Fiche du document numéro 31158

Num
31158
Date
Jeudi 24 janvier 2002
Amj
Taille
27303
Titre
La justice enterre le dernier acte
Sous titre
Le dossier mettant en cause le capitaine Barril est annulé.
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Vingt ans plus tard, l'affaire des Irlandais de Vincennes, premier scandale de la décennie Mitterrand, retourne à jamais dans les catacombes. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a annulé hier tout le dossier, pour « peanuts », selon Me Comte, l'avocat de Michaël Plunkett, Stephen King et Mary Reid : les trois Irlandais n'ont pas « payé la caution de 5 000 francs » dans les quarante jours après leur dépôt de plainte en 1992, « mais le quarante et unième ».

Cellule



La justice a donc validé la requête du capitaine Barril, 55 ans, mis en examen pour « atteinte à la liberté individuelle » depuis le 4 avril 2001. L'ex-supergendarme du GIGN, Paul Barril, héros de la perquisition truquée chez les trois Irlandais, rue Diderot à Vincennes, pour les habiller en « dangereux terroristes », évite de justesse son procès programmé.

Le 9 août 1982, un attentat antisémite ravage le restaurant Goldenberg, rue des Rosiers à Paris, faisant 7 morts et 12 blessés. Mitterrand annonce la création d'une cellule antiterroriste à l'Elysée confiée au patron du GIGN, Christian Prouteau, qui travaille avec son adjoint et protégé « Popaul ». Toujours prompt à servir son pays, « Popaul » interpelle, le 28 août 1982, les poseurs supposés de la bombe de la rue des Rosiers : des nationalistes Irlandais. A 20 heures, l'Elysée annonce avec triomphe que « deux arrestations jugées importantes ont été opérées aujourd'hui en France dans les milieux du terrorisme international » et que « des documents et explosifs ont également été saisis ». Le hic, c'est que le capitaine veut tellement bien faire qu'il en rajoute un peu. Paul Barril apporte lui-même au domicile de Plunkett les pièces à conviction, armes, explosifs et documents. De quoi ficeler le dossier, et envoyer au trou les Irlandais. Ses collègues gendarmes de la section de recherches de Paris sont dépêchés pour arranger la procédure, signer des actes qu'ils n'ont pas effectués et « couvrir » les irrégularités de forme. Mais ça finit par se voir. En octobre 1983, non-lieu pour les trois Irlandais et annulation de la procédure, car la perquisition a été effectuée hors de leur présence. Mais le tour de passe-passe de Barril n'a pas encore été percé à jour.

En janvier 1985, la « pièce manquante », l'informateur du capitaine, Claude Jégat, déballe tout à la DST. L'idéaliste Jégat a cru reconnaître sur les portraits-robots des tueurs de la rue des Rosiers son ami irlandais Plunkett et l'a dénoncé à tort à Paul Barril. Jégat ajoute qu'il a remis au capitaine de l'Elysée, dans « un sac de sport écossais », les pistolets automatiques « CZ 70 » et un « paquet de plastic de 400 à 500 grammes » entreposés chez lui par Plunkett. Exactement les objets saisis chez les Irlandais.

Relaxe



Juin 1991, un procès a lieu à Paris. Mais sans Barril. Le préfet Prouteau et le colonel de gendarmerie Beau sont condamnés pour « subornation de témoins », et Bernard Jégat à quinze mois de prison avec sursis pour « détention d'armes et de munitions ». Le premier, serviteur zélé du président Mitterrand, est relaxé en appel.

La justice s'est mouillée une seule fois dans l'affaire des Irlandais : à l'occasion d'un procès en diffamation de Barril contre le Monde, le 17 septembre 1992, le tribunal de Paris a relaxé le journaliste qui, à son sens, a apporté la preuve de ses affirmations, à savoir que « l'opération des Irlandais n'a été de bout en bout qu'un montage réalisé par le capitaine Barril ».

De 1992 à 2002, l'instruction fouillée du juge Yves Madre de Versailles a permis de retrouver les gendarmes témoins de la manipulation de Paul Barril qui s'en tire une fois de plus par une pirouette, un paiement de caution hors délai. Au grand dam de Me Antoine Comte qui dénonce « l'impossibilité de sortir cette affaire d'Etat qui en a révélé les bas-fonds, les méthodes illégales de la cellule de l'Elysée lors de la perquisition, puis les écoutes mises en place sur des journalistes et des avocats pour ne pas éclabousser l'Elysée ».

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024