient dans les mines. Ces deux
problèmes ont un impact fort sur l’exploitation minière et affectent plus particulièrement la capacité des
agents étatiques à surveiller le secteur.
Aborder ces problèmes – en particulier les tensions intercommunautaires, la concurrence locale pour
l’accès aux ressources, le comportement des agents (de sécurité) de l’État, la ruée vers l’or d’acteurs semi-industriels, les anciens combattants non démobilisés – revêt une importance cruciale pour améliorer
les perspectives d’une exploitation et d’un approvisionnement en minerais plus responsables. Les zones
qui ne sont pas touchées par des conflits ouverts pourraient tirer grand profit d’une surveillance accrue
liée à la traçabilité et à la mise en œuvre du devoir de diligence. Cependant ces efforts de traçabilité et de
diligence doivent être développés et mis en œuvre de manière plus participative tout en tenant compte
des défis contextuels mentionnés.

26 Pour les 785 mines visitées par IPIS entre avril 2019 et avril 2022.

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V.U. Filip Reyniers, Directeur, IPIS, Italiëlei 98A, 2000 Antwerpen I Layout: SAKADO I D/2022/4320/11

Independent research and
capacity building for durable peace,
sustainable development
and human rights

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024