Fiche du document numéro 30943

Num
30943
Date
Samedi 13 octobre 1990
Amj
Hms
20:00:00
Taille
25167
Sur titre
Journal de 20 heures
Titre
Georges Martres : « Étant guidés par des Tutsi, les rebelles provoquent inévitablement dans la majorité hutu du pays une réaction de défense tribale »
Sous titre
3 000 prisonniers croupissent officiellement dans les prisons de Kigali, sans motif pour la plupart.
Lieu cité
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FPR
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Résumé
- Apparently fighting continues between the army and the rebels of the Patriotic Front. Since October 1, rebel forces from Uganda have invaded the north of the country.

- This man probably claims that he is not a rebel but no one understands his language. By way of prisoners, the Rwandan authorities only succeeded in presenting to the international press about twenty Ugandans. The few who speak English take out a passport, a work permit, explain that they have nothing to do with these weapons exhibited a little further on. A soldier films the scene to prove no doubt that they were able to express themselves freely.

- Meanwhile, 3,000 other prisoners are officially languishing in Kigali prisons, most of them without cause. A Rwandan wishes to testify anonymously: he claims to be Tutsi, the minority ethnic group. Information that is easy to verify since here the ethnicity appears on the identity card. The anonymous man: "I was grabbed, beaten, searched and threatened. I was taken to the stadium. There were a lot of people. There were no only Tutsi".

- The Tutsi are indeed considered as the instigators of the rebellion. Driven out of power 30 years ago, this minority then moved to neighboring countries. And the bloody tribal wars with the majority Hutu are not forgotten. Yet the rebels from Uganda claim to refuse any idea of ​​ethnic revenge.

- Georges Martres: "It is true that they have a political project of national unity but it is also true that being guided by Tutsis, they inevitably provoke in the Hutu majority of the country a reaction of tribal defense. Because of this, there is a very high risk that this reaction will lead to blind panic and that we will see excesses".

- Many here share this fear of a new tribal war. But in the immediate future, the main concern is to find something to eat. With the attackers holding the main import route, the shortage threatens to drag on. What a reminder that the country has known for a long time another war: that against hunger. Officially, 500 people have died since the beginning of the year. Not to mention AIDS, which already affects nearly 15% of the population. The country's motto, "Unity, peace, development", thus evokes today more than ever a dream impossible to realize.
Source
Fonds d'archives
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[Henri Sannier :] […] Zaïre, l'Ouganda et…, et la Tanzanie. Apparemment les combats se poursuivent entre l'armée et les rebelles du Front… patriotique [une incrustation "CONFLIT" s'affiche en bas de l'écran]. Depuis le 1er octobre, les forces rebelles venues d'Ouganda ont envahi le Nord du pays [inaudible] depuis les civils ont été massacrés par l'armée régulière. Nous allons aussi faire le point ce soir grâce à l'une de nos équipes qui rentre de Kigali. Le reportage est signé Philippe Boisserie, et Frank Brisset pour les images.

[Philippe Boisserie :] Cet homme clame sans doute qu'il n'est pas un rebelle [une incrustation "Kigali (Rwanda)" s'affiche à l'écran] mais personne ne comprend sa langue [on voit un homme en pleurs s'exprimer face caméra sous le regard de soldats des FAR]. En guise de prisonniers, les autorités rwandaises n'ont réussi à présenter à la presse internationale qu'une vingtaine d'Ougandais.

Les rares qui parlent anglais sortent un passeport, un permis de travail, expliquent qu'ils n'ont rien à voir avec ces armes exhibées un peu plus loin [on voit des fusils alignés contre un mur]. Un militaire filme la scène pour prouver sans doute qu'ils ont pu s'exprimer librement [on voit le militaire filmer les prisonniers devant un bâtiment sur lequel figure l'inscription "O.P.J. n° 4" ; le plan suivant montre un militaire des FAR, pistolet en main, devant l'entrée "O.P.J. n° 5" du même bâtiment].

Pendant ce temps-là, 3 000 autres prisonniers croupissent officiellement dans les prisons de Kigali, sans motif pour la plupart. Un Rwandais souhaite témoigner anonymement : il s'affirme tutsi, l'ethnie minoritaire. Une information facile à vérifier puisqu'ici l'appartenance ethnique figure sur la carte d'identité [on voit un civil se faire contrôler par deux militaires ; la caméra fait un gros plan sur sa carte d'identité].

[L'homme anonyme témoigne dans le véhicule des journalistes : - "On m'a…, on m'a attrapé, hein. On m'a frappé, on m'a fouillé et on m'a…, on m'a menacé, hein. Philippe Boisserie : - "Et alors, après qu'est-ce qui s'est passé ? On vous a…, on vous a relâché, on vous a emmené quelque part ?". L'homme : - "Oui on m'a emmené au…, au stade. Y'avait beaucoup de monde. Y'avait que des Tutsi".]

Les Tutsi sont en effet considérés comme les instigateurs de la rébellion [on voit dans la rue un militaire blanc au béret rouge en compagnie de trois militaires rwandais ; ils sont tous armés]. Chassés du pouvoir il y a 30 ans, cette minorité s'est alors expatriée dans les pays voisins. Et les sanglantes guerres tribales avec les Hutu majoritaires ne sont pas oubliées [diffusion d'une carte de la région des Grands lacs montrant quatre flèches rouges partant du Rwanda en direction de l'Ouganda, de la Tanzanie, du Burundi et du Zaïre]. Pourtant les rebelles venus d'Ouganda affirment refuser toute idée de revanche ethnique.

["Georges Martre [Martres], ambassadeur de France au Rwanda" : "C'est vrai qu'ils ont un projet politique d'union nationale mais c'est vrai aussi qu'étant guidés par des Tutsi, ils s'o…, ils provoquent inévitablement dans la majorité hutu du pays une réaction de défense tribale. Euh…, de ce fait, y'a…, y'a de très gros risques effectivement que… cette réaction -- euh, qui…, qui d'ailleurs s'est produite déjà dans le passé -- euh, entraîne une panique aveugle et que on assiste à des débordements".]

Cette crainte d'une nouvelle guerre tribale, beaucoup ici la partage. Mais dans l'immédiat, la préoccupation principale est de trouver à manger [on voit des gens remplir des sacs de vivres].

[Un homme noir : - "Ce sont des stocks qu'on est en train de vider". Philippe Boisserie : - "De vider". L'homme : - "Oui. On a du [inaudible] seulement. On les a distribués à la population. [Inaudible] arrive".]

Les assaillants tenant la principale route d'importation, la pénurie menace de s'éterniser. De quoi rappeler que le pays connaît depuis longtemps une autre guerre : celle contre la faim. Officiellement, 500 personnes en sont morts [sic] depuis de début de l'année. Sans parler du SIDA qui toucherait déjà près de 15 % de la population. La devise du pays, "Unité, paix, développement", évoque donc aujourd'hui plus que jamais un rêve impossible à réaliser [on voit notamment des militaires des FAR sur un blindé au milieu d'une rue de Kigali].

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024