Fiche du document numéro 3

Num
3
Date
Jeudi 18 mai 2000
Amj
Taille
26189329
Surtitre
Commission rogatoire internationale siégeant au TPIR
Titre
Interrogatoire de M. Théoneste Bagosora par le juge Jean-Louis Bruguière
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
Annexe 53
Fonds d'archives
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
Arusha, le 19 Juin 2000
Monsieur SANKARA Menon
Senior Trial Attorney
Objet: Commission Rogatoire
Réf: Votre lettre du 12/6/2000
Mon témoignage enregistré a des coupures de quelques mots pouvant aller jusqu'à
deux courtes phrases au début des faces B des 4 cassettes en français. Cela se
vérifie en comparant ses transcription et enregistrement. Cependant, je suis
d'accord que mon témoignage enregistré soit déposé sous scellé tel qu'il est à
condition que les corrections ci-après soient apportées à son transcript.
-Page 9, ligne 4 : Ecrire IHEDN au lieu de HN...
-Page 21, ligne 5 : Ecrire ministre au lieu de ministère...
-Page 29, ligne 5 : Ecrire qui fut au lieu de qu'ilfut...
-Page 36, ligne 13 : Ecrire ultérieurement au lieu de inévitablement...
-Page 41, ligne 9 : Ecrire les chefs de service...
-Page 49, ligne 16 : Ecnre résoud au lieu de résolut...
-Page 50, lignes 13 et 14 : Ecrire RWABALINDA au lieu de Lrwabalinda
-Page 52, ligne 11: Ecrire parties prenantes aux accords...
-Page 53, ligne 7: Ecrire RWABALINDA
-Page 55, ligne 19 : Ecrire RWABALINDA
-Page 58, ligne 12 : Ecrire RWABALINDA
-Page 59, ligne 4 : Ecrire Général au lieu de Eugène
-Page 74, ligne 16: Supprimer Eugène
-Page 83, ligne 2 : Ecrire MURASAMPONGO au lieu de MURASUPARO
-Page 98, ligne 11: Ecrire le FPR a attaqué au lieu de a été
-Page 100, ligne 23 : Ecrire un Président au lieu de mon
-Page 108, ligne 10 : Ecrire 95 au lieu de 85
-Page 116, lignes 17 et 19: Ecrire Maurin au lieu de Morin
-Page 118, ligne 16 : Ecrire Huchon au lieu de Juchon
-Page 124, ligne 21: Ecrire Goffin au lieu de Rugofin
-Page 126, ligne 10 : Ecrire peloton mortier au lieu de porte-mortier
-Page 129, ligne 1: Ecrire Dame de Citeaux au lieu de Sitôt
-Page 130, ligne 6 : Ecrire Goffin au lieu de Rugofin
ligne 8 : Ecrire Dewez au lieu de Doez
ligne 9 : Ecrire par quand au lieu de parkas
-Page 131, ligne 11: Ecrire du 7 à 9h
Ligne 12 : Ecrire Etats-Unis à la place inaudible
-Page 132, ligne 9 : Ecrire RWABALINDA au lieu de WALINDA
-Page 135, lignes 23 et 24 : Ecrire canons bitubes de 37 millimètres
-Page 136, ligne 11 : Ecrire 7,62, MAG au lieu de 162 mack
Ligne 13 : Ecrire FAL au lieu de FAR
-Page 140, ligne 1: Ecrire reprise de la guerre
-Page 142, lignes 8 et 9 : Ecrire MONUOR au lieu de MINUAR
Ligne 16 : Ecrire Général MBITA tanzanien
-Page 147, ligne 12 : Ecnre NTIWIRAGABO Aloys
-Page 148, ligne 8 : Ecrire Nord-atlas ou un...
-Page 153, ligne 4 : Ecrire en dehors des personnaltés au lieu de alors des --inaudible
Ligne 16 : Ecrire réuni au lieu de élu
Ligne 19 : Ecrire après sécurité dont le général
-Page 154 , lignes 1 et 2 : Ecrire elle allait au lieu de ils allaient
-Page 159, ligne 14 : Ecrire NZAMURAMBAHO
Ligne 19 : Ecrire RUCOGOZA au lieu de Shugusa
-Page 161, lignes 12 et 14 : Ecrire Il se connaissait au lieu de je le connaissais
-Page 165, ligne 22 : Ecrire rappelé au lieu de appelé
-Page 167, ligne 11: Ecrire 1991
Ligne 14 : Ecrire BISERUKA au lieu de DUSAMKASTA
-Page 168, ligne 2 : Ecrire BISERUKA
Ligne 9: Ecrire RWABALINDA
-Page 171 , lignes 22 et 23 : Ecrire Aloys
-Page 172, ligne 14 : Ecrire Munyaneza au lieu de Mugensera.
Haute considération.
Colonel BAGOSORA Théoneste détenu à l'UNDF.
CC : Honorable Juge Jean-Louis BRUGUIERE
Me Raphaël CONSTANT

Commission Rogetoire Internationale
Deposition of
Théoneste Bagosora
1

COMMISSION ROGATOIRE INTERNATIONALE SIÉGEANT AU
TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA
Le 18 mai 2000
11 h 35

AUDIENCE TENUE DEVANT
SANKARA N. MENON, président

Interrogatoire de M. Théoneste Bagosora,
interrogé par
l'honorable juge Jean-Louis Bruguière,
juge d'instruction français

Pour la Police française
M. Pierre Payebien, commandant

Pour le Bureau du Procureur :
Mme Carla Del Ponte,
Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda
Me Catherine Cissé

Pour la Défense :
Me Clemente Monterosso

Sténotypistes officielles
Manon Cordeau, s.o.
Laure Ketchemen, s.o.
Carmelle Rochon, s.o.
Françoise Quentin, s.o.

TABLE DES MATIÈRES
Interrogatoire de monsieur Théoneste Bagosora,
par M. le juge Bruguière ..............................6

BAGOSORA Le 18 mai 2000
COMMISSION ROGATOIRE
Théoneste Bagosora
Le 18 mai 2000
11 h 35

Me MENON
Bonjour.
Nous allons commencer,
sans
plus attendre.
Je suis Sankara Menon,
avocat général au Bureau du Procureur, et
je préside cette commission rogatoire
internationale pour et au nom du
Procureur du Tribunal pénal international
pour le Rwanda, aujourd'hui,
ce 18 mai 2000.

Il s'agit, en fait, d'une commission
rogatoire française concernant l'attentat
perpétré contre l'avion qui transportait
le président Habyarimana, le 6 avril
1994. Le juge d'instruction français,
monsieur Jean-Louis Bruguière, présent
aujourd'hui, a demandé l'assistance du
Procureur du Tribunal pénal international
pour le Rwanda, afin que cette commission
rogatoire puisse entendre certaines


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personnes détenues par le Tribunal.

Le Procureur, après un examen attentif a,
le 26 avril 2000, décidé d'autoriser la
commission rogatoire internationale
conformément à son règlement interne
numéro 1, tel que modifié le 21 octobre
1999 et conformément aux Statut et
Règlement de procédure et de preuve du
Tribunal.

Le Règlement (sic), ci-dessus, et le
Règlement de procédure et de preuve vont
régir ces auditions conformément à la
décision du Procureur et obéiront, bien
entendu, notamment aux articles 20 du
Statut et aux articles 42, 43 et 63 du
Règlement.

Le témoignage sera enregistré,
conformément au Règlement de procédure et
de preuve concernant les suspects ou
détenus ici, au Tribunal. Le Procureur a
donc décidé d'autoriser le juge
d'instruction français, monsieur

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Bruguière, à poser les questions qu'il
désire, sous réserve, bien entendu, du
consentement du témoin et de son conseil.

J'espère que le conseil et que le témoin
n'ont pas d'objection à ce que monsieur
Bruguière pose lui-même les questions.

Me MONTEROSSO :
Pas du tout.

Me MENON :
Eh bien, dans ce cas, c'est parfait. Je
passe la parole à monsieur le juge
d'instruction Bruguière.

Me MONTEROSSO :
Clemente Monterosso pour monsieur
Théoneste Bagosora, on aimerait déposer
un document qui a été... Monsieur le
Juge, on aimerait déposer un document qui
a été préparé par monsieur Bagosora...
Un document qui a été écrit le 30 octobre
1995 au Cameroun, intitulé : L'assassinat
du président Habyarimana, ou l'ultime
opération du Tutsi pour sa reconquête du
pouvoir par la force au Rwanda. C'est un
document de 30 pages et des annexes

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également, concernant les événements du 6
avril 94.

Me MENON
Le document est reçu et il s'agira du
document numéro 1 qui sera annexé au
témoignage de monsieur Bagosora.

M. LE JUGE BRUGUIÈRE :
Puis-je commencer?

Me MENON :
Je vous en prie.
Vous avez la parole.

