Fiche du document numéro 31412

Num
31412
Date
Lundi 16 mai 1994
Amj
Auteur
Taille
23314
Titre
Memorandum Inter Services
Nom cité
Nom cité
Cote
Case No: ICTR-98-41-T Exhibit No: DB 290 Date admitted: 23-11-2005 Tendered by: Defence Name of witness: MacNeil
Source
Fonds d'archives
Commentaire
The translation of sections 6 and 7 and the first sentence of section 8 come from the French transcript of the November 23, 2005 hearing of the Military Trials I Bagosora et al. Witnesses NR1, Major MacNeil. Section 18 follows section 15.
Type
Document militaire
Langue
FR
Citation
Objet : Rencontre entre le HAC [Cellule d'assistance humanitaire de la MINUAR] et l'officier en charge des Opérations de la Gendarmerie, le G2 des FAR et quelque trente membres des Interahamwe et d'autres forces d'autodéfense.

1. La réunion susmentionnée s'est tenue entre 12 h 30 et 14 h 45 le 16 mai 1994 à l'Hôtel des Diplomates à Kigali. Étaient présentes les personnes suivantes :

a. Colonel Yaache, commandant de la cellule d'assistance humanitaire de la MINUAR (CHO) ;


b. Lieutenant-colonel Paul Rwarakabije, officier chef des opérations de la gendarmerie

c. Col Aloys Ntiwiragabo, G2 FAR

d. Certains dirigeants des INTERAHAMWE et des diverses forces d'auto-défense,

e. Major Pajik, et

f. Major Mac Neil.

OBJECTIF

2. Le but de la réunion était de confirmer la planification détaillée de l'évacuation de quelque deux cent soixante orphelins des Orphelinats de Gisimba et Gitega à Kigali pour une évacuation vers Kampala puis à l'étranger.

DISCUSSION

3. Le colonel Yaache a souhaité la bienvenue à tous les participants à la réunion leur indiquant qu'il était le chef de l'action humanitaire pour la MINUAR et que l'une des tâches principales de la Cellule d'assistance Humanitaire, et d'ailleurs celle de la MINUAR, était de veiller à ce que les nombreuses personnes déplacées craignant pour leur vie puissent être autorisées à retourner dans les zones du pays où elles souhaitaient retourner. Il a indiqué à toutes les personnes présentes que des discussions préliminaires avaient été tenues précédemment avec le Chef de Cabinet du Rwanda [sic], le G3 de la Gendarmerie, certains chefs des INTERAHAMWE et des milices et que le principe avait été accepté en tant que geste humanitaire et pour montrer au monde extérieur que le gouvernement du Rwanda pouvait compter sur ses citoyens pour suivre la ligne qu'il a décidée.

4. Le colonel Yaache a poursuivi en disant que le but spécifique de cette réunion était la planification détaillée du transfert initial de personnes déplacées qui se concrétisait par l'évacuation d'orphelins. Il a ajouté que l'intention de la MINUAR était de mener les opérations en trois étapes :

a. l'évacuation des orphelinats ;

b. l'évacuation des camps de déplacés ; et

c. l'évacuation des déplacés clandestins.

5. La parole a ensuite été donnée au Lt Col Paul Rwarakabiji [Rwarakabije], l'officier commandant des Opérations de la Gendarmerie, qui a confirmé à tous les présents qu'après les entretiens préliminaires terminés sur ce sujet, il était prêt à déterminer avec les personnes présentes la manière dont elles participeraient à cette opération. Il a ensuite décrit la participation de la Gendarmerie et a indiqué qu'au cours des réunions précédentes, il avait convaincu la MINUAR que leur participation devrait consister en des véhicules pour transporter les orphelins et quelques escortes armées dans des jeeps ou des camionnettes pour renforcer la Gendarmerie et montrer la coopération de la MINUAR. Il a indiqué qu'il avait suggéré à la MINUAR que l'utilisation de moyens blindés serait inappropriée pour cette opération. À ce stade tous les dirigeants présents ont convenu que ce serait tout à fait inapproprié. Il a poursuivi en confirmant que l'évacuation devait commencer à 09h00 le lendemain.


6. À ce stade de la réunion, il apparaissait que la majorité des chefs des INTERAHAMWE et des milices locales étaient d'accord avec le plan. Toutefois, il apparaissait que certaines personnes présentes, qui n'avaient pas pris part aux réunions antérieures, étaient quelque peu perplexes. Ils sont restés silencieux avec un regard figé et peut-être un sourire par rapport à l'ampleur de l'opération qui devait être lancée dans 24 heures.


7. Le colonel Yaache est intervenu à ce niveau, il a dit qu'il ne pouvait pas confirmer que l'opération pouvait en réalité avoir lieu la matinée suivante parce que la MINUAR n'avait pas encore reçu une réponse définitive du FPR. Il a indiqué que, pour cette raison, une chronologie d'événements et de détails sur la participation pouvait être élaborée et mise en place dès que la coopération du FPR était garantie.

