Fiche du document numéro 30763

Num
30763
Date
Samedi Mai 2010
Amj
Taille
475372
Titre
Huit ans après… Le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda
Mot-clé
Source
PRI
Commentaire
This report claims that the Tutsi arrived in Rwanda before the Hutu (Hamitic myth) and that in April 1994, the RPF went on the offensive before the start of the genocide.
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
HUIT ANS APRÈS…
LE POINT SUR LE
MONITORING DE LA
GACACA AU RWANDA

1

Penal Reform International
ISBN: 978-0-9535220-6-4
© Penal Reform International 2010
Pour tous renseignements veuillez vous adresser à
publications@penalreform.org

PRI autorise et encourage la libre reproduction, distribution et traduction de tout
ou partie de cet ouvrage à la simple condition de créditer Penal Reform
International et la présente publication.
Penal Reform International: www.penalreform.org
Graphisme et mise en page : Intertype : www.intertype.co.uk
Imprimé par : Bell & Bain Limited

Sommaire
Préface

4

Remerciements

6

Glossaire

7

Chronologie des événements pertinents

8

Rapports sur la Gacaca : Penal Reform International

11

1. Introduction
1.1 Pourquoi la Gacaca ?
1.2 Recherches de PRI sur la Gacaca
1.3 Méthodes de récolte des données
1.4 Limites de la recherche

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17
19

2. Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique
2.1 Les structures et la juridiction Gacaca
2.2 La qualité des preuves et la participation de l’État dans

sa récolte
2.3 Les juges Gacaca et leurs fonctions
2.4 La participation publique à la Gacaca
2.5 L’importance de l’aveu et les implications du plaidoyer

de culpabilité
2.6 Le rôle des « Justes »

21
24

3. La qualité de la justice pour tous
3.1 S’occuper des innocents
3.2 La Gacaca et les crimes de vengeance
3.3 Les réparations : L’élaboration de régimes de compensation

et de travail d’intérêt général

41
41
43

4. La réconciliation et le retour à la vie en commun
4.1 Le retour au foyer : apprendre à revivre ensemble
4.2 Les camps de solidarité
4.3 Le règlement des infractions contre les biens`
4.4 L’impact du travail d’intérêt général sur les rescapés et

les criminels

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58

27
29
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37

45

60

5. Conclusion : Trouver le juste équilibre entre justice
et réconciliation

63

Références bibliographiques

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Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Préface
Penal Reform International (PRI) est une organisation non-gouvernementale
internationale établie en 1989, qui œuvre pour la réforme de la justice pénale
dans le monde entier. PRI organise des programmes régionaux dans la région
des Grands Lacs, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en Europe centrale et
de l’Est, en Asie centrale et dans le Caucase du Sud, et il est représenté en
Amérique du Nord. PRI jouit d’un statut consultatif auprès du Conseil
économique et social des Nations Unies (NU) et du Conseil de l’Europe, et d’un
statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’Homme et
des peuples.
PRI cherche à engager des réformes pénales par les moyens suivants :
• Le développement et la mise en œuvre d’instruments internationaux de
défense des droits de l’Homme en termes d’application de la loi et de
conditions carcérales
• La réduction du recours à l’incarcération dans le monde entier
• L’élimination de la discrimination injuste et contraire à l’éthique dans toutes les
mesures pénales
• L’abolition de la peine de mort
• Le recours à des sanctions constructives et non-carcérales, qui favorisent la
réinsertion sociale des criminels tout en tenant compte des intérêts des
victimes.
PRI effectue un travail de monitoring indépendant des juridictions Gacaca au
Rwanda depuis leur entrée en service en 2001, en réponse aux crimes perpétrés
pendant le génocide de 1994. Le monitoring de PRI s’est articulé autour d’un
programme de « recherche-action » qui a été conçu dans le but de permettre à
une équipe de chercheurs sur place de recueillir les perceptions et le vécu des
principaux intéressés vis-à-vis du processus de la Gacaca, à savoir les rescapés
du génocide, les témoins, les détenus, les organisations de la société civile et les
effectifs gouvernementaux
Alors que le processus Gacaca touche à sa fin au Rwanda, la finalité de ce
volume est de faire la synthèse des résultats de recherche de PRI sous une forme
facilement compréhensible par toute personne montrant de l’intérêt pour le
Rwanda et la Gacaca. La structure du volume s’attache à mettre en exergue les
thématiques et les problématiques saillantes qui sont apparues lors des travaux
de recherche de PRI, à souligner les principales positions et à orienter vers des
documents PRI pour obtenir de plus amples renseignements.

4

Avis de non-responsabilité
Les avis exprimés dans le présent rapport ne représentent pas forcément la
politique de PRI.
Les noms de l’ensemble des individus cités dans le présent rapport, ou auxquels
il est fait référence, ont été supprimés pour en protéger l’identité, sauf lorsque les
remarques ou déclarations faites relèvent du domaine public.

5

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Remerciements
PRI est redevable auprès du personnel de PRI pour son dévouement et son
travail acharné, et à tous ceux qui, au fil des ans, ont participé à la récolte,
l’analyse et la préparation de ses travaux de recherche sur la Gacaca. Pour des
raisons de confidentialité, le nom des individus n’est pas cité ici, néanmoins leurs
contributions aux travaux de recherche et à ses objectifs sont extrêmement
appréciées.
Il reste aussi à remercier les plusieurs centaines d’individus qui ont accepté
d’être interviewés et de donner librement leurs avis tout au long de ces travaux
de recherche.
PRI reconnaît avec gratitude le soutien financier que les agences
gouvernementales suivantes ont apporté au programme de recherche Gacaca :
• Le ministère britannique du Développement international (DfID)
• L’agence suisse pour le Développement et la coopération (SDC)
• Le ministère belge des Affaires étrangères
PRI tient à remercier le Comité Catholique contre la Faim et pour le
Developpement pour son soutien financier vers la publication du rapport Gacaca.
(CCFD)
PRI souhaiterait remercier Jonathan Blagbrough pour la compilation et la
rédaction de cette publication.

6

Glossaire
(Kinyarwanda : Langue parlée au Rwanda)
Cellule

Entité administrative de second niveau, après le village
(Umudugudu).

Gacaca
(kinyarwanda) :

Littéralement « gazon », nom donné à un système de
juridictions populaires chargées de juger le contentieux
du génocide.

Ibuka
(kinyarwanda) :

Littéralement « souviens-toi », nom de la plus grande
association de victimes rescapées du génocide au
Rwanda.

Ingando
(kinyarwanda) :

Littéralement « lieu de halte », terme utilisé pour les
camps de solidarité.

Inkotanyi
(kinyarwanda) :

Littéralement les « combattants inépuisables », nom
adopté par les membres de l’Armée patriotique
rwandaise.

Interahamwe
(kinyarwanda) :

Littéralement « ceux qui travaillent ensemble », nom
donné aux milices génocidaires

Intwali
(kinyarwanda) :

Se rapporte à un héro, à quelqu’un de courageux qui ne
recule pas devant un obstacle. Terme abrégé de intwali
mu butatbazi, « sauveur héroïque », appelés aussi les
« justes »

Inyangamugayo
(kinyarwanda) :

Littéralement « personne intègre », juge Gacaca.

Nyumbakumi
(kinyarwanda) :

Unité administrative rwandaise la plus élémentaire
(remplacée par Umudugudu (village)). Chaque groupe de
10 maisons est placé sous la responsabilité
administrative d’un chef élu localement, appelé
Nyumbakumi.

Secteur

Entité administrative de troisième niveau, après le village
(Umudugudu) et la cellule.

Umuganda
(kinyarwanda) :

Travaux communautaires obligatoires. Ils se tiennent
actuellement tous les derniers samedis du mois.

Umudugudu
(kinyarwanda) :

« Village », entité administrative rwandaise de base

7

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Chronologie des événements pertinents
(Sources : BBC News, Rapports PRI)
Années 1300 : Arrivée des Tutsis dans l’actuel Rwanda, où habitaient déjà les
peuples Twa et Hutu.
Fin des années 1800 : Le roi tutsi Kigeli Rwabugiri établi un État unifié doté
d’une structure militaire centralisée.
1890 : Le Rwanda devient partie de l’Afrique orientale allemande.
1916 : Occupation du Rwanda par les forces belges.
1923 : La Ligue des Nations accorde un mandat à la Belgique de gouverner le
Ruanda-Urundi, qu’elle dirigeait indirectement par l’intermédiaire des rois tutsis.
1946 : Le Ruanda-Urundi devient un territoire sous tutelle des Nations Unies,
gouverné par la Belgique.
1957 : Les Hutus publient un manifeste en appelant au changement de la
structure du pouvoir du Rwanda, pour leur donner un droit de parole qui soit à la
mesure du nombre d’habitants qu’ils représentent ; formation de partis politiques
hutus.
1959 : Le roi tutsi Kigeli V, ainsi que des dizaines de milliers de Tutsis, sont forcés
de s’exiler en Ouganda à la suite d’actes de violence interethniques.
1961 : Le Rwanda est proclamé république.
1962 : Indépendance du Rwanda, sous la présidence de Grégoire Kayibanda.
1973 : Le président Grégoire Kayibanda est déposé par un coup d’État militaire
organisé par Juvénal Habyarimana.
1978 : Ratification d’une nouvelle constitution, Habyarimana élu président.
1990 : Invasion du Rwanda par les forces du Front patriotique rwandais (FPR)
rebelle, principalement composé de Tutsis, en provenance du Rwanda.
1991 : Promulgation de la nouvelle constitution multipartite.
1993 : Signature d’un accord de partage de pouvoir avec les Tutsis par le
président Habyarimana dans la ville d’Arusha en Tanzanie, signalant
ostensiblement la fin de la guerre civile ; envoi d’une mission des Nations Unies
pour surveiller l’accord de paix.
1994 – avril : Habyarimana et le président burundais sont tués après que leur
avion ait été abattu au-dessus de Kigali ; le FPR lance une offensive majeure ; la
milice extrémiste Hutu et des éléments des forces militaires rwandaises
commencent le massacre systématique des Tutsis ; fuite des milices hutues au
8

Zaïre (aujourd’hui appelé la République démocratique du Congo, RDC),
entraînant dans leur sillage près de deux millions de réfugiés hutus.
1995 : Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) désigné par les
Nations Unies commence à inculper et condamner plusieurs personnes
responsables des atrocités entre Hutus et Tutsis.
2000 – avril : Les ministres et les députés élisent le vice-président Paul Kagame
à la fonction de nouveau président du Rwanda.
2001 – mars : Entrée en vigueur de la loi organique n° 40/2000 portant création
des juridictions Gacaca et organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’Humanité, commises
entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.
2001 – octobre : Début du scrutin pour élire les membres des « Gacaca »
traditionnelles. Ces juridictions ont pour but de résorber le retard accumulé des
cas de génocide de 1994.
2002 – juin : Début de la phase pilote de la Gacaca.
2003 – janvier : Arrêté présidentiel décrétant la libération provisoire de plus de
20 000 détenus.
2003 – mai : Les électeurs soutiennent un avant-projet de constitution interdisant
l’incitation à la haine raciale.
2003 – août : Paul Kagame remporte les premières élections présidentielles
depuis le génocide de 1994.
2003 – octobre : Premières élections parlementaires multipartites ; le FPR du
président Kagame remporte la majorité absolue.
2004 – juin : Révision de la loi Gacaca de 2001 par la loi organique nº 16/2004,
qui modifie considérablement la législation de 2001.
2005 – juillet : Le gouvernement commence la libération en masse de 36 000
détenus. La plupart d’entre eux ont avoué leur participation au génocide de 1994.
Il s’agit de la troisième phase des libérations effectuées depuis 2003.
2006 – janvier : Les 12 provinces du Rwanda sont remplacées par un plus petit
nombre de régions, dont l’objectif vise à créer des zones administratives à mixité
ethnique.
2006 – novembre : Le Rwanda rompt ses liens diplomatiques avec la France.
2007 – février : Libération de quelque 8 000 détenus accusés de génocide. À ce
stade, près de 60 000 suspects ont été libérés depuis 2003 pour soulager le
surpeuplement dans les prisons.

9

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

2007 – mars : Nouvelle révision de la loi Gacaca par la loi organique n° 10/2007,
qui classe les infractions selon des catégories et promulguant des lignes
directrices relatives aux condamnations.
2007 – novembre : Le Rwanda signe un accord de paix avec la RDC. Dans le
cadre de cet accord, la RDC remettra à Kigali et au TPIR tous ceux soupçonnés
de participation au génocide de 1994.
2008 – septembre : Le parti FPR du président Paul Kagame remporte les
élections parlementaires à une large majorité.
2009 – novembre : Le Rwanda est admis au sein du Commonwealth, le
deuxième pays seulement après la Mozambique à devenir membre en l’absence
d’un passé colonial britannique ou de liens constitutionnels qui le lient au
Royaume-Uni ; la France et le Rwanda restaurent des relations diplomatiques,
trois ans après leur rupture autour d’un désaccord portant sur la responsabilité
du génocide.
2010 mars : Fin du processus Gacaca est annoncée.

10

Rapport sur la Gacaca : Penal Reform
International
Ce volume de synthèse s’appuie sur les informations contenues dans tout un
ensemble de rapports de recherche sur le processus de la Gacaca que PRI a
produits depuis 2001. Ces rapports, visés ci-dessous, peuvent être
téléchargés en anglais et en français à partir de : www.penalreform.org
INTITULÉ DU RAPPORT

DATE DE
PUBLICATION

Les juridictions Gacaca et leur préparation

Janvier 2002

Recherche sur la Gacaca

Juillet 2002

La procédure d’aveux, pierre angulaire de la justice
rwandaise

Janvier 2003

Recherche sur la Gacaca

Septembre 2003

Rapport de recherche sur la Gacaca (Étude de cas de
Kibuye, Partie 1)

Novembre 2003

Rapport de recherche sur les juridictions Gacaca :
La Gacaca et la réconciliation (Étude de cas de Kibuye,
Partie 2)

Mai 2004

Du camp à la colline, la réintégration des libérés

Mai 2004

Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca :
Les Justes : Entre l’oubli et la réconciliation, Exemple de
la province de Kibuye, (Étude de cas de Kibuye, Partie 3)

Novembre 2004

Rapport intégré sur la Gacaca : Recherche et monitoring :
Phase pilote
Décembre 2005
Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca :
La récolte d’informations en phase nationale

Juin 2006

Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca :
Le travail d’intérêt général, domaines de réflexion

Mars 2007

Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca :
Les procès des infractions contre les biens commises
pendant le génocide : le contraste entre la théorie de la
réparation de la réalité socio-économique du Rwanda

Juillet 2007
11

Eight years on … a record of Gacaca monitoring in Rwanda

Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca. Les
témoignages et la preuve devant les juridictions Gacaca. Août 2008

12

Le règlement du contentieux des infractions contre les
biens commises pendant le génocide. Le contraste entre
la théorie de la réparation de la réalité socio-économique
du Rwanda

Août 2009

La contribution des juridictions Gacaca au règlement du
contentieux du génocide : Apports, limites et attentes sur
l’après-Gacaca

Février 2010

Introduction

Introduction
En 1994, près d’un million de citoyens rwandais ont été massacrés lors d’un
génocide dirigé à l’encontre des Tutsis et des Hutus modérés, planifié et porté à
exécution à la demande de l’ancien gouvernement.1 Trois autres millions de
personnes ont été forcées de s’exiler. Le pays s’en est retrouvé exsangue. Les
institutions responsables de l’application de la justice et de la loi (les tribunaux, la
police, les prisons, etc...) ont cessé de fonctionner. Fin 1994, le Rwanda ne
comptait pas plus de 20 magistrats pour l’ensemble du pays.2
Pour commencer, près de 130 000 individus ont été accusés d’organiser le
génocide ou d’y prendre part et ont été incarcérés dans des conditions très
précaires, dans des prisons destinées à n’accueillir pas plus de 18 000
personnes. Quelque 7 années plus tard, en 2001, on dénombrait encore 125 000
détenus en attente de procès. À l’époque, PRI a sonné l’alerte sur le terrible
surpeuplement carcéral au Rwanda, en relevant que les conditions de détention
risquaient de se détériorer encore plus dans le cas vraisemblable de l’arrivée
continue de nouveaux détenus.3
L’option d’une amnistie généralisée pour les accusés a été rejetée par le nouveau
gouvernement rwandais, son peuple et la communauté internationale. Au lieu de
cela, il a été décidé qu’il devrait y avoir responsabilisation du génocide et des
massacres afin d’éradiquer la culture d’impunité existante, et de renforcer le
respect de l’état de droit et le principe du respect de la légalité.
En dépit de l’aide apportée par les Nations Unies, des gouvernements étrangers
et de plusieurs ONG (organisation non-governmentate) en vue de rebâtir
l’infrastructure judiciaire, face à l’ampleur colossale de la violence perpétrée et du
nombre d’accusés, le gouvernement rwandais en a conclu que le système de
justice conventionnel du Rwanda n’arriverait jamais, à lui seul, à venir à bout des
problèmes judiciaires auxquels le pays était confronté.4 En 1998, le
gouvernement a commencé à se pencher sur d’autres moyens de rendre justice
au vu des circonstances uniques du Rwanda. Ce travail a abouti l’année suivante
à la présentation de propositions de « juridictions Gacaca » (appelées aussi
tribunaux Gacaca ou simplement Gacaca dans le présent rapport)
La « Gacaca », qui signifie littéralement « gazon », et dont les origines se
retrouvent dans les modes de règlement traditionnels des conflits de voisinage
(voir glossaire), a été conçue comme un système de justice qui verrait la
participation de la société dans son ensemble. Les juridictions Gacaca allaient
introduire un caractère unique et novateur dans les questions de justice
transitionnelle. Pour la première fois, une population (adulte) entière se verrait
confier la responsabilité de juger des individus accusés de crime de génocide et
d’autres crimes contre l’Humanité.

13

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

La nature localisée et accessible de l’approche de la Gacaca était perçue comme
s’affichant en vif contraste par rapport à la déconnexion et à la lenteur du
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) désigné par les Nations Unies
(TPIR).5
C’est dans ce contexte que PRI a conçu et élaboré un programme de
« recherche-action » spécifiquement tourné vers les juridictions Gacaca. Ce
programme avait comme objectif de fournir à tous les participants au processus,
et avant tout aux autorités rwandaises, les informations nécessaires pour
améliorer et optimiser les Gacaca, en tenant compte des défis et des enjeux
soulevés par la nécessité d’une réconciliation nationale.

1.1 Pourquoi la Gacaca ? 6
Pour le gouvernement rwandais, l’approche des juridictions Gacaca était jugée
présenter plusieurs avantages par rapport aux modèles de justice
conventionnels :7
Premièrement, les juridictions Gacaca allaient permettre d’accélérer les procès.
Les victimes et les suspects auraient moins longtemps à attendre que justice soit
faite que par le biais de tribunaux ordinaires.
Deuxièmement, ces juridictions réduiraient le coût pour le gouvernement de
maintenir les prisons et permettraient de faire face à d’autres besoins urgents.
Troisièmement, la participation communautaire constituerait la méthode la plus
efficace d’établir la vérité.
Quatrièmement, les juridictions Gacaca seraient un moyen d’éradiquer la
culture d’impunité existante, en veillant à responsabiliser les actes de génocide
et autres crimes contre l’Humanité plus rapidement qu’en passant par
l’intermédiaire des tribunaux conventionnels.
Cinquièmement, l’introduction d’approches novatrices en matière de justice
pénale, comme par exemple des pénalités basées sur le travail (le travail d’intérêt
général) contribuerait à réintégrer les criminels dans la société. Sur un plan plus
pragmatique, l’introduction du travail d’intérêt général serait également un moyen
de répondre au besoin urgent de soulager la surpopulation chronique des
prisons.
Pour finir, les juridictions Gacaca aideraient le cours de la cicatrisation et de la
réconciliation nationale au Rwanda, jugée être l’unique garantie ultime pour
assurer la paix, la stabilité et le développement futur du pays et l’autonomisation
de son peuple.
Si la plupart des observateurs à l’époque s’accordaient sur les avantages
potentiels que présentaient les juridictions Gacaca, il existait (et il existe toujours)
du scepticisme quant à la capacité de ce processus de rendre une justice
14

Introduction

équitable pour tous. Les énormes difficultés bureaucratiques et logistiques à
surmonter pour gérer un système de la sorte à l’échelon national étaient jugées
particulièrement inquiétantes. Les groupes défenseurs des droits de l’Homme
internationaux et locaux ont aussi fait part de leur gêne quant à l’impartialité et à
l’indépendance des milliers de juges non-professionnels des juridictions Gacaca.
D’aucuns craignaient que les juristes soient frappés d’interdiction de toute
participation officielle au processus, à quoi s’ajoutait l’appréhension que les
droits des défenseurs à un procès équitable soient bafoués.
En 1999, le gouvernement a publié une directive décrivant dans les grandes
lignes le concept des « juridictions Gacaca ».8 Celle-ci a donné lieu à débats
nationaux et internationaux portant sur les propositions et à une série d’avantprojets successifs formant les fondements de la « loi Gacaca » qui a fini par être
adoptée et publiée en mars 2001.9
Consciente de l’éventail de difficultés qu’elles allaient rencontrer, les autorités
rwandaises ont décidé de ne pas lancer immédiatement le processus dans
l’ensemble du pays, mais de procéder par étapes successives. La première
étape, désignée la « phase pilote », a commencé en juin 2002 dans 80 « cellules »
communautaires (passant plus tard à 751) sur un total de 10 000 à l’échelon
national. Il était prévu que des évaluations soient faites aussi bien pendant la
phase pilote qu’à la fin de celle-ci, quitte à procéder à des changements au
niveau du processus avant de passer à la « phase nationale ». Le premier
changement majeur est apparu avec l’adoption de la loi organique n° 16/2004 du
19 juin 2004, qui a modifié considérablement la législation de 2001.

