Fiche du document numéro 32109

Num
32109
Date
Mardi 15 avril 2014
Amj
Auteur
Taille
211215
Titre
Lettre à Madame la ministre de la Justice Christiane Taubira
Nom cité
Nom cité
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
Docteur Annie FAURE
Diplômée de la faculté de Médecine Cochin Port Royal
Ex attachée des Hôpitaux Cochin, St Antoine et Bichat
Médecin agréée par la ARS

Cabinet Médical des Batignolles
4 rue Brochant
75017 Paris

PNEUMOLOGUE
Adulte, enfant

Tél: 01 42 28 02 20
Fax : 01 42 26 70 76

15 avril 2014

Madame la ministre de la justice Christiane Taubira,
Le Palais Bourbon vibre encore de votre plaidoyer pour le mariage pour tous décorant la
France d’un galon d’honneur dans l’histoire de ceux qui marchent debout. Vous avez crescendo
raconté les calvaires inouïs, du juif, de l’artiste, de l’homosexuel, les rejetés en un temps obscur,
accueillis, embrassés pour l’heure dans une société pacifiée. Vous aviez âprement dénoncé la
main du blanc, non, l’esclavagisme n’est pas un détail de l’Histoire, oui les colonisateurs ont nié
et détruit des peuples pour asseoir leur puissance cupide. Aimé Césaire -« votre père » avez-vous
dit un jour- s’est réjoui, des cieux, de cette flamme ravivée. « L’autre, le souci de l’autre
affirmait votre humanité et moralement votre civilité ».
Cinq petites lignes de l’interview de 7 pages de Paul Kagamé de Jeune Afrique ont brisé net
votre élan poétique, votre compassion pour « l’autre » pour ce Tutsi génocidé. Petite soldate
envoyée à Kigali, au front, par le Président, vous avez été rappelée par la raison d’Etat ce bloc
lisse, opaque aux citoyens qui flirte avec « la grande muette ». Les accusations de Paul Kagamé
ne sont pas nouvelles. Mais il a osé, ô sacrilège, franchir le pas, dépasser l’accusation de
« complicité » simple à celle d’ « acteur » du génocide ; C’est oublier que le curseur politique et
militaire officiel n’a de toute façon jamais admis la moindre complicité avec les tueurs Hutus
avant, pendant et après le génocide. Jeune Afrique aura simplement rallumé le feu d’une sale
crise -« franco-française », plus que « franco rwandaise » - sur le soutien du gouvernement
Mitterrand-Balladur et de son armée au nazisme tropical.
Votre silence sur le génocide des Tutsis est assourdissant. Vous avez courbé l’échine,
membre docile d’un gouvernement prisonnier d’une armée toute puissante, d’un quarteron de
généraux et de ministres de la Défense ânonnant l’Honneur de la France en un refrain monotone.
Madame la ministre de la Justice, le déni du génocide des Tutsi est en France « un fait
têtu ». Du sel saupoudré sur les inguérissables plaies des survivants. En 1998, la mission
parlementaire s’était frileusement retranchée derrière une « Enquête sur la tragédie rwandaise »
pour ménager les susceptibilités. Récemment, notre ministre de la Défense, Jean Yves le Drian a,
dans son message de soutien aux armées « l’opération Turquoise 20 ans après », « oublié »
soigneusement le mot Tutsi. Ce n’est pas un détail, mais un nœud central du négationnisme.

Mme la garde des Sceaux, allez-vous enfin proposer aux députés sa reconnaissance
officielle, comme celui des juifs et des arméniens ? Va-t-on bannir le terme « génocide
rwandais », la version col blanc du négationnisme à la française ?
Mme Christiane Taubira, vous la femme de cœur allez-vous démissionner de la
politicienne ? Vous étiez si belle en témoin inspirée et combattante au procès en diffamation de
SOS racisme contre Pierre Péan pour « Noirs fureurs, blancs menteurs » où l’avocat général
l’avait déclaré coupable puis les juges, innocenté. ,
Un million de Tutsi morts vous regardent tourner sans les lire les pages sombres de la
collaboration. Les juges du pôle génocide les feuillettent attentivement : sur leur bureau pleurent
trois plaintes compactes de souffrance ; 3 plaintes accablantes de femmes Tutsi. Brisées. « Mises
à mort en partie » disent-elles. Brisées par des militaires français de l’Opération Turquoise. Une
« opération militaro-humanitaire » qui n’avait d’humanitaire que le nom. Le gouvernement
socialiste a bétonné le mur du déni. Seule la justice, votre justice, pourra le détruire.
Au Rwanda, en 1994, sur le gris de la route gisait une sandalette menue en plastique rouge.
Echouée, éclatante et célibataire. Celle d’un enfant arrachée dans sa fuite. Rouge comme la robe
de la petite fille de « La liste de Schindler ».
Madame la ministre de la Justice, fuyez la masse des petits hommes gris, soyez la petite
robe rouge ; Soyez celle de la vie malgré tout. Celle de l’enfant tutsi, survivant, mutilé, jouant de
ses béquilles en un éclat de rire.
Cette petite sandale rouge me hante depuis 20 ans, Madame la ministre de la Justice.
En restant à votre disposition veuillez agréer l’expression de mes salutations distinguées ;
Annie Faure

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