8. Le G3 de la Gendarmerie et le G2 des forces gouvernementales rwandaises à ce moment ont donné l'impression que quelque chose de très important manquait pour convaincre toutes les personnes présentes, qu'il y avait en réalité nécessité à ce moment-là qu'une réunion se tienne. Néanmoins, le Président des INTERAHAMWE a indiqué que son intention était de mettre 10 de ses membres le long de la route pour avertir de l'opération et que son organisation avait décidé d'employer 20 de ses membres pour annoncer à la radio où les personnes déplacées qui se cachent pourraient se signaler et où elles seraient accueillies par ses gens et un représentant de la MINUAR pour être évacuées vers un lieu où elles souhaitaient se rendre.

9. C'est alors que le G2 des FAR souleva la question que le calendrier de l'opération devait être tel que toutes les forces gouvernementales, y compris les forces d'autodéfense, soient informées de l'itinéraire exact du convoi et combien de temps il faudrait pour revenir. Le colonel Yaache a indiqué que le convoi ne prendrait que 100 orphelins car c'était tout ce que l'avion Hercules pouvait contenir. Si cette opération réussissait, elle serait répétée à une date ultérieure pour les autres orphelins en fonction de la disponibilité d'un avion.


10. La discussion est passée ensuite au choix du lieu où l'escorte laisserait le convoi dans la zone du FPR. Après quelques discussions, ce lieu a été identifié comme étant la position des FAR près de l'École anglaise de Kigali.


11. Le G2 a ensuite soulevé la question qu'il fallait un cessez-le-feu pendant l'opération et une garantie du FPR qu'ils ne profiteraient pas de l'occasion pour lancer une offensive. Le Colonel Yaache a expliqué que cette question serait traitée avant le lancement de l'opération et que c'était une des principales raisons pour lesquelles, selon toute vraisemblance, l'opération ne pourra avoir lieu le lendemain.


12. La parole a ensuite été donnée aux dirigeants des milices et c'est alors que les choses ont vraiment dégénéré. Un chef a indiqué qu'il devait pouvoir traverser les lignes du FPR pour atteindre les lignes des FAR à proximité de l'aéroport afin qu'il puisse personnellement vérifier que les orphelins était arrivé à l'aéroport. Le G2 des FAR a convenu que c'était vraiment nécessaire. Le colonel Yaache a expliqué que cela poserait certainement un problème avec le FPR et cela serait sans doute une difficulté majeure pour la réalisation de l'opération.

13. Un autre dirigeant a indiqué qu'il n'était pas convaincu qu'il était nécessaire d'évacuer les orphelins car ils n'avaient pas été en danger depuis le début des hostilités. Il a demandé au HAC qui, en fait, avait soudainement décidé d'évacuer ces orphelinats en particulier alors qu'il y en avait d'autres tout aussi méritants et plus dans le besoin. Le colonel Yaache a expliqué que la décision avait été prise en concertation avec le gouvernement rwandais et les FAR et était basée sur certaines raisons impérieuses et que d'autres orphelinats seraient pris en compte plus tard.

14. Ce même dirigeant a poursuivi en indiquant qu'il sentait qu'il y avait un manque de fair-play de la part de la MINUAR car c'était la deuxième tentative d'évacuer les Tutsis de Kigali, les Milles Collines étant la première. Il sentait que quelqu'un s'efforçait de manière concertée de vider la zone FAR de Kigali de tous les Tutsis afin que le FPR puisse en faire le siège.

15. La réunion s'est terminée sur les paroles de l'équipe de la Cellule d'assistance humanitaire (HAC) indiquant qu'elle transmettrait les questions soulevées lors de la réunion avec le commandant de la MINUAR (FC). En résumé, il s'agissait de :

a. Il doit y avoir un cessez-le-feu et une garantie du FPR qu'ils ne profiteront pas de la situation si cette opération se met en place.

b. Il faut trouver un moyen pour que les représentants de certaines milices puissent entrer en contact avec leurs camarades dans la zone de l'aéroport avec l'autorisation de traverser la zone du FPR.

c. Certains dirigeants sont sceptiques quant aux intérêts étrangers qui se préoccupent tout à coup de la région et forcent la main de la MINUAR afin de favoriser les Tutsi contre les Hutu (un sentiment qui a conduit un dirigeant à exprimer l'avis que le commandant de la MINUAR n'était pas neutre dans ce conflit).

d. Ils craignent qu'il y ait un effort concerté pour vider la zone FAR de Kigali des Tutsis afin que le FPR puisse en faire le siège.

18. Les représentants des Interahamwe et les chefs des milices ont quitté la réunion, certainement pas du tout impressionnés, selon le point de vue de
l'auteur de ce rapport. Le G3 de la Gendarmerie était le plus perplexe et c’était le cas également du G2 des FAR.

19. Il est ressorti du compte rendu de la réunion que les FAR n'exerçaient pas de contrôle sur les milices et n'avaient pas la volonté de gérer ces groupes dans un sens positif.

20. On pense qu'il y aura probablement un compte rendu acerbe envers la MINUAR sur Radio Rwanda concernant cette opération en particulier, vu la présence du G3 de la Gendarmerie et du G2 du RGF.

21. La question de l'évacuation des personnes déplacées à Kigali reste un sujet très sensible qui doit être traité avec un tact et une prudence extrême.

DJ MacNeil

Maj

CHO

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024