15

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Les origines de la Gacaca
Jusqu’à la période coloniale, la Gacaca constituait le mode traditionnel auquel
avaient recours des membres d’une même famille pour résoudre leurs problèmes.
Lorsqu’il y avait violation des normes sociales, lorsqu’il survenait des conflits,
comme des litiges fonciers, des dommages matériels, des problèmes conjugaux,
des disputes d’héritage, les parties étaient réunies lors de séances informelles
présidées par des Inyangamugayo (des « personnes intègres » de la communauté
locale). En plus de mettre un terme à la violation de valeurs partagées, le principal
objectif lors de ces séances de Gacaca était de restaurer l’harmonie sociale en
réintégrant dans la société les auteurs des transgressions. Contrairement à son
incarnation actuelle, la finalité de la Gacaca dans sa forme originelle n’était pas
d’appliquer le droit de l’État. L’ancien système Gacaca ne traitait pas non plus des
affaires les plus graves, ni des « crimes de sang ».
À l’époque coloniale, un système judiciaire de type occidental a été introduit au
Rwanda, mais la Gacaca a continué à faire partie intégrante des pratiques
traditionnelles. Au moment de l’indépendance, les autorités de l’État ont pris
contrôle de cette institution pour la dominer. Les autorités locales ont assumé le
rôle de l’Inyangamugayo et les séances de Gacaca se sont mises à régler
également les questions administratives locales.
Jusqu’à la création des comités de médiation en 2004, cette forme de Gacaca a
continué à opérer dans l’ensemble du Rwanda, et persiste dans certains endroits.10
Elle se chargeait de résoudre des conflits d’ordre mineur, comme des conflits relatifs
à des droits de propriété suite à un divorce, à l’occupation illégale d’une maison (à
Kigali), à des dommages-intérêts pour le vol de bétail, à la division d’une parcelle de
terre, ou au refus d’honorer une promesse ou une dette.

Les Inyangamugayo avaient pour fonction d’entendre les deux parties concernées
par le litige, de poser des questions et d’écouter les déclarations des membres de
la communauté. Ils prononçaient leur verdict aux deux parties qui pouvaient soit
l’accepter, auquel cas l’affaire était close, soit le rejeter, et alors l’affaire était portée
devant un tribunal ordinaire.
Après le génocide, le gouvernement rwandais, désireux d’aider le ministère public
et les tribunaux à faire face au grand nombre de détenus accusés de génocide, a
envisagé relativement tôt la possibilité d’avoir recours aux Gacaca. Des
« discussions du samedi » ont abouti à la création d’une commission chargée
d’envisager l’éventuel recours aux Gacaca dans le cadre des procès portant sur le
génocide.
La première loi organique établissant les juridictions Gacaca « pour les poursuites
des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre
l’Humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 » a été
dûment adoptée le 26 janvier 2001 et est entrée en vigueur le 15 mars 2001.
16

Introduction

1.2 Recherches de PRI sur la Gacaca11
PRI a apporté son soutien au développement du processus Gacaca depuis le
lancement de son programme Rwanda en 1998. Au fil des ans, les conseils
indépendants de PRI et le soutien qu’il a apporté en termes de formation,
notamment auprès du ministère de la Justice du Rwanda, ont été largement
reconnus. Ses rapports de recherche indépendants publiés régulièrement, qui
constituent les fondements du présent volume (et qui sont listés au début de ce
rapport), continuent d’être une source d’information importante tant pour le
gouvernement rwandais que pour la communauté internationale et les
chercheurs.
Tout au long de ses travaux de recherche, PRI a assuré le monitoring des Gacaca
en les soumettant à analyse légale, ainsi qu’en recueillant et en analysant les
données sur les perceptions et le comportement de toutes les parties prenantes
dans ce processus, et notamment les rescapés du génocide, les témoins et les
détenus, ainsi que les associations locales, les ONG internationales et les
responsables gouvernementaux. Dans le cours de leurs études, les équipes de
recherche ont relevé les principaux défis que présente le processus Gacaca et
ont présenté des solutions à y apporter sous la forme de recommandations
énoncées dans les rapports. Toutefois, soucieux de garder son objectif, PRI a
choisi de ne pas participer à la mise en œuvre de ces recommandations.
PRI a rédigé neuf rapports principaux avant et pendant la phase pilote cruciale
des Gacaca (2001–2004), comportant des études de cas, des analyses légales et
des rapports sur les principaux défis à relever. Au cours de cette période, 562
entretiens approfondis ont été effectués avec des rescapés du génocide et des
détenus, et 801 rapports d’observation de séances Gacaca à proprement parler
ont eu lieu. Cinq autres rapports approfondis ont été rédigés depuis le
déploiement national des Gacaca, couvrant le développement et la mise en
œuvre de ses principaux aspects. PRI a mis fin à ses activités de monitoring des
Gacaca en septembre 2009, et a publié un rapport final en février 2010 dressant
l’analyse de la contribution globale des Gacaca à la résolution des affaires de
génocide.

1.3 Méthodes de récolte des données
Au fil des ans, les équipes de recherche de PRI ont été composées d’enquêteurs
sur le terrain et d’assistants de recherche chargés de traiter les premières
données reconnues. Les équipes étaient placées sous la supervision d’un
coordinateur de recherche et de monitoring, dont la fonction était de déterminer
les problèmes ainsi que de compiler, d’analyser et de vérifier les données
traitées. Tout au début du processus, PRI a pris la décision de recruter des
enquêteurs rwandais originaires des localités dont ils ont été chargés de mener
leurs observations. Cela leur a permis de participer aux séances Gacaca tout en
étant directement témoins des réactions publiques qui leur ont fait suite. Cette
17

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

méthode s’est avérée un moyen efficace de récolter des informations fiables
dans un contexte où la population continue en grande partie d’afficher une très
grande méfiance vis-à-vis de quiconque qui pose des questions sur les Gacaca
et le génocide.
Malgré quelques changements d’effectifs au cours de la période de recherche,
les méthodes de récolte des données sont restées pratiquement inchangées
depuis le premier rapport qui a été publié en 2002. Tout au long du processus de
recherche, la récolte de données s’est principalement faite sur une base
qualitative et participative. En plus de techniques et d’enquêtes d’observation
directes, les entretiens approfondis et semi-directifs et les discussions en
groupes de discussion qui ont eu lieu se sont avérés un moyen particulièrement
fructueux et subtil de récolter des informations fiables auprès de sources qui
rechignaient tout à fait naturellement à faire part de leurs points de vue au sujet
du génocide. Depuis le début de la recherche, l’équipe de recherche de PRI a
effectué plus de 2500 entretiens individuels.
Les travaux de recherche sur les perceptions des populations ont nécessité
d’avoir recours à des connaissances locales approfondies. L’objectif recherché
n’était pas tant de récolter des « faits » mais plutôt de comprendre d’une part la
signification attachée à des événements, et d’autre part les attitudes, le
comportement et les actions que cette signification a entraînés. C’est grâce à
cette méthodologie que les enquêteurs locaux de PRI ont pu avoir des entretiens
riches et récolter des données primaires qu’il a ensuite été possible de comparer
et de valider à des sources secondaires pour vérifier les informations données.
Une fois que les résultats préliminaires ont été disponibles, un expert
indépendant les a passés en revue pour en évaluer la validité.
Les questions et les problèmes majeurs, et les solutions proposées, que les
travaux de recherche ont permis d’identifier se sont basés sur les points de vue,
les besoins et les intérêts des milliers de Rwandais ordinaires qui représentent la
multiplicité des perspectives qui existent vis-à-vis du processus Gacaca. Bien
entendu, les travaux de recherche ont également été guidés par les propres
expériences des équipes de recherche, ainsi que par le biais de discussions avec
d’autres organisations locales et internationales, et en s’aidant des publications
existantes portant sur le génocide et l’après-génocide, au Rwanda et ailleurs.
Une liste de documents ne provenant pas de PRI, et notamment des livres,
rapports, articles et informations officielles du gouvernement, figure à la rubrique
des références bibliographiques, à la fin du présent volume.
Une vigilance constante a été apportée à veiller à ce que les lieux de recherche
reflètent la situation rwandaise dans le sens plus large. C’est pour cette raison
que la recherche a été effectuée dans des zones rurales et urbaines, ainsi qu’au
niveau de la cellule, du secteur et du district (voir l’encart sur « Les divisions
administratives du Rwanda », section 2.1). Toutefois, il est arrivé dans certains
cas que des localités soient choisies précisément parce qu’elles représentaient
des situations anormales ou soulevaient des questions pertinentes vis-à-vis du
processus Gacaca.
18

Introduction

Dans ses divers rapports, PRI s’est penché sur l’évolution des juridictions
Gacaca, il a étudié les procédures, les processus et les résultats des procès, et a
cherché à expliquer le contexte unique dans lequel le système se trouvait.
Lorsqu’il s’est agi de décrire et d’analyser ses résultats, PRI s’est efforcé le plus
possible de faire preuve d’impartialité. Les conclusions tirées et les
recommandations formulées ont été faites de bonne foi, notamment en vue
d’améliorer le processus Gacaca pour les victimes du génocide, les détenus,
leurs familles et le Rwanda dans son ensemble.
Bien que les plans d’étude initiaux pendant la phase pilote de la Gacaca n’aient
pas cherché à récolter de données par ethnicité, les enquêteurs ont relevé que
les personnes interviewées avaient largement recours à des stéréotypes
régionaux et ethniques pour se décrire elles-mêmes et leurs compatriotes. Cette
observation a en quelque sorte forcé l’équipe de recherche à tenir compte du
concept et du rôle de l’ethnicité pour comprendre les attitudes vis-à-vis du
processus Gacaca.

1.4 Limites de la recherche
Comme pour toute recherche, les études de PRI s’accompagnent de certaines
limites.
La dimension « action » de cette recherche sous-entend la possibilité d’un
parti-pris, tout particulièrement en ce qui concerne les questions de distance
entre observateur et observé et de subtilité dans le traitement des perceptions.
Ainsi par exemple, les enquêteurs sur le terrain de PRI, qui tous étaient des
Rwandais, portaient eux aussi les cicatrices émotionnelles et physiques du
génocide qui ont laissé une marque si profonde sur la population rwandaise dans
son ensemble. Le fait que les enquêteurs étaient enracinés dans un contexte
caractérisé par une profonde rupture sociale ne pouvait qu’influer sur leurs
perceptions et, par conséquent, sur leur compréhension des réalités sociales qui
affectent la société. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils n’étaient pas
qualifiés pour réfléchir au processus Gacaca. Bien au contraire, leurs
connaissances « d’initiés » ont garanti qu’ils possédaient des connaissances
profondes, notamment des contextes culturels et des enjeux sociaux.
Cependant, pour éviter que ce statut « d’initié » ne se traduise par du parti-pris,
leurs points de vue ont été associés aux points de vue plus détachés d’une
équipe de recherche basée à Kigali, composée d’effectifs de recherche rwandais
et expatriés.
Par ailleurs, et en dépit des précautions scientifiques prises, les entretiens
semi-directifs qui posaient des questions ouvertes n’ont pas permis d’assurer
qu’ils se déroulent selon un mode uniforme, et donc a compliqué le traitement
des informations. Cette méthode qualitative avait toutefois été jugée le moyen le
plus efficace d’approfondir et d’enrichir l’étude complexe des questions de
perception et de comportement.
19

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Un autre problème se situait aussi au niveau du risque de parti-pris du processus
translationnel. Des précautions ont toutefois été prises pour atténuer ce risque.
Les transcriptions des entretiens qui se sont déroulés en kinyarwanda ont été
traduites en français puis vérifiées par un second traducteur. Les rapports de
monitoring, rédigés en français, ont été traduits en anglais et vérifiés, eux aussi,
par un second traducteur. Ce processus de contrôle a permis d’identifier et
d’améliorer les nombreuses imperfections linguistiques qui auraient pu,
autrement, porter atteinte à la compréhension des problèmes.
Pour finir, et en dépit des efforts fournis par PRI pour valider les données, il
convient de rappeler qu’une recherche de ce genre ne peut jamais être
exhaustive. Tant bien même que les résultats présentés dans les études PRI ont
mis en exergue des tendances claires et convaincantes, le tableau qu’ils dressent
d’événements tellement complexes ne peut que forcément être incomplet.

1 En décembre 2001, le gouvernement rwandais a publié le nombre de victimes du génocide
perpétré entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 2004. Ces statistiques font part de
1 074 017 de personnes tuées, dont 93,7 % d’entre elles étaient des Tutsis.
2 Amnesty International, Rwanda: The enduring legacy of the genocide and war (Rwanda : Le
legs durable du génocide et de la guerre), Londres, AFR 47/008/2004, avril 2004.
3
Penal Reform International, Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002.
4 Le gouvernement a reconnu que, en vertu du système judiciaire conventionnel, il faudrait
compter plus de 100 ans pour porter en justice chaque accusé.
5
D’après les informations fournies par le TPIR, 49 affaires individuelles ont abouti depuis
qu’il a commencé à travailler en 1995 (avec 9 affaires en instance d’appel, 8 individus
acquittés et 1 révision de procès) ; 24 affaires sont en cours et deux individus sont en
instance de jugement. Onze accusés sont toujours en liberté. Source : www.TPIR.org
(consultation le 28 février 2010).
6
Voir plus particulièrement Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002.
7
« Discours du vice-président et ministère de la Défense à l’occasion de l’ouverture du
séminaire sur les juridictions Gacaca », Kigali, 12 juillet 1999.
8
« Les tribunaux Gacaca investis de la compétence concernant les crimes contre l’Humanité
du génoicde et autres violations des droits de l’Homme qui ont eu lieu au Rwanda entre le
1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 », Kigali, juillet 1999.
9
« Loi organique portant création des juridictions Gacaca et organisation des poursuites des
infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’Humanité, commises
entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 », Journal officiel de la République du
Rwanda, 15 mars 2001, pp. 33–65.
10 Le changement légal a été apporté par la loi organique n° 17/2004 du 20 juin 2004
« portant organisation, compétence et fonctionnement du comité de médiation », Journal
Officiel de la République du Rwanda, 8 juillet 2004.
11 Pour obtenir des compléments d’informations sur le processus de recherche de PRI, ses
méthodes de récolte de données et ses limites, reportez-vous plus particulièrement au
rapport intitulé Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002.

20

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

2 Établir la vérité : La Gacaca dans la
théorie et dans la pratique
Après avoir décidé d’établir un système de justice spécifiquement conçu pour le
règlement du contentieux du génocide, mais sans le moindre modèle sur lequel
le baser, le gouvernement rwandais a pris la décision d’avancer avec prudence
en commençant par une phase pilote. L’objectif de cette phase était de glaner de
l’expérience et d’évaluer le fonctionnement du processus en vue d’ajuster, au
besoin, des aspects du projet avant de le déployer à l’échelon national.
Les observateurs locaux et internationaux ont accueilli la décision d’avancer
lentement de manière circonspecte. On s’inquiétait que toutes les conditions
nécessaires ne soient pas en place pour en assurer le succès. Il provoquait un
certain malaise dû à une multitude de raisons :
• La plupart des criminels génocidaires étaient trop indigents pour pouvoir
dédommager adéquatement leurs victimes. Dans le même temps, les
ressources de l’État étaient inadéquates pour établir un régime national de
compensation financé par l’État, bien que la compensation fût un facteur clé
pour encourager les rescapés du génocide à participer de manière constructive
au processus.
• Il n’existait ni les fonds nécessaires pour la mise en place du système de travail
d’intérêt général, ni l’infrastructure essentielle pour sa mise en œuvre.
• La formation reçue par les juges Inyangamugayo n’était pas suffisamment
longue ou de qualité suffisamment bonne pour faire face à la tâche complexe
et délicate à accomplir.
• Les « fiches parquets », qui comportaient des informations sur chaque détenu,
exigées par la loi et nécessaires au fonctionnement des juridictions Gacaca,
n’étaient toujours pas disponibles. Dans la réalité, la plupart avaient été établies
mais il restait encore à les distribuer.
En dépit de ces inquiétudes et d’un climat de peur concernant la possibilité de
représailles et de vengeances meurtrières, la phase pilote du système Gacaca a
été lancée le 19 juin 2002 dans 79 cellules réparties entre 12 secteurs pilotes (un
secteur par province), les cellules pilotes étant sélectionnées selon les critères
suivants :
• Les cellules comportant un nombre d’aveux supérieur à la moyenne (il
s’agissait du principal critère retenu)
• La disponibilité de l’infrastructure
• De bons résultats obtenus à la fin de la formation dispensée aux juges
Inyangamugayo
• En règle générale, une population qui coopère
21

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

La deuxième étape de la phase pilote a commencé le 25 novembre 2002, avec le
lancement de juridictions dans 106 autres secteurs, pour s’ajouter aux 12 déjà
opérationnels. Dans la pratique, cela entraîné la participation de 672 cellules
supplémentaires.
Ce n’est qu’en 2004, après deux ans et demi de récolte d’informations, que les
juridictions pilotes ont terminé leur travail. Contrairement aux craintes initiales, la
phase pilote s’était déroulée paisiblement et on jugeait généralement qu’elle
s’était bien passée. Le prochain défi consistait à déterminer la manière de s’y
prendre pour synchroniser le lancement de la récolte d’informations par les
juridictions Gacaca sur le plan national sans pour autant briser l’élan des
juridictions pilotes. Deux options se sont présentées tout naturellement :
La première option consistait à ce que les juridictions pilotes attendent que les
autres juridictions Gacaca les rattrapent, pour que la phase de jugement puisse
se faire simultanément dans l’ensemble du pays. Le principal avantage à cette
approche permettait d’éviter de dupliquer les procès et de ne juger les accusés
que dans la cellule où ils avaient perpétré les infractions les plus graves.
C’est toutefois la deuxième option qui a fini par être retenue : elle prévoyait le
lancement simultané de la récolte d’informations sur le plan national et l’entrée
dans la phase de jugement des juridictions pilotes. Le choix avait donc été pris
de faire comparaître les accusés dans chaque cellule où ils avaient commis des
infractions.
Le raisonnement des autorités s’articulait en trois volets : d’abord, cela permettait
à tous ceux concernés par la phase pilote de continuer sur leur élan et donc
d’éviter tout retard potentiellement long ; deuxièmement, il a été jugé que la
réconciliation serait facilitée si chaque accusé comparaissait devant chaque
cellule où il avait commis des infractions, pour que chaque victime puisse faire
face à l’auteur du crime ; et enfin, cette approche était jugée la plus susceptible
d’accélérer le processus, puisqu’il aurait fallu plus de temps pour compiler
l’intégralité des accusations prononcées à l’encontre d’un même criminel plutôt
que de le faire comparaître devant des juridictions Gacaca multiples.