M. LE JUGE BRUGUIÈRE :
Merci, Monsieur Bagosora d'être ici et
d'avoir accepté, donc, de répondre à mes
questions. Je rappelle -- ce qui a déjà
été dit, du reste, par le représentant du
Bureau du Procureur, ici, qui donc
préside cette séance -- que j'interviens
dans le cadre d'une enquête française
dont j'ai la charge, en ma qualité de
premier vice-président à Paris et juge
d'instruction, une enquête qui a été
ouverte à la suite d'une plainte déposée
par les familles... les familles des
pilotes de l'avion qui, comme vous le
savez, étaient de nationalité française.




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Et que, donc, c'est précisément parce
que, dans ce drame, ce crash, il y avait
eu des victimes françaises que la France
est compétente, à la suite d'une plainte,
pour pouvoir enquêter sur cet attentat
--puisqu'il s'agit d'un attentat -- même
si celui-ci s'est passé en dehors du
territoire français. On a, donc, cette
capacité juridique.



Et, donc, il m'est apparu qu'il était
utile, voire même nécessaire, dans le
cadre de cette enquête, de solliciter la
coopération, l'entraide judiciaire du
Tribunal pénal international pour le
Rwanda, et plus précisément du Parquet,
afin de pouvoir recueillir le témoignage
de certaines personnes qui sont détenues
ici, dans un autre cadre juridique qui ne
me concerne pas.

Et, donc, vous faites partie des
personnes que je souhaitais entendre,
avoir votre témoignage. Cela m'a été
accordé et c'est donc pour que les choses

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soient claires, dans ce cas-là, que je
vous entends en qualité de témoin, bien
évidemment.

Q.
Alors, la première chose que je vous
demanderais, Monsieur Bagosora, c'est de
me décliner votre identité complète, et
puis, de me parler un peu de votre cursus
universitaire, scolaire et universitaire.

R.
Dans le document que je viens de vous
remettre, il y a un abrégé de ma
biographie. Et, puisque vous me posez la
question, c'est seulement une page et
demie, je peux vous relire cela, pour
aller rapidement.

Q.
Oui, enfin si vous voulez... le document
que vous remettez est une chose, c'est
une annexe --

R.
Oui.

Q.
-- l'audition est quelque chose de
formel --

R.
Oui.

Q.
-- indépendamment du document remis. Je
souhaiterais que vous puissiez répondre,
donc, à cette question préliminaire
concernant votre identité et votre

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cursus.

R.
Oui. Je m'appelle Bagosora Théoneste,
colonel des ex-Forces armées rwandaises.

Q.
Vous êtes né à quelle date?

R.
Je suis né le 16 août 1941, dans la
commune Giciye, dans la préfecture
Gisenyi, au Rwanda. Mon père s'appelle
Bagirubwiko Mathias et ma mère, Ntibayazi
Anastasie...

Q.
Ayez l'obligeance, à chaque fois que vous
citez des noms -- c'est pour la sténo --
d'épeler les noms, parce que, après, on a
des difficultés pour la retranscription.

R.
Alors le nom de mon père :
B-A-G-I-R-I-B-W-K-O (sic); Mathias
M-A-T-H-I-A-S; et ma mère, Ntibayazi,
j'épelle : N-T-I-B-A-Y-A-Z-I; Anastasie
A-N-A-S-T-A-S-I-E.
Je suis marié.., je suis marié à
Uzanyinzoga Isabelle, j'épelle :
U-Z-A-N-I-Y-N-Z-O-A (sic); Isabelle,
j'épelle : I-S-A-B-E-L-L-E. Et j'ai sept
enfants.

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J'ai fait mes études primaires à la
paroisse de Rambura. Rambura, j'épelle
R-A-M-B-U-R-A. Ce sont les écoles
primaires... donc, je les ai faites à
Rambura. Les écoles secondaires, je les
ai faites au Petit séminaire, St-Pie X,
du diocèse de Nyundo. J'épelle : Petit
séminaire...

Q.
Monsieur, ça va. Petit séminaire, ça va.

R.
Petit séminaire de Nyundo, Nyundo :
N-Y-U-N-D-O, où j'ai fait, donc, les
humanités classiques, gréco-latines. Je
suis entré à l'armée rwandaise le 1er
août 1962. J'en suis sorti sous-
lieutenant, le 1er janvier 1964. J'ai
fait des visites, des stages à l'armée
belge en 1965. Et je suis titulaire d'un
diplôme de licence en sciences sociales
et militaires de l'École supérieure
militaire, donc de Kigali.
J'ai fait l'École de guerre française en
19... de 1980 jusqu'à fin 80, 1980, 1981
à Paris. L'institut s'appelle « École
supérieure de guerre française ». Je fus

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auditeur de la deuxième session
internationale de l'Institut des hautes
études de la Défense nationale -- en ce
moment-là, c'était HDN -- à Paris, en
1982.

Pour ma carrière, j'ai exercé plusieurs
commandements dans l'armée rwandaise,
notamment je fus commandant en second de
l'École supérieure militaire et
commandant du camp militaire de Kanombe,
avant de devenir directeur de cabinet au
ministère de la Défense, en juin 1992.
Et j'ai participé aux négociations des
Accords d'Arusha.

Je suis allé en retraite... retraité le
23 septembre 1993 mais j'ai continué à
exercer la fonction de directeur de
cabinet au ministère de la Défense
jusqu'en juillet 1994.
À l'assassinat du président Habyarimana,
le 6 avril 1994, vers 20 h 30, le
ministre de la Défense...

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Q.
Attendez, je vais vous poser des
questions là-dessus. Il va y en avoir
pas mal, n'ayez crainte. Je voulais
simplement... Vous aviez quel grade?

R.
Colonel.

Q.
Colonel.

R.
Colonel.

Q.
Colonel.
Est-ce que vous pouvez me dire
quelle était la situation militaire,
l'état des FAR le 6 avril? Type
d'armement, position des unités...

R.
Monsieur le Juge, je voudrais d'abord
vous faire une petite déclaration parce
que si je suis venu ici, c'est parce que
je le veux.

Q.
Bien sûr.

R.
Et que je veux témoigner. Je voudrais
vous faire part de mon agréable surprise
d'avoir entendu que, finalement.., que
finalement le peuple français a pu, a pu
exiger cette enquête, ne fût-ce que pour
connaître le sort qui fut réservé à ses
trois fils.

Bien entendu, si le peuple français a été

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endeuillé, le peuple rwandais aussi a été
endeuillé. Je viens témoigner ici parce
que moi aussi j'ai intérêt, et le peuple
rwandais a intérêt, et le peuple
burundais a intérêt à ce que cet
assassinat, cet attentat contre l'avion
présidentiel dont personne ne veut
connaître la vérité, la réalité. On ne
veut pas connaître la réalité sur cette
affaire.

Je viens ici, sincèrement, pour vous dire
que je me sens déjà soulagé d'entendre
qu'il y a quelqu'un, qu'il y a une
organisation, qu'il y a des gens qui
veulent connaître cette vérité. Je vous
remercie donc, et je suis à votre entière
disposition pour répondre à toutes vos
questions. Je vous demande de reprendre
votre question parce que je n'ai pas pris
note.

Q.
Bien sûr.Je vais simplement, pour un
point d'ordre, je vous rappelle que ce
n'est ni le peuple français, au nom
duquel j'agis, malgré tout, de par la

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constitution, française, certes, que
j'interviens, mais à la suite d'un
mécanisme judiciaire tout à fait normal
qui est une plainte déposée entre les
mains du doyen des juges d'instruction
et, ensuite, le Parquet qui a ouvert une
information judiciaire dont j'ai la
charge et, donc, j'ai entière liberté
d'action puisque je suis un magistrat
indépendant constitutionnellement pour
mener cette enquête concernant les
circonstances dans lesquelles cet
attentat a été perpétré ainsi que
tenter -- c'est ma mission --
d'identifier les auteurs, complices et
commanditaires de cette action.
Voilà le point juridique que je rappelait
à la suite de votre courte intervention
et je reprends, donc, les questions que
je vous ai posées. La dernière, c'était
de savoir quelle était la situation
militaire des Forces armées rwandaises,
des FAR, le 6 avril, notamment concernant
le type d'armement dont elles

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disposaient, les positions des unités,
leur liberté de manoeuvre. Est-ce que
vous pouvez répondre à cette question?

R.
Pas totalement, mais je vais vous dire ce
que j'en sais.

Q.
Voilà.

R.
Depuis la signature des Accords d'Arusha,
le 4 août 1993, et à l'arrivée de la
MINUAR, depuis novembre 93, il fut
convenu... il fut convenu, entre les
parties, je parle de... le FPR, la MINUAR
et le gouvernement rwandais, de
constituer la ville de Kigali comme la
zone de... la zone, disons, de
consignation d'armes et de munitions.
C'est-à-dire que, en ce moment-là, il ne
fallait pas circuler dans la ville de
Kigali avec des armes, sauf pour les cas
qui étaient bien précisés dans cet Accord
pour l'escorte des autorités, et le
nombre de personnes qui pouvaient
circuler avec le genre d'armement qu'il
fallait avoir.




