Fiche du document numéro 30697

Num
30697
Date
Mercredi 7 septembre 2022
Amj
Taille
30722
Titre
Génocide au Rwanda : non-lieu dans l’enquête sur l’armée française à Bisesero
Sous titre
La force militaire française « Turquoise », déployée au Rwanda sous mandat de l’ONU, était accusée par des associations et des rescapés d’avoir délibérément abandonné aux génocidaires des centaines de Tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero.
Nom cité
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Lieu cité
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Source
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
La justice française a prononcé un non-lieu dans l’enquête sur les accusations de complicité de génocide et de complicité de crimes contre l’humanité qui visait l’armée française lors des massacres commis sur les collines de Bisesero, au Rwanda, en 1994, a annoncé mercredi 7 septembre le parquet de Paris dans un communiqué.

Dans leur ordonnance de non-lieu, rendue le 1er septembre, les juges instructeurs ont considéré que « les éléments de la procédure n’établissaient pas la participation directe des forces militaires françaises à des exactions commises dans des camps de réfugiés, ni aucune complicité par aide ou assistance aux forces génocidaires ou complicité par abstention des militaires français sur les collines de Bisesero ».

La procédure classée



Cette décision est conforme aux réquisitions du parquet de Paris, qui avait estimé en mai 2021 que l’enquête ouverte depuis 2005 n’avait permis d’établir « aucune aide ou assistance des forces militaires françaises lors de la commission d’exactions, aucune adhésion de ces dernières au projet criminel poursuivi par les forces génocidaires ni aucune abstention d’intervenir face à des crimes constitutifs d’un génocide ou de crimes contre l’humanité ».

Les associations Ibuka, Survie, FIDH et six rescapés de Bisesero accusaient la force militaire française « Turquoise », déployée au Rwanda sous mandat de l’ONU, d’avoir délibérément abandonné aux génocidaires des centaines de Tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, dans l’ouest du Rwanda. A leur demande, le rapport « La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994) », rédigé par une commission d’historiens présidée par Vincent Duclert, rendu en mars 2021 avant un déplacement du président Emmanuel Macron à Kigali, avait été versé à l’instruction l’an dernier.

Mais les magistrats instructeurs n’ont pas trouvé de raison de relancer l’information judiciaire car « les documents cités en référence par les auteurs du rapport à l’appui de leurs constats, dans leur immense majorité, figuraient déjà en procédure », explique le parquet dans son communiqué.

La procédure, qui visait cinq officiers de l’opération « Turquoise » des chefs de « complicité de génocide », « complicité de crimes contre l’humanité » et « entente en vue de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité », est donc définitivement classée.

L’association Survie entend faire appel



« Ce non-lieu est parfaitement logique, il était attendu depuis de nombreuses années », a réagi auprès de l’AFP Pierre-Olivier Lambert, avocat de trois des officiers généraux, dont le chef de « Turquoise », le général Jean-Claude Lafourcade.

« L’enquête minutieuse a mis en évidence que les responsables militaires de l’opération “Turquoise” avaient réalisé leur mission avec humanité, courage et impartialité », a affirmé M. Lambert, estimant qu’« il était temps que la justice française reconnaisse enfin le caractère irréprochable de la mission » menée par les militaires français au Rwanda en 1994.

Pour Emmanuel Bidanda, avocat du colonel Jacques Rosier, chef des opérations spéciales présent à Bisesero, c’est « une grande satisfaction ». « Au terme d’une instruction en cours depuis dix-sept ans avec X juges d’instruction qui se sont succédé, nos clients sont hors de cause et l’armée française n’est pas complice ni de génocide ni de crimes contre l’humanité », a-t-il salué.

Pour Eric Plouvier, avocat de l’association Survie, « ce non-lieu est consternant (…), c’est un mépris judiciaire pour la manifestation de la vérité ». « Du point de vue procédural, le juge ayant “rouvert” l’instruction et joint de nouvelles pièces aurait dû procéder aux formalités prévues par la loi. Sur le fond, aucune conséquence pénale n’a été tirée des pistes ouvertes par le rapport Duclert et des éléments réunis en procédure », a-t-il ajouté, annonçant son intention de faire appel.

Patrick Baudouin, qui défend la FIDH avec Clémence Bectarte, s’est dit « extrêmement déçu de cette décision de non-lieu au bout de tant d’années d’instruction et d’éléments rassemblés », trouvant « dommageable que l’information [judiciaire] n’ait pu se poursuivre alors que des demandes avaient été formulées au vu du rapport Duclert ».

Mais « à l’issue de l’analyse de ce document, les magistrats instructeurs ont estimé qu’une reprise de l’information judiciaire ne se justifiait pas, car les documents cités en référence par les auteurs du rapport à l’appui de leurs constats, dans leur immense majorité, figuraient déjà en procédure ou se trouvaient, dans les pièces de l’information judiciaire, des équivalents ou une résonance », a expliqué la procureure de Paris, Laure Beccuau, dans son communiqué.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024