Fiche du document numéro 30141

Num
30141
Date
Vendredi 8 avril 1994
Amj
Taille
2653444
Titre
Fiche particulière n° 18491/N - Rwanda : Analyse de la situation à 12 heures
Nom cité
Nom cité
Cote
N°18491/N
Source
Type
Note
Langue
FR
Citation
CONFIDENTIEL DÉFENSE

Le 8 avril 1994

N° 014894 du 03 NOV 2006 18491/N

FICHE PARTICULIERE

RWANDA

ANALYSE DE LA SITUATION À 12 HEURES

La crise qui fait rage actuellement à Kigali serait le résultat d'une opposition latente entre Hutu du nord et du sud. D'ores ef déjà, quelques officiers hutu, originaires du sud du pays, ont constitué une cellule de crise et seraient prêts à reprendre les affaires en main.

La réaction de la Garde Présidentielle (GP) (1), après l'annonce du décès du chef de l'Etat, est éloquente. Un de ses officiers aurait déclaré, au nom de son unité, que la mort de "leur" président était due à un complot de l'opposition.

De fait, les exactions perpétrées, depuis mercredi soir, par la GP, visent les principaux chefs de file de l'opposition, en priorité ceux qui sont originaires du sud du Rwanda : le Premier ministre, Mme Agathe Uwilingiyimana, ainsi que le ministre de l'Information, tous deux du Mouvement Démocratique Républicain (MDR), principal parti d'opposition, ont été assassinés. De même, le président du Parti Social Démocrate (PSD), ministre de l'Agriculture et un chef de file du Parti Libéral (PL) ont été abattus.

Le fait que l'opposition soit systématiquement décapitée ne manquera pas de mettre en relief la position ambigüe du Front Patriotique Rwandais (FPR) qui observe, pour l'heure, une ostensible neutralité. Toutefois, d'éventuelles provocations supplémentaires, assorties de massacres de Tutsi, de la part de la GP notamment, pourraient contraindre la direction du mouvement à sortir de sa réserve et à invoquer le prétexte du désordre pour s'approcher du pouvoir, avec toutes les répercussions que cela comporterait, tant au Rwanda qu'au Burundi (2). Politiquement toutefois, il semble peu probable que le FPR trouve un avantage quelconque à agir de la sorte, ne serait-ce qu'en raison de la présence de la Mission d'Assistance des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) à Kigali et des avantages obtenus par l'accord d'Arusha.

(1) La plupart de ses membres sont des Hutu, originaires du nord du pays, comme le président Habyarimana.





CONFIDENTIEL DÉFENSE


(2) Ce dernier pays devrait rester calme tant que les Tutsi du Rwanda ne constituent pas la cible directe des militaires de la GP.

Selon certaines autorités hutu originaires du sud du. pays, l'essentiel de l‘enjeu présent est de parvenir à ramener la GP à la raison, afin de ne pas fournir de prétexte à une action du FPR. Un groupe constitué d'officiers hutu, originaires du sud du Rwanda, serait ainsi
prêt a jouer ce rôle, pour peu que la communauté internationale les reconnaisse et leur en donne les moyens. Un trio de trois officiers semble émerger de ce groupe :

- le général Ndindiliyimana, originaire de Butare (sud-Rwanda), chef d'état-major de la Gendarmerie,

- Le colonel Gatsinzi, chef d'état-major général (CEMG) des Forces Armées Rwandaises (FAR) qui assure l'intérim du colonel Nsabimana, également tué dans l'avion présidentiel. Le colonel Gatsinzi était auparavant en poste à Butare où il commandait l'Ecole des sous-officiers. Egalement chargé d'affaires relevant du deuxième Bureau rwandais, le colonel Gatsinzi à déjà, à plusieurs reprises, assuré l'intérim de l'ancien CEMG, lors de ses déplacements et indisponibilités.

- le colonel Bagosora, directeur de cabinet du ministre de la Défense et cousin du président Habyarimana. Proche de la GP, il pourrait éventuellement jouer le rôle d'un interface efficace entre les forces gouvernementales et la GP.

: Déclassifié par décision
* du ministre de La Défense

N° AO1153 CU 12 Hi 2021

Commentaire :

Ces derniers éléments semblent accréditer la thèse selon laquelle les événements actuels sont à replacer dans un contexte d‘affrontement entre Hutu du nord et Hutu du sud. Sous toute réserve, l'existence du groupe d'officiers précité n'exclut pas la possibilité d'un complot politique organisé et soigneusement préparé, comme le montre l'exécution de l'attentat relativement complexe sur le plan technique.

Pour l'heure, les Tutsi étant relativement à l'écart des affrontements, l'essentiel semble être de circonscrire la crise, afin qu'elle ne serve pas de détonateur à de nouveaux affrontements meurtriers Tutsi-Hutu. Dans l‘éventualité d'une nouvelle éruption de violence interethnique au Rwanda, les affrontements auraient alors une grande probabilité de s'étendre au Burundi.

Le 7 avril 1994
N°18487/N



FICHE PARTICULIERE


CONFIDENTIEL DÉFENSE n se
N 014894 Vu 03 NOV 2006

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