Ce qui fait dire, donc, depuis donc

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décembre, janvier, les unités de l'armée
rwandaise -- puisque je vivais à
Kigali -- vivaient dans leur camp
respectif et, pour sortir, il fallait
l'autorisation préalable de la MINUAR.
S'il fallait sortir en contingent,
d'autant de personnes, d'autant de
personnes, tout mouvement militaire
devait être signalé à l'avance à la
MINUAR, et la MINUAR devait autoriser et
même escorter, si c'est nécessaire, les
militaires qui sortaient de leur
campement. Et les armes... les armes
étaient stockées dans les magasins
d'armement avec qui... fermés, fermés à
clé et sous... sous surveillance de la
MINUAR dans chaque camp.

J'y reviendrai puisqu'au camp Kigali, il
y avait la MINUAR. Il y avait un
détachement de la MINUAR qui vivait au
camp Kigali. Au camp Kanombe, il y avait
un détachement de la MINUAR; au camp de
la Garde présidentielle, il y avait un
détachement de la MINUAR; dans toutes les

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unités à la gendarmerie, il y avait,
chaque fois, une équipe, peut-être cinq,
dix, je ne connais pas leur nombre mais,
dans chaque camp, il y avait un groupe de
la MINUAR pour surveiller si, réellement,
les activités donc, des... dans les camps
militaires.

Donc, ce que je peux donc vous dire c'est
que, à ce moment-là, les militaires
vivaient dans leur campement, les armes
consignées dans les magasins d'armement
sous surveillance de la MINUAR.

Q.
Merci, Monsieur. Vous avez cité les
Accords d'Arusha -- c'est important,
effectivement -- qui datent du 4 août 93,
et vous m'avez indiqué que vous aviez
participé à ces Accords. Vous pourrez en
reparler.

Mais pouvez-vous dire quelle était la
situation des troupes du FPR à la suite
de ces Accords et, notamment, la présence
des troupes du FPR depuis le 28 décembre
93 dans l'immeuble du CND, non loin de

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l'aéroport?

R.
Le contingent, le bataillon du FPR est
arrivé dans la ville de Kigali et logeait
dans ce qu'on appelait le CND, le
Centre... le Conseil national de
développement, disons «Assemblée »,
depuis décembre, depuis le 28 décembre
1993, effectivement.

Ils furent, de leur quartier général de
Mulindi, au nord-est du pays, ils furent
escortés de leur quartier général de
Mulindi jusqu'au CND par la MINUAR,
particulièrement les Casques bleus
belges, jusque-là. Ils devaient être
600, ils devaient être 600 avec un
armement convenu et un armement
individuel qui étaient destinés à la
sécurité et à la sécurité individuelle
rapprochée des autorités du FPR.


Mais, depuis qu'ils sont arrivés là-bas,
ce que je peux dire c'est que les
assassinats se sont développés dans la
ville de Kigali. Je peux seulement en

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citer trois qui sont bien connus. Il y a
les assassinats de deux messieurs, le
ministre Félicien Gatabazi du parti PSD
et qui était secrétaire de ce parti-là,
le 21 et le lendemain, le 22, ce fut
l'assassinat du président de la CDR,
monsieur Bucyana Martin, et puis, vers le
2... le 2... le ler, le 2 avril, ce fut
l'assassinat d'un membre de la CDR, de
monsieur Katumba. Donc, je vais donner
les noms, le nom --

Q.
Katumba?

R.
-- le dernier nom c'est : K, comme Kilo,
K-A-T-U-M-B-A, Katumba. Pour les autres,
vous les connaissez déjà, hein?

Je voudrais vous dire, donc, que depuis
qu'ils étaient déjà là, on a remarqué
qu'il y avait une insécurité grandissante
dans la ville de Kigali, qui montait, qui
montait, qui montait avec ces
assassinats. Peut-être, je reviendrai
sur les réactions, les tensions sur un
autre volet, mais c'est que, aussi, ce
bataillon est parvenu à exiger à la

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MINUAR -- ou avec sa complicité -- de
pouvoir se ravitailler. Et chaque fois,
faire ces approvisionnements à Mulindi,
au quartier général, donc, à Mulindi,
chaque fois, jusqu'au bois de chauffage.
Il devait chaque fois, donc, faire des
navettes de la ville de Kigali vers
Mulindi, et Mulindi, et caetera, et puis,
personne ne pouvait le contrôler. Il
devait traverser les lignes des forces
gouvernementales mais qui ne pouvaient
pas les contrôler parce qu'ils étaient
escortés par la MINUAR. Ils étaient
escortés par la MINUAR, ils rentraient
escortés par la MINUAR et c'est ainsi que
nous avons appris, nous avons senti que,
dans la ville de Kigali, il y avait
beaucoup d'infiltration, beaucoup
d'infiltration des agents de la MINUAR...
des agents du FPR et des assassinats et
des tensions, l'humeur de la population
commençait à... la tension commençait à
monter à cause, justement, de plusieurs
infiltrations qui, pour certains,
évaluaient à plus de 3000 au 6 avril, à

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plus de 3000 selon les... mes propres
informations et selon les informations
des autres. Moi je pouvais estimer ça à
plus de 3000, d'autres parlent de 4000,
5000, je ne sais pas, mais le fait est
que le 6 avril, nous le verrons sur le
développement des événements, qu'il y
avait, dans la ville de Kigali, beaucoup
d'agents du FPR, le 6 avril, à
l'assassinat du président Habyarimana.

Q.
Merci.
Savez-vous à quel moment le FPR a
imposé que les vols d'accès à l'aéroport
de Kigali ne se fassent que par une seule
piste? Et pour quelles raisons?

R.
Non, j'ai appris ça, tout simplement.
Je n'ai pas fait d'analyse.

Q.
Vous l'avez appris quand?

R.
Je l'ai appris peut-être en février, je
n'ai pas la date, je n'ai pas la date.
Mais j'ai appris ça avant l'attentat,
évidemment.

Q.
Oui, bien sûr.

R.
Oui.

Q.
Vous l'avez appris par qui?
Dans le
cadre de vos fonctions, bien sûr?

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R.
J'étais directeur de cabinet au ministère
de la Défense, d'où les informations
venaient, ça venait par réseau de
service, mais je ne peux pas vous
préciser pour l'instant.

Q.
Bien. Est-ce que vous avez appris, et
votre position me fait penser que vous
avez pu l'apprendre puisque vous étiez
directeur de cabinet au ministère de la
Défense, par les services de
renseignements rwandais, est-ce que vous
avez appris, par ces services, qu'il y
avait une réunion qui avait été organisée
à Bobo-Dioulassou, au Burkina Faso, à
laquelle assistait des membres du FPR?
...au cours de laquelle aurait évoqué un
projet d'assassinat du président
Habyarimana?

R.
Moi, personnellement, je n'ai pas été au
courant. La situation qui fait qu'il me
manque certaines informations c'est que,
mis à la retraite le 23 septembre 93,
dans le cadre du partage du pouvoir, des
partis qui avaient été.., pris part aux
négociations, le parti MRND avait,

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disons, eu, dans ce partage, le ministère
de la Défense.

Alors, depuis fin septembre, après ma
mise à la retraite, le ministère de la
Défense, monsieur Bizimana Augustin, il
m'a signifié que le... son parti MRND
venait de désigner un remplaçant et que
je devais, donc, commencer à préparer la
remise parce qu'on croyait que le
gouvernement allait être mis en place
sans délai, sans délai.

Ce qui fait donc, depuis pratiquement
octobre, je devais sortir sans préavis de
ce bureau-là où j'ai continué à attendre,
attendre parce que, justement, la mise en
application des Accords d'Arusha ça
traînait jusqu'à ce que ça me trouve
dedans le 6 avril, avant que ce
gouvernement ne soit en place.

Donc je devais sortir de ce bureau
aussitôt que le gouvernement a été mis en
place. Ce qui fait que le ministre,

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donc, de la Défense, les attributions de
directeur de cabinet, il les avait déjà
« dispatchées » dans les autres services
qu'il considérait garder. Et ça veut
dire que moi, si je pars, je vais partir
avec des dossiers que... je ne pouvais
pas traiter, des dossiers que je ne
pouvais pas suivre. Mais j'étais
toujours dans mon bureau. Ce qui fait
donc qu'il y a certaines informations qui
m'ont échappé. Sinon, j'étais là.
Donc, c'est pour cela que, par exemple,
sur cette réunion de Bobo-Dioulasso,
avant le 6 avril, je ne l'ai pas connu
mais je l'ai appris ultérieurement par
des livres, en exil, par des écrits.
Mais moi, j'ai pas écouté ça. Je ne peux
pas vous donner des informations à ce
sujet.

