Fiche du document numéro 31483

Num
31483
Date
Mercredi 10 octobre 1990
Amj
Taille
1271761
Titre
Lettre à Monsieur le Président de la République Française [Situation actuelle au Rwanda]
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
Monsieur le Président de la République Française
Palais de l'Elysée
PARIS

Monsieur le Président,

Nous savons tout l'intérêt que vous portez aux problèmes africains, c'est
pourquoi nous vous demandons de prendre toutes les mesures nécessaires afin que
notre pays joue un rôle noble et positif dans la situation actuelle au Rwanda.

Contrairement à ce qu'ont pu dire certains de nos journaux, il ne s'agit pas
d'une guerre tribale Tutsi/Iutu, mais d'une rebellion dirigée contre un chef
d'Etat qui ne respecte pas les Droits de l'Homme. La preuve en serait que le
colonel Rwandais Hutu, Alexis Kanyarengwe, en exil en Tanzanie, aurait déclaré
sa solidarité avec ce mouvement, et que des Hutu (1/3 des effectifs en
rébellion) aideraient aussi le progression de ce groupe armé venu d'Ouganda.

Il serait donc très regrettable que notre gouvernement décide d'augmenter le
contingent de 300 soldats pour assurer la sécurité des Français vivant au
Rwanda.

En effet, la présence des soldats français, belges et zaïrois, qui prennent en
charge l'évacuation des étrangers et la protection des lieux stratégiques,

En effet, la présence des soldats français, belges et zaïrois, qui prennent en
charge l'évacuation des étrangers et la protection des lieux stratégiques,
permet à l'armée rwandaise de se consacrer à des opérations de ratissage et de
neutraliser des opposants de toute origine. Or, la Lettre Ouverte, adressée au
Président de la République Rwandaise et diffusée par un groupe de réfugiés
Rwandais lors du dernier sommet de la francophonie à Dakar, nous a éclairé sur
la nature du régime actuellement en place au Rwanda. Nous, Français, n'avons
pas à pérenniser par la présence de notre armée des pouvoirs injustes, comme
nous l'avons fait dans un passé encore récent. Une partie du peuple Rwandais
en dehors de toute discrimination raciale, cherche à instaurer un système
politique plus juste pour tous. Nous ingèrerons-nous dans ce pays en allant à
contre-courant des Droits de l'Homme, ou bien nous servirons-nous du "droit et
du devoir d'ingérence" dont parle Monsieur Tévoédiéré, pour redonner à chaque
citoyen rwandais sa dignité et son identité ?

Nous comptons fermement sur votre action pour éviter que la France, par la
présence de son armée, ne participe au maintien au pouvoir du général-major
Juvénal Habyarimana, ce que beaucoup d'Africains craignent et nous
reprocheraient immédiatement.

Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en notre
déférente considération.

Pour le groupe

M. Carbonare

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