Fiche du document numéro 31798

Num
31798
Date
Jeudi 23 juin 1994
Amj
Hms
08:00:00
Auteur
Taille
29372
Surtitre
Journal de 8 heures
Titre
Laurent Boussié, envoyé spécial au Rwanda : « Du côté du FPR, nous n'avons pas la preuve de massacres comme nous avons la preuve de l'autre côté de massacres faits par les miliciens et l'armée gouvernementale »
Soustitre
Officiellement l'ONU approuve l'intervention française au Rwanda, officieusement les réserves ne manquent pas.
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
FPR
Résumé
- Operation Turquoise begins today. Humanitarian mission entrusted to soldiers: 2,500 soldiers will leave for Rwanda. And on the spot we will immediately find Laurent Boussié, our special correspondent who is in Kigali. Laurent Boussié: "The situation last night was a little bit calmer than at the beginning of the night. Unfortunately, I had to leave Kigali because the French journalists were expelled. We were picked up last night [June 22], with armed men who embarked us in two cars and who took us back, let's say manu militari, to a town near the border where we are this morning. […] Here we find the French intervention delicate and a little bit surreal because where there is real fighting the French will be supposed not to intervene. And where there are massacres, unfortunately they have already taken place. So this mission seems either a little late or a little incomprehensible. In all In any case, the people of the RPF are very, very upset at the moment against France. […] The RPF is a rebellion which is similar to an army. They are very well structured. Above all, they are very disciplined. For the moment, on the side of the RPF, we do not have the proof of massacres as we have proof of massacres on the other side carried out by the militiamen and the government army. The RPF, its exact forces no one knows since as they advance, they enlist people under their banner. Every time they've engaged in a battle against government forces, they've either won it or stabilized it".

- Officially the UN approves the French intervention in Rwanda, unofficially the reservations are not lacking.

- The mission set up by France in Rwanda should be humanitarian, impartial and not exceed two months. So decided the Security Council. And the French and Senegalese soldiers and those of the other countries associating themselves with the operation will be able, if necessary, to make use of armed force. The UN has authorized the use of all necessary means to ensure the safety and protection of people threatened by civil war. Jean-Bernard Mérimée, representative of France on the Security Council: "Our soldiers in Rwanda will not have the mission of interposing themselves between the belligerents and even less of influencing in any way whatsoever on the military and political situation. Our objective is simple: to rescue threatened civilians, to put an end to the massacres, and to do so in an impartial manner".

- Mr. Boutros-Ghali specified that this intervention would enable the UN to prepare the dispatch of 5,500 blue helmets planned to reorganize the UN force in Rwanda, currently paralyzed in Kigali. Boutros Boutros-Ghali, UN Secretary General: "I would like to express my gratitude to the French government for this extremely courageous initiative, this humanitarian initiative".

- For his part, the representative of the Rwandan Patriotic Front once again denounced the action of France, an "invasion" he said, and "which will be fought by all the means at our disposal".

- The green light from the UN was obtained by a fairly small margin, 10 votes out of 15, with the abstention of China and those who fear that the French intervention will sound the death knell of the hopes of the United Nations in Rwanda. But for the majority of the members of the Security Council, waiting more without trying to do anything was simply impossible.

- They will be the first this morning to cross the Rwandan border, 600 French soldiers. Code name: Operation Turquoise. Their first mission: to help some 8,000 Tutsi currently threatened by Hutu government militias.

- From the Zairian base of Bukavu, they will enter Rwanda, towards Cyangugu, a few kilometers away in the south-west of the country. Gradually over the next few days the operation will develop according to the same pattern. The French contingent will then reach 2,500 men, 1,000 will come from France.

- Command of Operation Turquoise has been entrusted to General Jean-Claude Lafourcade. It will have 500 vehicles, cargo planes and helicopters at its disposal to carry out occasional logistics missions as small as possible.

- Edouard Balladur underlined yesterday [June 22] in the Assembly the strictly humanitarian purpose of this operation. The Minister of Defense too. François Léotard: "In no way do we have the intention or the objective of intervening in the war itself! That is to say, to take sides for one or the other of the two parties. So it has to be very clear! And I don't see who today can blame us, in the name of an often failing international community, for trying to save a child!".