Q.
Est-ce que vous auriez également eu
connaissance, par des services de
renseignements ou par des tiers, de ce
qu'il y avait d'autres réunions qui
étaient tenues, qui s'est tenue dans la

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résidence du général-major Salim Saleh,
qui était le demi-frère du président
ougandais Museveni? Est-ce que vous avez
entendu parler de cela?

R.
Non plus avant, avant le 6 avril, non.
Mais je l'ai appris ultérieurement, aussi
de la même manière, par des informations,
des informations, d'ailleurs, dont je
n'ai pas de référence.

Q.
Oui?

R.
Mais donc, avant le 6 avril, je n'étais
pas au courant.

Q.
Est-ce que vous pouvez nous parler de la
réunion de Dar es-Salaam du 6 avril 94 et
nous dire par qui elle a été initiée? Je
suppose que, compte tenu de la position
que vous aviez, même si vous étiez en
train, donc, d'envisager votre départ,
vos attributions ayant déjà été, comme
vous avez dit, « dispatchées » ou
redistribuées à d'autres, je pense que
vous devez quand même posséder quelques
informations sur cette réunion importante
de Dar es-Salaam du 6 avril 1994?

R.
Paradoxalement, je fus informé de ce que


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le président était allé à Dar es-Salaam à
son retour, quand il venait de faire,
justement, de mourir, quoi. Moi, donc,
je n'ai pas été au courant avant.

De toute façon, l'arrangement doit s'être
fait très rapidement, très rapidement
parce que le 4, j'étais avec le général
Nsabimana qui ne savait même pas s'il
devait partir. Le général Nsabimana,
Nsabimana, lui, déjà, le 4 avril, ne
savait pas qu'il devait partir.

Bon, sincèrement, je n'ai pas été au
courant, avant, de cette réunion qui a
été organisée très vite, très vite.
Seulement, peut-être je vais avoir une
occasion d'en parler puisque, de toute
façon, sur l'attentat même, puisque sur
l'attentat même, avec les responsabilités
des services ou personnes présumées dans
cet attentat -- puisque je crois que je
pourrais en parler -- mais moi,
personnellement, je n'ai pas été au
courant de ce sommet. Je l'ai appris

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après, après.

Q.
Quand l'avez-vous appris?

R.
J'ai... On a dit que le président vient
de faire le crash en revenant de Dar
es-Salaam.

Q.
Oui, mais sur les détails de
l'organisation de cette réunion de Dar
es-Salaam, est-ce que vous avez eu des
informations par la suite?

R.
Non. J'ai su qu'ils sont allés là-bas,
j'ai appris ultérieurement, par les gens
qui étaient là, comment les choses se
sont déroulées là-bas par des personnes
qui sont encore vivantes, qui sont encore
vivantes.

Q.
Vous pouvez citer leur nom?

R.
Mais pour l'instant, je n'ai pas les noms
mais, par exemple, je crois que
l'ambassadeur Kanyarushoki, qui était
ambassadeur à Kampala, je crois qu'il
était allé là-bas. Malheureusement
l'ambassadeur, notre ambassadeur ici, en
Tanzanie, Thomas Munyaneza a trouvé la
mort au Cameroun où il était réfugié.
C'était un témoin privilégié. Et vous

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avez l'ancien ministre de l'Intérieur,
monsieur Munyazesa, Munyazesa Faustin,
ministre de l'Intérieur qui avait
accompagné le président, il est encore
vivant, réfugié, je ne sais pas où, mais
il était dans l'Afrique de l'Ouest mais
j'ai appris ultérieurement qu'il serait
en Europe.

Donc, vous avez des gens qui ont suivi,
qui ont suivi ce qui s'est passé à Dar
es-Salaam. À Dar es-Salaam, peut-être,
je peux vous dire ce que les autres m'ont
dit.

Q.
Si vous voulez, oui?

R.
Oui, ils ont dit que, pour commencer, la
réunion.., ils ont dit que, pour
commencer, la réunion devait avoir lieu
le 5, ici, à Arusha et qu'elle a été
déplacée le lendemain, le 6, à Dar
es-Salaam. Mais sans nous préciser les
raisons de ce report.
Et puis, une fois arrivé à Dar es-Salaam,
le président Museveni, il a pris son
temps pour... il est venu tard, très tard

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et il n'est pas venu à temps. Donc, il a
fait attendre les autres et puis, même
quand il est arrivé, même quand il est
arrivé, il a continué à faire tourner les
discussions jusqu'à ce que... pour perdre
du temps au point qu'il a été même très,
très compliqué de faire le communiqué qui
devait sanctionner, donc, ce sommet,
qu'ils doivent avoir signé à l'aéroport,
le soir.

Ils ont aussi dit que le président
Habyarimana et Ntaryamira ont demandé de,
puisqu'il faisait déjà tard, de pouvoir
passer la nuit et que le service
protocolaire de Mwinyi ont dit que leur
séjour à Dar es-Salaam n'avait pas prévu
de logement parce qu'ils ne pensaient pas
qu'ils allaient passer la nuit, que rien
n'avait été prévu. Et que donc, ils sont
rentrés de cette manière-là. Et que
l'avion est parti avant, bon, plutôt que
le président Ntaryamira qui était venu à
Dar es-Salaam avec, je crois, un petit
porteur pour aller vite. Il a pensé





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qu'il pouvait aller vite en prenant
l'avion, le Falcon, là, le Mystère,
Falcon, qui pouvait aller vite en prenant
l'avion de Habyarimana. Bon.

À ce moment-là, on a sorti une partie de
la délégation rwandaise qui avait
partie... qui était partie avec
Habyarimana pour mettre le président
burundais et pour mettre certains de ses
ministres, je crois deux. Bon, ils sont
rentrés. On sait ce qui s'en est suivi.
Alors que le petit porteur du président
burundais a suivi, en cours de route il a
pu apprendre qu'à Kigali il y a des
problèmes avec l'avion de Habyarimana.
Ils sont allés atterrir à Bujumbura.
C'est ce que je peux dire sur cette
affaire.

Q.
Précisément le président Ntaryamira,
donc, du Burundi était arrivé à Dar
es-Salaam avec quel avion? Il avait un
avion personnel?

R.
Ce que j'ai appris aussi c'est que son
avion personnel -- et il avait aussi, je

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crois, un Falcon --

Q.
Oui?

R.
-- mais son avion Falcon était parti avec
le président de l'Assemblée -- son nom
m'échappe pour l'instant -- qu'il fut
président dans la suite de... dans la
suite après la (inaudible) de Ntaryamira,
il avait été invité par Museveni, je
crois, la veille ou deux jours avant. Et
Museveni, il paraît qu'il n'a pas voulu
le recevoir, il n'a pas voulu le recevoir
suffisamment à temps pour que l'avion
soit disponible pour rentrer et conduire
Ntaryamira à la réunion.

Donc l'avion de Ntaryamira avait été...
était mobilisé, plutôt, à Kampala, selon
ce que j'ai entendu.

Q.
Ça ce sont des informations que vous
tenez de qui, ça? Des personnes que vous
avez citées?

R.
Des personnes, justement, qui étaient à
Dar es-Salaam.

Q.
À Dar es-Salaam. Est-ce que vous saviez
que le chef d'état-major Nsabimana devait

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aussi prendre l'appareil, l'avion du chef
de l'État et aller à Dar es-Salaam?

R.
Non.

Q.
©tait-il normal que, comme vous étiez
directeur de cabinet, quand même, du
ministre de la Défense, vous n'étiez pas
informé du déplacement du chef
d'état-major?

R.
Vous savez, il y avait quelque chose qui
ne marchait plus quand même dans les
services. Je voudrais vous dire que les
services de renseignements, pour
commencer, de la République, avaient été
partagés dans le partage du pouvoir. Ce
qui fait que le service de renseignements
intérieur se trouvait chez le premier
ministre. Le renseignement extérieur se
trouvait au ministère de la Défense, bien
sûr. Son rôle est le partage du pouvoir
et les services, je crois, de
l'immigration se trouvaient au ministère
de l'Intérieur.

Ce qui fait qu'au niveau de la
présidence, il n'y avait pas de service

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de renseignements. Au niveau de la
présidence, il n'y avait pas de service
de renseignements et le chef du service
de renseignements, pour coordonner les
trois services, se trouvait au niveau du
premier ministre. Je dis du premier
ministre qui était Agathe Uwilingiyimana.
Agathe Uwilingiyimana qui, depuis, je
veux dire, l'assassinat du président
Ndadaye, se trouvait dans la fraction du
parti MDR qui avait basculé du côté du
FPR. Donc le MDR c'était... était
fractionné en deux ailes, une pro-FPR,
une autre donc, disons, proche de la
mouvance présidentielle.

