Fiche du document numéro 31037

Num
31037
Date
Jeudi 17 novembre 2022
Amj
Auteur
Taille
245831
Surtitre
Politique
Titre
RDC : Goma peut-elle à nouveau tomber ?
Soustitre
Depuis la reprise des combats, le 20 octobre, la ligne de front n’a cessé de se rapprocher du chef-lieu du Nord-Kivu. Alors que le dialogue avec les groupes armés doit reprendre à Nairobi dans moins d’une semaine, jusqu’où iront les rebelles ?
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M23
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Des soldats de la RDC et du Kenya montent la garde au siège de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) à Goma, dans l’est de la RDC, le 16 novembre 2022. © Guerchom Ndebo / AFP

Ses premiers mots étaient très attendus. Alors que les combats entre le M23 et l’armée congolaise se poursuivent désormais à une vingtaine de kilomètres de Goma, le général de brigade kényan Jeff Nyagah, commandant de la force régionale conjointe de l’East African Community (EAC), tenait le 16 novembre sa première conférence depuis l’arrivée des contingents envoyés par le président William Ruto.

Encadré par plusieurs officiers, ce haut-gradé passé par la mission de maintien de la paix de l’Union africaine en Somalie (Amisom) a affirmé que priorité était donnée au processus politique et donc aux médiations de Luanda et de Nairobi. Ce n’est que si ces initiatives venaient à échouer, a-t-il précisé, « que nous passerions automatiquement à l’action militaire ».
« Mission offensive »

Le chef d’état-major adjoint des FARDC en charge des opérations de l’armée congolaise, le général Jérôme Chiko Tshitambwe, a dans la foulée salué l’arrivée des Kényans, tout en réitérant son souhait de voir la force « évoluer vers une mission offensive afin de ramener la paix en RDC, avec comme priorité le M23 et cette agression rwandaise, mais aussi les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ».

« LA FORCE RÉGIONALE N’A PAS VOCATION À FAIRE SIMPLEMENT DE L’INTERPOSITION FACE AU M23 »

Si la déclaration du général congolais semble exprimer un brin d’impatience, c’est que la position affichée par Jeff Nyagah tranche avec ce qui semblait initialement envisagé par les autorités congolaises. Ces dernières ont, à de multiples reprises, répété qu’elles espéraient une « force d’imposition de la paix », selon les termes du ministre de la Communication, Patrick Muyaya. « La force a une mission offensive, elle n’a pas vocation à faire simplement de l’interposition face au M23 », nous affirmait également le général Emmanuel Kaputa, commandant adjoint de la force régionale, lors d’une rencontre au QG de Goma, fin octobre.

Des attentes que partage le président Félix Tshisekedi. « Je pense que dans les jours à venir, avec le déploiement de la force régionale, nous obtiendrons le départ du M23 », affirmait-il fin octobre dans une interview à la BBC. Fin septembre, il avait déjà déclaré à RFI et France 24 que les contingents kényans rentreraient en RDC par Bunagana, ville du Nord-Kivu conquise par le M23 en juin dernier.

Dernier verrou

Depuis le 20 octobre, les affrontements entre les FARDC et les rebelles du M23, dont Kinshasa est convaincu qu’ils sont soutenus par le Rwanda, ont connu un regain d’intensité. Le M23 s’est emparé de plusieurs autres localités significatives, comme Kiwanja et Rutshuru, et la ligne de front s’est considérablement rapprochée de Goma.

Ces derniers jours, les combats se sont concentrés à moins d’une vingtaine de kilomètres de la ville. Le 15 novembre, le gouverneur militaire de la province, le général Constant Ndima Kongba, avait assuré que l’armée contenait le M23 sur les hauteurs de Kibumba et appelé la population au calme. Mais dès le lendemain, les rebelles ont revendiqué la prise de six nouvelles localités, dont Kibumba, Buhumba et Tongo, situées à la lisière du parc national des Virunga. Des pertes que l’armée congolaise n’a pour l’instant pas formellement confirmées.

Kibumba est l’un des derniers verrous sur la route descendant de Rutshuru vers Goma. L’avancée du M23 fait donc logiquement craindre un remake du scénario du 20 novembre 2012. Après cinq jours d’une offensive fulgurante, les rebelles avaient à l’époque pénétré dans la ville sans se voir opposer de réelle résistance. Hasard du calendrier, près de dix ans jour pour jour après la chute de cette ville de près de deux millions d’habitants aux mains des hommes du colonel Sultani Makenga, l’hypothèse de voir l’histoire se répéter est prise « très au sérieux » par certaines sources diplomatiques et sécuritaires.

