Fiche du document numéro 31631

Num
31631
Date
Samedi 4 mars 2023
Amj
Auteur
Taille
143856
Surtitre
Politique
Titre
Chez Félix Tshisekedi, la clôture « brut de décoffrage » de la tournée d’Emmanuel Macron
Soustitre
Attendu au tournant sur la question du M23, le président français a assuré que toutes les parties, y compris le M23 et le Rwanda, s’étaient engagées en faveur du cessez-le-feu prévu le 7 mars. Réticent à condamner explicitement Kigali, il a aussi brandi la menace de sanctions en cas de non-respect du calendrier.
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Mot-clé
M23
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Les présidents français, Emmanuel Macron, et de la RD Congo, Felix Tshisekedi, se serrent la main après une conférence de presse dans le cadre de leur rencontre au Palais de la Nation à Kinshasa, le 4 mars 2023. © Ludovic MARIN / AFP

« Brut de décoffrage ». C’est en ces termes que l’Elysée qualifie la conférence de presse qui s’est déroulée au palais de la nation de Kinshasa à l’issue du tête-à-tête entre Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi. Pour sa seule interaction publique avec les médias au cours de sa tournée en Afrique centrale achevée ce samedi 7 mars en République démocratique du Congo (RDC), Emmanuel Macron se savait attendu sur un sujet : celui de la crise dans l’Est de la RDC. Le M23, accusé d’être soutenu activement par le Rwanda, a en effet continué de progresser ces dernières semaines et le processus diplomatique se trouve pour le moment dans l’impasse.

Face à un Félix Tshisekedi qui, dès l’ouverture de son discours a dénoncé, « l’agression injuste et barbare dont la RDC fait l’objet » et qui, tout au long de son propos, n’a cessé d’accuser Kigali, Emmanuel Macron, dont le Rwanda est l’un des alliés dans la région, s’est rapidement retrouvé dans une position d’équilibriste.

Allié « indéfectible »

Se posant en allié « indéfectible » de la RDC et de son intégrité territoriale, il a condamné le M23, rébellion dont « l’agenda et les soutiens extérieurs sont connus ». « La RDC ne doit pas être un butin de guerre. Le pillage à ciel ouvert du pays doit cesser. Ni pillage, ni balkanisation, ni guerre », a lancé le président français, avant d’être brièvement applaudi par la salle. Mais tout au long de cette prise de parole, il s’est aussi attaché à ne pas nommer les soutiens qu’il dénonce. Ce n’est qu’à l’issue d’une ultime relance d’un journaliste lui demandant de préciser si le Rwanda faisait partie de ces soutiens, que le président français a répondu d’un simple « bien sûr ».

La secrétaire d’État française Chrysoula Zacharopoulou avait en décembre condamné sans détour le soutien rwandais aux rebelles. Mais le président français s’y est refusé. Déjà, le 27 février, en présentant sa nouvelle stratégie africaine, il avait évité de nommer les alliés du M23. Une position critiquée par Kinshasa, qui, dans la foulée, avait affirmé par la voix de Christophe Lutundula son ministre des Affaires étrangères, que ces propos n’étaient « pas suffisants ».

Rien n’y a fait. À Kinshasa, Emmanuel Macron s’est attaché à maintenir la même prudence, essayant de doser entre condamnation d’un conflit aux conséquences humanitaires dramatiques et attribution délicate de responsabilités.

Le pari de la diplomatie

Du côté de l’Elysée on tente de justifier cette attitude. « Nous sommes à un moment où il faut que la diplomatie réussisse », explique-t-on du côté de la présidence française. Emmanuel Macron, qui lors des étapes de Libreville, Luanda et Brazzaville a évoqué cette problématique avec l’ensemble de ses homologues, a lui-même évoqué le cessez-le-feu annoncé la veille par la partie angolaise et prévue pour le 7 mars. « Tout le monde lui a dit que ce qui était utile c’était plutôt de soutenir les processus régionaux », explique l’Elysée pour qui « le Rwanda a des leviers d’influence [sur le M23] » et un « rôle à jouer » pour parvenir à la désescalade.