Ce qui fait que, donc, les services qui
se trouvaient chez le premier ministre ne
pouvaient pas arriver, tout
naturellement, chez le président. Je
voudrais donc dire que moi j'ai pas
appris. Les services de renseignements
ne fonctionnaient pas, ne fonctionnaient
plus. Le ministre de la Défense, tel que
je vous ai dit, quand il y avait des

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Des informations, des renseignements, des
services à faire, à faire faire, il le
faisait par d'autres services de ce
ministère.

Moi, personnellement, je n'ai pas su.
J'ai su qu'il était parti, justement,
quand je suis allé... quand j'ai été
appelé, la nuit du 6, à l'état-major.
C'est en ce moment-là que j'ai appris
qu'il était avec le président dans
l'avion.

Q.
Savez-vous pourquoi le chef d'état-major
était parti avec le président à Dar
es-Salaam?

R.
Non, non. Non, en fait, le 4, le 4 ou le
3, plutôt, le 3 avril, le ministre de la
Défense, c'est lui qui devait se rendre,
j'ai appris du ministre de la Défense
qu'il avait deux missions à faire...
qu'il avait deux missions à faire, qu'on
lui demandait... qu'on lui demandait
d'accompagner le président à Dar
es-Salaam dans ces jours-là, dans les
jours qui allaient suivre, dans une

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réunion où il devait partir avec le
président, mais sans nous préciser, donc,
sans nous préciser, mais aussi qu'il
devait.., qu'il avait une autre mission
au Cameroun, à Yaoundé. À Yaoundé,
c'était sur, je crois, les conférences
sur les mécanismes de règlement des
conflits en Afrique, une affaire comme
ça. Et que, donc, il n'a pas encore
décidé s'il accompagne le président ou
bien s'il va au Cameroun.

C'est le 4 que le ministre m'a dit que
finalement il a décidé, il a décidé
d'aller au Cameroun. Il me l'a dit
pourquoi? C'est parce que c'est moi qui,
encore, dans mes fonctions réelles,
juridiquement j'étais encore directeur de
cabinet mais, pratiquement, je ne l'étais
plus. Parce que toutes ces missions,
surtout celles des conférences depuis 92,
à la création de ces conférences-là,
c'est moi qui avait participé sur toutes
les... j'en avais participé au Cameroun,
une autre à Bujumbura, une autre à

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Libreville, je crois que j'en avais
participé à quatre, à quatre comme ça.

Bon. Alors le ministre, lui, dit : "Bon,
tu ne peux pas refaire la même mission
pour les mêmes raisons que tu ne peux
pas... si tu reviens, demain tu seras
parti puisqu'on va mettre le nouveau
gouvernement en place. Il vaut mieux que
j'envoie quelqu'un d'autre." Alors, à ma
place, il a envoyé le colonel Ntiwiragabo
qui était chef des renseignements
militaires à l'état-major de l'armée.

Il l'a envoyé et il a décidé, dans la
suite, au lieu de partir le 5, il a
décidé dans la suite, d'aller plutôt au
Cameroun et à la mission de Dar
es-Salaam, donc, je ne sais pas comment
il s'est fait remplacer, puisque je crois
qu'il est encore vivant, je crois qu'il
est encore là, monsieur Bizimana
Augustin, il est encore là, il est
poursuivi par un mandat du TPIR. Je
crois qu'un jour, il sere trouvable pour

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expliquer ça parce que, comment...
comment il a fait le choix et comment il
a désigné celui qui devrait le remplacer
parce que, tout naturellement, s'il
allait au Cameroun, ça devait être moi
qui devait accompagner le président à Dar
es-Salaam, tout naturellement puisque le
directeur du cabinet remplace le ministre
de la Défense normalement. Mais il ne
m'a rien dit à ce sujet. Il ne m'a pas
dit comment il s'est fait remplacer,
mais, bon, il est parti.

Alors c'est ultérieurement,
ultérieurement, après, après, que j'ai
appris, d'une dame qui travaillait à la
présidence -- elle est réfugiée au
Cameroun -- qu'à un certain moment, on a
parlé... on a parlé de mon nom, mais que,
finalement, on a basculé sur le nom de
Nsabimana, je crois, vers le 5. On l'a
désigné plutôt le 5 pour partir le 6. Le
4 au soir ou le 5 au matin, très tard.
Mais je l'ai appris après, après, pas
avant.

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Q.
C'était la première fois que le chef
d'état-major accompagnait le président
pour une mission à l'extérieur?

R.
Jamais depuis puisque, je veux dire, j'ai
vécu dans la ville de Kigali depuis les
années 70, je n'ai jamais vu ça. Je n'ai
jamais vu ça. Aucune fois. Depuis les
années 70, depuis, donc, la prise du
pouvoir de Habyarimana, en 1973, par un
coup d'État militaire, je n'ai jamais vu,
il avait deux chefs d'état-major
adjoints, un pour pour la gendarmerie, un
autre pour l'armée, et, inévitablement,
il a mis Nsabimana chef d'état-major de
l'armée et général Ndindiliyimana chef
d'état-major de la gendarmerie. Je n'ai
vu aucun d'entre eux faire une mission
avec le président.

Q.
Est-ce que vous avez été informé de la
présence d'un C-130 de l'armée belge
suivant l'avion présidentiel qui aurait
été équipé de dispositif anti-missile, le
6 avril 94?

R.
Je l'ai appris ultérieurement, je l'ai
appris ultérieurement en lisant le

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rapport parlementaire belge sur
l'assassinat des Casques bleus. Avant,
je ne savais pas.

Q.
Alors, on va arriver à une phase beaucoup
plus... qui est celle du 6 avril,
elle-même. Quand et comment avez-vous
appris l'attentat? Où étiez-vous et par
quel canal vous avez appris l'attentat
contre l'avion du président?

R.
Au moment de l'attentat, j'étais invité
et reçu à la MINUAR dans le contingent
bengali. Le Bangladesh avait un
contingent qui était stationné au stade
Amahoro. Alors ils m'avaient invité, ils
m'avaient invité à leur rendre visite et
ils m'avaient fixé le 6 avril.
L'invitation je l'avais reçue quand? Je
l'avais reçue le 4 avril lors d'une
réception qui s'est organisée à l'hôtel
Méridien de Kigali où le contingent
sénégalais fêtait la fête anniversaire de
son pays, et où le général Dallaire, et
le colonel Marchall et monsieur Booh-Booh
ont assisté ainsi que les éléments de la
MINUAR.

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Alors le commandant du contingent
MINUAR, de bengali m'a invité en ce
moment-là, de passer dans leur quartier
général pour une visite de courtoisie,
quoi. Alors il m'a fixé le rendez-vous
le 6 avril à 18 h. À 18 h, donc, j'étais
dans le quartier général du détachement
bengali à l'hôtel Amahoro où j'ai quitté
autour de 20 h, 20 h 15. C'était pas
loin de chez moi, il y avait peut-être...
peut-être cinq kilomètres entre l'hôtel
Amahoro et ma résidence. Arrivé chez
moi, vers 20 h 30, disons, 20, 20 h 30,
c'est ma femme et les enfants que j'ai
trouvés là-bas qui pleuraient, qui
disaient : "L'avion du président
Habyarimana vient d'être abattu", et que
ma femme m'a dit que l'état-major et le
ministère m'ont téléphoné pour que je
puisse, donc, rejoindre l'état-major de
l'armée le plus tôt possible.



Entre-temps... Entre-temps, comme moi
j'avais une radio Motorola qui me reliait
au camp de la Garde présidentielle qui

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était à côté, à 500 mètres de chez moi,
ma garde rapprochée, qui n'appartenait
pas à cette sécurité mais qui... Ces
militaires avaient été détachés du camp
Kigali parce que -- j'y reviendrai --
pour qu'ils soient en subsistance à la
Garde présidentielle. Donc ma garde
c'était pas la Garde présidentielle mais
c'étaient les militaires qui avaient été
détachés du camp Kigali. À la Garde
présidentielle pour ma sécurité, en tant
que... tel que les autres autorités en
avaient. Il avait été convenu que les
autorités des deux partis du FPR et du
gouvernement, à un certain niveau,
devaient avoir une garde qui ne devait
pas excéder dix personnes.

Donc, ma garde... Donc, la section de ma
sécurité, donc, fut détachée du camp
Kigali, à la Garde présidentielle.
Alors, j'ai téléphoné alors au commandant
de la Garde présidentielle puisque
j'avais la liaison avec ce Motorola qui
me reliait à son centre de transmission.


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J'ai téléphoné là-bas pour demander e
qui se passait. J'ai parlé, disons, au
Motorola pour demander exactement ce qui
se passait. Il m'a confirmé que le
président venait d'être assassiné, que
son avion venait d'être abattu. Il me
l'a confirmé.