22

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

Les Gacaca anciennes et nouvelles
Le système Gacaca d’aujourd’hui, mis en place pour régler le contentieux du
génocide, peut-il véritablement revendiquer être l’incarnation du modèle Gacaca
traditionnel dans sa finalité réconciliatrice et ses principes de participation ? Dans
sa forme actuelle, la Gacaca existe sous une forme hybride, empruntant autant à
la tradition qu’au système judiciaire ordinaire.
La première distinction de taille entre l’ancien système et le nouveau tient à la
nature publique des séances. Dans le contexte de la Gacaca traditionnelle, la
séance se déroulait entre les parties concernées, elle se chargeait de régler les
conflits au sein d’une même famille et s’efforçait de ne pas porter le problème
dans le domaine public.
Deuxièmement, et c’est un point crucial, chaque Gacaca traditionnelle opérait de
manière complètement spontanée. L’idée recherchée était, avant tout, de
parvenir à un accord mutuel, fruit d’un compromis entre les intérêts des parties
concernées et ceux de la communauté. Les individus s’y présentaient de leur
plein gré pour témoigner dans un désir de continuer de faire partie de la société
dont ils avaient enfreint les règles. Les juges Inyangamugayo remplissaient le rôle
d’arbitres judiciaires et étaient libres de prendre les décisions qui semblaient les
plus appropriées. Au contraire, les juridictions Gacaca contemporaines n’ont pas
traité de conflits locaux. Elles se sont attachées à régler le contentieux issu d’un
génocide organisé, orchestré initialement par l’État.12 L’État, plutôt que le
consensus social, s’est chargé de définir le modus operandi de ces nouvelles
juridictions.
Par ailleurs, la loi nationale décrétait le fonctionnement de ces juridictions plus
récentes, ainsi que l’éventail de pénalités qu’elles pouvaient prononcer. La
commission électorale a été chargée de la coordination et de la supervision des
élections des Inyangamugayo, élections qui avaient elles-mêmes été décrétées
par un arrêté présidentiel.13 La supervision et la coordination de ces récentes
juridictions Gacaca, qui pour commencer avaient été placées sous le contrôle
d’un département de la Cour suprême, ont fini par incomber à une instance de
l’État créée dans cette fin et baptisée le Service National des Juridictions Gacaca
(SNJG).
Autorisées par la loi à effectuer des enquêtes, délivrer des demandes de
comparution, prononcer des ordres de détention préventive ainsi qu’à imposer
des peines, les récentes juridictions Gacaca ont allié les pouvoirs du système
Gacaca traditionnel aux pouvoirs des tribunaux ordinaires, voire même ceux du
ministère public. Dans les faits, elles ont été de véritables tribunaux pénaux,
dotés d’amples compétences juridictionnelles. Malgré cela, ces récentes
juridictions s’en sont remises lourdement à la participation généralisée et
volontaire du public, étant incapables de fonctionner sans elle.

23

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

2.1 Les structures et la juridiction Gacaca14
Devant le nombre colossal d’accusés et l’importance accordée à la participation
communautaire dans le processus, près de 11 000 juridictions Gacaca ont été
créées. Basées dans des villages, villes et grandes villes des quatre coins du
Rwanda, les juridictions Gacaca ont demandé la participation de chaque homme
et femme adulte de la collectivité (appelée « l’Assemblée Générale ») et, tout du
moins pour commencer, de 19 « personnes intègres » (Inyangamugayo) pour
servir de juges (donc 5 formaient le « comité de coordination » de chaque
tribunal).

Les divisions administratives du Rwanda
• Provinces : Avant 2006, le Rwanda se composait de 12 provinces,
appelées préfectures jusqu’en 2001, qui ont été abolies dans leur
intégralité et redessinées dans le cadre d’un programme de
décentralisation et de réorganisation. Le Rwanda se divise dorénavant en 5
provinces : le Nord, l’Est, le Sud, l’Ouest et Kigali.
• Districts : Avant 2006, on en comptait 106, mais depuis il n’en existe plus
que 30.
• Secteurs : Chaque secteur se compose de plusieurs « cellules » (voir
ci-dessous). On comptait 1 545 secteurs au début du processus Gacaca.
Chaque secteur a eu une juridiction Gacaca.
• Cellules : Au début du processus Gacaca, il existait 9 201 cellules,
chacune composée de 150 à 300 personnes (en moyenne). Chaque cellule
a été dotée de sa propre juridiction Gacaca.
• Nyumbakumi : Le niveau le plus élémentaire de la structure administrative
du Rwanda (remplacé par Umudugudu (village)). Chaque groupe de 10
maisons est placé sous la responsabilité administrative d’un chef élu
localement, appelé Nyumbakumi.

Catégorisation des crimes et des peines
En vertu de la loi Gacaca originale de 2001, les accusés de génocide étaient
répartis en quatre catégories, en fonction du type d’infraction perpétré et de leur
niveau de participation. La loi Gacaca ultérieure de 2004 a réduit le nombre de
catégories, passant de 4 à 3, en vue de rationnaliser le système. Les accusés de
crimes de Catégorie 1 étaient destinés à être jugés par le système de justice
ordinaire. Il était prévu que toutes les autres affaires soient entendues par les
juridictions Gacaca.

24

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

Catégorie 1 : Les planificateurs, organisateurs et meneurs du génocide ; les
individus qui ont agi à des postes d’autorité, les tueurs de grand renom,
ainsi que les coupables de tortures sexuelles ou de viol.
La peine maximale pour ces crimes était la peine de mort, et tous les accusés
relevant de cette catégorie ont été condamnés à la perte permanente et totale de
leurs libertés civiles. La loi de 2004 a élargi cette catégorie en y ajoutant les
« actes de torture » (y compris des actes de torture n’aboutissant pas à un décès)
ainsi que des actes dégradants sur des cadavres. À l’époque, PRI a fait part de
son inquiétude concernant la profonde redéfinition de 2004 qui, jugeait-on, était
susceptible d’accroître le retard accumulé au sein des tribunaux ordinaires et des
prisons.
Catégorie 2 : Ceux qui ont commis, ou qui ont aidé à commettre, des
meurtres ou des attaques contre des personnes qui se sont avérées
mortelles ; ceux qui, avec l’intention de tuer, ont infligé des blessures ou
commis d’autres actes de violence grave qui ne se sont pas avérés mortels.
La peine maximale encourue en vertu de cette catégorie était de 25 à 30 années
de prison, avec pour tous les condamnés perte permanente de leurs libertés
civiles, comme par exemple le droit de vote. Les criminels étaient également
dépourvus du droit de poser leur candidature à des postes dans la fonction
publique, l’enseignement ou le corps médical, autant dans le secteur public que
privé. (Article 76, loi organique n° 16/2004 du 19 juin 2004.)
Catégorie 3 : Ceux qui ont commis des attaques graves sans intention de
provoquer la mort de leurs victimes.
Dans la pratique, la troisième catégorie s’est avérée difficile à gérer. C’est pour
cette raison qu’elle a été éliminée en vertu de la loi de 2004 et les défenseurs
associés à cette catégorie ont été placés comme relevant de la Catégorie 2.
Catégorie 4 : Les criminels contre les biens. Les peines à ce niveau ont
consisté à une réparation des dommages commis sur les biens. Avec la loi de
2004 et la révocation de la troisième catégorie, cette catégorie est devenue de
facto la Catégorie 3.
Les mineurs accusés de crimes de génocide alors qu’ils étaient âgés entre 14 et
17 ans (c’est-à-dire de moins de 18 ans) au moment du crime ont reçu la moitié
de la peine des adultes pour des infractions similaires. Ceux âgés de moins de 14
ans au moment de la perpétration du crime ne pouvaient pas faire l’objet de
poursuites.
En vertu de la loi Gacaca de 2001, sous réserve d’avouer leurs crimes et
d’acceptation de leurs aveux, les détenus avaient le droit de choisir le travail
d’intérêt général à la place d’une peine de prison. Dans la loi de 2004, les
accusés qui avaient avoué perdaient leur droit de refuser le travail d’intérêt
général.
25

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

La loi organique n° 10/2007 du 1er mars 2007 a apporté d’autres changements
importants à la catégorisation des infractions et aux lignes directrices portant sur
les condamnations. Un avenant clé à la loi Gacaca de 2004 par la loi de 2007 a
vu la recatégorisation d’un certain nombre de crimes relevant de la Catégorie 1
(comme les infractions commises par des meurtriers de renom, des tortionnaires
et des individus impliqués dans des actes dégradants) pour les faire relever de la
Catégorie 2, et permettre ainsi qu’ils répondent de la compétence des juridictions
Gacaca. L’effet immédiat d’une telle décision a été de réduire très nettement le
nombre de procès en attente au sein des tribunaux ordinaires (qui étaient déjà
surchargés, devant faire face à une combinaison d’affaires liées au génocide et
d’autres pas), et d’accroître drastiquement la charge de travail du système
Gacaca. Une autre conséquence de ce changement a été de renforcer les
pouvoirs de condamnation des juridictions Gacaca, qui dès lors étaient habilitées
à imposer des peines à perpétuité à tous les accusés déclarés coupables (le
Rwanda a aboli la peine de mort en juillet 2007).
Ce tout dernier changement apporté à la loi Gacaca a suscité un profond trouble
au sein de la communauté légale. On s’inquiétait surtout qu’un procès par la
Gacaca signifiait que les défenseurs seraient dépourvus de représentation légale
et seraient jugés par des juges non-professionnels, n’ayant pas les compétences
ni l’expérience de juger des affaires de la sorte.

Structure et champ d’application des juridictions Gacaca
Dans la loi Gacaca de 2001, la structure des juridictions était conçue pour se faire
le reflet du système administratif du Rwanda. Chaque tribunal correspondait à
une division administrative : la cellule (entre 150 et 300 personnes en moyenne),
le secteur (englobant plusieurs cellules), le district et la province. La loi Gacaca
de 2004 a simplifié l’organisation des juridictions, en vue de réduire le nombre de
juges en améliorant les consignes et la formation qui leur étaient données et, par
conséquent, leur motivation. C’est ce qui a poussé à l’élimination des juridictions
Gacaca au niveau du district et de la province, avec pour résultat qu’au niveau du
secteur, les juridictions Gacaca se sont mises à juger des affaires plus graves, les
juridictions au niveau de la cellule se chargeant des affaires portant sur les biens.
Chaque juridiction Gacaca avait :
• Une Assemblée Générale. Au niveau de la cellule, celle-ci englobait l’intégralité
de la population adulte (c’est-à-dire tous les individus de plus de 18 ans). Les
Assemblées Générales au niveau du secteur comprenaient les juges de chaque
juridiction de cellule sous sa compétence, ainsi que des juges de juridictions
de secteur et de cour d’appel.
• Les juges Inyangamugayo. En vertu de la loi Gacaca de 2001, on comptait 19
de ces juges non-professionnels élus pour chaque juridiction Gacaca, bien que
leur nombre ait été rapporté à 9 à la suite des réformes légales de 2004. Sur
26

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

ces 19 juges, 5 étaient désignés pour former le comité de coordination (nombre
réduit à 3 suite aux réformes de 2004).
Chaque juridiction Gacaca était tenue d’observer le même processus en trois
étapes, et qui est resté inchangé suite aux réformes de 2004 :
1 Récolte d’informations : Les Assemblées Générales des juridictions au niveau
de la cellule étaient chargées de dresser des listes, dans l’intention de retracer
au plus près les événements de génocide qui se sont produits dans leur région.
Il s’agissait des listes suivantes :
• Liste des individus résidant dans la cellule avant et pendant le génocide de
1994
• Liste des individus qui sont décédés dans la cellule
• Liste de ceux qui vivaient dans la cellule à l’époque mais qui sont morts
en-dehors
• Liste des biens endommagés
• Liste des accusés de crimes de génocide à l’intérieur de la cellule
2 Catégorisation : Cette phase a été exécutée par les juges du tribunal de la
cellule, dont la tâche était d’attribuer à chacun des accusés l’une des
catégories d’infractions décrétées par la loi (voir ci-dessus la section portant
sur la catégorisation des infractions). Ce processus déterminait la manière dont
l’accusé allait être jugé (s’il relevait d’une juridiction Gacaca ou d’un tribunal
ordinaire), et l’éventail des peines applicables au cas où sa culpabilité venait à
être établie.
3 Jugement et condamnation : La condamnation a été confiée au tribunal
concerné en fonction de la catégorie dont relève l’accusé, les juridictions au
niveau de la cellule traitant des affaires de 3e (et de 4e) catégories. Les affaires
de 2e catégorie ont été traitées au niveau du secteur, les affaires de la 1re
catégorie étant entendues par les tribunaux ordinaires.

2.2 La qualité des preuves et la participation de
l’État dans sa récolte15
Une fois que le processus Gacaca est entré dans sa phase de récolte des
informations à l’échelon national, les autorités ont été confrontées à deux
difficultés élémentaires mais complexes :
La première concernait la recherche de la vérité. Cet objectif fondamental de la
Gacaca, difficile dans le meilleur des cas, a été exacerbé par le traumatisme que
continuaient de vivre les rescapés du génocide, dont beaucoup ont eu du mal à
revivre leurs expériences. Il s’est avéré particulièrement difficile de s’assurer de la
véracité des témoignages déposés par des individus qui n’avaient pas toujours
été des témoins directs des événements, ou fournis par les criminels dont
l’intérêt était de ne pas révéler la vérité (ou dont les aveux étaient morcelés).
27

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

La deuxième difficulté portait sur la manière de s’y prendre pour accélérer le
processus Gacaca sur le plan national, lorsque dans sa phase pilote, il s’était
déroulé plus lentement que prévu. L’accélération de ce processus relevait d’une
priorité croissante devant l’envolée du nombre d’accusés : si au début du
processus, on en dénombrait 130 000, on a estimé que près de 750 000 individus
étaient concernés, soit près d’un adulte rwandais sur quatre.
Pour répondre à ces objectifs, les autorités nationales, fidèles à une approche de
plus en plus pragmatique pour mettre en route ce processus complexe, ont
choisi de s’appuyer sur les autorités locales pour se charger de l’exercice de la
récolte d’informations. En conséquence de quoi, fin 2004, le Service National des
Juridictions Gacaca a décidé de confier aux Nyumbakumi non seulement
l’organisation mais aussi l’exécution à proprement parler de la récolte
d’informations. Par conséquent, en 2005, une partie de la récolte d’informations
s’est déroulée en-dehors du cadre des juridictions Gacaca, qui n’ont repris leurs
fonctions que pour « valider » les données récoltées par les autorités locales.
Il convient aussi de dire que l’externalisation de la récolte d’informations dans
certaines localités a permis d’accélérer de beaucoup le processus. Elle s’est
traduite également par un renforcement significatif de la participation du public et
du nombre de « données factuelles » obtenues sur les crimes génocidaires.
Néanmoins, bien qu’elle ait permis de résoudre certains problèmes, la
« déjudiciarisation » de la récolte des informations n’a pas non plus été sans
créer des difficultés nouvelles. Dans les juridictions Gacaca, où les témoignages
ont constitué l’unique moyen de révéler la vérité, ces nouvelles méthodes de
récolte des données ont gravement porté atteinte au droit des défenseurs à se
défendre d’accusations prononcées à leur encontre. Plusieurs aspects de
l’accélération de ce processus de la récolte des informations ont été jugés
particulièrement inquiétants :
Tout d’abord, pour faciliter le travail de récolte des informations, les nouveaux
formulaires de récolte d’informations ne prévoyaient pas d’espace pour y
consigner le témoignage de la défense. Les témoins étaient ainsi incités à se
contenter de fournir des informations sur les crimes commis, ainsi que le nom
des victimes et des accusés. Toutes les autres informations que les témoignages
auraient pu fournir ont ainsi été perdues. C’est à la suite de cette décision et
d’autres mesures conçues pour accélérer le processus que les défenseurs ont
été confrontés à des difficultés accrues pour se défendre. Il s’agit là de l’un des
impacts nuisibles du système Gacaca sur le droit des défenseurs à un procès
équitable et sur l’érosion du principe de la présomption d’innocence.
Par ailleurs, au début, les Nyumbakumi réunis en petits groupes, et étayés par
des réunions aux niveaux de la cellule et du secteur, se sont chargés de la récolte
d’informations. Au cours de ce processus, les consignes données aux individus
présents indiquaient que toutes les informations étaient les bienvenues, y
compris les informations provenant de gens qui n’étaient pas des témoins
oculaires, à condition que les preuves soient utiles aux poursuites. Cela a ouvert
28

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

la voie à un usage abusif du système, puisqu’il était possible de prononcer des
accusations sans crainte de contradiction et sans vérification. L’absence de la
moindre barrière de contrôle et le non-respect de la légalité ont suscité un climat
enclin aux exagérations et au risque de fausses accusations et que le processus
Gacaca soit utilisé en vue de régler des comptes personnels. Tous ceux qui se
jugeaient vulnérables à des fausses accusations s’en sont directement ressentis :
beaucoup ont perdu confiance dans le processus et des rapports font mention
de personnes fuyant le pays à cause de cela.
Il avait été escompté pour commencer que les accusations irresponsables
prononcées lors de la phase de récolte des informations auraient été
contrebalancées par de véritables débats lors des réunions de validation au sein
des Assemblées Générales des juridictions Gacaca. Or il n’en a pas toujours été
ainsi. Dans la très grande majorité des audiences observées par PRI, le travail
des juges Gacaca s’est contenté de consigner les informations fournies, sans la
moindre discussion. Cela n’a fait que renforcer chez certains qu’une partie de
cette récolte d’informations se faisait « sous l’influence » des autorités locales. Et
cela a eu aussi pour effet d’entamer l’autorité des juges Gacaca vis-à-vis du
public.
En conséquence de quoi, le droit à porter témoignage pour la défense, et le droit
du défenseur à se défendre, n’ont été que reportés à plus tard, à la phase du
jugement. Cette approche unilatérale des preuves unilatérales s’est faite non
seulement au détriment des défenseurs, mais elle aussi constitué une sérieuse
entrave à la recherche de la vérité. Cette évolution s’est avérée d’autant plus
nuisible que la catégorisation des crimes reposait exclusivement sur la récolte
des informations et elle a marqué un moment légal clé très lourd de
conséquences sociales. Les résultats de plusieurs études PRI ont révélé que la
priorité accordée à la célérité du processus aux dépens du principe de justice
équilibrée (qui se base sur des principes de respect de la légalité et de
présomption d’innocence) a eu pour effet d’éroder la confiance du public vis-àvis des Gacaca et d’entamer la coopération du public, et cela malgré le recours
accru, parallèlement à cela, au processus des recours en appel de la Gacaca et
en dépit du nombre important d’acquittements et de recatégorisation des
infractions qui en ont résulté.

