Fiche du document numéro 32379

Num
32379
Date
Dimanche 19 juin 1994
Amj
Taille
30816
Titre
Charles Pasqua : « Nous n'avons pas tellement de reproches à nous faire, c'est la communauté internationale qui doit se sentir coupable »
Sous titre
Transcription partielle de l'émission « L'Heure de vérité » diffusée sur France 2 le 19 juin 1994.
Nom cité
Mot-clé
Mot-clé
Résumé
Charles Pasqua: "I would be careful not to pass judgment on the origin of the troubles and of this appalling situation which is currently raging in Rwanda. I do not know enough about things to pass judgment. All I know is that indeed reproaches are addressed to France and in particular by the rebel, patriotic front. But I have also seen the answers of the President of the Republic. So what is the President of the Republic saying? Who seems to me to be making comments that should be taken into consideration. The President of the Republic says that it was France which was at the origin of the talks between the rebels and the government of Rwanda to reach an agreement. And unfortunately the President of Rwanda and that of Burundi were assassinated when they arrived in Rwanda, which led to the unrest we know. I don't think you can say that France took a position for one or the other. […] I have to to say that I was shocked, not by the attitude of France, but by the attitude of the international community: we are murdering, we are killing tens of thousands of people. We go looking for children in orphanages to massacre them and no one reacts. One wonders what use the UN is if in such cases we are not able to quickly mobilize the forces necessary to put an end to it! I believe that we ourselves probably should have taken initiatives earlier. But I remind you that we have already taken part in a certain number of actions in Somalia, Bosnia, etc., where we were often at the forefront of UN decisions! So I think we don't have much to blame ourselves for. But it is the international community as a whole that must feel guilty in this affair. […] I believe that in Africa we have made a number of mistakes. We made a first mistake, which was to want to export our type of society and our type of democracy to Africa. And in the name of that we have destabilized a certain number of African countries. It is normal that we encourage Africa to move forward on the road to democracy, but it must move forward at its own pace. Otherwise, we destabilize, and quickly, in Africa. We see it in Rwanda. We are likely to see it elsewhere! We saw it in the Congo! Very quickly one leads to ethnic conflicts. As far as the very conception of cooperation with Africa is concerned, I believe that indeed, we should probably have action in Africa based more on partnership and on specific agreements than on financial and economic aid. […] This being so, we cannot ignore Africa. And I believe, on the contrary, that an immigration control policy must have two components: the component controlling entry and stay in the country, of course. But also the development aid component. And in this area, France, to be faithful to its mission, should have taken the lead in a veritable crusade in favor of development aid long ago! Today, world economic experts consider that if 1% of the GDP of the seven major industrialized countries were invested in these countries, the problem would be solved. And I believe that France is also the link between Northern Europe, Southern Europe and Africa! We can't ignore that."
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Langue
FR
Citation
François-Henri de Virieu : […] Alain Duhamel et notamment sur ces résultats alors que, comme l'a dit Plenel, effectivement, il disait : "l'immigration c'est bien". Jean-Marie Colombani. On passe en Afrique, hélas.

Jean-Marie Colombani : Oui. Monsieur le ministre bonjour.

Charles Pasqua : Bonjour Monsieur Colombani.

Jean-Marie Colombani : D'abord je sais que vous lisez Le Monde tous les jours…

Charles Pasqua : [Rires].

Jean-Marie Colombani : Ce qui est une bonne chose. On va parler en effet de l'Afrique et du Rwanda. Euh…, d'abord la première question que je voudrais vous poser c'est d'savoir si la France, dans ce domaine, n'a pas eu le tort de soutenir à ce point ce régime dont on voit à présent ce qu'il est capable de commettre ? Le régime qui était en place au Rwanda.