Mais pendant que je parlais avec le
commandant de la garde présidentielle, le
général Ndindiliyimana qui se trouvait, à
ce même moment, à l'état-major de
l'armée, dans le bureau du général
Nsabimana -- Nsabimana qui avait aussi un
Motorola de liaison avec la Garde
présidentielle -- ils m'ont intercepté
pendant que je parlais au commandant de
la Garde présidentielle, et le général
Ndindiliyimana m'a invité de venir à la
réunion à l'état-major de l'armée.
Voilà.

Q.
Qui participait à cette réunion?

R.
Ceux qui ont participé à cette réunion,
pour commencer, et ceux qui ont participé
à cette réunion -- la réunion dans la

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nuit du 6 au 7 --

Q.
Oui?

R.
-- furent invités par le général
Ndindiliyimana qui m'a précédé. Le
général Ndindiliyimana Augustin. C'est
lui qui en a fait la sélection mais
c'était une sélection très simple.
C'était connu à l'avance qui pouvait
participer. C'est le chef de service du
cabinet du ministre de la Défense et les
membres des états-majors de l'armée et de
la gendarmerie. Ce sont ceux-là qui ont
fait... qui ont fait partie de cette
réunion. Le général Ndindiliyimana
ajoute... a invité et il a confirmé dans
plusieurs témoignages, il a ajouté le
colonel Rusatira Léonidas, qui était
commandant de l'École supérieure
militaire. Rusatira, j'épelle :
R-U-S-A-T-I-R-A Léonidas, qui était
commandant de l'École supérieure
militaire, il a été aussi associé à cette
réunion.

Mais cette réunion-là, il s'est ajouté

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certains commandants d'unité qui
vivaient... qui vivaient dans le camp
Kigali, certains commandants, par
principe, parce qu'ils étaient tout près,
alors ils ont été associés. Mais à cette
réunion fut invité le général Dallaire.
Le général Dallaire a participé à cette
réunion et le colonel Marchall. Ils ne
sont pas venus en même temps, arrivés en
même temps. Ils sont arrivés
successivement, le général Dallaire vers,
entre 22 h, 22 h 30, et le colonel
Marchall vers minuit... vers minuit. Les
deux ont participé à des séquences
différentes à ces réunions.

J'arriverai à comment j'ai travaillé avec
le général Dallaire toute la nuit. J'y
arriverai peut-être plus tard.

Q.
Quel était l'objet de la réunion?

R.
Vous comprenez bien que, à partir du
moment où il y a un événement aussi
important, il est tout à fait normal que
le haut commandement de l'armée se
réunisse pour voir ce qu'il faut faire,

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comment... quel comportement prendre.

Il est tout à fait normal donc, puisqu'on
n'avait pas un état-major général, il
fallait que le cabinet du ministre et les
deux états-majors puissent se rencontrer
ensemble rapidement, pour dégager, pour
arrêter les mesures à prendre devant
cette situation dramatique.

Q.
Cette réunion a duré toute la nuit?

R.
Elle a duré toute la nuit mais je n'ai
pas participé à... toute la nuit à cette
réunion puisque de 22 h, à partir de...
Bon je peux dire, moi, à la partie à
laquelle j'ai assisté. Moi, je suis
arrivé à l'état-major, donc, vers 21 h,
21 h 30, autour de là, parce que je ne
tenais pas vraiment le chrono pour
préciser, mais je suis arrivé entre 21 h,
21 h 30. La réunion proprement dite a
commencé vers 22 h 30, proprement dite.
Mais sinon on était là, on disait : "Bon,
on fait comment", et caetera, on essayait
d'avoir des informations. Mais la
réunion proprement dite a commencé quand

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le général Dallaire est arrivé. Et nous
avons fait cette réunion en présence de
Dallaire de 22 h 30 jusque vers minuit,
jusque vers minuit. Peut-être je peux
directement vous dire le résumé de ce
qu'on a fait --

Q.
Tout à fait.

R.
-- dans cette petite réunion. Alors nous
avons constaté, nous avons constaté
ensemble que le président Habyarimana et
sa suite étaient morts puisque les
éléments qu'ils ont trouvés à Kanombe,
puisque l'avion est tombé dans l'enclos
de la résidence du président, même si les
corps étaient décomposés on savait quelle
tenue, qu'il y avait quand même quelque
chose de la famille qu'on ne pouvait
connaître, quelle montre, quel costume,
quelles chaussures ils portaient en
partant. Donc, on avait pu identifier, à
ce moment-là, que le président
Habyarimana et le général Nsabimana
étaient morts. Nous le savions.
Donc, nous avons dit : "Bon, la situation
est très difficile. On ne peut pas

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remplacer le président mais, pour l'état-
major nous pouvons, nous devons mettre un
chef d'état-major ad interim. Et nous
avons désigné le colonel Gatsinzi Marcel
qui, en ce moment-là, était commandant de
l'École supérieure militaire à Butare, il
n'était pas dans la réunion. Le colonel
Gatsinzi Marcel, maintenant il se trouve
au FPR. Maintenant il se trouve au FPR à
Kigali, maintenant. Il se trouve au FPR
à Kigali, qu'il devait assurer, donc, la
fonction de chef d'état-major ad interim.

Alors, concernant, donc, la vacance à la
présidence, nous avons trouvé un problème
parce que moi j'avais participé aux
Accords d'Arusha, j'en connaissais la
teneur. Je crois que je m'en souviens
même aujourd'hui, rien n'avait été prévu
qu'en cas d'accident ou de disparition ou
de décès du président, avant la mise en
application des Accords d'Arusha, comment
il pouvait être remplacé. Ça je savais,
je savais et j'ai dit aux autres: "En
tout cas, il se pose un problème qui n'a





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pas été étudié, examiné par les Accords
d'Arusha, qui sort donc du cadre des
Accords d'Arusha."

Nous avons discuté, nous avons dit :
"Mais on fait comment?" On a dit de
toute façon... Certains disaient : "Il y
a, de toute façon, un premier ministre,
Agathe Uwilingiyimana." Ça nous avons
discuté ça en présence du général
Dallaire. Les officiers présents ont
rejeté de recourir à l'autorité du
premier ministre Uwilingiyimana pour
trois raisons : la première c'est que,
depuis janvier, on savait bien qu'elle
faisait partie, elle avait pris parti du
côté FPR, d'une manière... d'une manière
manifeste. On savait donc que se référer
à l'autorité du premier ministre, c'est
se référer au FPR. C'était connu, tout
le monde le savait, la population,
l'opinion étaient là. J'en étais
conscient personnellement.

(Pages 1 à 46 prises et transcrites par
Manon Cordeau, s.o.)

MANON CORDEAU, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000


La deuxième raison qui nous a forcés,
nous a guidés pour ne pas retenir... ne
pas recourir à son autorité, c'est que,
déjà, le bruit - non encore vérifié, mais
radiodiffusé depuis le 4, le 5 et même le
6 - que madame Uwilingiyimana avait tenu
une réunion secrète - mais évidemment
divulguée ultérieurement par certains
participants - avait tenu une réunion
chez elle le 4 avril, pour tenter de
faire un coup d'État au président
Habyarimana, le 4. Bon, c'était pas
vérifié, mais c'était le bruit qui
circulait, qui radiodiffusait; c'était
l'opinion à côté.


Alors, du fait que tout le monde savait
qu'elle faisait partie du FPR, alors ce
bruit, non encore vérifié, s'ajoutait à
la position de ce qu'elle était; elle
faisait partie, disons, du camp FPR.

Troisièmement, c'est que ce premier
ministre depuis le premier janvier,
depuis janvier, depuis janvier, depuis la

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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prestation de serment du président de la
République le 5 janvier 94, elle n'avait
jamais pu réunir son gouvernement.

Donc, il y avait trois mois sans qu'elle
puisse faire... elle puisse réunir son
gouvernement. Eh bien, la preuve c'est
que même cette nuit-là, elle n'a pas
tenté à le réunir, puisque même si nous,
nous ne voulions pas l'aider à réunir son
gouvernement, il y avait la MINUAR, il y
avait la MINUAR qui pouvait l'aider à
réunir son gouvernement.

J'arriverai à comment elle est allée...
elle a tenté d'aller à la radio
ultérieurement, mais elle a tenté d'aller
prononcer un discours à la radio, après
avoir consulté qui? Ça, je vais y
revenir.

Mais, c'est pour vous dire que, donc,
elle n'avait jamais pu réunir son
gouvernement depuis trois mois. Et dans
de telles circonstances, où elle est déjà

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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dévoilée comme... un putschiste, un
putschiste présumé du 4 - qu'elle n'était
pas la personne indiquée pour calmer la
situation.

C'est pour les trois raisons que nous
n'avons pas recouru, donc, à l'autorité
du premier ministre.

