Fiche du document numéro 30379

Num
30379
Date
Jeudi 7 juillet 2022
Amj
Taille
30493
Titre
Au procès pour génocide d'un ex-préfet rwandais, l'appel à « faire tomber le masque » d'un « administrateur zélé »
Sous titre
Au procès à Paris pour génocide d'un ex-préfet rwandais, les avocats des parties civiles ont demandé jeudi à la cour d'assises de "faire tomber le masque" de cet "administrateur zélé", coupable selon eux d'"inaction" face aux massacres de Tutsi.
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Mot-clé
Source
AFP
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
Laurent Bucyibaruta, préfet de Gikongoro entre 1992 et juillet 1994, est jugé depuis le 9 mai pour génocide, complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité, des accusations qu'il nie.

Cette région du sud du Rwanda a été l'une des plus touchées par le génocide visant la minorité Tutsi, avec "120.000 personnes exterminées en deux semaines", a rappelé Hector Bernardini, avocat de l'association Survie et de trois rescapés.

En France depuis 1997, l'ex-préfet de 78 ans, atteint de plusieurs pathologies, a été visé par une plainte dès 2000.

"Derrière ce vieux monsieur que vous avez devant vous se cache en fait un administrateur zélé et implacable", a estimé Gilles Paruelle, conseil de l'association Communauté rwandaise de France et de six rescapés.

Il est jugé en France en vertu de la "compétence universelle" qui permet de poursuivre les suspects des crimes les plus graves où qu'ils aient été commis, ont rappelé les avocats de parties civiles à la cour.

"Dépassé par les événements"



Composée de trois magistrats et de six jurés, cette dernière doit "juger un étranger, pour des crimes commis à l'étranger", dans un pays "plus petit qu'un département français", "où vous n'irez peut-être jamais", a reconnu Antonin Gravelin, représentant la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), l'appelant toutefois à ne pas douter de sa "légitimité".

Tour à tour, les représentants des parties civiles ont cherché à démonter les arguments de Laurent Bucyibaruta, notamment le fait qu'il aurait été "dépassé par les événements".

"Cette petite musique qui consiste à dire que les administrations ne pouvaient pas grand-chose à ce qu'il se passait au Rwanda en 1994, que c'était le chaos (...) C'est faux. La machine administrative rwandaise était pleinement mise au service" du projet génocidaire, a souligné Me Gravelin.

"Il a parfaitement joué son rôle de courroie de transmission des messages du gouvernement intérimaire", a renchéri Simon Foreman, avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

En somme, un "simple maillon d'une grande machine administrative" ayant "obéi aux ordres", a résumé Rachel Lindon, avocate d'Ibuka France, comparant cette défense à celle de Maurice Papon, préfet sous le régime de Vichy.

Si Laurent Bucyibaruta ne faisait pas partie des donneurs d'ordre, des extrémistes appelant à la haine, "il a aussi fallu des préfets qui ont fait commettre ou qui ont laissé faire, alors qu'ils avaient le pouvoir et le devoir moral d'agir, d'empêcher", a estimé Sabrina Goldman, conseil de la Licra, qualifiant cette "inaction" de "caution aux tueurs".

Absence de regrets



Il ne peut pas se prévaloir de l'excuse de "contrainte", il n'avait pas "le pistolet sur la tempe", a-t-elle ajouté.

Les représentants des parties civiles ont fustigé ses "réponses très administratives, très technocratiques", l'absence d'"empathie" et de "regrets" exprimés et sa "facilité déconcertante" pour "nier des évidences".

"Comment croire Laurent Bucyibaruta lorsqu'il affirme que les barrières n'étaient que des lieux de contrôle ? (...). Quand il nous dit que le 21 avril au matin, il n'a pas pu voir les scènes de massacres à Murambi", pourtant juste en face de la préfecture, s'est interrogé Me Paruelle.

Outre ses actes pendant le génocide, "la manière dont il s'est défendu pendant l'audience" montre qu'il a "adhéré à l'intention génocidaire", a estimé Me Foreman, évoquant sa "façon de minimiser les événements", son utilisation du "double langage du gouvernement intérimaire" ou encore sa "manière de répondre fuyante, désincarnée, uniformisée".

"La signification de cette défense, c'est de permettre à l'accusé de se masquer derrière de faux arguments, peut-être pour se masquer à lui-même le rôle qu'il a eu dans cette réalité", a renchéri Jean Simon, avocat de Survie, appelant la cour à "faire tomber le masque de cet homme qui cherche tout simplement à échapper à la justice".

Le parquet national anti-terroriste présentera ses réquisitions vendredi, avant les plaidoiries de la défense lundi. Le verdict est attendu mardi.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024