2.3 Les juges Gacaca et leurs fonctions16
Entre le 4 et le 7 octobre 2001, plus de 250 000 juges Inyangamugayo ont été
élus partout au Rwanda lors d’un scrutin public pour servir au sein des
juridictions Gacaca. D’après la commission nationale chargée des élections, la
participation a atteint un niveau record de 87 %. Ce fort taux de participation
était d’autant plus surprenant devant le peu d’informations sur les Gacaca que
les autorités avaient donné jusque-là. Pourtant, il semblerait que cette lacune ait
été surmontée par la mobilisation efficace de l’autorité locale Nyumbakumi, qui a
29

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

fait du porte-à-porte pour s’assurer que la population apporterait son soutien au
processus et pour établir une liste de juges potentiels. Pourtant, tout le monde
n’était pas convaincu que les Nyumbakumi ont eu un effet positif sur le
processus. Certains y ont vu leur participation comme une tentative de contrôler
les candidats, et par conséquent les résultats des élections.
Les rescapés comme les détenus n’ont pas tardé à avoir des craintes sur
l’intégrité et l’impartialité véritables des Inyangamugayo. Des extraits de
témoignages de plusieurs personnes interrogées ont bien traduit les inquiétudes
que partageaient beaucoup de gens à l’époque :
« Où vont-ils trouver des juges qui ne sont pas étroitement impliqués ? »
« Sur les collines, où tous les Tutsis ont été tués et où seuls subsistent les
Hutus, qui va porter témoignage pour accuser les détenus ? Qui va se
charger des élections ? Qui va être sélectionné ? Est-ce que cela ne risque
pas d’être ceux qui ont tué ? »
« Toutes les autorités sont, en général, Tutsis, et les gens disent que ce sont
elles [les autorités] qui sont responsables de préparer la population à l’élection
des juges. Comment vont-elles s’y prendre pour ne pas corrompre la
population, voire même ces juges ? »
Dans son discours adressé à la nation, le président Paul Kagame a enjoint les
Rwandais à élire des gens honnêtes, intègres et travailleurs, et de le faire sans
faire preuve de la moindre discrimination. Néanmoins, il est indéniable que ces
élections ont donné lieu à des formes de raisonnement sectaire, chacun
entretenant des attentes particulières vis-à-vis des Gacaca. Les rescapés du
génocide et les réfugiés tutsis qui avaient survécu ont battu campagne pour
obtenir le plus grand nombre possible de représentants, en partie pour
compenser leur situation en tant que membres de la minorité ethnique, mais
aussi parce qu’ils envisageaient les Gacaca comme un moyen d’arrêter les
criminels qui étaient toujours en liberté. De l’autre côté, on avait ceux qui
affichaient un intérêt manifeste à être élus juges, particulièrement chez les
membres des familles de détenus, car beaucoup craignaient qu’ils auraient plus
tard à partager les responsabilités de nouvelles arrestations en masse.
Le jour du scrutin, l’élection des Inyangamugayo s’est faite par vote indirect. Les
candidats sélectionnés par les Nyumbakumi ont été publiquement présentés aux
adultes de la cellule en âge de voter, qui ont été incités à faire part de leurs avis
sur les candidats. À l’époque, il était toujours possible que le public propose un
nouveau candidat. S’il est difficile de déterminer quels ont été les véritables
critères « d’intégrité » à être observés, il est possible de citer les raisons pour
lesquelles certains candidats ont été écartés. Il s’agissait des motifs suivants :
alcoolisme ; comportement « immoral », comme adultère ou prostitution ; défaut
de paiement de ses dettes ; participation à des pillages pendant le génocide ;
agressivité et violence. Le scrutin à proprement parler s’est déroulé en
demandant aux gens de se mettre derrière le candidat qu’ils soutenaient.
30

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

Les candidats élus au niveau de la cellule ont été appelés eux-mêmes à voter,
cette fois par écrit et en secret, pour élire les membres du comité de coordination
de la cellule, et ces juges ont été envoyés pour servir au niveau du secteur. Le
même processus s’est reproduit au niveau du secteur, du district et de la
province.
Malgré un fort taux de participation des femmes au scrutin, les statistiques de la
Commission électorale montrent que relativement peu d’entre elles ont été élues
en tant que juges. La plus forte proportion de femmes juges s’est situé au niveau
de la cellule, les femmes représentant le tiers d’entre eux. La prépondérance de
la gente masculine chez les juges reflète en partie la différence des taux
d’alphabétisme entre les hommes et les femmes (surtout chez les plus de 30
ans), mais elle traduit aussi la conviction généralisée que la responsabilité d’un
juge Gacaca est réservée aux hommes.
Le premier manuel de formation pour les juges Gacaca a été formulé en octobre
2001, avec l’aide d’Avocats Sans Frontières. La formation à partir de ce manuel a
été organisée au cours des mois d’avril et de mai 2002, avant l’entrée en action
des juridictions. Cette formation s’est toutefois limitée à un maximum de 36
heures et s’est avérée insuffisante. Les juges ont été les premiers à reconnaître
qu’il était difficile de maîtriser la législation Gacaca en si peu de temps, et leur
manque de compréhension de la loi Gacaca s’est fait tout particulièrement sentir
lorsque les juridictions se sont mises à opérer.
Après ces difficultés, et la révision de la loi en 2004, plusieurs séances de
formation supplémentaires ont été organisées au cours des années suivantes
pour aider les juges à approfondir et à mettre à jour leurs connaissances des
textes. Dans le même esprit, les instances de l’État chargées de la Gacaca ont
publié des livrets de consigne simplifiés sur la loi Gacaca, notamment en ce qui
concerne les procédures. Plus tard, des « coordinateurs de Gacaca » ont été
embauchés pour conseiller et soutenir les juges Gacaca du pays entier dans leur
tâche de rendre justice.
Il ne faudrait pas sous-estimer l’impact qu’ont eu les actions des juges sur la
qualité et les résultats des procès Gacaca. La tenue de procès équitables a
dépendu de leur capacité à interroger et à contre-interroger les défenseurs et les
témoins, à les confronter, à faire la distinction entre des preuves directes et des
ouï-dire, entre de faux-témoignages par rapport à la vérité, et à convaincre un
témoin réticent ou appréhensif à témoigner. Bien souvent, les dossiers des
audiences précédentes ont été mal tenus ou indisponibles, et les juges devaient
s’en remettre alors uniquement à leur mémoire pour se rappeler de ce qui avait
été dit. La capacité des juges à motiver et à « tenir » leur public au cours d’une
période prolongée a également joué un rôle vital dans la recherche de la vérité et
pour éviter les erreurs judiciaires.
Devant une tâche si difficile, et compte tenu que leur légitimité était basée
exclusivement sur leur intégrité, certains juges ont été accusés de parti-pris, ce
qui était inévitable. En effet, les statistiques du Service National des Juridictions
31

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Gacaca ont indiqué qu’en 2004 (pendant la phase pilote), il a fallu remplacer 9 %
des juges Gacaca (soit 1 319 d’entre eux sur un total de 14 402), la moitié en
raison de leur participation passée au génocide.17 Par conséquent, pour
commencer, ce sont les rescapés du génocide qui ont affiché le plus de méfiance
vis-à-vis des juges :
Les Inyangamugayo sont des juges des juridictions Gacaca dont la mission
devrait inculquer des valeurs positives chez participants. On a cependant
trouvé parmi eux des gens qui voulaient se faire passer comme des
Inyangamugayo alors qu’ils ne l’étaient pas. Il nous est difficile de trouver un
vrai Inyangamugayo. Mais globalement, on pense que ces juges prendront de
bonnes décisions.
Rescapé du génocide, 2003.

Malgré la foi que leur ont accordée les Rwandais ordinaires, les rapports de PRI
ont révélé que beaucoup d’Inyangamugayo ont continué à buter sur plusieurs
concepts légaux importants, notamment celui du dessein, pourtant crucial à
comprendre pour juger de crimes génocidaires. En conséquence de quoi, PRI a
signalé que beaucoup de lourdes peines de prison ont été prononcées sans la
moindre preuve de dessein et il a été argué que cette incertitude a été nuisible à
l’équité des procès.

2.4 La participation publique à la Gacaca18
La réussite de la Gacaca dépendait de la participation active et volontaire de
l’ensemble de la population adulte du Rwanda. On avait présumé que la
participation publique allait non seulement promouvoir l’émergence de la vérité
mais qu’elle permettrait en outre de réduire la méfiance et la suspicion qui
caractérisaient les relations entre concitoyens dans l’après génocide.
Il n’est donc par surprenant que, parmi tous les défis posés au processus
Gacaca, PRI ait découvert que les principales limites de sa mise en œuvre se
situaient au niveau de l’ampleur et de la nature de la participation publique.
En tant que système de justice participatif, l’un des plus gros atouts théoriques
de l’approche Gacaca tenait à l’implication de la communauté entière dans le
processus, en encourageant ainsi les débats au sein de la communauté et la
responsabilité personnelle. Or il s’est en fait avéré qu’au lieu de connaître des
chiffres stables tout au long du processus, les taux de participation ont été
soumis à de fortes variations alors que la Gacaca a traversé différentes phases
de sa mise en œuvre. Globalement parlant, la participation s’est trouvée à son
niveau le plus élevé au démarrage de la phase pilote, lorsque le processus a pris
une ampleur nationale, quand les jugements ont commencé à être prononcés et
les affaires les plus graves ont été jugées. Cependant, alors que les audiences se
sont mises à traîner en longueur, les niveaux de participation ont commencé à
baisser et l’absentéisme est devenu un obstacle au progrès. Les rescapés au
32

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

génocide, quant à eux, n’ont pas fléchi et il leur arrivait fréquemment d’attendre
pendant des heures le jour désigné, semaine après semaine, jusqu’à ce que le
quorum légal de la réunion soit atteint. Trop souvent, les réunions ont été
reportées à plus tard ou, dans certains cas, se sont déroulées sans avoir satisfait
aux règles du quorum, et générant de ce fait d’autres complications subsidiaires.
Mais au-delà des aléas de la participation populaire, ce qui a posé une énorme
inquiétude, c’était bien la réticence chez beaucoup de personnes à prendre la
parole et à contribuer à établir la variété de ce qui s’est passé. En d’autres mots,
le problème portait sur la qualité de la participation.
Il était clair dès le début du processus qu’un élément crucial et déterminant à la
réussite de la Gacaca tiendrait à la capacité des autorités rwandaises à informer
le public et les principaux groupes d’intérêt (surtout les rescapés du génocide et
les détenus) sur ce qui se passait. Les rapports de PRI qui se sont étendus sur
plusieurs années ont constamment fait part d’une absence notoire chez les
Rwandais ordinaires d’une connaissance et compréhension précises des
principaux aspects de la loi et du processus Gacaca. On peut les résumer ainsi :
la catégorisation des crimes de génocide et leurs peines associées, l’importance
accordée aux aveux et aux plaidoyers de culpabilité, l’indemnisation des
rescapés du génocide et le recours envisagé au travail d’intérêt général comme
alternative à la prison. Cette absence d’informations, particulièrement dans la
phase pilote de la Gacaca, a donné lieu à une confusion, une désinformation et
une désillusion généralisées.
Hormis les raisons cycliques évidentes d’un fléchissement de la participation,
comme par exemple pendant la saison des pluies, il existait un certain nombre
de problèmes ancrés très profondément dans les esprits et susceptibles de
poser des menaces plus graves et à plus long terme aux perspectives du
processus. Le fait de témoigner en a forcé certains à revivre les moments les plus
traumatisants de leurs vies. Pour d’autres, reconnaître d’avoir participé au
génocide a eu aussi un impact émotionnel, qui s’est ajouté à la punition qui s’est
ensuivie.
Les tensions entre victimes et criminels génocidaires, forcés de cohabiter depuis
les premières libérations de prisonniers en 2003, ont également eu des
répercussions sur la participation publique. Témoigner s’est non seulement
accompagné d’un coût personnel mais a également pesé sur les relations
intra- et interfamiliales. Les témoins ne se sentaient pas en sécurité et craignaient
des représailles. De leur côté, les témoins de la défense avaient souvent peur de
prendre la parole, soucieux d’être accusés d’entretenir une « idéologie
génocidaire », c’est-à-dire de nourrir des idées qui conduisent au génocide, ou à
d’autres crimes. En effet, les rapports de PRI indiquent que les séances de
récolte d’informations des Gacaca ont souvent donné lieu à des confrontations.
Pour de grandes tranches de la population, l’important sacrifice économique que
représentait la participation aux juridictions Gacaca a joué un rôle
particulièrement significatif. L’impact de cet engagement considérable en matière
33

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

de temps (il fallait souvent y consacrer une journée entière, voire deux, par
semaine) sur la population en général et sur les plus pauvres surtout, dont la
survie dépendait de l’agriculture, était notable et ne faisait que s’ajouter aux
diverses obligations communautaires dont ils faisaient tous l’objet :
Un jour pour le marché, un pour le travail national, un autre pour la Gacaca, et
le dimanche à l’église... il nous reste trois jours par semaine pour assurer la
subsistance de nos familles...
On attendait des Inyangamugayo des engagements encore plus importants en
matière de temps, qui faisait porter un énorme fardeau sur eux-mêmes et sur
leurs familles. Il est apparu que les fortes attentes dont ils ont fait l’objet ont
entravé la participation populaire pendant la phase pilote de la Gacaca et audelà. On attendait de ces juges non-professionnels d’arbitrer des débats en vue
de parvenir à la vérité, de soupeser les preuves et d’attribuer la part des
responsabilités dans les actes commis, malgré leur absence d’expérience
juridique, une formation juridique précaire et une éducation scolaire limitée.
Les quelques tentatives localisées de contraindre les absents à participer aux
séances hebdomadaires de la Gacaca, par le biais d’amendes et parfois par le
recours à la force physique, se sont avérées contre-productives. Les preuves
récoltées par PRI suggèrent que, dans les localités où elles ont eu lieu, de telles
pratiques coercitives ont en fait beaucoup nuit au processus, en s’avérant non
seulement inefficaces mais aussi en entamant la confiance du public dans la
Gacaca.
Lorsque la désaffection populaire vis-à-vis de la Gacaca a commencé à se faire
remarquer pendant la phase pilote, les autorités ont choisi de renforcer la
sensibilisation de la population en tenant des réunions plus publiques. On s’est
inquiété à ce moment là de la teneur du message transmis, qui manquait de
subtilité et ne faisait que recopier les efforts passés de sensibilisation, par
exemple en exhortant les gens à se présenter à l’heure, dire la vérité et ne pas
avoir peur. En se concentrant sur des questions et obligations procédurales
d’ordre général plutôt que de chercher à inciter les différents groupes d’intérêt à
participer, le résultat net s’est traduit par un recul accru de la participation
volontaire.

2.5 L’importance de l’aveu et les implications du
plaidoyer de culpabilité19
L’une des pierres angulaires du processus rwandais de la Gacaca a été
d’encourager les détenus à avouer leurs crimes, comme dans les nombreux pays
qui ont connu des crimes de masse. Dans le contexte rwandais, le recours aux
aveux a été mué par un désir de trouver un équilibre entre justice rétributive et
réconciliation, dans l’intention d’établir la vérité sur ce qui s’était passé. On avait
34

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

espéré qu’à son tour, cette approche permettrait de faciliter l’établissement des
faits et de réduire la charge de travail des Inyangamugayo.
Une forte incitation était offerte aux détenus de s’y prêter. Un aveu en temps
opportun permettait aux accusés de voir leurs peines réduites et de pouvoir
servir la moitié de leur peine restante en participant à du travail d’intérêt général.
Une date butoir pour le recueil des aveux avait été fixée initialement au 15 mars
2002, mais elle a été repoussée à plusieurs reprises. Depuis 2004, il est devenu
possible de faire un aveu à n’importe quel moment.
Pour qu’un aveu soit recevable et justifie ainsi une remise en liberté ou une
réduction de peine, il se devait d’être « complet et sincère ». Dans la pratique,
cela signifiait qu’il devait comporter une description détaillée des crimes commis,
le nom des victimes, des complices, des lieux et, le cas échéant, des biens
endommagés. La sincérité était plus difficile à juger mais toute personne faisant
des aveux était généralement considérée comme s’excusant de ses actes. Il
revenait aux juges Inyangamugayo d’évaluer, au moment du jugement, si l’aveu
était conforme à la vérité, et s’il convenait de l’accepter ou de le rejeter.

Les aveux en prison (Gacaca des Prison)
L’aveu a joué un rôle important dès les tout débuts du processus Gacaca. Les
détenus, encouragés par les autorités, ont instauré leurs propres Gacaca dans
plusieurs prisons. Organisées sous forme de comités qui entendaient les aveux
d’autres prisonniers, ces Gacaca avaient pour avantage d’avoir lieu à l’intérieur
des murs de la prison, et offraient aux criminels, peut-être ironiquement, plus de
liberté de parole que lorsqu’ils étaient confrontés à leurs accusateurs à l’extérieur.
Dans le même temps, d’aucuns ont aussi argué qu’il était bien plus difficile pour
les criminels de mentir, puisqu’ils se trouvaient entourés des individus qui,
justement, les avaient accompagnés au moment des crimes perpétrés. Dans ces
cas, des listes détaillées des victimes, des criminels et des lieux de crimes ont pu
être établies.
Les aveux ont servi à quelque chose. Un voisin a avoué avoir tué mes deux
sœurs. Il a identifié ceux qui avaient été responsables de leur viol et a avoué
les avoir tuées. Après qu’il m’ait écrit pour s’excuser, je suis allé le voir en
prison et lui ai demandé des informations sur ce qui s’était passé. Lors de
notre conversation, il m’a tout dit. Il a été le premier d’entre eux tous à avouer
et à plaider coupable, et il nous a donnés le nom des tueurs et des pilleurs.
Tout cela a pu se faire grâce au processus d’aveux et de plaidoyers de
culpabilité.
Rescapé du génocide, 2009.

Beaucoup de ces listes étaient extrêmement détaillées mais toutes n’étaient pas
toujours fiables. Les listes ont parfois été utilisées pour négocier du « pleabargaining » [procédure cherchant à négocier l’aveu en commutation de peine]
entre les détenus impliqués, qui s’attachaient à se répartir entre eux la culpabilité
35

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

des crimes qu’ils avaient commis pour essayer ainsi de minimiser leur propre
culpabilité en accusant autrui. Ces listes ont néanmoins été utilisées par les
juridictions Gacaca, en plus d’autres sources d’information, pour catégoriser les
accusés. Les mêmes listes ont aussi servi à identifier les détenus susceptibles de
bénéficier d’une mise en liberté provisoire.

Faiblesses de la procédure d’aveux
Il ne fait aucun doute que le recours à la procédure d’aveux a joué un rôle dans
l’accélération du processus de justice, l’identification des complices et pour
permettre aux rescapés du génocide d’en savoir plus sur les circonstances
entourant la mort de leurs proches. Toutefois, le fait que les autorités se soient
appuyées dessus comme moyen d’établir la vérité et de faciliter la réconciliation
a généré un malaise certain.
On s’est particulièrement inquiété qu’un aveu ne soit accepté que s’il
s’accompagnait d’une accusation portée à l’encontre de quelqu’un d’autre,
condition qui a contribué à la distorsion du processus de justice. Le refus
d’avouer et le fait de plaider non coupable se traduisaient par une peine allongée,
le système cherchant avant tout à encourager les aveux et à accélérer le
processus.
Au fil des ans, plusieurs rapports de PRI ont remis en question la crédibilité des
aveux. Une inquiétude récurrente portait sur les actes de détenus qui souvent se
contentaient de faire des aveux partiels ou qui ne se reconnaissaient que des
délits mineurs s’ils savaient qu’il n’existait que des preuves limitées de leur
culpabilité. On a également entendu parler de détenus, et d’autres, qui ont altéré
leurs témoignages pour épargner certains individus, en faisant porter le blâme
sur des gens qui étaient décédés ou exilés, ou avec lesquels ils avaient des
comptes à rendre.
Il ne fait pas de doute que les informations fournies par les accusés, surtout
celles pour des crimes aussi graves que de nature génocidaire, allaient toujours
poser problème. Au bout du compte, PRI était convaincu que la seule méthode
fiable pour traiter du témoignage d’un accusé consistait à le rejeter s’il n’était pas
possible de le confirmer par d’autres sources d’information. Pourtant, cette forme
de témoignage a continué à être utilisée au Rwanda.
Nombreux sont les détenus à faire des omissions, c’est-à-dire à ne pas
révéler l’intégralité des crimes qu’ils ont commis, de crainte qu’ils soient
classifiés comme relevant de la 1re catégorie. D’autres disent très peu, pour
épargner leurs amis ou parents. D’autres encore avouent à la place des
véritables criminels, ces derniers les ayant soudoyés, bien qu’en général sans
grand effet, car les véritables criminels peuvent être accusés par la Gacaca à
l’extérieur... Certains détenus choisissent d’avouer des crimes qu’ils n’ont pas
commis pour bénéficier d’une remise en liberté provisoire.
Détenu, 2004.

36

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

Malgré cela, il est certain que la récolte d’aveux dans le contexte rwandais
(même ceux « négociés » dans le but de réduire une peine de prison ou pour tirer
un autre avantage judiciaire) a aidé à faire la lumière sur les événements qui se
sont produits. Ce sur quoi PRI achoppe plus particulièrement, c’est la
dépendance accordée à des sources non vérifiées pour établir la vérité. Tant que
les juridictions Gacaca, et même les tribunaux ordinaires, n’ont pas essayé
sérieusement de vérifier la véracité de ces aveux, particulièrement par des
contre-interrogatoires, on peut affirmer qu’ils n’ont guère de valeur probante.
Les premiers rapports de PRI suggèrent qu’en encourageant les détenus à faire
des aveux, l’accent s’est davantage porté sur la sincérité de l’excuse plutôt que
sur la vérité de l’aveu à proprement parler. Les attentes irréalistes qu’une telle
approche a suscitées, et les déceptions qui en ont résulté, ont fomenté un
sentiment vif de frustration et dressé de grosses entraves à la réconciliation.
C’est ainsi que certains détenus ont eu tendance à penser qu’il leur suffisait tout
simplement de faire un aveu partiel tout en demandant pardon de manière
sincère. Pourtant, pendant la phase de jugement, la nature incomplète de leurs
aveux a été révélée et leur a valu de perdre leurs chances de commuter leur
peine en du travail d’intérêt général. Les détenus ont eu du mal à l’accepter,
ayant supposé que le regret sincère qu’ils éprouvaient pour les actes qu’ils
avaient commis serait suffisant pour leur valoir d’être libérés.
Les fautifs qui avouent relèvent de trois catégories : Il y a eu ceux qui ont
avoué pour bénéficier du pardon conféré par le communiqué présidentiel.
Une fois en liberté, ceux-ci ont été interpelés par les Gacaca lorsque celles-ci
ont découvert que leur aveu n’avait été que partiel. Ils ont souvent été
renvoyés en prison. Il y a aussi eu ceux qui ont avoué, simplement pour
obtenir la réduction de leur peine. Et il y en a eu qui ont éprouvé du remords,
qui ont décidé de dire toute la vérité et qui ont fait des aveux sincères. Ce
sont eux qui ont aidé la Gacaca à mettre à jour la vérité sur le génocide.
Rescapé du génocide, 2009.