Bon. Alors, à ce moment-là, donc, devant
Dallaire, qui voyait que nous ne voulions
pas recourir, donc... reconnaître
l'autorité du premier ministre, et que ce
problème de remplacement du président,
effectivement, va conduire à l'impasse si
on ne résolut pas ce problème très
rapidement.

Il nous a conseillés d'aller consulter
monsieur Booh-Booh, le représentant
spécial... le représentant spécial du
Secrétaire général de l'ONU au Rwanda.
En fait, c'était le patron suprême de la
MINUAR.

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Il a demandé une audience pour nous, pour
nous, chez Booh-Booh, et l'audience,
l'audience nous l'avons obtenue. Alors,
les membres de la réunion là-bas, ils ont
désigné des personnes pour aller là-bas.

Ils m'ont désigné, parce qu'ils
disaient : Vous, vous êtes plus habitué
en tant que directeur de cabinet, plus
habitué à parler aux politiciens, alors
vous y allez, mais vous allez être
accompagné par le lieutenant colonel
Lrwabalinda - Lrwabalinda :
L-R-W-A-B-A-L-I-N-D-A - Ephrem.

Et le général Dallaire, donc, m'a pris
avec le lieutenant colonel Lrwabalinda,
dès minuit, même un peu... un peu avant
minuit; en tout cas, avant que le colonel
Marchall n'arrive, avant que le colonel
Marchall n'arrive en réunion. Nous sommes
donc partis chez Booh-Booh.


Arrivés chez Booh-Booh, il m'a laissé
exposer la situation. Je l'ai informé de

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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la mort du président. Je l'ai informé de
toute la situation, selon les données que
nous avions à ce moment-là. Je lui ai...
Je lui ai exposé les raisons pour
lesquelles nous ne voulions pas
reconnaître l'autorité du premier
ministre Uwilingiyimana. Je lui ai
rappelé - bien qu'il le savait - qu'on
était dans l'impasse devant, devant ce
qui n'était pas prévu : la mort du
président avant la mise en application
des accords d'Arusha.

Il m'a compris, il m'a dit : De toute
façon... - il y a une chose que j'ai
sautée - c'est que, pendant que nous
cherchions à l'état-major, avant de
partir chez Booh-Booh, les officiers
réunis là-bas ont pensé qu'il fallait
mettre un comité de crise pour la
gestion, pour gérer la situation
sécuritaire du pays; puisqu'on voyait
bien qu'il y avait un vide. Il n'y avait
pas de président, il y a un premier
ministre qu'on ne reconnaît plus. Donc,


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y a quelque chose... il y a un vide,
il y a un vide. Nous avons pensé, donc,
de mettre en place un comité de crise.

Je leur ai parlé de notre intention,
donc, de mettre, de formaliser un comité
de crise, pour gérer la situation
sécuritaire, en attendant que les
politiciens puissent remettre en place un
système convenu, à rediscuter avec les
parties, provenant des accords d'Arusha,
pour remplacer le président.

Bon, dans un premier temps, Booh-Booh il
a résisté, il a dit : Non, il faut
reconnaître absolument le premier
ministre, et j'ai été... j'ai été
catégorique pour lui dire que je
représente les Forces armées, ça c'est
pas négociable, c'est pas négociable
que les Forces armées se mettent sous la
houlette, sous la coupole d'une personne
connue comme agent du FPR; nous le
savions. Donc, je ne peux pas, j'ai dit
"Là, de ce côté-là ce n'est pas

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négociable, il faut trouver une autre
solution".

Alors, il a téléphoné l'ambassadeur des
États-Unis. Ils ont discuté, nous étions
là-bas. Là-bas, donc, le général
Dallaire, Booh-Booh et Lrawbalinda et
moi, il y avait les conseillers de
Booh-Booh qui étaient là, je ne me
rappelle pas de leurs noms. Ils ont
discuté avec l'ambassadeur des États-Unis
et ils ont convenu... ils ont convenu ce
qui suit.

Nous avons convenu - il nous a
communiqué, donc, les tractations qu'il
venait de faire et nous avons fait le
compromis suivant : Avec le système en
place, les Forces armées continuaient à
assurer la sécurité, là où on est, mais
sans prétendre de prendre le pouvoir,
sans prétendre de prendre le pouvoir.
Mais, assurer la sécurité, dans tous les
cas, c'était la mission des Forces armées
que de ce côté-là il n'y avait pas de


CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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problème, mais ne pas se mettre en
tête... qu'il ne faut pas le pouvoir
parce qu'on n'a pas de président, de
premier ministre, qu'il faut plutôt
laisser le problème à la réunion du
lendemain chez l'ambassadeur des
États-Unis, à 9 h - là c'était à 9 h - où
la délégation des Forces armées
rwandaises, que je dirigeais, que je
devais diriger, devait rencontrer les
parrains des accords d'Arusha, pour
discuter, voir dans quelle mesure on peut
faire rencontrer les parties prenantes
aux accords d'Arusha, pour examiner cette
question.

Nous avons été d'accord, que, donc, on
laisse la situation telle que c'est
jusqu'à la réunion du lendemain.
Et, le général Dallaire m'a amené, m'a
reconduit avec le colonel Lrwabalinda, à
l'état-major, en tout cas, après 2 h du
matin. Je n'ai pas fait le chrono,
certains disent 2 h du matin, d'autres
disent 3 h du matin. Selon les... par

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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exemple, le colonel Lrwa... le colonnel
Ndengeyinka Balthazar, qui était
conseiller du ministre de la Défense, qui
se trouve maintenant au FPR, il dit que
je suis revenu avec le général Dallaire,
à 3 h du matin.

Le fait est qu'à 2 h du matin, je n'étais
pas encore là, puisque le colonel
Marchall dit, dans ses déclarations
devant l'enquête parlementaire belge,
qu'il a quitté l'état-major de l'armée à
2 h du matin. Le colonel Rusatira aussi
répète la même chose, qu'il a quitté
l'état-major de l'armée à 2 h du matin,
avant que je ne revienne. Donc, ça
fait... ça fait, donc, je suis arrivé...
le général, le général Dallaire m'a
amené, m'a amené avec Lrwabalinda entre,
disons, 2 h du matin et 3 h du matin,
pour ne pas préciser des choses dont je
n'ai pas de preuve.

Je voulais parler, donc, de cette
première partie.

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

La deuxième réunion, alors, il y eu
entre-temps, quand nous sommes partis...

M. LE JUGE BRUGUIÈRE :
Si je peux me permettre, je crois que le
Parquet souhaite que l'on fasse un petit
break pour le déjeuner, le lunch. Comme
on a fini la première partie et qu'on va
aborder la deuxième partie, et que ça
risque d'être un petit peu long, est-ce
que vous voyez un inconvénient à ce qu'on
interrompe maintenant et qu'on reprenne
tout à l'heure?

M. BAGOSORA
Oui.

M. LE JUGE BRUGUIÈRE
Oui. C'est à la demande de... Parce que
là, on a une césure "3 h du matin", donc
le retour à l'état-major, on pourra
reprendre à partir de ce stade tout à
l'heure.

M. BAGOSORA
Oui, d'accord.

Me MONTEROSSO
À quelle heure?

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Me MENON, président
À 14 h 30, nous reprendrons l'audition.
Donc, l'audition est interrompue et
reprendra à 14 h 30.

(SUSPENSION DE L'AUDIENCE : 12 h 45)

(REPRISE DE L'AUDIENCE : 14 h 35)

Me MENON, président
Bon après-midi, messieurs. L'audition va
reprendre. Je donne la parole au Juge
Bruguière.

SUITE DE L'INTERROGATOIRE

PAR M. LE JUGE BRUGUIÈRE

On reprend donc votre audition. Nous nous
étions arrêtés, je vous avais interrompu
alors que vous nous expliquiez ce qui
s'était passé dans la nuit du 6 au 7, et
on en avait terminé avec ce que vous
aviez appelé "la première partie". Donc,
lorsque vous avez quitté l'état-major,
entre 2 h et 3 h - ça dépend - et que

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

vous êtes avec, apparemment, le général
Dallaire.

Alors, qu'est-ce qui s'est passé ensuite,
je crois qu'on en était arrêtés à ce
point-là. Pouvez-vous, donc, poursuivre
un petit peu la chronologie de cette nuit
du 6 au 7?

R.
Je voudrais tout d'abord préciser que
quand je suis parti chez Booh-Booh, en
compagnie du général Dallaire et du
colonel Lrwabalinda, vers minuit, que
c'est le général Ndindiliyimana qui est
resté avec les officiers à l'état-major.
Alors, quand je suis revenu avec le
général Dallaire et le colonel
Lrwabalinda, après 2 h du matin - j'ai
dit "entre 2 h et 3 h du matin" - la
réunion, je peux dire qu'elle a continué
puisque j'ai trouvé les officiers sous la
direction du général Ndindiliyimana
encore en réunion. Donc, je parle de la
deuxième réunion, parce que c'est la
deuxième partie...