- Operation Turquoise will be limited in time. Objective: to give way as soon as possible, perhaps as early as the end of July.
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[William Leymergie :] L'intervention française au…, au Rwanda. Feu vert, donc.

[Brunot Roger-Petit interviewe Laurent Boussié, en duplex de Kigali.]

Bruno Roger-Petit : Oui, l'opération Turquoise débute aujourd'hui. Mission humanitaire confiée à des militaires : 2 500 soldats vont partir pour le Rwanda. Et sur place nous allons retrouver tout de suite Laurent Boussié, notre envoyé spécial qui se trouve à Kigali. Laurent, quelle est la situation sur place ce matin à Kigali ?

Laurent Boussié, par téléphone : Écoutez, euh, la situation cette nuit était un tout petit peu plus calme, euh, que en début de nuit. En tout cas elle était un tout petit peu plus calme que hier [22 juin]. Les combats continuaient mais un petit peu plus légers. Mais moi j'ai malheureusement dû quitter Kigali parce que les journalistes français ont été expulsés. On est venu nous chercher hier soir [22 juin], euh, pratiquement à minuit avec des hommes armés qui nous ont embarqués dans deux voitures et qui nous ont reconduits, euh…, disons manu militari, euh, dans une, euh, ville proche de la frontière où nous sommes ce matin.

Bruno Roger-Petit : Laurent vous étiez donc à Kigali encore il y a quelques heures et vous êtes mieux placé que quiconque pour répondre à cette question : quelles sont les chances françaises de parvenir à remplir la mission humanitaire qui…, qui est confiée aux militaires français ?

Laurent Boussié : Écoutez, euh, ici quand on voit un petit peu la situation à Kigali on trouve cette intervention, euh…, comment dire…, délicate et…, et un p'tit peu surréaliste parce que, euh…, là où il y a de vrais combats les Français seront…, ne seront censés ne pas intervenir. Et là où il y a, euh, des massacres, malheureusement ils ont déjà eu lieu. Alors cette mission elle semble soit un p'tit peu tardive soit, euh…, un p'tit peu incompréhensible. Euh…, bon, c'est…, c'est tout ce que…, c'qu'on peu dire. Mais c'que je sais en tout cas, c'est qu'les gens du FPR sont très, très remontés en ce moment, euh, contre la France. Quant à nous, euh, on est obligés de partir et ça nous ennuie beaucoup. On sera peut-être obligés de partir et ça nous ennuie beaucoup parce qu'on ne peut pas, euh, accomplir notre mission évidemment.

Bruno Roger-Petit : Oui, euh, Laurent vous venez de faire allusion aux menaces du FPR. Mais que valent ces menaces concrètement sur le terrain ? De quelles forces dispose le FPR pour empêcher la France d'agir au Rwanda ?

Laurent Boussié : Écoutez, le FPR est une…, un mouvement, euh, de rébellion qui s'appro…, qui s'apparente à une armée. Ils sont très bien, euh, structurés. Ils sont surtout très disciplinés. Pour l'instant, du côté du FPR, nous n'avons pas la preuve de massacres comme nous avons la preuve de massacres de l'autre côté faits par les miliciens et l'armée gouvernementale. Donc, euh, le FPR, ses forces exactes nul ne les connaît puisque, euh, au fur et à mesure de leur avancée, ils enrôlent des gens, euh, sous leur bannière. Euh, mais tout ce qu'on sait pour l'instant c'est qu'à chaque fois qu'ils ont engagé une bataille contre les forces gouvernementales, ils l'ont soit gagnée soit bien stabilisée. Et que d'un autre côté, euh, leurs forces, euh…, pour l'instant gagnent du terrain.

Bruno Roger-Petit : Merci beaucoup Laurent Boussié pour toutes ces précisions et bonne chance.

Officiellement l'ONU approuve l'intervention française au Rwanda, officieusement les réserves ne manquent pas. Bruno Albin à New York.