Dans le même temps, tout ce que certains rescapés attendaient, c’était la
sincérité de l’excuse qu’ils recevaient. Par conséquent, il est arrivé fréquemment
que ceux qui ont été insatisfaits du comportement d’un criminel pendant sa
demande de pardon se sentent dupés, même lorsque l’accusé avait reconnu
l’ensemble de ses crimes.

2.6 Le rôle des « Justes »20
Les « Justes », appelés aussi Intwali, sont ces gens parmi les Hutus qui ont choisi
de protéger les Tutsis pendant la période du génocide, alors que la pratique
généralisée consistait à tuer. Non seulement leurs actes étaient-ils extrêmement
dangereux sur le coup, mais depuis, ils leur ont valu d’être marginalisés
socialement.
37

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Pourquoi se pencher sur leur cas ? Il y a plusieurs raisons à cela :
Tout d’abord, les Intwali sont un exemple vivant qu’il était possible de choisir. PRI
a défendu le point de vue que la promotion de leur image et de leurs actes
contraint ceux qui ont participé au génocide à faire face à leur propre conduite et
à en assumer la responsabilité.
Deuxièmement, l’ambigüité du sentiment que certains éprouvent pour les Intwali
offre un éclairage intéressant sur la société rwandaise de l’après génocide. Il
semble que ce soit précisément l’esprit indépendant qu’ils ont manifesté pendant
le génocide qui leur a valu d’être, depuis, perçus comme des « fauteurs de
trouble ».
Troisièmement, dans le contexte de la réconciliation, attacher de la valeur aux
actes des Intwali est un moyen d’humaniser les liens sociaux qui existent entre
Hutus et Tutsis, et d’éviter le piège de rejeter en masse la responsabilité du
génocide sur tous les Hutus.
Le rapport de PRI sur les Intwali s’est concentré sur l’ancienne province de
Kibuye, et a donné lieu à des entretiens approfondis avec des douzaines d’Intwali
et d’autres.
La signification des actes des Intwali est d’autant plus étonnante si l’on tient
compte du contexte dans lequel ils se sont déroulés. Leur refus de participer au
génocide leur a valu de les marginaliser ou d’être classés comme « traîtres ».
Alors que la peur s’est instaurée, les tueurs génocidaires ont changé leur
stratégie, délaissant la propagande en faveur d’actes d’intimidation. Comme un
Intwali l’a raconté : « Si les tueurs génocidaires découvraient une victime dans
votre maison, soit ils vous tuaient ou vous torturaient, soit ils s’emparaient de
tous vos biens, soit ils vous forçaient à tuer la victime vous-même. »
Plus la fièvre du génocide se répandait, plus il devenait difficile de l’endiguer.
Comme l’a dit un Intwali : « Il est difficile de trouver une famille qui n’a pas
participé aux massacres. Même les femmes y ont pris part ». D’après lui : « …sur
cent personnes, on ne trouve que deux ou trois d’entre elles à avoir résisté ».
Pendant le génocide, le mélange de peur, de haine et de suspicion qui régnait
faisait qu’il était extrêmement difficile pour les Tutsis persécutés de savoir à qui
demander de l’aide. Dans certains cas, cette aide est venue de là où on aurait pu
s’y attendre le moins. Il existe en effet des exemples où des tueurs ont aidé à
sauver des Tutsis en raison d’anciens liens d’amitié, ou en raison de leur
proximité avec quelqu’un qui essayait d’aider. Un Intwali a été aidé par son
beau-frère, qui était un tueur du génocide : « Parmi les tueurs se trouvaient mes
frères et mes amis ordinaires. Le fait que je cachais des victimes était gardé dans
le plus grand secret […] C’est mon beau-frère qui m’aidait. Comme il prenait part
aussi aux massacres, il me faisait savoir quel était leur programme pour que je
puisse prendre les mesures nécessaires, comme par exemple les faire sortir de la
maison et les guider dans la brousse ».
38

Établir la vérité : La Gacaca dans la théorie et dans la pratique

En effet, beaucoup des comptes-rendus recueillis ont révélé que seuls, les Intwali
n’auraient jamais pu sauver la moindre personne. Ils recevaient généralement le
soutien de tout un réseau d’amis et parents. L’aide offerte a pris de nombreux
visages, l’élément le plus crucial consistant parfois à garder le silence.
Dans le même temps, bien souvent les victimes n’ont pas trouvé le soutien
qu’elles escomptaient. Alors que le génocide a été l’occasion de faire ressurgir
les alliances et les antagonismes du passé entre les individus et les familles, il
s’est avéré dangereux de ne s’en fier qu’à ces relations, car il arrivait que ceux en
qui vous mettiez votre confiance pour vous aider se mettent à changer
brusquement de comportement.
Les relations sociales passées n’offrant aucune garantie d’aide, quel était donc le
profil de ces gens qui ont osé aider les autres, en prenant de grands risques pour
leur propre vie ? L’étude de PRI à Kibuye postule que l’ensemble des Intwali qui
ont été interviewés présentaient deux traits de caractère en commun :
Tout d’abord, leurs idéaux humanitaires inébranlables et la croyance en des
valeurs qui affirmaient leur affinité avec les victimes. Qu’ils soient ou non
membres du clergé, beaucoup d’Intwali entretenaient de très forts idéaux
humanitaires et humanistes, qui les poussaient à éprouver une vive empathie
pour les victimes. Pour certains, ces idées étaient incarnées dans les valeurs
chrétiennes. Cependant, ce qui distinguait les Intwali, c’était qu’à leurs yeux, ces
valeurs primaient avant toute autre chose :
Je ne peux pas dire que c’est moi qui ai sauvé les victimes. C’est plutôt Dieu
qui l’a fait. Personne d’autre que Dieu aurait pu y arriver. Dieu m’a donné du
courage. C’était le simple amour de Dieu qui m’a aidé à ne pas prendre part
aux massacres, alors que mes frères y participaient. Je crois que ce qui a
causé les massacres, c’était l’absence de croyance en Dieu. Même ceux qui
se croyaient chrétiens n’étaient pas de vrais chrétiens.
Intwali, 2004.

Et deuxièmement, leur expérience directe d’exemples positifs de coexistence
interethnique. Ces liens étroits étaient particulièrement évidents au niveau de
leurs amitiés et de leurs liens de sang :
[J’ai] une famille dont on ne peut pas vraiment dire si elle est hutue ou tutsie,
car tout le monde y est tellement mélangé.
Intwali, 2004.

Il est apparu que les qualités qui ont formé les fondements de la résistance des
Intwali pendant le génocide étaient les mêmes que celles qui ont suscité des
problèmes dans leurs relations sociales par la suite.
PRI a soutenu que c’est pour cette raison qu’il subsiste une certaine ambigüité
au niveau des relations des Intwali avec le reste de la population. D’un côté, ils
sont respectés et considérés comme des gens intègres, au vu de leurs actes
héroïques pendant le génocide. Et dans le même temps, leur indépendance pose
39

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

problème. Aux lendemains du génocide, lorsque la « mentalité de groupe » est
devenue la norme, ces penseurs indépendants, prêts à outrepasser les intérêts
collectifs du groupe dans un esprit de recherche de la vérité, se sont mis à être
indésirables et à être catalogués par certains au rang des « fauteurs de trouble ».
PRI est d’avis que reconnaître les Intwali et saluer leurs actes, tout en leur
accordant un rôle plus actif dans les efforts de reconstruction sociale, serait un
moyen de raffermir les efforts de réconciliation.

12 Amnesty International, Rwanda: Gacaca – a question of justice (Rwanda : La Gacaca,
question de justice) Londres, AFR 47/007/2002, décembre 2002.
13 Arrêté présidentiel n° 12/01 du 26 juin 2001 « portant création des modalités pour organiser
les élections des membres des juridictions« Gacaca », Journal Officiel de la République du
Rwanda, n° 14, 15 juillet 2001.
14 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
partculièrement à : Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002; Recherche sur
la Gacaca, juillet 2002; Rapport de recherche sur la Gacaca (Étude de cas de Kibuye, Partie
1), novembre 2003; Rapport intégré sur la Gacaca : Recherche et monitoring : Phase pilote,
décembre 2005.
15 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Recherche sur la Gacaca, juillet 2002 ; Recherche sur la Gacaca ,
septembre 2003 ; Rapport de recherche sur la Gacaca (Étude de cas de Kibuye, Partie 1),
novembre 2003 ; Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca : La récolte
d’informations en phase nationale, juin 2006.
16 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002; Recherche sur
la Gacaca , juillet 2002; Recherche sur la Gacaca , septembre 2003; Rapport de recherche
sur la Gacaca (Étude de cas de Kibuye, Partie 1), novembre 2003.
17 Service National des Juridictions Gacaca/SNJG, Document sur l’état d’avancement des
activités des juridictions Gacaca des cellules opérationnelles et programmes d’activités à
venir, Kigali, 21 janvier 2004.
18 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002; Recherche sur
la Gacaca, septembre 2003 ; Rapport de recherche sur la Gacaca (Étude de cas de Kibuye,
Partie 1), novembre 2003 ; Rapport intégré sur la Gacaca : Recherche et monitoring : Phase
pilote, décembre 2005.
19 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002 ; Recherche
sur la Gacaca, juillet 2002 ; La procédure d’aveux, pierre angulaire de la justice rwandaise,
janvier 2003; Recherche sur la Gacaca, septembre 2003 ; Rapport de recherche sur les
juridictions Gacaca : La Gacaca et la réconciliation (Étude de cas de Kibuye, Partie 2), mai
2004.
20 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca : Les justes :
Entre l’oubli et la réconciliation, Exemple de la province of Kibuye (Étude de cas de Kibuye,
Partie 3), novembre 2004.

40

La qualité de la justice pour tous

3 La qualité de la justice pour tous
Moi, j’aime bien cette initiative prise par le gouvernement rwandais en termes
de réconciliation, mais il y a quelque chose qui mérite d’être remis en
question. Si l’on veut vraiment résoudre les conflits entre Rwandais, il faut le
faire sur un pied d’égalité. Il ne faut pas dire que seuls les Hutus devraient
s’adresser aux Tutsis pour leur demander pardon. Par exemple, pendant la
Gacaca en prison, on nous a dit d’avouer et de plaider coupable et de
demander pardon à ceux à qui nous avons causé du tort. Or il se trouve qu’il
y avait des prisonniers qui n’avaient pas commis le moindre crime et qui
étaient emprisonnés injustement. Et donc ceci a été dit, mais aucune mention
n’a été faite de ces autres individus qui ont fait emprisonner des gens
injustement. Pourquoi ne pas demander aux rescapés de demander pardon
aux prisonniers innocents qui ont été relâchés, tout comme les coupables
l’ont fait auprès des familles victimes par exemple ? À mon avis, c’est ce qu’il
faudrait faire si nous voulons parvenir à la réconciliation entre tous les
Rwandais. Sinon la réconciliation ne se fera qu’à sens unique.
Prisonnier libéré, 2003.

3.1 S’occuper des innocents 21
Aux lendemains immédiats du génocide, des milliers de tueurs génocidaires
soupçonnés ont été arrêtés et incarcérés lors de vagues d’arrestations
généralisées. Il est rapidement devenu évident, même pour les autorités, que
parmi les détenus se trouvaient des victimes d’accusations malveillantes et de
faux témoignages. Il est apparu également que le maintien d’innocents en prison
nuisait gravement au processus de justice et qu’il fallait y mettre fin dans les plus
brefs délais.
En conséquence de quoi, l’un des premiers actes liés au processus Gacaca à
compter de 2001 a été la comparution publique de nombreux détenus dont les
dossiers étaient incomplets ou inexistants et qui ne faisaient l’objet d’aucune
accusation spécifique. Cette présentation publique de prisonniers répondait
également au besoin du ministère public de connaître le nombre précis de
détenus.
La collecte des preuves nécessaires pour établir, tout du moins provisoirement, la
culpabilité ou l’innocence des prisonniers s’est faite dans les localités où les
détenus étaient supposés avoir commis des crimes. Le public de ces localités a
été encouragé à faire part de ce qu’il savait sur chaque individu pour l’acquitter
ou le déclarer coupable. La liberté provisoire a été accordée aux détenus que le
public avait absouts de responsabilité, qui devaient se présenter ultérieurement
devant la juridiction Gacaca concernée.
41

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Si à ce moment-là elles étaient considérées comme constituant une étape
préparatoire avant le lancement des juridictions Gacaca, ces audiences
publiques, en plus de s’occuper du sort des innocents, ont donné aux autorités
une idée des difficultés que les Gacaca allaient rencontrer ultérieurement. Ces
comparutions de prisonniers constituaient une première opportunité pour le
public de se familiariser avec ce nouveau processus participatif. Un représentant
du ministère public conduisait la séance introductive qui précédait les
présentations. Souvent, c’était la première fois, et dans certains cas l’unique fois,
que la population et les prisonniers recevaient une explication des modalités de
fonctionnement du processus Gacaca.
À de nombreux égards, ces présentations devant la population ont constitué une
étape remarquable dans le développement du processus Gacaca. Pour la
première fois, les accusés, les victimes, les témoins et d’autres membres du
public participaient au débat public. En effet, la liberté de parole lors de ces
séances, étayée d’une participation active du public et des mises en liberté
provisoire qui s’en sont suivies, ont insufflé de grands espoirs sur les
perspectives du processus Gacaca une fois lancé.
Les rapports de PRI ont relevé le désir véritable des autorités judiciaires de
s’efforcer de garantir la justice pour tous. Toutefois, les rapports suggèrent que
cette liberté de parole naissante et cette confiance dans le système de la justice
se sont manifestées surtout en 2001 et 2002, avant la vague de mises en liberté
provisoire des détenus qui avaient avoué leurs crimes, et par conséquent à une
époque où le contexte social était moins tendu.
Ces premières audiences publiques ont donc permis de mettre en liberté
provisoire un grand nombre d’accusés que la population ne reconnaissait pas
comme ayant participé au génocide. De manière indirecte, la présomption
d’innocence qui avait été bafouée au cours des premières années chaotiques
après le génocide trouvait à nouveau du sens, et c’est bien la population ellemême qui s’est assurée de l’application de ce principe. La nature participative du
processus et la publicité suscitée par les audiences ont constitué la meilleure
garantie procédurale pour ces détenus contre lesquels aucune preuve n’avait été
avancée.
D’après le Réseau des Citoyens, qui a aidé le ministère public dans son travail de
présentation des détenus à la population, 11 659 détenus avaient été présentés
d’ici la fin décembre 2002. Au bout du compte, 2 721 défenseurs, soit 23,3 %
d’entre eux, ont été mis en liberté provisoire, même si cela ne représentait que
2,5 % du total de la population carcérale (2 721 sur 106 980). Ce geste a
néanmoins considérablement conforté le processus de restauration de l’état de
droit.
Toutefois, dans des rapports ultérieurs, PRI a fait part de son inquiétude quant à
« l’inversion apparente des valeurs » au niveau du processus de justice depuis
l’arrêté présidentiel du 1er janvier 2003, qui a mis en liberté provisoire des milliers
de prisonniers ayant avoué leurs crimes. Ces libérations des coupables en 2003
42

La qualité de la justice pour tous

(abordées plus amplement à la Section 4) ont mis en exergue le problème que
des innocents continuaient d’être incarcérés. L’incarcération des criminels a été
bien plus courte que celle de ceux qui n’avaient avoué aucun crime et qui, dans
certains cas, étaient innocents. En effet, PRI a eu des entretiens avec plusieurs
familles de détenus qui, convaincues de l’innocence de leurs parents incarcérés,
suggéraient ouvertement qu’il serait peut-être plus efficace que ces proches
« inventent des aveux » si cela pouvait leur permettre d’être relâchés plus
rapidement.

3.2 La Gacaca et les crimes de vengeance 22
Un unilatéralisme dangereux
Quelqu’un a demandé pourquoi un deuil national avait été décrété pour
certains (les Tutsis) mais par pour d’autres (les Hutus). Après tout, tous ont
été tués, bien que certains aient été tués pendant le génocide et d’autres par
vengeance. [...] D’autres ont demandé pourquoi les tueries du génocide ont
été prises en compte mais pas les assassinats par vengeance ou représailles,
et ont demandé si un parent est touché par la mort de l’un de ses enfants,
est-ce qu’il ne peut pas être touché par la mort d’un autre enfant ? Pourquoi
pleurons-nous lorsqu’un Tutsi meurt, mais pas quand un Hutu meurt, quand
tous sont des enfants du Rwanda ?
Détenu, 2003.

Avec le temps, il est apparu clairement que les juridictions Gacaca ne jugeaient
les crimes de génocide et les crimes contre l’Humanité que lorsque les victimes
étaient de la minorité Tutsi et des Hutus modérés. Il était prévu que les crimes de
guerre ou « actes de vengeance » perpétrés contre des membres de la
communauté hutue pendant la période couverte par la Gacaca (c’est-à-dire du 1er
octobre 1990 au 31 décembre 1994) soient traités uniquement par des tribunaux
militaires ou les tribunaux ordinaires. Or dans les faits, le Gouvernement a
demandé aux juridictions Gacaca « d’oublier » ces autres crimes.
Cette mémoire sélective de la Gacaca a été une source récurrente de controverse
et de frustration pour de nombreux Hutus, qui considèrent la mise de côté de ces
crimes comme la preuve d’une justice biaisée.
Un tel unilatéralisme n’est pas unique au Rwanda. D’autres pays émergeant de
crises politiques majeures en ont aussi souffert. En Argentine, par exemple,
l’équilibre du pouvoir était tel qu’il a incité les défenseurs de l’ancien régime
militaire à élaborer la théorie des « deux démons », une version de l’histoire qui
met les victimes et les tortionnaires sur un plan d’égalité.23 En Afrique du Sud,
l’ANC a vivement critiqué les conclusions du rapport de la Commission sur la
Vérité et la Réconciliation quant au rôle que ce parti avait joué dans les abus
perpétrés, avant de finir par accepter que l’éclairage complet soit fait sur ses
propres actions.
43

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Même si le gouvernement rwandais a reconnu que des membres de son armée
avaient commis des crimes de guerre, il a également affirmé que ces crimes
avaient été jugés et réglés. L’extrait suivant d’un discours en 2002 du président
rwandais, Paul Kagame, résume bien cette position :
Il serait nécessaire d’analyser soigneusement ce qui s’est passé dans notre
pays. Pour établir la différence entre des crimes de génocide et d’autres
crimes commis pendant ou après la guerre. Il ne faudrait pas les confondre
les uns avec les autres. Il y a des gens qui ont été tués lors d’actes de
vengeance commis par des individus, et lorsque ces individus ont été
identifiés, ils ont été sévèrement punis. Alors prouvons ces crimes et
poursuivons les responsables. Il y a des gens, des Rwandais mais aussi des
étrangers, qui ne veulent pas que les Rwandais tournent la page et se
défassent de ces anciennes divisions. Ils les qualifient de crimes génocidaires
de vengeance, ce qui est complètement faux. Ces déclarations sont
destinées à nier le génocide. Elles sont destinées à maintenir les divisions
entre les Rwandais. Et elles font oublier [aux gens] que ce sont les Rwandais
eux-mêmes qui ont mis fin au génocide pendant que le monde ne faisait rien.
Président Paul Kagame, 18 juin 2002.

Mais au-delà de ces manœuvres politiques, les travaux de recherche de PRI ont
révélé que l’incapacité à faire face à ces « crimes autres que les crimes
génocidaires » constitue un handicap majeur à la réconciliation et, à plus court
terme, au bon fonctionnement du processus Gacaca à proprement parler. Une
forte proportion de la population hutue a vraiment eu l’impression que la justice
du vainqueur prévalait : un système de justice biaisé où il existait de « bonnes »
et de « mauvaises » victimes, en fonction du groupe ethnique auquel elles
appartenaient.
C’est ainsi que la manière de traiter ces crimes de vengeance est restée un point
d’achoppement fondamental. Pour que la réconciliation soit véritablement l’un
des buts majeurs du processus Gacaca, il était important que tous ceux
impliqués par le processus puissent parler de leurs souffrances, tout
particulièrement pendant les séances Gacaca à proprement parler.