Attaché à ne pas froisser la partie rwandaise, Emmanuel Macron a, tout en se félicitant, de la « convergence entre des mécanisme [de médiation] qui étaient jusque-là séparés », souligné l’importance, si le chronogramme de retrait du M23 aboutit, de s’attaquer au problème des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement que Kigali accuse depuis des mois de combattre aux côtés des Forces armées de RDC (FARDC).

« Vous n’avez pas été capable de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. Il ne faut pas aller chercher des coupables extérieurs dans cette affaire », a également expliqué Macron en réponse à une question sur le rôle de la France dans la déstabilisation de l’Est de la RDC après le génocide des Tutsi.

Tshisekedi dubitatif

Cette visite à Kinshasa arrive dans un moment diplomatique particulier. Le 2 mars, au moment où Emmanuel Macron était à Luanda, une délégation de représentants du M23, emmenée par le président du mouvement, Bertrand Bisimwa, se trouvait également dans la capitale angolaise pour rencontrer les autorités du pays. Une première. Dans la foulée de cette rencontre, Luanda a dépêché son propre émissaire à Kinshasa pour évoquer les conclusions de leurs discussions.

Du côté de l’Elysée, qui assure qu’aucun contact direct n’a été pris avec la délégation rebelle, on souligne que toutes les parties prenantes, y compris le M23 et le Rwanda dont le président, Paul Kagame, a échangé avec Emmanuel Macron quelques minutes avant sa conférence de presse, ont accepté le principe d’un cessez-le-feu le 7 mars.

Alors qu’aucun des cessez-le-feu jusque-là décrétés n’a tenu, Emmanuel Macron a agité la menace de sanctions. « Ce que nous attendons du Rwanda et des autres [acteurs] c’est de s’engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent sous la supervision des médiateurs. S’ils ne les respectent pas, alors oui il peut y avoir des sanctions », a affirmé le président français.
Félix Tshisekedi, qui se dit prêt à « donner une chance à la paix », a toutefois montré un enthousiasme mesuré, après l’échec des précédents calendriers de retrait des rebelles. « Je reste dubitatif sur la bonne foi de mon homologue rwandais », a-t-il lancé estimant que c’est en cas d’échec de non-respect de ce nouveau délai qu’il « vérifierait les engagements du président Macron ».

Vers un glissement ?

Une source gouvernementale n’hésite pas à parler de « scepticisme » dans le camp du président Tshisekedi, soulignant que ce dernier « attend de voir des résultats concrets ». Lors de son intervention, le chef de l’État congolais a tout de même expliqué que « c’est dans le malheur qu’on reconnait ses amis » et que « le président Macron est là pour ça ».
L’engagement le plus concret de cette prise de parole a finalement été annoncé quelques minutes avant le début de cette conférence de presse. Face à la dégradation de la situation humanitaire dans l’Est où les accès au terrain n’ont cessé de se restreindre, face à l’asphyxie progressive de la ville de Goma et de ses principales routes, l’Union européenne a annoncé la mise en place d’un « pont aérien humanitaire » vers le chef-lieu du Nord-Kivu et le déblocage d’une aide de 47 millions d’euros, un montant auquel s’ajoute une aide coordonnée de 34 millions d’euros de la France.

Une aide censée accompagner par la suite le retour des populations déplacées. À ce titre, Félix Tshisekedi n’a pas manqué d’établir un lien direct entre la résolution de ce conflit et la poursuite, dans les délais, du processus électoral censé aboutir à la tenue du scrutin présidentiel en décembre prochain. « Nous avons suffisamment tiré la sonnette d’alarme pour dire que s’il y a dérapage ce n’est pas à cause des autorités du pays ni de la Ceni [Commission électorale nationale indépendante], c’est simplement dû au fait que nous sommes un pays agressé par le Rwanda », a-t-il ajouté.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024