Fiche du document numéro 32203

Num
32203
Date
Dimanche 23 avril 2023
Amj
Taille
1277096
Titre
Pauline Nyiramasuhuko, génocide rwandais au féminin
Soustitre
Elle était ministre de la famille et du Progrès des femmes. Pourtant, Pauline Nyiramasuhuko, va devenir leur pire ennemie, appelant à leurs viols et leurs meurtres de masse. Son bras armé ? Son fils Shalom.
Lieu cité
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Mot-clé
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Type
Page web
Langue
FR
Citation


1992. Pauline Nyiramasuhuko, 46 ans, devient ministre de la Famille et du Progrès des femmes dans le premier gouvernement multipartite du Rwanda constitué par Juvénal Habyarimana qui va être assassiné. Un meurtre qui va se solder par la constitution d’un gouvernement intérimaire et déclencher le génocide des Tutsis, au Rwanda, qui commence le 6 avril 1994. Pauline Nyiramasuhuko va jouer un rôle clef notamment dans sa ville natale de Butare, la plus importante mégapole du sud du pays où les Hutus refusent de participer aux massacres. Alors Pauline Nyiramasuhuko va les y aider. Après avoir fait assassiner le gouverneur de la région, elle fait appel aux miliciens de Kigali, les Interahamwe que dirige un de ses trois fils, Arsène Shalom Ntahobali, pour éradiquer définitivement tous les Hutus. C’est « maman » qui est à « la manœuvre » et supervise le carnage ordonnant viols, tortures, massacres et crémation des corps des suppliciés. Sa devise : Avant de tuer les femmes, vous devez les violez ! Pendant trois mois, elle fait couler assez de sang pour repeindre la région en rouge. Celle qui s’était battue toute sa vie pour l’amélioration des conditions de vie des femmes et qui avait œuvré à la mise en place de structures sociales devenait un des visages de l’incarnation du mal dans cette région des Grands Lacs. Pauline Nyiramasuhuko va même entraîner dans son sillon les membres de l’Akazu, cercle très privé et prisé proche du président Habyarimana avant 1994, critiqué pour le train de vie et le comportement de Cour de ses privilégiés.

Dancire Nyiramuzungu au Mémorial de Ntarama (au sud de Kigali). Cette survivante du génocide rwandais a perdu presque toute sa famille lors des massacres © AFP - MARCO LONGARI

Du 7 avril au 17 juillet 1994, près d’un million de Rwandais vont trouver la mort, essentiellement des Tutsis assassinés par les extrémistes Hutus. Responsable de viols et de meurtres de masse, Pauline Nyiramasuhuko va prendre la fuite avant que son passé ne la rattrape.

Celle qui sera la première femme à être condamnée pour génocide prend la fuite, se fondant dans la masse des réfugiés fuyant le pays. Chassez le naturel et il revient au galop nous dit le dicton. Dans les camps, elle va même reprendre son bâton de bienfaitrice aidant femmes et enfants à retrouver un semblant de vie normal. On salue même son dévouement tandis qu’elle se présente sous sa vraie identité. Pourtant, personne n'y prête attention. Madame Pauline, l’ancienne ministre de la Famille et du Progrès des femmes, fait ce qu’elle a toujours su faire. Elle poursuit sa cavale au Zaïre puis au Kenya où elle s’installe à Nairobi. Une bien sympathique voisine, une femme normale et avenante racontent ses voisins. Si là aussi tout le monde connaît l’ancienne ministre, personne ne se doute de son rôle dans la mise en œuvre du génocide. Le 18 juillet 1997, elle est arrêtée lors d’une opération spéciale minutieusement préparée. Elle est conduite devant le TPIR, Tribunal Pénal International pour le Rwanda, et plaide instantanément non coupable. Comment une mère de famille aurait elle pu commettre les crimes dont on l’accuse ?
Le 24 juin 2011, après un procès fleuve de plus de 10 ans, Pauline Nyiaramasuhuko est reconnue coupable de génocide et de crimes contre l’humanité. Le verdict, lui, est sans appel : la perpétuité commuée en 47 années de réclusion.

Pour en parler



Patrick de Saint-Exupéry, journaliste, grand reporter, écrivain et spécialiste du Rwanda

Adélaïde Mukantabana, autrice de Innommable. Un récit du génocide tutsi (L’Harmattan, 2016)

Juliette Bour, avocate et spécialiste de la participation des femmes de pouvoir au génocide des Tutsis du Rwanda

Alain Gauthier qui, avec son épouse Dafroza d’origine tutsie, traquent les génocidaires Hutus depuis 30 ans

Céline Bardet, juriste internationale spécialisée dans les crimes de guerre, les crimes internationaux, la justice et les questions de sécurité, fondatrice et directrice de l’ONG We are Not Weapons of War

Melkior, journaliste réfugié à Nairobi

Bibliographie sélective



Ouvrages :

Jean-François Boudet, Justice française et génocide des Tutsi au Rwanda (L’Harmattan, 2021)

Hélène Dumas, Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda (Seuil, 2014)