Encourager la notion de responsabilité collective
La limite du champ d’application des juridictions Gacaca a eu pour autre
conséquence de stigmatiser la population hutue dans son ensemble et de
renforcer tactiquement l’idée de culpabilité collective. Ce mode d’opérer a eu
pour effet d’entraver gravement la reconnaissance de la responsabilité
individuelle par les architectes du génocide et ses participants.
Non seulement l’idée de responsabilité collective chez les Hutus ne correspondelle pas à la vérité historique, il était aussi fort inquiétant de voir qu’une telle prise
de position permettait aux Hutus d’abdiquer encore plus leurs responsabilités
vis-à-vis de leurs actes. Il est indéniable que le choix individuel a joué son propre
44

La qualité de la justice pour tous

rôle dans l’exécution du génocide, et ce fait ne contredit en rien la réalité que
l’idéologie génocidaire a été planifiée et portée à exécution par une machine
hiérarchique entière.
Pourtant, le refus des criminels d’assumer leurs responsabilités individuelles a
menacé les perspectives à long terme d’une véritable réconciliation. Cette
tendance chez les criminels à se distancer de toute responsabilité individuelle n’a
rien de surprenant, étant donné la gravité des crimes commis et les peines
encourues. Par conséquent, plutôt que de faire face à leurs actes individuels,
beaucoup ont préféré blâmer autrui, arguant que leurs actes avaient été contrôlés
par leurs supérieurs.
Je m’inquiète toujours de ce que dit le gouvernement sur les massacres.
Tous les jours, il affirme que ce sont des Tutsis qui ont été tués et que ce sont
des Hutus qui ont tué, tout en oubliant de mentionner la générosité et la
compassion de certains Hutus qui ont accepté de cacher des Tutsis. À tel
point qu’il y a des Hutus qui ont perdu leur vie pour avoir essayé de protéger
des Tutsis.
Exilé tutsi de retour, 2004.

3.3 Les réparations : L’élaboration de régimes de
compensation et de travail d’intérêt général 24
Les rapports de PRI sur la question des réparations ont relevé que pour que la
Gacaca contribue à la réconciliation, il était vital d’observer des processus de
réparation complémentaires et exhaustifs. Bien qu’elle relève d’une toute
première priorité dans l’esprit des rescapés au génocide, l’élaboration d’un
régime de compensation pour les victimes et d’un programme de travail d’intérêt
général a toutefois été mise de côté pendant la phase pilote des Gacaca et n’est
pas parvenue à complètement se matérialiser pendant les phases ultérieures de
la Gacaca.
À de nombreux égards, les réparations se sont avérées être un élément
fondamental du processus de réconciliation.25 Quelle que soit leur forme, les
réparations revêtissent une signification particulière, que l’on peut assimiler à une
sorte de « guérison symbolique » pour les pertes subies, ainsi qu’à une
reconnaissance sociale de la souffrance des rescapés. Bien loin de relever d’une
question séparée, les réparations font partie intégrale des mécanismes de la
justice transitionnelle, au même rang que la quête de la vérité et de la justice.

Compensation
Bien qu’elle joue un rôle clé dans le processus, aucune loi d’indemnisation n’a
été promulguée au Rwanda qui permettrait aux victimes du génocide de profiter
de réparations pour la totalité des dommages soufferts. Alors que les réparations
45

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

ont été envisagées dès depuis 2000, tout un ensemble de questions restent
toujours sans réponse : quelle forme cette compensation devrait-elle prendre, en
quels termes un bénéficiaire devrait-il être défini et comment les victimes
devraient-elles être payées.
Ces retards à aborder la question de la compensation et l’absence continue
d’une décision claire de la part des autorités rwandaises ont généré chez les
rescapés un sentiment de désenchantement amer, beaucoup ayant perdu tout
espoir de recevoir une compensation officielle. Beaucoup de rescapés ont alors
tourné le dos au processus Gacaca, ayant recours à des ententes individuelles
avec les détenus relâchés qui, dans les faits, ont acheté leur silence. Un tel
phénomène a, bien entendu, eu des répercussions sur le processus Gacaca et la
quête de la vérité. Il est toutefois aussi vrai que beaucoup de cas de
compensation directe par des criminels à des rescapés ont été facilités par les
Inyangamugayo dans le cadre du processus Gacaca.
Mais les rescapés du génocide n’ont pas été les seuls à ce que leurs demandes
légitimes de compensation ne soient jamais concrétisées. Une réunion de la
Commission Nationale sur l’Unité et la Réconciliation qui s’est tenue en
décembre 2003 a recommandé la création d’un fonds de compensation séparé
pour tous ceux emprisonnés illégitimement aux lendemains immédiats du
génocide, ou pour les héritiers des innocents morts en prison. Ce fonds de
compensation a, lui aussi, manqué de se matérialiser.

Le programme de travail d’intérêt général
Conçu par la loi organique n° 40/2000 et développé plus amplement par la loi
organique du 19 juin 2004, le travail d’intérêt général est devenu une alternative
aux peines de prison prononcées par les juridictions Gacaca. Beaucoup des
individus déclarés coupables ont vu leurs peines commuées en du travail non
payé à exécuter au sein de la communauté. Deux types de travail d’intérêt
général ont été mis en œuvre. Dans le système basé dans des camps, les
criminels travaillaient une semaine de six jours dans des communautés, tout en
étant cantonnés dans des camps situés relativement à l’écart. L’autre type de
travail d’intérêt général pratiqué au Rwanda, le modèle du « voisinage », a
impliqué que les criminels vivent avec leurs familles et effectuent trois jours de
travail d’intérêt général par semaine.
Outre les objectifs axés autour de la justice et de la réconciliation qu’il remplit, les
autorités ont envisagé le travail d’intérêt général comme une solution aux
problèmes logistiques présentés par un système carcéral surpeuplé et à ses
impacts sur les caisses publiques. Il avait été prédit que le fait de relier les peines
de travail d’intérêt général à l’admission de culpabilité (par des aveux) serait un
moyen d’encourager davantage de gens à avouer, ce qui soulagerait dans le
même temps le surpeuplement carcéral. La mise en œuvre de ce programme a
commencé en septembre 2005, avec l’ouverture de plusieurs camps pilotes de
travail d’intérêt général. Depuis, plus de 106,918 individus ont été condamnés à
46

La qualité de la justice pour tous

du travail d’intérêt général, et plus de 23,420 continuent de purger leurs peines
(en date de mai 2010).
Pour commencer, le consentement de l’accusé était nécessaire pour commuer sa
peine de prison en peine de travail d’intérêt général. Toutefois, les changements
juridiques ratifiés en 2004 et l’arrêté présidentiel de mars 2005 ont ôté aux
criminels la possibilité de se soustraire au travail d’intérêt général en le rendant
obligatoire.
Si dans son principe, l’approche du travail d’intérêt général constituait une
excellente méthode de réinsertion des détenus au sein de leurs communautés,
les rapports de PRI ont relevé l’extrême fragilité du tissu social du Rwanda.
L’impact positif du travail d’intérêt général risque d’être perdu par le manque de
prise en compte de la persistance des craintes et des incertitudes aussi bien
chez les détenus que les rescapés.
Plus particulièrement, alors que la Gacaca était déployée sur le plan mondial,
beaucoup de rescapés ont continué de dire qu’ils craignaient beaucoup pour leur
sécurité, tout en questionnant l’utilité pour eux-mêmes que le travail d’intérêt
général basé dans des camps pourrait avoir :
En purgeant une peine de cette manière, qui va profiter de ce travail d’intérêt
général ? L’État ou le rescapé ? Ce programme va-t-il profiter aux orphelins
ou aux veuves du génocide ? Il vaudrait mieux les garder en prison. Le travail
d’intérêt général va poser des problèmes pour les rescapés qui verront dans
leur voisinage immédiat ces mêmes individus qui ont tué leurs parents.
Rescapé du génocide, 2005.

21

Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : La procédure d’aveux, pierre angulaire de la justice rwandaise, janvier
2003 ; Rapport de recherche sur les juridictions Gacaca : La Gacaca et la réconciliation
(Étude de cas de Kibuye, Partie 2), mai 2004 ; Rapport de monitoring et de recherche sur la
Gacaca : La récolte d’informations en phase nationale, juin 2006.
22 Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Recherche sur la Gacaca, septembre 2003; Rapport de recherche sur
la Gacaca : (Étude de cas de Kibuye, Partie 1), novembre 2003 ; Rapport de recherche sur
les juridictions Gacaca : La Gacaca et la réconciliation (Étude de cas de Kibuye, Partie 2),
mai 2004 ; Rapport intégré sur Gacaca : Recherche et monitoring : Phase pilote, décembre
2005.
23 LeFranc, S., Politiques du pardon, Paris, PUF, col. Fondements de la Politique, 2002.

47

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

24

Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Les juridictions Gacaca et leur préparation, janvier 2002 ; Recherche
sur la Gacaca, juillet 2002; Recherche sur la Gacaca, septembre 2003; Rapport de
recherche sur la Gacaca (Étude de cas de Kibuye, Partie 1), novembre 2003 ; Rapport de
recherche sur les juridictions Gacaca : La Gacaca et la réconciliation (Étude de cas de
Kibuye, Partie 2), mai 2004 ; Le règlement du contentieux des infractions contre les biens
commises pendant le génocide. Le point sur l’exécution des ententes et des
condamnations à réparation, août 2009.
25 Le terme « réparations » est très large et englobe la restitution de biens, la compensation
des dommages ou pertes subis, le remboursement des frais encourus suite à des actes de
victimisation, la prestation de services et la restauration de droits (voir Rapport intégré sur
la Gacaca : Recherche et monitoring : Phase pilote, décembre 2005, p. 48).

48

La réconciliation et le retour à la vie en commun

4 La réconciliation et le retour à la
cohabitation
Tout au long de la période de l’étude, les chercheurs de PRI ont observé
l’influence qu’exerce la religion sur le processus de réconciliation au sein d’une
population à plus de 90 % chrétienne et dont les deux-tiers sont catholiques. Si
la thématique du « pardon » est récurrente chez le clergé, elle figure aussi au
plein cœur du discours politique en ce qui concerne le processus Gacaca. Dans
le discours qu’il a adressé lors du lancement officiel des juridictions préliminaires
Gacaca en juin 2002, le président Paul Kagame a signalé l’importance accordée
au thème : « Les pêchés qui ont été commis doivent être condamnés et punis,
mais doivent aussi être pardonnés. J’invite les coupables à être courageux et à
avouer, à se repentir et à demander le pardon ». Cette injonction à la notion du
pardon ne s’est pas amenuisée avec le temps et avec le déroulement du
processus Gacaca.
Après que mon aveu ait été lu à voix haute devant la Gacaca, ils ont demandé
aux gens s’ils avaient quelque chose à ajouter et ils ont répondu qu’ils
n’avaient rien à ajouter. Maintenant que j’avais de mon côté demandé le
pardon, ils ont demandé aux gens s’ils acceptaient de me pardonner, et ils
ont répondu par l’affirmative. Pour ce faire, ils ont demandé à ceux qui étaient
d’accord de pardonner de lever la main, et ils ont demandé à ceux qui
s’abstenaient de venir devant pour s’expliquer et empêcher que le problème
ne ressurgisse plus tard. Ils ont échangé à mots couverts pendant quelques
temps mais les gens en charge de la Gacaca ont déclaré que s’ils ne
voulaient pas venir devant, ils règleraient le problème en demandant à chaque
personne de faire connaître sa position. C’est à ce moment là qu’ils ont dit
qu’ils me pardonnaient et qu’ils ont applaudi. Je crois donc qu’il n’y a plus de
problèmes.
Prisonnier libéré, 2005.

Toutefois, au bout du compte, il revient entièrement aux individus concernés de
déterminer l’authenticité du pardon, qu’il soit demandé ou accordé. Pour les
rescapés, le pardon a été plus étroitement lié au processus du deuil, et pour les
criminels à la reconnaissance de leur responsabilité individuelle de leurs actes.
Dans la réalité, ces processus ont été extrêmement différents les uns des autres,
en fonction du vécu personnel et du rythme spécifique de chacun.

La demande de pardon des criminels
J’ai déjà demandé pardon pour les choses que j’ai faites. Ils ont expliqué à de
nombreuses reprises qu’il faut demander pardon et ils ont beaucoup insisté
là-dessus. J’ai déjà assisté à deux réunions avec notre juridiction Gacaca.
49

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Dans nos témoignages, nous disons ce qu’il s’est passé et comment, et nous
demandons pardon aux gens à la réunion. En règle générale, nous n’y voyons
pas de problème, car vous expliquez ce que vous avez fait et vous vous
excusez. Si vous avez commis un meurtre et un proche de la victime est
présent, vous pouvez l’aborder et lui demander pardon. Mais en général,
c’est pendant ces réunions que nous le faisons. Chaque témoignage doit
obligatoirement s’accompagner d’une excuse.
Criminel génocidaire, 2003.

Ce témoignage résume plusieurs des inquiétudes liées aux demandes de pardon
de la part des criminels, et notamment : la pression exercée sur les criminels
pour qu’ils demandent pardon, le pardon comme quelque chose de dû, et la
nature publique de la demande.
En effet, il a été fait part de campagnes intensives menées dans les prisons pour
convaincre les détenus de plaider coupables, d’avouer et de demander pardon.
Toute la question restait de savoir s’il est possible de dire que ces pressions ont
dévalué le remords manifesté par les détenus et le pardon accordé ? Quelle
crédibilité les rescapés pouvaient-ils attribuer à des demandes de pardon qui,
souvent, ont pris la forme d’excuses verbales, extraites sous pression et dans
l’espoir d’être relâchés de prison ?
Tous ceux qui ont demandé pardon l’ont fait parce qu’ils y ont été forcés. Ils
n’ont pas eu le choix. Ils craignaient de vivre le restant de leurs jours en prison
s’ils ne demandaient pas pardon. Ils ne sont pas sincères quand ils agissent
ainsi. Tout ce qu’ils veulent, c’est sortir de prison. Une fois libérés, ils oublient
tout et retrouvent calmement la place qu’ils occupaient avant au sein de la
société. Je vais vous dire pourquoi. Je connais des tas de gens qui ont
demandé pardon, mais qui refusent d’offrir de l’aide aux victimes. Ils oublient
qu’ils ont tué l’enfant sur lequel ils comptaient. Une fois qu’ils ont demandé
pardon devant la Gacaca, ils pensent que ça suffit.
Représentant de rescapé, 2009.

Accorder le pardon
Il semblerait que l’obligation de demande de pardon dans le cadre du processus
de l’aveu ait semé de la confusion dans les esprits de certains criminels qui, une
fois relâchés après leurs aveux, pensaient que l’État leur avait pardonné et
exigeaient ainsi aux rescapés de faire de même. Certains rescapés en faisaient
plus ou moins la même interprétation pour qui, du fait que la décision de relâcher
les détenus venait des autorités, avaient tendance à ressentir une certaine
obligation à pardonner. « Le gouvernement vous a accordé le pardon et moi, je
ne peux pas vous le refuser », a déclaré un rescapé interviewé en 2003.
Je demande souvent à un enfant de criminel d’aller me chercher de l’eau, de
m’aider à porter des choses. L’enfant obtempère. Qu’est-ce que nous
50

La réconciliation et le retour à la vie en commun

pouvons faire d’autre ? Si nous ne pardonnons pas, nous risquons de vivre
dans l’isolement. Nous ne sommes pas comme les plantes, nous ne pouvons
pas nous contenter d’oiseaux comme compagnons.
Rescapé du génocide, 2009.

Il a été fait part de nombreux cas de pression exercée sur les rescapés pour
qu’ils accordent leur pardon, souvent dans les meilleures intentions possibles.
Les rescapés ont expliqué avoir donné leur pardon parce que « l’État » ou
« l’Église » leur avait demandé de le faire.
Les gens qui pardonnent après un aveu sincère n’oublient pas pour autant
leurs parents massacrés. Je lui ai pardonné car l’État lui avait pardonné. Je
n’allais pas faire autrement parce que cela n’aurait pas fait revivre les
membres de ma famille que j’avais perdus !
Rescapé du génocide, 2005.

Cette « obligation » émanant de l’État de chercher et d’accorder le pardon peut
toutefois avoir un prix. À court terme, ces obligations perçues peuvent avoir eu
pour effet de mettre en péril des tentatives plus significatives d’accorder le
pardon et de le recevoir. À plus long terme, ces efforts peuvent s’avérer contreproductifs en suscitant des attentes irréalistes de recevoir une demande de
pardon qui vient du fond du cœur et d’être pardonné sincèrement.

4.1 Le retour chez soi : apprendre à revivre
ensemble
En octobre 1998, le gouvernement rwandais a annoncé son projet de relâcher
10 000 détenus qui ne faisaient l’objet d’aucune accusation spécifique. Toutefois,
devant la perspective de protestations de partisans extrémistes au sein du
Gouvernement et de certains groupes de rescapés du génocide, ce groupe a été
réduit à 3 365 détenus qui ont été relâchés progressivement au cours d’une
période de 10 mois.
L’annonce a donc suscité quelque peu la surprise lorsque le président Kagame a
décidé le 1er janvier 2003 de demander la mise en liberté provisoire de plus de
20 000 prisonniers, qui comportaient ceux qui avaient déjà avoué, les malades et
les personnes âgées, et ceux qui étaient mineurs au moment des violations.26
Ces prisonniers ont été envoyés dans des camps de solidarité (appelés Ingando,
plus amplement abordés à la Section 4.2) comme étape en vue de leur mise en
liberté provisoire dans la communauté et de leur jugement par une juridiction
Gacaca.
Pour dire vrai, je dois dire que la libération des prisonniers nous a beaucoup
surprise. À notre avis, le droit n’avait pas été respecté. Nous pensions que les
gens avaient été envoyés en prison à cause des crimes qu’ils avaient
commis. Or ces crimes sont très évidents, car beaucoup de vies ont été
51

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

perdues dans ce secteur. Et tout d’un coup, on apprend que l’arrêté de la
présidence a libéré les prisonniers. Nous ne savions absolument plus où nous
en étions. Et nous n’avions nulle part où nous adresser pour demander des
explications puisque c’est le pouvoir [le gouvernement] qui a libéré ces gens.
Pourtant, le gouvernement aurait dû tenir compte de nos intérêts, en ne les
relaxant qu’après les avoir jugés.
Il n’y a pas de doute que cet arrêté devrait relâcher les innocents qui figurent
parmi eux. Mais les coupables devraient être jugés et condamnés. En tout
état de cause, ils ne devraient pas été libérés sans motif valable. Il y en a
même parmi eux qui ne savent pas pourquoi ils ont été libérés. Le fait de les
libérer sans nous avoir permis de nous y préparer mentalement à l’avance,
cela revient à remuer le couteau dans la plaie. On ne peut pas dire que tous
les gens qui ont été libérés sont innocents, comme il n’est pas possible
d’affirmer que tous sont coupables. C’est [le système de] la justice qui devrait
décider de leur culpabilité ou de leur innocence.
Je suis d’accord que certains de ces prisonniers devraient être libérés pour
pouvoir être jugés par les juridictions Gacaca. Bien entendu, puisque tout le
monde n’a pas commis les mêmes violations, je crois qu’il serait sage de
garder en prison ceux qui ont commis les exactions les pires.
Rescapé du génocide, 2003.

Les gens ont questionné la motivation d’une telle décision à ce moment-là, en se
rappelant que des élections allaient avoir lieu peu de temps après et en spéculant
que cette mesure avait des motivations politiques. On peut également penser
que les inquiétudes des gouvernements donateurs sur les conditions
abominables de surpeuplement carcéral au Rwanda ont joué un rôle dans cette
décision. Ce qui est clair, ce que l’arrêté présidentiel a donné un coup de fouet au
processus Gacaca à un moment crucial.
L’arrêté a été généralement bien accueilli par les prisonniers et leurs familles,
même s’ils s’inquiétaient que le texte à proprement parler était relativement
vague.
Si on avait disposé des moyens et de la liberté de le faire, on aurait organisé
un festival pour exprimer notre joie à cet arrêté présidentiel. Nous étions
tellement ravis de cette déclaration officielle vis-à-vis des détenus mineurs,
âgés, de ceux qui avaient avoué et malades. Nous avons été tellement
heureux le soir où nous avons appris la nouvelle que beaucoup de détenus
n’ont pas pu trouver le sommeil tant ils étaient joyeux. Nous avons été
enchantés de cette déclaration officielle du président de la République et
nous sommes prêts à vivre correctement avec ces gens dehors. Nous avons
commencé par remercier le bon Dieu de l’avoir [le Président] poussé à le faire.
Détenu, 2003.