Charles Pasqua : Alors vous savez, moi je me garderais bien de…, de porter un jugement sur l'origine des troubles et de cette situation épouvantable qui sévit actuellement au Rwanda. Je connais pas suffisamment les choses, euh, pour porter un jugement [gros plan sur Jean-François Poncet, sénateur]. Tout c'que je sais, c'est qu'effectivement des reproches sont adressés à la France et notamment par le…, le front rebelle, patriotique, là. Euh…, mais j'ai également vu les réponses du président de la République. Alors que dit le président de la République ? Qui me paraît être, euh…, qui me paraît tenir des propos qui doivent être pris en considération. Euh, le président de la République dit que, euh, c'est la France qui a été à l'origine des pourparlers entre les rebelles et le gouvernement du Rwanda pour arriver à un accord. Et malheureusement le Président du Rwanda et celui du Burundi ont été assassinés lors de leur…, de leur arrivée, euh…, au Rwanda, ce qui a entraîné les troubles que nous connaissons.

Jean-Marie Colombani : Alors…

Charles Pasqua : Je crois pas qu'on puisse dire que la France avait pris position pour l'un ou pour l'autre. Je crois pas.

Jean-Marie Colombani : En tout cas, euh, deux…, on…, y'a deux types de reproches qui sont faits à…, à la France dans ce domaine. Le premier c'est, vu de Paris, pourquoi ce…, cette annonce d'une intervention si tard ? Alors je sais bien que vous êtes peut-être vous-même à l'origine d'une prise de conscience gouvernementale, puisque le premier au gouvernement vous avez parlé dans ce sens. Mais malgré tout on peut s'dire à combien faut-il chiffrer les victimes pour que, euh, on se décide à y regarder de plus près, d'une part. Ça c'est vu de Paris. Et vu sur place c'est en effet du côté des rebelles une accusation très forte contre une France qui serait totalement partisane. Et alors là, est-ce que nous n'avons pas les moyens, compte tenu de notre présence en Afrique, de savoir c'qui va s'passer, de savoir c'qui se prépare. Ou bien est-ce que nos services dans ces matières sont défaillants ?

Charles Pasqua : Oh, je crois qu'y'a pas seulement…, ce…, ce…, c'est pas seulement un problème de ce que peuvent nous dire nos services ! Nous avons effectivement suffisamment de relations avec beaucoup de gouvernements africains. Euh…, pour, euh, suivre la situation. Moi je dois dire…, je dois dire que j'ai été choqué, non pas par l'attitude de la France, mais par l'attitude de la communauté internationale… qui, euh, avait l'air de trouver, euh, ap…, après tout, euh, on assassine, on tue des dizaines et des mil…, de milliers de gens. On va chercher des enfants dans des orphelinats, euh, pour les…, pour les massacrer et personne ne réagit. Alors c'est à se demander, euh, à quoi sert l'ONU d'ailleurs, euh, si dans des cas pareils on n'est pas capable de mobiliser rapidement les forces nécessaires pour y mettre un terme ! Je crois que nous-mêmes nous aurions probablement dû prendre des initiatives plus tôt. Mais je rappelle que nous sommes…, nous avons déjà participé à un certain nombre d'actions, euh…, en Somalie, en Bosnie, etc., où nous avons été souvent à l'avant-garde de…, des décisions de l'ONU ! Nous avons été souvent les…, finalement, à…, à l'origine des décisions qui ont été prises. Et je crois donc que nous n'avons pas tellement de…, de reproches à nous faire. Mais c'est la communauté internationale, dans son ensemble, qui dans cette affaire doit se sentir coupable.

François-Henri de Virieu : Oui mais y'a pas seulement envoyer des…, des forces, y'a aussi convaincre les autres capitales de participer. C'que…, c'qu'essaie de faire Monsieur Juppé actuellement.

Charles Pasqua : Ouais, bien sûr ! Bien sûr. Ouais. Bien sûr. Ben nous avions dit que nous n'irions pas tout seul de toute façon. C'est clair. Mais nous avons aussi décidé de positionner des forces à proximité.