Hélène Dumas, Sans ciel ni terre. Paroles orphelines du génocide des Tutsi, 1994-2006 (La Découverte, 2020)

Florent Piton, Le génocide des Tutsi du Rwanda (La Découverte, 2018)

Gérard Prunier, Rwanda : 1959-1996. Histoire d'un génocide (Dagorno, 1999)

François Graner [et Raphaël Doridant], L'État français et le génocide des Tutsis au Rwanda (Agone, 2020)

Esther Mujawayo, Souâd Belhaddad, SurVivantes. Rwanda - Histoire d'un génocide (L'Aube, 2005)

Patrick de Saint-Exupéry, L'inavouable. La France au Rwanda (Les Arènes, 2004) - Complices de l'inavouable. La France au Rwanda, nouvelle édition revue et augmentée (Les Arènes, 2009) - BD La Fantaisie des Dieux. Rwanda 1994 (Les Arènes, 2014) - La Traversée. Une odyssée au cœur de l'Afrique (Les Arènes, 2021)

Adélaïde Mukantabana, Innommable. Agahomamunwa. Un récit du génocide des Tutsi (L’Harmattan, 2016. Collection, Écrire l'Afrique) - Apaiser la mémoire, conversation avec mon frère Jean (L’Harmattan, 2022)

Récits :

Jean Hatzfeld, Récits des marais rwandais, trilogie (Le Seuil) : Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais (2000), Une saison de machettes (2003), La stratégie des antilopes (2007) - Englebert des collines (Gallimard, collection Blanche, 2014. Existe en Folio, n° 5985, 2015) - Un Papa de sang (Gallimard, collection Blanche, 2015. Existe en Folio, n° 6352, 2017)

Clémantine Wamariya et Elizabeth Weil, La Fille au sourire de perles (Les Escales, 2019)

Romans :

Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali (Boréal, 2000)

Benjamin Sehene, Le Feu sous la soutane. Un prêtre au cœur du génocide rwandais (L'Esprit frappeur, 2005)

Scholastique Mukasonga, Notre-Dame du Nil (Gallimard, collection Continent noir, 2012)

Marie-Fidèle Mukandekezi, Trois vies contre trois paquets de cigarettes. L'épreuve d'une femme rwandaise (Le Dauphin Blanc, 2013)

Gaël Faye, Petit Pays (Grasset, 2016). Prix Goncourt des lycéens

Kurt Jais-Nielsen, Ils ont abattu les grands arbres (Tensing, 2016)

Yoan Smadja, J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi (Belfond, 2019)

Des crânes humains conservés au mémorial du génocide de Nyamata (Rwanda), dans l'église catholique où des milliers de personnes ont été massacrées en 1994 © AFP - AFP PHOTO / SIMON MAINA

Filmographie sélective



Documentaires :

Rwanda, une intoxication française (2013), un documentaire de Catherine et Philippe Lorsignol, diffusé dans l'émission Spécial Investigation sur Canal+

Tuez-les tous ! Rwanda : histoire d’un génocide « sans importance » (2004), réalisé par Raphaël Glucksmann, David Hazan et Pierre Mezerette

L'Afrique en morceaux. La Tragédie des Grands Lacs (2000), réalisé par Hervé Chabalier, Peter Chappell, Jihan El-Tahri. Écrit par Jihan El-Tahri

Umurage (2002), réalisé par Gorka Gamarra

Inkotanyi. Paul Kagame, la tragédie rwandaise (2017), réalisé par Christophe Cotteret

Autres films :

100 Days (1999), réalisé par Eric Kabera

Hôtel Rwanda (2004), réalisé par Terry George

Shooting Dogs (2005), réalisé par Michael Caton-Jones

Quelques jours en avril (Sometimes in April, 2005), réalisé par Raoul Peck

Un dimanche à Kigali (2006), réalisé par Robert Favreau

J'ai serré la main du diable (Shake Hands with the Devil, 2007), réalisé par Roger Spottiswoode

Opération Turquoise (2007), réalisé par Alain Tasma

Behind This Convent (2008), réalisé par Gilbert Ndahayo

Waramutseho ! (2008), réalisé par Bernard Auguste Kouemo Yanghu

Le Jour où Dieu est parti en voyage (2009), réalisé par Philippe Van Leeuw

Lignes de front (2010), réalisé par Jean-Christophe Klotz

Petit Pays (2020), réalisé par Éric Barbier

Musique



Deux musiques de fin :

Jean-Paul Samputu, Ten years remember, extrait de l'album Testimony from Rwanda

Jean-Marie Muyango et Garrett List, Mutunge chœur des morts

Générique



Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Anthony Thomasson et Nadège Antonini. Mixage, Nadège Antonini. Coordination, Christine Bernard. Archives Ina, Delphine André. Attachée de production et édition web, Sylvia Favre-Steyaert.

Pauline Nyiramasuhuko, génocide rwandais au féminin s'inscrit dans la collection Criminels de guerre, une série de France Culture comprenant huit volets (quatre hommes et quatre femmes) à suivre en podcast et sur l'antenne de France Culture.

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