Au cours des semaines qui ont suivi, la nouvelle des libérations a suscité un
nombre considérable d’aveux au sein de la population carcérale. Cependant, la
52

La réconciliation et le retour à la vie en commun

joie de certains prisonniers s’est transformée en mécontentement quand ils ont
appris que le nombre des libérations serait bien inférieur à leurs attentes.
Néanmoins, pour ceux dont le nom figurait sur les listes, leur départ d’Ingando a
été perçu comme une véritable chance, un premier pas vers la vie en-dehors.
L’absence de clarté de l’arrêté a donné lieu à un certain nombre d’interprétations
et l’autorité chargée de son application était parfois incertaine quant à la marche
à suivre. Était-il nécessaire de relâcher tous les mineurs, ou seulement ceux qui
avaient avoué et ceux qui n’appartenaient pas à la Catégorie 1 ? Est-ce qu’une
personne séropositive était considérée comme malade ? À quel âge un homme
était-il considéré âgé ? La rédaction d’une circulaire par le bureau du ministère
public a permis de clarifier en partie cette confusion, mais pas en entier.
Ce sont les rescapés qui ont accueilli les mesures avec le plus d’anxiété. Cette
appréhension était partiellement attribuable au sens profond de vulnérabilité
qu’elles apportaient. L’annonce de la première vague de mises en liberté a
commencé par susciter beaucoup de peur au départ, plusieurs rescapés faisant
part de leurs inquiétudes quant à la manière dont les prisonniers relâchés
pourraient éventuellement se comporter. À l’époque, une personne interrogée a
fait remarquer que : « Les rescapés du génocide se sont demandés si ces
prisonniers relâchés, qui avaient «abattu à la machette» ceux qui leur
ressemblaient et mangé leur bétail allaient continuer de donner libre cours à leur
méchanceté. Ils s’en inquiétaient ».
Si les craintes des rescapés se sont avérées, pour la plupart, sans fondement,
elles n’en restaient pas moins une appréhension compréhensible concernant leur
sécurité dont ils ne se sont jamais complètement séparés :
Nous avons l’impression qu’à l’avenir, notre sécurité sera problématique.
Vous comprenez que quelqu’un qui tue nos proches et qui est aujourd’hui
remis en liberté n’éprouve pas le moindre amour pour nous. Je crois qu’il va
nous être difficile de nous réjouir de leur libération. Je pense aussi que le
travail des juridictions Gacaca va s’en trouver plus compliqué. Nous pensions
que nous allions nous réconcilier une fois qu’ils auraient purgé leurs peines. Il
aurait été facile de me demander de me réconcilier avec lui après qu’il ait
purgé sa peine. Alors nous aurions pu nous appuyer sur des bases pour
fonder notre réconciliation. Comment allons-nous nous réconcilier avec
quelqu’un qui ne sait même pas ce qu’il a fait [dont les actes n’ont pas été
officiellement établis par un jugement] ? Il s’agit vraiment là d’un grave
problème. Mais je dois dire que jusqu’à maintenant, les prisonniers libérés ne
nous ont pas encore fait de mal. Nous pensons qu’ils ont été suffisamment
réformés, ou peut-être ont-ils peur. Nous ne savons pas dans quel sens la
situation va évoluer. Mais jusqu’à présent, ils n’ont attaqué personne.
Rescapé du génocide, 2003.

53

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Les mises en liberté et la Gacaca : les écueils
Même si les premières remises en liberté se sont plutôt bien passées dans
l’ensemble et n’ont pas suscité de forte augmentation de l’insécurité,
contrairement à ce que certains avaient pensé, cela n’a néanmoins pas empêché
les sentiments de méfiance et de peur de subsister.
Les travaux de recherche de PRI ont établi que les prisonniers étaient conscients
de la nature provisoire et précaire de leur situation en tant que criminels
génocidaires qui restaient en liberté. Tous risquaient d’être renvoyés en prison.
Face à de tels enjeux, l’approche qu’ils ont adoptée vis-à-vis de leurs situations
personnelles dépendait principalement de la solidité de leur position au sein de
leurs communautés.
Il est fréquemment arrivé à ceux qui se percevaient comme étant plus vulnérables
de négocier avec les autorités ou les familles de victimes, en concluant des
ententes avec les rescapés pour, dans les faits, acheter leur silence. Le caractère
informel de telles dispositions n’offrait toutefois guère de garantie qu’ils ne soient
pas, malgré tout, dénoncés par la juridiction Gacaca locale.
À l’inverse, il a été fait part de certains criminels occupant des postes importants
qui ont évité d’être arrêtés ou réarrêtés en ayant recours à des actes
d’intimidation, voire même à des assassinats, en vue de faire disparaître les
preuves existantes. Malgré la confirmation de certains cas d’intimidation ou de
violence à l’encontre de témoins, les nombreuses rumeurs qui circulaient depuis
la mise en place des juridictions Gacaca ont surtout contribué à créer un climat
d’insécurité.
Les rescapés du génocide ont, eux aussi, adopté des attitudes et des
comportements fort différents en fonction de leur niveau d’influence ou
d’isolement social(e). Ainsi, quelqu’un de relativement isolé et qui, pour survivre
après le génocide, a conclu un accord avec la famille du criminel, a eu tendance
à passer outre le système de justice en s’abstenant de déposer un témoignage à
l’encontre du détenu. Pour ces rescapés, ce qui comptait par-dessus, c’était de
préserver l’harmonie sociale. Témoigner dans de telles circonstances présentait
le risque de rompre les liens sociaux qui, dans certains cas, leur étaient vitaux
pour survivre, par exemple dans des cas où des personnes âgées dépourvues de
familles dépendaient d’autrui.

4.2 Les camps de solidarité 27
Des camps de solidarité, appelés dans la langue locale Ingando, ont été établis
aux quatre coins du Rwanda pour faciliter la réintégration sociale des prisonniers
accusés de crimes génocidaires. Ils sont entrés en service avec l’arrivée des
libérés suite à l’arrêté présidentiel de janvier 2003.

54

La réconciliation et le retour à la vie en commun

En créant ces camps, l’objectif déclaré du gouvernement était de « rééduquer les
détenus libérés ». Un programme de formation a été élaboré pour les anciens
libérés, qui tous étaient tenus de suivre trois mois de cours et de travaux.
Les cours portaient sur tout un éventail de sujets pédagogiques et pratiques,
notamment sur l’histoire du Rwanda et le génocide rwandais, les traumatismes et
leurs conséquences sociales, ainsi que la réintégration après la prison. Mais
au-delà du but de rééducation en vue de l’intégration sociale, les autorités
espéraient par ailleurs que les camps de solidarité les aideraient à obtenir de plus
amples renseignements sur les événements concernant le génocide. Des
réunions ont été organisés aux camps pour réunir les prisonniers relâchés avec
les membres des cellules où ils avaient vécu (y compris les rescapés et d’autres).
Lors de ces réunions, les anciens détenus étaient encouragés à expliquer la
manière dont le génocide s’était déroulé dans leur région. L’un des buts
recherchés était de corroborer les informations reçues jusque-là et d’éliminer les
fausses déclarations et les aveux incomplets

Perspectives des prisonniers remis en liberté sur
la vie en Ingando 28
Les comptes-rendus suivants, recueillis après la première vague de détenus
relâchés envoyés dans les camps Ingando suite à l’arrêté présidentiel de 2003,
se sont basés sur des entretiens qui ont eu lieu en 2003. Ils traduisent les
opinions et le vécu de bon nombre d’autres personnes interrogées (mais pas
toutes) :
Les 1 200 personnes présentes environ, heureuses de ne plus avoir à porter
l’uniforme rose des prisonniers rwandais, ont travaillé avec détermination. La
première semaine a été consacrée à élire les chefs du camp et à construire une
grande salle de classe.
Les règlements internes du camp ont été convenus d’un commun accord,
sachant que toute personne qui désobéirait pouvait s’attendre à des punitions
sévères : la punition en cas de mauvais comportement (comme par exemple
fumer du cannabis) était le renvoi en prison.
Peu de temps après, les cours ont commencé, dispensés par plusieurs individus
haut placés. Ces cours, qui ont donné lieu à de grands débats, couvraient tout
un éventail de sujets théoriques et pratiques, notamment : l’unité et la
réconciliation, la culture de la paix, les juridictions participatives Gacaca, les
principes de la démocratie et de la bonne gouvernance ; l’éducation civique au
sujet des élections ; les pouvoirs du législatif, de l’exécutif et du judiciaire ; la
justice et les droits de l’Homme ; les stratégies de développement pour le
Rwanda ; le rôle de la population dans le maintien de la sécurité ; la lutte contre
la pédophilie ; le SIDA et le paludisme. En règle générale, les cours ont été

55

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

perçus comme étant bénéfiques et les participants y ont réservé un accueil
favorable.
Des réunions avec la population locale ont été organisées pour essayer de
commencer la réintégration sociale [des détenus]. Ensemble, ils ont joué au foot
et au volley et ils ont construit des maisons pour les rescapés. L’Umuganda
(travaux communautaires obligatoires) a été fait conjointement et pour finir, cette
convivialité s’est terminée par une fête où nous avons dansé et bu de la bière
locale.
[Mais] notre vie y a été très dure. Les conditions de vie dans le camp Ingando
étaient pires qu’en prison. C’était fait exprès. Il en va de même dans tous les
camps.
Tout le monde a été soumis aux mêmes conditions, sans exception, et prêts à
répondre de manière positive à tout ce qui était demandé. C’est-à-dire qu’on
nous demandait de rester là [dans le camp], d’être à l’heure, de faire ce qu’on
nous disait de faire, au sein du groupe qui nous avait été affecté. Il fallait que
nous soyons prêts à répondre à n’importe quel appel. Si on nous demandait de
danser, nous nous mettions tous à danser. S’il fallait construire une salle de
classe, nous partions tous en construire une. S’il nous fallait cuisiner, il en allait
de même. S’il fallait chercher de l’eau, pareil. On vous obligeait à manger ce qui
a été préparé par tous, sans attendre que votre famille vous apporte à manger.
Ce qui était vraiment dur, c’est que tous les jours, la date de notre libération était
changée et reportée à plus tard. Tous ces retards nous faisaient croire qu’il était
bien possible qu’on nous renvoie en prison. Des rumeurs circulaient à cet effet.
Au début de la formation, il y avait aussi des rumeurs qui disaient qu’on allait
nous tuer. Et lorsque la date de notre libération est arrivée pour être annulée une
fois de plus, nous avons commencé à avoir peur. Il y a des gens comme nous,
qui ont vécu dans les camps comme nous, mais qui n’en sont pas partis comme
nous. Ça nous a fait mal. On n’a pas dit à ces gens pourquoi il fallait qu’ils
retournent en prison.

Malgré les conditions difficiles, les entretiens menés avec les prisonniers relâchés
révèlent que la plupart ont vécu des expériences positives dans les camps. Cet
extrait du témoignage d’un prisonnier libéré en 2003 incarne parfaitement
l’attitude généralisée :
Les camps de solidarité où on nous a envoyés avant de rentrer chez nous ont
été très importants. On nous a expliqué dans le détail ce qu’étaient les
juridictions Gacaca. On nous a dit d’où venait l’idée de créer ces juridictions
et les objectifs qu’elles étaient censées atteindre. Nous avons bien
évidemment essayé d’en comprendre la philosophie. On nous a aussi appris
56

La réconciliation et le retour à la vie en commun

comment nous comporter vis-à-vis des rescapés du génocide, dans nos
familles et dans nos villages.
Les gens en charge des camps de solidarité et des diverses autorités
populaires nous ont également expliqué ce qu’était le travail d’intérêt général.
Certains défenseurs vont purger une partie de leur peine en liberté. En bref,
c’est avec beaucoup d’impatience que nous envisageons de nous mettre au
travail, bien que nous ne sachions pas quel type de travail il va nous être
demandé de faire. On nous a seulement dit que nous ferions du travail dans
les intérêts de la communauté. On nous a dit aussi que nous allions devoir
travailler pour aider à développer notre communauté, comme par exemple en
construisant des écoles.

Partir des camps : de nouveaux débuts et de nouvelles craintes
Globalement, même s’ils ont quitté l’Ingando avec un peu d’appréhension, la
majorité des anciens détenus étaient ravis de rentrer chez eux et leurs familles
étaient enchantées de pouvoir les compter de nouveau parmi elles :
Lorsque l’Ingando est arrivé à sa fin, ma sœur est venue me chercher. J’ai
passé quelques jours avec elle avant d’aller saluer ma vieille mère sur la
colline. Ma mère m’a très bien reçu et a pleuré : « Je pensais que c’était un
mensonge. Dieu soit loué. C’est certain qu’il a entendu mes prières.
Maintenant, si je meurs, je ne serai pas triste car je t’ai revu ! » Après cela, les
voisins sont arrivés en grand nombre pour me saluer. Tout le monde voulait
m’acheter une bière, mais je ne bois plus d’alcool. Certains pensent à tort
que j’ai changé de religion.
Prisonnier libéré, 2003.

Cependant, même si l’enthousiasme l’a emporté, tout le monde n’a pas trouvé
cela si simple de quitter la prison et le camp de solidarité :
À Umutara, un camp de solidarité allait fermer et j’avais pris l’initiative
d’escorter les gens qui en partaient. Les gens marchaient lentement par
petits groupes de trois ou quatre sur la route. J’ai alors demandé à l’un
d’entre eux où ils allaient. Ils ont répondu qu’ils allaient à Kahi, à côté de la
frontière. Je leur ai demandé s’ils attendaient qu’on vienne les chercher, et ils
ont répondu qu’ils allaient y aller à pied. J’ai poursuivi mon chemin, et
cependant lorsque je me suis retourné, j’ai vu que quelques-uns s’étaient
assis par terre. Je me suis donc arrêté à nouveau et j’ai demandé à ceux qui
s’étaient assis s’ils attendaient qu’on les prenne, mais ils ont répondu : « Non
merci ». Pour moi, cela montrait qu’ils avaient peur de retourner sur leurs
collines ! Je me suis demandé s’ils sont jamais rentrés chez eux.
Exilé tutsi de retour, 2003.

En effet, la peur était parfois telle qu’en raison de leurs crimes et du détail de
leurs aveux, certains d’entre eux ont abandonné l’idée de rentrer chez eux pour
57

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

s’enfuir à la place. Beaucoup d’autres, tout en décidant de rentrer, n’en ont pas
moins ressenti la précarité de leur situation. Beaucoup ont fait part de leur
inquiétude de la possibilité, vraie ou fausse, que de nouvelles accusations soient
portées à leur encontre par des rescapés. Des prisonniers libérés craignaient
aussi ce qu’allaient faire ceux qu’ils avaient désignés comme complices dans
leurs aveux et qui étaient toujours en liberté. Trop fréquemment, leurs familles ont
connu des difficultés après qu’ait circulé la nouvelle de leur retour imminent. PRI
a documenté plusieurs demandes de protection auprès de la police de la part de
détenus d’Ingando pour eux-mêmes et leurs familles.
Il y avait une vingtaine de personnes dans notre camp qui avaient reçu des
messages de leurs femmes et de leurs enfants disant que leurs perspectives
ne s’annonçaient vraiment pas favorablement à l’extérieur.
Ancien détenu acquitté, 2003.

Outre leurs craintes d’ordre sécuritaire, les prisonniers libérés étaient
extrêmement anxieux à l’idée de faire de nouveau face à la vie normale après
avoir été décalés pendant si longtemps en appartenant au système carcéral.
Pour bon nombre d’entre eux, beaucoup de choses avaient changé depuis leur
incarcération : de nouvelles relations s’étaient forgées, des bébés étaient nés et
des proches étaient décédés ; il y avait eu des améliorations dans le domaine
des communications (comme avec l’utilisation répandue de téléphones mobiles) ;
le marché du travail avait changé, et même les styles vestimentaires étaient
différents.
[…] Des membres de ma famille m’aident du mieux qu’ils le peuvent, mais
l’avenir reste incertain. J’aimerais avoir un travail, continuer mes études et
bâtir une famille. J’ai rencontré une fille qui avait aidé une veuve rescapée à
m’accuser de génocide. Nous nous sommes salués et nous avons eu une
conversation qui a été absolument fraternelle. J’ai aussi revu mon ex-fiancée
qui a trouvé un nouveau mari. Partout où je présente mon CV, j’ai du mal à
justifier d’une période vacante de 5 ans. Par ailleurs, je me rends compte que
l’accusation portée contre moi de participer au génocide continue de me
stigmatiser et d’être la raison véritable du rejet de mon CV dans de nombreux
cas. C’est grave, (…) néanmoins, pendant les élections présidentielles et
législatives, j’ai réussi à trouver du travail temporaire en tant qu’interprète pour
des observateurs du scrutin venus de l’Union européenne. Cela m’a permis
de survivre.
Ancien détenu, 2003.

4.3 Le règlement des infractions contre les biens 29
Dès les tout premiers temps, les décisions prises par les juridictions Gacaca
portant sur les violations de biens commises pendant le génocide, notamment de
pillages, de destructions de maisons et de biens privés, se sont avérées
problématiques et ont donné lieu à de nombreux litiges.
58

La réconciliation et le retour à la vie en commun

Tout d’abord, attribuer les parts de responsabilité pour les pillages organisés à
grande échelle qui ont eu lieu pendant le génocide s’est avéré plus complexe
qu’il ne l’avait été envisagé à l’origine. Tandis que beaucoup de gens y avaient
participé, l’ampleur des responsabilités individuelles variait grandement. D’un
côté, certains responsables des attaques (ces escouades mobiles armées qui ont
tué et pillé pendant le génocide) ont volé et détruit non seulement dans des buts
d’enrichissement personnel, mais aussi en vue d’effacer toutes traces de leurs
victimes dans le cadre de leur plan d’extermination. D’autres individus, quant à
eux, ont profité du chaos ambiant pour améliorer leur niveau de vie, ou tout
simplement pour survivre, en s’appropriant des biens abandonnés.
Le tableau n’a fait que se compliquer par une deuxième série de pillages qui s’est
produite pendant que les propriétaires étaient en exil. À leur retour, beaucoup
d’exilés n’ont pas pu récupérer leurs biens et, dans certains cas, ont été obligés
de rembourser ceux-là mêmes qui avaient participé à cette deuxième série de
pillages.
Un troisième problème qui s’est ajouté à cela, c’est qu’à leur retour d’exile,
certains rescapés ont touché des paiements concernant
leurs biens qui avaient été appropriés, soit dans le cadre d’une procédure dite
d’entente (dans le sens « accord à l’amiable »), soit à la suite de pressions
exercées par les autorités. Beaucoup ont touché à l’époque moins que les
sommes offertes à d’autres à la suite d’audiences Gacaca ultérieures, et ont donc
demandé à ce que leurs réclamations soient réentendues. Les autorités ont
rétorqué que les procédures Gacaca étaient exclusivement destinées aux parties
qui n’étaient pas parvenues à s’entendre. Toutefois, l’absence de preuve écrite
des ententes a rendu plus difficile de prouver qu’elles avaient jamais eu lieu.
Deux autres problèmes sont venus compliquer les audiences Gacaca. Tout
d’abord, la loi prévoyait que les pilleurs absents (en raison de leur décès, de leur
exil ou de leur incarcération) pouvaient malgré tout être jugés, leurs héritiers, ou
ceux qui avaient repris leurs activités, étant tenus de procéder aux
remboursements. Cette décision a donné lieu à de nombreux litiges, lorsque la
valeur des biens qu’il restait au pilleur était moindre que la somme qui lui était
ordonnée de rembourser, ou quand les biens avaient déjà été divisés entre des
membres de la famille.
Deuxièmement, le recours à la procédure par défaut a signifié que les défenseurs
n’ont pas été en mesure de se défendre. Par ailleurs, dans les cas où il s’est
produit des pillages successifs, il a été difficile de déterminer qui s’était emparé
de quoi. Au final, quelqu’un qui avait volé beaucoup d’effets personnels pouvait
se retrouver à devoir rembourser la même somme d’argent que le dernier venu
sur les lieux qui avait ramassé dans les débris un bol ou du bois pour pouvoir se
faire à manger.
Une fois un jugement rendu, il a aussi été difficile de le porter à exécution. Les
décisions relatives aux violations portant sur les biens ont souvent été exprimées
59

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

en termes monétaires. En raison de l’extrême indigence de bon nombre de
Rwandais et des montants souvent considérables des dommages-intérêts à
payer à titre de compensation de perte de biens de valeur, comme des maisons
et du bétail, beaucoup de ceux tenus de rembourser se sont trouvés dans
l’impossibilité à le faire. Dans ces cas, les tribunaux ont eu le choix entre deux
possibilités : soit confisquer des biens sous la forme de terre ou de bétail, et ce
faisant plonger les gens que dans une pauvreté encore plus extrême ; soit exiger
que le remboursement se fasse sous la forme de travail non-rémunéré pour la
victime, ce qui est contraire au droit international et ce qui, par moments, a pu
poser une grave menace sociale.