[Bruno Albin :] La mission montée par la France au Rwanda devra être humanitaire, impartiale et ne pas excéder deux mois. Ainsi en a décidé le Conseil de sécurité. Et les militaires français, sénégalais et ceux des autres pays s'associant à l'opération pourront le cas échéant faire usage de la force armée. L'ONU a autorisé l'emploi de tous les moyens nécessaires en vue d'assurer la sécurité et la protection des personnes menacées par la guerre civile [on voit les membres du Conseil de sécurité en train de procéder à un vote à main levée].

[Jean-Bernard Mérimée, représentant de la France au Conseil de sécurité [on le voit lire un texte devant ses pairs] : "Nos soldats au Rwanda n'auront pas pour mission de s'interposer entre les belligérants et encore moins d'influer de quelque manière que ce soit sur la situation militaire et politique. Notre objectif est simple : secourir les civils menacés, faire cesser les massacres, et cela de manière impartiale".

Boutros Boutros-Ghali, "Secrétaire général de l'ONU" [il s'exprime devant des journalistes] : "Je voudrais exprimer ma gratitude au gouvernement français, euh, pour, euh, cette initiative extrêmement courageuse, euh…, cette initiative humanitaire…".]

Monsieur Boutros-Ghali a précisé que cette intervention permettrait à l'ONU de préparer l'envoi de 5 500 Casques bleus prévu pour réorganiser la force des Nations unies au Rwanda, actuellement paralysée à Kigali.

De son côté le représentant du Front patriotique rwandais a dénoncé une nouvelle fois l'action de la France, une "invasion" a-t-il affirmé, et "qui sera combattue par tous les moyens dont nous disposons" [on voit Claude Dusaïdi en train de s'exprimer avec une certaine virulence devant les journalistes].

[Bruno Albin à New York, devant le siège des Nations unies : "Le feu vert de l'ONU a été acquis par une assez faible marge, 10 voix sur 15, avec l'abstention de la Chine et de ceux qui redoutent que l'intervention française sonne le glas des espoirs des Nations unies au Rwanda. Mais pour la majorité des membres du Conseil de sécurité, attendre davantage sans rien tenter de faire devenait tout simplement impossible".]

[Bruno Roger-Petit :] Et sur les dispositifs militaires mis en place par la France au Rwanda, je vous propose d'écouter les précisions de Benoît Mousset.

[Benoît Mousset :] Ils seront les premiers ce matin à franchir la frontière rwandaise, 600 soldats français. Nom de code : opération Turquoise [on voit des militaires français en bateau à moteur sur le lac Kivu]. Leur première mission : venir en aide à quelque 8 000 Tutsi menacés actuellement par les milices gouvernementales hutu [diffusion d'images d'archives de militaires français en train d'embarquer dans des avions].

À partir de la base zaïroise de Bukavu, ils pénètreront au Rwanda, direction Cyangugu, à quelques kilomètres de là au sud-ouest du pays. Progressivement au cours des jours qui viennent l'opération se développera selon le même schéma. Le contingent français atteindra alors 2 500 hommes, 1 000 viendront de la métropole [diffusion d'une carte du Rwanda et de l'Est du Zaïre localisant les villes de Goma, Bukavu, Cyangugu et Kigali].

Le commandant [commandement] de l'opération Turquoise a été confié au général Jean-Claude Lafourcade. Il disposera de 500 véhicules, d'avions-cargos et d'hélicoptères afin de conduire des missions logistiques ponctuelles aussi réduites que possibles.

Edouard Balladur a souligné hier [22 juin] à l'Assemblée le but strictement humanitaire de cette opération [on voit le Premier ministre s'exprimer devant la représentation nationale]. Le ministre de la Défense aussi.

[François Léotard, "Ministre de la Défense" : "En aucune manière nous n'avons l'intention ni l'objectif de nous interposer dans la guerre elle-même ! C'est-à-dire pour prendre parti pour l'une ou l'autre des deux parties. Donc faut que ça soit très clair ! Et je vois pas qui aujourd'hui peut nous reprocher, au nom d'une communauté internationale souvent défaillante, de faire en sorte qu'on sauve un enfant [il pointe son index vers le haut] !".]

L'opération Turquoise sera limitée dans le temps. Objectif : céder la place le plus vite possible, peut-être dès la fin du mois de juillet [on voit des soldats français descendre d'un avion gros-porteur].

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