Fiche du document numéro 30121

Num
30121
Date
Lundi 2 mai 1994
Amj
Auteur
Taille
4704273
Titre
Rapport du Lieutenant Colonel Damy. Objet : Circonstances de la mort de l'adjudant-chef Didot Alain, de son épouse et de l'adjudant-chef Maïer
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
DG GN ; 20210144_6(1-3) ; SHD_documents épars
Source
Fonds d'archives
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
COETQUIDAN, le 2 mai 1994

RAPPORT

du Lieutenant Colonel DAMY
Chef du détachement militaire d'assistance technique
Gendarmerie au RWANDA

OBJET : Circonstances de la mort de l'adjudant-chef D... A, de son
épouse et de l’adjudant-chef M

DESTINATAIRE :

Direction Générale de la Gendarmerie Nationale
Division des Relations Internationales

L'adjudant-chel D... A... son épouse D... G... ,née L et l'adjudant-
chef M sont morts tragiquement à KIGALI (RWANDA) le vendredi 8 avril 1994.
L'adjudant-chet D conseiller technique transmission et l'adjudant-chef M conseiller technique police judiciaire appartenaient tous deux au détachement
d'assistance technique Gendarmerie au RWANDA.

L'objet du présent rapport est d'exposer les circonstances du décès de ces trois
personnes, étant entendu que les circonstances relatées ci-dessous ne sont fondées que sur le témoignage verbal de personnes de nationalité rwandaise

***
*

Le vendredi 8 avril 1994, l'adjudant-chef D et son épouse sont à leur domicile, une villa située à KICYIRU, une colline de la ville sur laquelle sont implantées l'hôtel Méridien et le CDN (Conseil National du Développement) distants de deux kilomètres environ l'un de l'autre. Le CND abrite le bataillon FFR fort de 600 hommes. La villa de l’adjudant-chef D est située à mi-chemin des deux bâtiments, au nord et à proximité immédiate d'un rond point important car il commande l'accès à l'aéroport depuis le centre ville

L'adjudant-chef René M qui habite seul un pavillon dans l'enceinte du camp
de gendarmerie de KACYIRU a rejoint la veille le jeudi 7 avril son camarade D pour participer à la veille radio.

En effet. l'adjudant-chef D . transmetteur de formation a installé chez lui une station radio qui lui permet d'entrer en liaison radio avec les personnels militaires de la M.A.M (Mission d'assistance militaire) avec le réseau ambassade et d'autres réseaux civils. II est également apte à faire le relais entre l'ambassade et les personnels militaires de KANOMBE distant de quinze kilomètres.

Il a par ailleurs une vue directe de sa maison sur le CND où est installé le bataillon FPR.

Depuis le jeudi 7 avril, cinq heures, des tirs violents ont débuté entre les forces gouvernementales et le FPR installé au CND. Le rond point situé près du domicile de l'adjudant-chef D est tenu fermement par la Garde Présidentielle dont le camp est à proximité immédiate. Depuis le début des combats, les consignes données par l'Ambassadeur de France aux familles des militaires et aux coopérants civils sont de rester chez soi. Seuls les militaires de la mission militaire peuvent circuler avec précaution dans le quartier de KIOVU et KIMIHURURA, non touchés par les combats.

Le vendredi 8 avril, les combats se sont poursuivis dans la nuit et le matin. Le rond point de KACYRIRU situé près du domicile de l'adjudant-chef D est le théâtre de violents combats entre la Garde Présidentielle et des éléments du bataillon FPR sortis du CND au cours de la nuit. Les éléments FPR tentent de s'emparer du rond point par le nord de celui- ci.

L'auteur du rapport est en contact permanent par radio avec l'adjudant-chef D toute la matinée du 8 avril. Il est demandé à ce dernier de profiter d'une accalmie pour tenter d'évacuer son domicile et de rejoindre le domicile d'un coopérant mieux protégé. Il nous fait savoir qu'il est dans l'impossibilité de quitter sa villa sans prendre de gros risques et qu’il préfère poursuivre sa mission de renseignement et de relais radio.

Vers 14H00 environ le même jour, l'adjudant-chef D ne peut plus être touché
par radio. Plusieurs essais sont effectués dans l'après-midi sans résultat. On pense à ce
moment à une panne de piles radio où de générateur qui fournit l'électricité. Vers 17H00, le
directeur du MERIDIEN qui a pu joindre par radio l'Ambassade de France nous fait part du
témoignage qu'il a recueilli de rwandais venus se réfugier dans son hôtel.

Selon leur témoignage, ces personnes de nationalité rwandaise et d'ethnie "TUTSIS" ont demandé protection et asile à l'adjudant-chef D qui les a abrité dans sa maison dans la matinée du vendredi 8.

Ils craignaient d'être assassinés par la Garde Présidentielle. Toujours selon eux, des éléments du bataillon RPR se sont introduits dans le jardin de l'adjudant-chef D et ont investi la maison. Les militaires du FPR ont autorisé les rwandais réfugiés dans la maison à partir, compte tenu de leur qualité de "TUTSIS". Ces derniers cependant, avant de partir ont assisté à l'exécution de l'adjudant-chef D et de sa femme. Ils n'ont pas mentionné dans leur témoignage la présence de l'adjudant-chef M.

Le samedi 9 avril, les militaires français du commando des opérations spéciales
(C.O.S. 1er RPIMA) sont allés récupérer un certain nombre d'expatriés français habitant à
proximité immédiate du rond point mais au sud de celui-ci. Il ne leur a pas été possible de
s'approcher du domicile de l'adjudant-chef D toute la zone étant battue par le feu.

Le dimanche 10 et lundi 11 avril, des demandes ont été faites auprès de la MINUAR pour qu'elle tente de s'approcher de la maison pour vérifier la véracité du témoignage cité ci-dessus et récupérer les corps s'il y avait lieu. Une tentative a été faite le lundi 11 mais la MINUAR nous a affirmé qu'elle n'avait rien trouvé. La décision a été prise alors de laisser sur place, après le départ de l'ensemble des coopérants militaires français le mardi 12 matin de laisser trois d'entre eux (Lieutenant colonel MAURIN, chef d'escadron F et l'adjudant-chef B) à KIGALI pour traiter de nouveau avec la MINUAR pour récupérer les corps.


Ce n'est que le mardi 12 que la MINUAR a pu retrouver les corps de l'adjudant-
chef D... de son épouse et de l'adjudant-chef M... sommairement enterrés dans le
jardin de la villa. Ils ont été formellement identifiés par le commandant F... du
D.M.A.T. Gendarmerie.

Les corps ont été rapatriés de KIGALI à PARIS LE BOURGET via BANGUI par avion militaire
et sont arrivés le vendredi 15 vers 11H00.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024