4.4 L’impact du travail d’intérêt général sur les
rescapés et les criminels 30
Le travail d’intérêt général peut-il aider les rescapés et les
criminels génocidaires à cohabiter en paix ?
À sa création, le travail d’intérêt général était jugé présenter un énorme potentiel
de réconciliation pour l’après génocide et il a fait d’importants progrès dans ce
but. Ceux qui ont participé au programme ont reçu une formation professionnelle
et un réel espoir de travail. Il s’est également avéré que le travail d’intérêt général
a minimisé l’aliénation sociale provoquée par l’incarcération.
Beaucoup de ceux qui ont été condamnés à du travail d’intérêt général (en date
de février 2010, plusieurs milliers d’individus participaient toujours au programme
de travail d’intérêt général) et qui au début rechignaient devant ce concept qu’ils
craignaient (cette peine étant jusque-là inconnue au Rwanda) en sont venus à le
voir comme une démarche très positive. Certains rescapés se sont également
déclarés satisfaits du travail fourni dans les camps, et dont quelques-uns d’entre
eux ont pu profiter directement. C’est justement ce qu’il s’est passé dans le
camp de Nyanza, où des maisons ont été construites pour des pauvres,
notamment des rescapés, ou encore à Rwamagana, où un projet similaire a été
mené pour les veuves du génocide.
Ceci étant dit, le travail d’intérêt général en tant que punition en reste à ses
balbutiements au Rwanda, et la forme qu’il revête reste cruciale. Dans les arrêtés
présidentiels de décembre 2001 et de mars 2005, le système privilégié était le
travail d’intérêt général de voisinage, qui prévoyait que les criminels travaillent à
proximité de chez eux, ou tout du moins dans leur propre district. Néanmoins,
devant les complications logistiques qu’il présentait, surtout du fait de l’inégalité
de la répartition des criminels entre les secteurs, les autorités ont choisi de
commencer par regrouper les criminels dans des camps de travail.
Malgré des conditions de vie parfois extrêmement difficiles, les criminels ont
préféré ces camps de travail car ils leur ont permis de réduire de moitié la durée
totale de leur peine, du fait qu’ils travaillaient six jours par semaine au lieu des
60

La réconciliation et le retour à la vie en commun

trois jours envisagés dans le modèle de voisinage. D’autre part, certains rescapés
craignaient le programme de travail d’intérêt général de voisinage en raison de sa
proximité par rapport aux lieux où les crimes avaient été perpétrés et avaient
peur de leur sécurité physique, et certains criminels n’y étaient pas favorables
non plus, redoutant des tensions possibles. Mais la distance de nombreux
camps de travail par rapport aux maisons et aux familles des criminels risque de
faire percevoir le camp de travail comme une deuxième prison. D’autre part, le
camp de travail convient mal aux individus devant purger de nombreuses années
de peine, et les duretés qu’il entraîne sont particulièrement mal adaptées aux
criminels âgés ou malades.
Malgré les avantages des camps de travail, PRI est d’avis que le modèle du
travail d’intérêt général de voisinage est mieux adapté au but d’une cohabitation
paisible et, au bout du compte, à l’objectif de réconciliation. Le contact supervisé
et progressif entre les criminels et la communauté a comme potentiel de rassurer
les rescapés, qui sont aussi mieux à même de profiter du travail effectué. Par
ailleurs, le modèle du travail d’intérêt général de voisinage à temps partiel permet
aux criminels de remplir, ne serait-ce qu’en partie, leurs devoirs économiques et
sociaux vis-à-vis de leurs familles.
Les deux modèles présentent toutefois de graves problèmes et aucun ne résout
le surpeuplement carcéral, puisque le travail d’intérêt général n’est pas la peine
principale. Les rescapés sont nombreux à insister sur le point que le travail
d’intérêt général devrait profiter directement à leur situation, plutôt que de
s’attacher à bénéficier à la communauté dans son ensemble. Il s’agit d’un besoin
d’autant plus pressant face à l’absence de mesures de compensation efficace,
qui a pour conséquence de continuer à condamner de nombreux rescapés à
vivre dans des conditions d’extrême indigence.

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Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : La procédure d’aveux, pierre angulaire de la justice rwandaise, janvier
2003, et Du camp à la colline, la réintégration des libérés, mai 2004.
Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Du camp à la colline, la réintégration des libérés, mai 2004 ; Rapport
intégré sur la Gacaca : Recherche et monitoring : Phase pilote, décembre 2005.
Comptes-rendus extraits de : Du camp à la colline, la réintégration des libérés, mai 2004.

61

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

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30

62

Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca: Les procès des
infractions contre les biens commises pendant le génocide : le contraste entre la théorie de
la réparation de la réalité socio-économique du Rwanda, juillet 2007; Le règlement du
contentieux des infractions contre les biens commises pendant le génocide. Le point sur
l’exécution des ententes et des condamnations à réparation, août 2009.
Pour obtenir de plus amples renseignements de PRI à ce sujet, reportez-vous plus
particulièrement à : Recherche sur la Gacaca, septembre 2003; Rapport de monitoring et
de recherche sur la Gacaca : Le travail d’intérêt général, domaines de réflexion, mars 2007.

Conclusion : Trouver le juste équilibre entre justice et réconciliation

5 Conclusion : Trouver le juste équilibre
entre justice et réconciliation31
Pour dire vrai, si le processus Gacaca n’avait pas vu le jour, les gens
n’auraient même pas demandé de l’eau à leurs compatriotes rwandais. On a
l’impression que la Gacaca a permis de faire jaillir la vérité sur le génocide.
Elle nous a permis d’exhumer et de retrouver nos proches massacrés, qui
avaient été laissés sur les collines, pour que nous puissions les enterrer dans
des sites de commémoration pour les victimes du génocide dans notre
secteur.
Rescapé du génocide, 2009.

En tant que réponse autochtone aux immenses défis juridiques, sociaux et
économiques qu’a présentés le génocide, le processus Gacaca a eu un impact
colossal. La Gacaca est parvenue comme nul autre modèle avant à impliquer
une population adulte entière en vue d’établir la vérité sur ce qui s’est passé et,
ce faisant, à rompre le cycle d’impunité qui aurait autrement menacé de miner le
processus de recherche de la vérité. Elle a permis d’élaborer et d’adapter des
mécanismes innovants de recherche de la vérité et de punition, comme la
procédure d’aveux et le travail d’intérêt général, avec l’aide de dizaines de
milliers de juges non-professionnels chargés de juger tous les crimes sauf les
plus abominables. L’adoption de la Gacaca en faveur d’autres modèles de justice
plus conventionnels a aussi, et peut-être surtout, permis de traiter les affaires et
de mener les procès à une allure incroyablement vive. Mais quel a été le prix de
ces gains de rapidité et d’innovation ? PRI s’est inquiété de voir qu’en voulant
aller trop vite, le processus Gacaca a ignoré un certain nombre de principes de
justice clés, menaçant l’émergence de la vérité et la dispense d’une justice
équitable pour tous.

La célérité aux dépens de la qualité ?
La problématique de la rapidité avec laquelle les dossiers génocidaires ont été
traités a été abordée à plusieurs reprises dans l’application de la Gacaca.
Plusieurs avenants juridiques ont été approuvés au fil des ans, visant à accélérer
le processus, notamment les changements apportés à la Loi organique n°
16/2004 portant autorisation du doublement du nombre de juridictions au niveau
du secteur (prévu dans la Loi organique n° 10/2007). Dans un autre avenant à la
loi de 2004, la compétence des juridictions Gacaca a été élargie pour prendre en
charge certains délits relevant de la Catégorie 1.
Le souhait de la part des autorités d’accélérer le processus n’a fait qu’accentuer
les difficultés de garantir une justice équilibrée. En conséquence de quoi, de
fortes pressions ont pesé sur les juges qui n’ont pas pu étudier les affaires dans
le détail. Les jugements ont été prononcés à la hâte et il n’a pas toujours été
63

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

accordé aux défenseurs le temps nécessaire pour se défendre. Il est arrivé que
des témoins soient absents simplement du fait que les multiples juridictions au
niveau du secteur tenaient séance en même temps et qu’ils ne pouvaient pas se
rendre dans deux endroits en même temps.
Le droit des défenseurs à un procès équitable a souffert, tout particulièrement
dans le cadre de la Gacaca. PRI a fait part que régulièrement, les défenseurs ont
comparu à leurs procès sans connaître les preuves portées à leur encontre et
sans avoir eu le temps de préparer leur défense. Ces carences ont non
seulement mis en exergue les problèmes qu’a posés le fonctionnement des
juridictions Gacaca, mais elles attestent également des limites du processus
Gacaca à proprement parler. Avec le recul, une autre solution plus juste aurait pu
consister à limiter le rôle de la Gacaca à celui de la récolte d’informations tout en
transférant aux tribunaux ordinaires la phase du procès, ou à faire en sorte que la
Gacaca opère selon un système hybride qui comptait en son sein des juges
professionnels.

En quête de la vérité : le rôle des aveux
La vérité est relative et j’ai obtenu ce que je voulais du processus Gacaca.
J’ai même donné un mouton à l’homme qui a avoué avoir tué mon père, car
j’ai eu l’impression qu’il disait la vérité sur la mort de mon père. On m’a
critiqué de l’avoir fait, mais je m’en fiche, car maintenant je sais tout ce que je
voulais savoir sur le génocide qui m’a enlevé ceux qui m’étaient chers.
Rescapé du génocide, 2009.

Malgré leurs défauts significatifs, les aveux ont joué un rôle positif à encourager
l’émergence de la vérité, aussi partielle et déformée qu’elle pût être.
Les juridictions Gacaca n’ont pas révélé toute la vérité, mais elles y ont
contribué. Elles n’ont pas vraiment creusé au cœur des choses mais elles ont
certainement joué un rôle important dans la recherche de la vérité.
Rescapé du génocide, 2009.

Les travaux de recherche de PRI ont également révélé que les individus et leurs
familles appréciaient la procédure d’aveux pour sa capacité à disculper les
innocents et à exposer les coupables. Pour beaucoup, le processus a contribué à
relâcher les énormes tensions qui s’étaient développées aux lendemains du
génocide. Surtout, l’adoption généralisée de l’aveu a eu pour atout crucial de
rompre le silence de tous ceux qui craignaient toujours de prendre la parole.
Les aveux ont été très utiles au processus Gacaca. Ils ont encouragé ceux
qui avaient opté pour le Ceceka (la loi du silence) à reconnaître leurs actes. La
Gacaca a bien marché en raison de ceux qui se trouvaient en prison : leurs
aveux ont influé sur ceux qui restaient dehors.
Rescapé du génocide, 2009.

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Conclusion : Trouver le juste équilibre entre justice et réconciliation

Toutefois, bien que les aveux et les autres mesures de quête de la vérité aient
aidé les individus à comprendre ce qui était advenu des êtres qui leur étaient
chers, et même s’ils ont permis de faire des progrès dans la recherche de la
vérité, le processus Gacaca n’a pas résorbé les tensions et les suspicions qui
règnent au cœur de la population. D’après un rapport de la Commission
Nationale sur l’Unité et la Réconciliation intitulé La cohésion sociale 2005–2008,
les niveaux de méfiance individuelle au sein de la société rwandaise restent très
élevés. Quelque 46 % de la population et 71 % des rescapés du génocide
pensent que les familles des criminels génocidaires éprouveront toujours de
l’animosité envers les rescapés qui les ont accusés ou qui ont témoigné contre
eux.

Participation de l’État dans l’administration de la justice
Il est arrivé par moments que l’implication de l’État dans le processus Gacaca en
ait menacé son impartialité. Les recherches de PRI ont en effet révélé que les
autorités locales y ont très lourdement participé, particulièrement au niveau du
secteur, et ont parfois influé sur la tenue des procès. Le Service National des
Juridictions Gacaca, c’est-à-dire l’instance gouvernementale de monitoring et de
coordination pour la Gacaca, est jugé avoir outrepassé ses attributions
concernant la Gacaca, tout particulièrement dans les consignes qu’il a remises
aux juridictions Gacaca. Les travaux de recherche de PRI ont révélé que la
participation de l’État s’est souvent traduite par une manipulation du processus,
notamment en réduisant la marge de manœuvre des juges.
La corruption a également été relevée comme constituant une cause de
manipulation majeure, favorisée par la pauvreté des rescapés, le désir des
défenseurs de retrouver leur place au sein de la société, la situation financière
difficile des juges Inyangamugayo non-payés qui étaient obligés de négliger leur
travail normal pour pouvoir remplir leurs fonctions au sein de la Gacaca, et suite à
l’incorporation plus récente de contrats de performance dans les activités de la
Gacaca.

Justice et réconciliation : le legs de la Gacaca
Conceptuellement, les limites de la Gacaca ont essentiellement été de deux
ordres. Tout d’abord, il a été difficile de concrétiser dans la pratique sa tentative
double de punir les criminels et de réconcilier la société. La nature abominable et
l’ampleur des crimes commis sont encore relativement fraîches dans les esprits
et le climat de suspicion et de méfiance mutuelle qu’elles ont suscité se fait
toujours sentir. Les dures réalités socio-économiques auxquelles est confrontée
la majeure partie de la population rwandaise n’ont fait qu’accentuer la difficulté
du pardon entre gens : un obstacle majeur reste la précarité de la situation
financière des accusés qui, en conséquence de quoi, se trouvent dans
l’incapacité de dédommager leurs victimes vouées à la pire indigence.
65

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

Tant bien même que la justice peut contribuer à la restauration de la paix sociale,
il apparaît clairement que la réconciliation relève d’un concept bien plus large qui
ne saurait être réglé par une simple cour de justice. Bien qu’il soit encore trop tôt
pour évaluer de manière exhaustive les effets de la Gacaca et son impact sur les
groupes sociaux, il n’est donc pas surprenant que les attentes au sein de la
population de la capacité de la Gacaca à réconcilier la nation n’aient été
concrétisées qu’en partie.
On ne peut pas dire que la Gacaca ait résolu toutes les causes du génocide.
La Gacaca n’est pas une solution pour les litiges, c’est simplement un
tribunal. La résolution des affaires constitue une solution permanente. La
Gacaca dispense la justice mais ne met pas un terme définitif au conflit.
Ministre du culte, 2009.

Alors que le chapitre de la Gacaca touche à sa fin, les Rwandais tournent leur
attention sur la manière de consolider les efforts entamés de réconciliation de la
nation.
Il devrait y avoir un endroit où les Rwandais pourraient se réconcilier. Mais il
faudrait aussi qu’il y ait un endroit où les problèmes non résolus par la
Gacaca puissent le devenir. Il faudrait enfin qu’il y ait des juges
Inyangamugayo éduqués qui pourraient résoudre ces problèmes avec
sagesse.
Prisonnier libéré, 2009.

Un legs important de la Gacaca a été l’émergence d’un forum où les victimes et
les criminels génocidaires pourraient échanger des informations et leurs points
de vue. Pour PRI, une méthode judicieuse de combler le vide laissé par le départ
de la Gacaca consisterait à renforcer ces forums et à les rendre permanents pour
qu’ils puissent garantir la poursuite du dialogue en faveur de la réconciliation.
Il devrait exister quelque chose après la Gacaca qui pourrait jouer le rôle
d’amener les parties à se réconcilier pour qu’elles puissent s’asseoir
ensemble et dire que leurs divisions font maintenant partie du passé : plus
besoin de punir, il suffit de se dire la vérité et de surmonter ce qui s’est passé.
Ce n’est pas le travail d’un juge, mais seulement des parties concernées et
d’un conciliateur, qui n’est pas là en tant que juge mais comme médiateur.
La Gacaca sous forme de tribunal s’est contentée de juger les criminels
génocidaires mais elle n’est pas capable de mettre fin aux conflits qui
continuent de diviser les gens. Elle n’est pas capable d’expurger les crimes
qui ont été commis, car les décisions prises par la Gacaca ne font pas
forcément l’unanimité. Les condamnés affirment que la justice n’a pas été
faite alors que les victimes rétorquent que la Gacaca est seulement un moyen
d’accorder le pardon aux criminels.
Rescapé du génocide, 2009.

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Conclusion : Trouver le juste équilibre entre justice et réconciliation

Le fait de donner aux Intwali un rôle primordial à jouer dans le processus de
réconciliation est aussi susceptible d’apporter des bénéfices substantiels.
L’accent porté sur leurs actes pour protéger des personnes en danger pourrait
encourager les criminels génocidaires à repenser ce qu’ils ont fait, en leur
montrant que des choix leur étaient donné et que même aujourd’hui ils peuvent
contribuer au processus de réconciliation en assumant la responsabilité de leurs
actes. Souligner le rôle des Intwali pourrait aussi jouer un rôle crucial dans les
efforts de reconstruction sociale, en luttant contre la conviction que tous les
Hutus ont été responsables du génocide, et en faisant la promotion de la
cohésion sociale.
Il est indispensable de rendre un hommage particulier à toutes celles et ceux
qui ont fait preuve d’un immense courage en risquant leurs vies pour sauver
leurs voisins et amis. Vous avez fait preuve du plus haut degré d’humanité en
risquant votre vie pour en sauver une autre. Vous auriez pu choisir de vous en
abstenir, et pourtant vous l’avez fait. Pour cette raison, vous portez en vous
nos espoirs. Il y a des gens encore vivants aujourd’hui au Rwanda, des gens
ici dans ce stade qui, sans votre courage et votre bravoure, seraient morts il y
a dix ans.
Discours du président rwandais, Paul Kagame, lors du 10e anniversaire du
génocide, le 7 avril 2004.

La Gacaca a rapproché les gens les uns des autres, qu’ils soient criminels ou
victimes. Avant, le chagrin nous empêchait de les contacter. Maintenant,
grâce à la Gacaca, nous nous sommes rapprochés. Nous sommes plus
proches des femmes de ceux qui nous ont fait du tort. Nous sommes allés
ensemble aux séances des juridictions Gacaca. Nous leur avons demandé de
nous aider pour nos travaux dans les champs, et ils sont toujours disposés à
le faire. Je ne crois pas qu’il subsiste de problème : l’unité et la réconciliation
sont des réalités. Ils nous ont aidé à régler nos différends. [Mais] comme
toujours, il y en a qui sont contents et d’autres qui sont mécontents.
Rescapé du génocide, 2009.

31 La conclusion de ce rapport s’appuie sur le rapport de recherche final de PRI sur la
Gacaca, intitulé La contribution des juridictions Gacaca au règlement du contentieux du
génocide : Apports, limites et attentes sur l’après-Gacaca, février 2010.

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Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

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Loi organique n° 10/2007 du 1er mars 2007, modifiant et complétant la Loi
organique n° 16/2004 du 19 juin 2004 portant Organisation, compétence et
fonctionnement des juridictions Gacaca chargées des poursuites et du jugement
des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre
l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, publiée
dans le Journal Officiel de la République du Rwanda le 1er mars 2007.
Loi organique n° 13/2008 du 19 mai 2008, modifiant et complétant la Loi
organique n° 16/2004 du 19 juin 2004, portant Organisation, compétence et
fonctionnement des juridictions Gacaca hargées des poursuites et du jugement
77

Huit ans après... le point sur le monitoring de la Gacaca au Rwanda

des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre
l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.
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Arrêté présidentiel n° 26/01 du 10 décembre 2001, sur le travail d’intérêt
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d’exécution de la peine alternative à l’emprisonnement de travaux d’intérêt
général.

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Rapport d’activités des Juridictions Gacaca – octobre–novembre–décembre
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Rapport Trimestriel – juillet–août–septembre 2003, Kigali, 2003

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Développpement Rural et des Affaires Sociales (MINALOC) :
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Rapport annuel, octobre 2008

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initiatives in Rwanda (Rapport national sur les consultations populaires :
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Land Ownership and Reconciliation (Propriété foncière et réconciliation), juillet
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