Fiche du document numéro 3015

Num
3015
Date
Lundi 14 décembre 2009
Amj
Taille
125061
Sur titre
Rwanda : Kigali a mené l'enquête sur l'attentat qui a tué l'ex-président rwandais.
Titre
Habyarimana tué par les siens
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Qui a abattu l'avion du président rwandais Habyarimana, le 6 avril 1994,
attentat qui servit de prélude au génocide ? Depuis seize ans, cette
question ne hante pas seulement les Rwandais : elle a longtemps envenimé les
relations entre Paris et Kigali, jusqu'au rétablissement récent de leurs
relations diplomatiques.

Voici deux ans, en réponse à l'instruction menée à ce propos par le juge
français anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, qui avait débouché sur
l'inculpation de neuf hauts dirigeants du Front patriotique (le parti du
président Kagame), les autorités de Kigali décidèrent enfin de mener leur
propre investigation.

Une commission composée de sept enquêteurs, dirigée par Jean Mutzinzi,
ancien président de la Cour Suprême du Rwanda, explora minutieusement toutes
les sources disponibles : les documents et témoignages produits à Arusha
devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), les notes
d'audience des tribunaux rwandais et des juridictions populaires « gaçaça »
ainsi que les comptes rendus d'audition réalisés en Belgique par l'auditorat
militaire après la mort des dix Casques bleus.

Mais surtout, les enquêteurs ont eu accès à 557 témoins rwandais, anciens
acteurs politiques, ex-miliciens et militaires, et, en particulier des
soldats et des officiers qui, le 6 avril, se trouvaient dans le camp de la
garde présidentielle à Kanombe, à deux pas de l'aéroport.

Alors que le rapport Mutzinzi est terminé depuis plusieurs semaines, Kigali
le garde toujours sous le boisseau. Cependant, le magazine africain
Continental (www.continentalmag.com) vient de publier plusieurs extraits de
ce document explosif. Il apparaît que l'enquête rwandaise rejoint les
hypothèses formulées par Le Soir dès les premières semaines ayant suivi
l'attentat : la responsabilité de la disparition du président Habyarimana
incomberait aux extrémistes hutus de son entourage. Ces derniers, dont le
colonel Bagosora, s'estimaient trahis par le chef d'Etat qui s'était résigné
à céder aux pressions internationales et avait fini par accepter,
conformément aux accords d'Arusha qui prévoyaient le partage du pouvoir,
d'inclure le FPR non seulement dans le gouvernement de transition mais aussi
dans l'armée. Pour de nombreux officiers, touchés par la limite d'âge, dont
Bagosora, il s'agissait là non seulement d'une défaite politique (le partage
du pouvoir avec les Tutsis abhorrés) mais aussi de la perte de nombreux
privilèges.

Le rapport reprend longuement une thèse partagée par la plupart des Belges
qui vivaient au Rwanda à l'époque : le président Habyarimana, très affaibli,
avait été condamné par les siens. Bien avant le 6 avril, des rumeurs
concernant sa fin prochaine couraient dans la ville. Plusieurs anciens
militaires évoquant cette mort programmée, rappellent l'existence d'une
association d'officiers extrémistes, Amasasu, qui combattaient énergiquement
les accords d'Arusha et la fusion des deux armées.

Ces témoins décrivent aussi l'atmosphère particulière qui régnait dans le
camp Kanombe la veille de l'attentat. Selon le document cité par le
magazine, le tir de missiles serait d'ailleurs parti du camp Kanombe, un
fief de la garde présidentielle, inaccessible aux soldats tutsis du FPR, ce
qui explique pourquoi, abattu à très basse altitude, l'appareil s'est écrasé
en feu dans les jardins même de la présidence.

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