Coups de feu et mouvement de panique

Il demeure toutefois un flou sur l’évolution de la situation sur le terrain. Le 15 novembre, alors que l’ex-président Uhuru Kenyatta, désigné facilitateur de l’EAC, se déplaçait à Goma en préparation de la reprise du dialogue avec les groupes armés, un mouvement de panique provoqué par des coups de feu tirés en l’air et par la rumeur d’une arrivée des rebelles s’est emparé du camp de Kanyaruchinya, où un grand nombres de déplacés ont trouvé refuge.

« AU DÉPART, NOUS NE VOULIONS MÊME PAS PRENDRE LA VILLE. NOUS SOMMES ICI PARCE QUE LE GOUVERNEMENT NOUS A CHERCHÉS »

Les FARDC et le M23 continuent de se renvoyer pour le moment la responsabilité de la reprise des hostilités. En 2012, déjà, le M23 assurait n’avoir pris Goma qu’en réponse à une « provocation » des autorités congolaises. « Au départ, nous ne voulions même pas prendre la ville. Nous sommes ici parce que le gouvernement nous a cherchés », affirmait à l’époque Sultani Makenga. En position de force, les rebelles avaient tenu la ville une semaine avant d’entamer un retrait pour ouvrir des négociations.

Alors que le dialogue entre Kinshasa et les groupes armés doit reprendre à Nairobi le 21 novembre, les rebelles ont-ils à nouveau l’intention d’avancer jusqu’à Goma pour s’imposer à la table des négociations ? Le M23 maintient un discours vague sur ses objectifs militaires et continue d’accuser l’armée congolaise de collaborer avec les FDLR, ce que Kinshasa conteste. « S’il s’agit d’une question de sécurité, aucune ville ou cité ne sera épargnée, car nous devons nous défendre et défendre notre population », martèle le porte-parole militaire du M23, le major Willy Ngoma.

« L’opposition de plusieurs proches du chef de l’État à des négociations avec le M23 et l’arrivée des troupes kényanes ont pu pousser les rebelles à intensifier leur offensive. Il y a un risque que le dialogue reprenne sans eux, il leur faut se rendre incontournables », résume une source sécuritaire basée en RDC. Les autorités congolaises continuent de refuser des négociations bilatérales et de dénoncer le soutien du Rwanda aux rebelles, ce que Kigali dément. « Il n’y aura pas de négociation avec les terroristes [sans] retrait des localités occupées », a rappelé Patrick Muyaya, le 15 novembre.

La situation est-elle pour autant entièrement similaire à celle de 2012 ? Il y a des points communs, de l’inefficacité de la Monusco aux problèmes rencontrés au niveau du commandement de l’armée congolaise. Celui-ci a été ébranlé par l’arrestation, fin septembre, de Philémon Yav, qui dirigeait la troisième zone de défense militaire et pilotait les opérations contre le M23, et par le vaste remaniement opéré début octobre.

Il y a dix ans, la restructuration du commandement de l’armée et la constitution, en avril 2013, de la brigade d’intervention de la Monusco avait contribué au renversement du rapport de force sur le terrain. La présence des troupes kényanes peut-elle aujourd’hui avoir le même effet dissuasif ?

Risque d’humiliation

Le général de brigade Jeff Nyagah a indiqué que ses troupes assureraient la protection de Goma et de son aéroport. « Personne ne va prendre la ville à ce jour », a-t-il affirmé. « Le Kenya semble vouloir éviter une confrontation avec le M23, analyse une source onusienne basée en RDC. Si la ville venait à chuter alors qu’ils sont déployés, leur inaction serait perçue comme une humiliation, à la fois pour Nairobi et pour Kinshasa. »

Les tractations diplomatiques peuvent-elles empêcher la chute de Goma ? Les processus de Luanda et de Nairobi sont actuellement à la recherche d’un second souffle et, le 15 novembre en marge du G20, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a rencontré le patron de la diplomatie rwandaise, Vincent Biruta. Il lui a fait part de « l’inquiétude profonde des États-Unis » et a demandé « au Rwanda d’agir pour faciliter la désescalade ». Le lendemain, c’est le Français Emmanuel Macron qui a insisté sur la nécessité de se « réengager dans un processus politique ».

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024