Fiche du document numéro 31291

Num
31291
Date
Vendredi 23 décembre 2022
Amj
Auteur
Taille
220389
Surtitre
Politique
Titre
RDC : ce que dit le rapport de l’ONU qui accuse le Rwanda de soutenir le M23
Soustitre
e groupe d’experts évoque l’existence de « preuves substantielles » sur « l’intervention directe des forces de défense rwandaises » en RDC aux côtés des rebelles du M23, ou pour combattre les FDLR accusées de collaborer avec l’armée congolaise.
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ONU
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M23
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Des soldats bangladais de la Mission des Nations Unies en RDC (Monusco) sur le site de déplacés de Rhoo, à 60 kilomètres de Bunia, la capitale provinciale de l’Ituri, 19 décembre 2021. © ALEXIS HUGUET/AFP

Les condamnations du soutien du Rwanda aux rebelles du M23 se sont accumulées ces derniers jours, alors que le rapport des experts des Nations unies doit très prochainement être rendu public. Ce document de 236 pages, que Jeune Afrique a déjà pu consulter, offre une plongée détaillée dans la guerre que se livrent l’armée congolaise et le mouvement rebelle M23 que Kinshasa accuse, depuis des mois, d’être soutenu par le Rwanda.

Sur la base d’images aériennes, de photos, de missions de terrain et d’entretiens, notamment avec des combattants démobilisés ou capturés, le panel onusien revient sur les « preuves substantielles » du soutien des forces rwandaises de défense (RDF) au M23. Selon le rapport, des membres des RDF ont mené plusieurs opérations en territoire de Rutshuru entre novembre 2021 et octobre 2022.

Kigali et Kampala épinglés

Ces militaires, « qui avancent parfois en colonnes après être entrés [en RDC] depuis le Rwanda » installent souvent « des positions de soutien à côté des camps du M23 » auxquels ils sont clairement accusés d’apporter un soutien. Cette assistance prend, selon le rapport, différentes formes et notamment celle d’un renfort de troupes pour aider le M23 lors « d’opérations spécifiques visant à capturer des villes et des zones stratégiques ». Cela a notamment été le cas lors de la chute de Bunagana, carrefour stratégique situé à la frontière avec l’Ouganda, le 13 juin dernier.

Kampala n’est d’ailleurs pas épargné. Soupçonné par Kinshasa d’avoir également collaboré avec le M23, l’Ouganda est épinglé par les experts. Ces derniers rappellent que si l’armée ougandaise avait empêché la chute de Bunagana lors d’une première offensive en mars 2022, les rebelles et les RDF ont pu franchir « sans encombre » la frontière lors de l’attaque décisive du 12 juin.

« Au moment de la rédaction du présent rapport, la libre circulation des combattants du M23 et de nouvelles recrues vers et depuis l’Ouganda continuait d’être signalée », explique le document qui évoque aussi « l’approvisionnement transfrontalier en artillerie, en armes et en munitions ». Les gouvernements ougandais et rwandais ont tous les deux démenti, auprès du panel onusien, les allégations de soutien au M23.

Taxes et recrutements

Les experts de l’ONU ne se limitent pas à la question du soutien d’armées étrangères au mouvement rebelle. Ils offrent aussi une analyse plus pointue du fonctionnement du M23 sur les territoires qu’il contrôle. Cette zone n’a d’ailleurs cessé de s’étendre depuis le mois de mars. Mi-octobre, avant sa nouvelle offensive, le M23 contrôlait déjà un espace « près de trois fois plus grand » que celui qu’il avait en mars. Le 20 octobre, après plusieurs mois de calme relatif, les rebelles ont ouvert plusieurs fronts et sont parvenus, en à peine plus de dix jours, à doubler leur territoire avec la conquête de villes stratégiques comme Rutshuru et Kiwanja.

Pour mener à bien ces offensives, le M23 aurait mené « des campagnes de recrutement depuis juillet 2022 dans les territoires de Rutshuru, Masisi, Walikale et Lubero, en Ouganda et au Rwanda, augmentant ainsi ses effectifs », tout en ayant recours à des enfants pour combattre. Certains membres des FARDC ayant fait défection ont également rejoint les rangs des rebelles au cours de cette période.

Dans les zones qu’ils contrôlent, les rebelles ont rapidement commencé à imposer des taxes, notamment aux postes-frontaliers de Bunagana et Kitagoma, proches de l’Ouganda. Le panel estime que le M23 perçoit environ 27 000 dollars par mois pour le seul poste de Bunagana. Les fonds récoltés ont servi à financer les opérations militaires du groupe. Ces taxes prennent différentes formes et concernent autant les simples citoyens traversant la frontière que les fermiers et agriculteurs des territoires administrés par le M23. « Un fermier paye 3$ pour accéder à son propre terrain », expliquent à titre d’exemple les experts.

Collusion FARDC-FDLR

Dans la foulée des condamnations de la France et de plusieurs autres pays qui l’ont accusé de soutenir les rebelles, le Rwanda avait estimé que ces prises de positions « détournent l’attention de la véritable cause du conflit dans l’est de la RDC et de son impact sur la sécurité des États voisins » évoquant, comme à de nombreuses reprises depuis le début du conflit, la collaboration entre l’armée congolaise et plusieurs groupes armées congolais.

Ces accusations sont en partie corroborées par le rapport que les experts de l’ONU ont soumis au Conseil de sécurité. La résurgence du M23, défait militairement en 2013, « a incité les groupes armés actifs au Nord-Kivu à changer d’alliance et a créé une nouvelle dynamique entre ces derniers et les FARDC ». Plusieurs mouvements rivaux se sont ainsi réunis à Pinga en mai 2022 afin de mettre en place une coalition pour riposter face au M23. Parmi ces groupes figurent notamment la faction des Nduma Défense du Congo-Renové dirigée par Guidon Shimaray Mwisa, sous sanction de l’ONU depuis 2015. Lors de cette réunion étaient aussi présents plusieurs cadres des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dont les “Colonels Silencieux” et Potifaro, mais aussi Salomon Tokolonga, colonel au sein des FARDC.

Cette réunion a permis d’aboutir à une trêve entre ces différents groupes rivaux qui se sont entendus pour s’allier à l’armée congolaise pour combattre les M23. Plusieurs sources, dont des membres de cette coalition, ont confirmé au panel onusien avoir reçu des armes et des munitions de membres des FARDC à plusieurs occasions. Cette collusion a souvent été dénoncée par Kigali.

La résurgence du M23 a enfin mené, selon le rapport, à « une prolifération inquiétante des discours xénophobes et haineux » contre les populations rwandophones « perçues comme soutenant le M23 », conduisant parfois « à des actes de violence, y compris des meurtres ».

Retrait de Kibumba

La publication de ce rapport intervient alors que les processus de médiation peinent jusque-là à montrer des signes concrets de progression. Dans un communiqué diffusé le 23 décembre, le M23 a toutefois annoncé qu’il acceptait de se retirer de Kibumba, l’une des dernières positions stratégiques qu’il a réussie à conquérir fin octobre. Les rebelles sont censés laisser la force régionale, dont le déploiement se poursuit difficilement, occuper cette zone.

Ce retrait partiel annoncé, présenté par les rebelles comme un « geste de bonne volonté fait au nom de la paix », intervient un mois après les conclusions de la réunion de Luanda. Les chefs d’État présents avait alors exigé le retour du M23 dans ses positions précédant le conflit.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024