Jean-Marie Colombani : En tant que président du Conseil général de…, des Hauts-de-Seine, vous faites beaucoup de choses avec l'Afrique…

Charles Pasqua : Je n'ai pas d'armée hélas. On peut le regretter mais c'est comme ça [sourire].

Jean-Marie Colombani : Non mais vous faites beaucoup de choses en matière de développement avec eux [sourire]. Mais on vous accuse aussi d'entretenir vous-même des réseaux, des réseaux personnels en Afrique.

Charles Pasqua : Oh pfff…

Jean-Marie Colombani : Ce qui m'permet de vous poser la question de l'ensemble de notre politique de coopération : est-ce qu'à travers cet épisode dramatique du Rwanda il n'y a pas à remettre en cause notre, euh, notre façon de faire en Afrique, notre politique de coopération ? Ou bien est-c'qu'à vos yeux, ce serait aller trop loin d'aller jusque-là ?

François-Henri de Virieu : Est-ce qu'on a, euh, une politique africaine ?

Charles Pasqua : Oh, Monsieur de Virieu ! Comment osez-vous poser une question pareille à un membre du gouvernement ?

Jean-Marie Colombani : C'est une question qui est posée par certains.

Charles Pasqua : Naturellement que nous avons une politique africaine. Alors j'crois qu'en Afrique nous avons commis un certain nombre d'erreurs. Comme tout à l'heure j'ai dit quelque chose de positif et d'aimable envers le président de la République, je vais me rattraper [rires dans l'assistance]. Euh…, je crois qu'en Afrique nous avons commis une première erreur, ça a été de vouloir exporter en Afrique notre type de société et notre type de démocratie. Et au nom de cela on a déstabilisé un certain nombre de pays africains. Il est normal que nous incitions l'Afrique à avancer dans la voie de la démocratie mais elle doit avancer à son pas. Faute de quoi on déstabilise, et rapidement, en Afrique. On le voit au Rwanda. On risque de le voir ailleurs ! On l'a vu au Congo ! Très rapidement on débouche sur des conflits ethniques. Ça c'est le…, ça c'est une chose dont il faut être conscient. Pour ce qui est de la coopération, de…, de la conception même de la coopération avec l'Afrique, j'crois qu'effectivement, probablement devrions-nous avoir en Afrique une action davantage basée sur le partenariat et sur des accords précis que sur un ai…, que sur une aide financière et économique. En ce qui nous concerne nous, par exemple département des Hauts-de-Seine à notre petit niveau, nous investissons 1 % de notre budget en Afrique -- ce qui est 70 millions par an -- mais nous ne donnons pas d'argent. Nous identifions des, euh…, des projets et nous les réalisons. Les forages nous les faisons, s'il faut construire des écoles nous construisons des écoles, s'il faut f…, construire des routes ou des ponts nous les construisons. Mais nous ne donnons pas d'argent. Cela étant, nous ne pouvons pas nous désintéresser de l'Afrique. Et je crois au contraire, tout à l'heure nous en disions un mot… Puisque je disais qu'une politique d'émigration…, d'immigration, de contrôle de l'immigration doit avoir deux volets : le volet contrôle des entrées et du séjour dans le pays, naturellement. Mais aussi le volet aide au développement. Et je crois que dans ce domaine, la France, pour être fidèle à sa mission, aurait dû depuis longtemps prendre la tête d'une véritable croisade en faveur de l'aide au développement ! Aujourd'hui les experts économiques mondiaux considèrent que si l'on investissait dans ces pays 1 % du PIB des sept grands pays industrialisés, le problème serait résolu. Et je crois que, la France notamment -- mais ça nous allons le voir peut-être tout à l'heure [sourire] à propos d'un autre sujet --, euh…, la France est aussi le trait d'union entre l'Europe du Nord, l'Europe du Sud et l'Afrique ! Nous pouvons pas nous désintéresser de cela.

Jean-Marie Colombani : Bien revenons en France avec votre…, avec votre grande affaire qui est l'aménagement du territoire […].

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024