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Q. Oui. Deuxième partie.

R. ... à laquelle j'ai assisté. Sinon, pour
moi, la réunion a continué toute la nuit,
puisque Eugène Ndindiliyimana est resté
avec les autres officiers, pendant cette
période de mon absence.

Quand je reviens, en présence du général
Dallaire, je donne le compte-rendu de
notre entretien avec Booh-Booh. J'ai
oublié de dire que chez Booh-Booh, dans
le compromis, dans le compromis chez
Booh-Booh, en plus de la réunion de chez
l'ambassadeur des États-Unis le lendemain
à 9 h, il avait été convenu que les
militaires prennent contact avec le parti
MRND, qui, dans les accords d'Arusha,
avait... avait, dans son partage, donc,
la place du poste de président de la
République.

Et que donc, nous... pour Booh-Booh, même
si rien n'avait été prévu par les accords
d'Arusha pour remplacer le président
avant la mise en application des accords

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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d'Arusha, que malgré tout, ce poste
revenait au parti MRND; que donc, le MRND
devait prendre ses dispositions pour le
remplacement du président, dans le cadre
de ces accords.

Alors Booh-Booh nous a chargés de... m'a
chargé de contacter, d'avertir ce parti,
pour qu'ils se préparent au remplacement
du président. Donc, arrivé donc, à
l'état-major dans cette réunion, que
j'appelle "deuxième partie", j'ai donné
le compte-rendu.

J'ai précisé que Booh-Booh n'entend pas
que les militaires doivent prendre le
pouvoir, mais que c'est le MRND à qui
revient le poste de président de la
République et qu'il doit être contacté à
cet effet.

J'ai aussi... j'ai aussi, donc, évoqué
cette réunion qui devait avoir lieu chez
l'ambassadeur des États-Unis, le
lendemain à 9 h.

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000


Avant de continuer, nous avons.., j'ai
téléphoné personnellement le président du
MRND, Mathieu Ngirumpatse - et je peux...
il a témoigné ici, je crois - je lui ai
téléphoné chez lui à la maison, et il m'a
répondu, je lui ai parlé, je lui ai donné
la conclusion de monsieur Booh-Booh, que
le parti MRND doit prendre ses
dispositions pour voir comment procéder
au remplacement du président de la
République.

Et à ce moment-là, nous nous sommes
entendus avec ce président du MRND,
monsieur Mathieu Ngirumpatse, que nous
aurions une réunion de mise au point,
d'information, plus développée, le
lendemain, au ministère de la Défense, à
7 h ; donc, le 7 avril à 7 h.

Dans la foulée, nous avons continué...
dans la foulée, nous avons continué à
faire, donc, la réunion en présence du
général Dallaire, et nous avons.., nous
avons fait le bilan de la situation.

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Nous avons arrêté certaines mesures en
présence du général Dallaire; nous avons
arrêté certaines mesures, qui sont
celles-ci : Il faut faire des patrouilles
conjointes de la MINUAR et de la
Gendarmerie nationale, pour que l'on crée
un climat de collaboration, de
coopération, et de garantie réciproque -
de garantie réciproque dans la
population, pour montrer que, bon... pour
que les uns ne croient pas que les autres
sont en train de faire quelque chose
de... puisque dans tous les cas, la
MINUAR devait surveiller les activités
des Forces armées rwandaises.

Nous avons, donc, retenu et recommandé,
en présence du général Dallaire, qu'il
faut faire des patrouilles conjointes de
la MINUAR et de la gendarmerie; qu'il
faut renforcer la défense des points
vitaux dans la ville de Kigali et ses
abords.

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

En général, dans toute l'organisation
militaire, il y a des plans préétablis,
quand il arrive quelque chose, si... on
fait des suppositions, on fait des cas
d'espèce, pour dire : S'il arrive ceci,
qu'est-ce qu'on fait? S'il arrive ceci,
qu'est-ce qu'on fait?

Il existe donc des plans de défense,
disons qu'on peut mettre en application,
d'une manière systématique, en fonction
des situations.

Et c'est dans ce cadre-là qu'on a dit que
les points vitaux dans la ville de Kigali
et ses abords devaient être gardés, dans
le cadre, justement, de ces plans
préétablis.

Ici, et je dis - je le dis, je le précise
- parce qu'il y a des gens qui se
demandent pourquoi la radio a été
directement gardée, parce qu'on se
demande pourquoi les télécommunications
ont été gardées; pour garder un secteur

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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et un quartier, il est tout à fait normal
qu'il y ait des barrières quelque part,
pour surveiller les passagers, pour
surveiller l'accès. Et je voulais
préciser cela.

Ensuite, nous avons rappelé les consignes
comme quoi toutes les unités des FAR
devaient rester dans leurs camps
respectifs; puis que les militaires
restent dans leurs camps respectifs. Bien
sûr, il y avait la MINUAR qui était dans
les camps; mais une équipe de cinq
personnes dans un camp c'était juste pour
surveiller, surveiller les activités,
mais ils ne pouvaient pas empêcher les
gens de sortir de ces camps, même sans
armes.

Donc, nous avons rappelé les consignes
que toutes les unités des FAR devaient
rester dans leurs camps respectifs,
qu'ils restent là où ils sont dans leurs
camps respectifs.

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Nous avons désigné le chef d'état-major
ad interim, en la personne du colonel
Gatsinzi Marcel; nous l'avions déjà
désigné avant que je n'aille chez
Booh-Booh, mais nous avons reconfirmé
par, je crois, un message que j'ai signé,
une affaire comme ça, donc, le chef
d'état-major ad interim, en la personne
du colonel Gatsinzi, qui avait été déjà
choisi et désigné avant que je ne parte
chez Booh-Booh.

Le général Dallaire a demandé à ce qu'il
soit associé à toute réunion en rapport
avec les opérations militaires; ce qui
fut accepté. Et c'est dans ce cadre-là
qu'il fut invité à la réunion des
officiers qui s'est passée à l'École
supérieure militaire, le lendemain,
à 10 h.

Nous avons fait une convocation pour
le 7, à 10 h, à l'École supérieure
militaire; tous les commandants des
unités, pour les associer à l'étude de la

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

conduite à adopter face à cette situation
très préoccupante.

À ce moment-là... c'est à ce moment-là,
alors, que nous avons examiné le message
à adresser à la nation, puisque nous
avions réfuté l'autorité du premier
ministre. Il y avait.., le président
était mort, il fallait quand même que le
peuple, la population soit informée de
cette situation. Nous avons alors...
nous avons examiné ce message qu'il
fallait adresser à la population, au
peuple rwandais, pour qu'il soit informé
de ce qui venait d'arriver.

Ce message, en fait il a été rédigé,
le..., disons, le draft a été rédigé
pendant que j'étais chez Booh-Booh.
J'ai trouvé déjà, le draft déjà là-bas.
Nous l'avons lu et nous l'avons adopté et
je l'ai signé pour qu'il soit transmis -
moi personnellement, je l'ai signé pour
qu'il soit transmis à la Radio Rwanda.

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Le général Dallaire, le général Dallaire
a demandé... a demandé que la garde
présidentielle... il a demandé que la
garde présidentielle regagne son camp.
Et pourquoi? Parce que quand nous allions
chez Booh-Booh, nous sommes passés devant
le carrefour, qu'on appelle le Carrefour
du 5 juillet, juste, qui se trouve à
l'entrée même de la garde présidentielle.

Nous avons trouvé les militaires de la
garde présidentielle qui avaient fait les
barrages sur ce carrefour. Le général
Dallaire m'a demandé d'essayer
d'intervenir pour qu'ils dégagent la
place, mais comme je voyais seulement des
militaires là-bas, j'ai appelé pour
trouver un responsable et je n'ai pas
trouvé; j'ai trouvé, en tout cas, un type
qui n'était pas responsable au niveau du
commandement d'une unité. Je leur ai
demandé de dégager la route et ils ne
m'ont pas obéi. M'ont-ils... dans les
faits, ou pas? J'étais dans un véhicule
de la MINUAR et j'étais en tenue civile.

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Vous savez que j'étais en retraite, donc
je n'étais pas en uniforme. M'ont-ils
reconnu ou pas? En tout cas, ils ne m'ont
pas obéi.

Nous sommes partis chez Booh-Booh, nous
sommes revenus, nous sommes passés par le
même endroit et ils étaient toujours là,
en contrôlant, donc, des passagers, d'une
manière ou d'une autre... même avec
brutalité. J'en ai été témoin.

Alors, arrivés, arrivés justement à
l'état-major, le général Dallaire nous a
demandé cette fois-là, que ces militaires
doivent regagner leur camp, leur caserne,
tel que nous venions de le consigner.

Nous avons, à cette occasion, nous aussi
demandé au général Dallaire de faire de
même pour le bataillon FPR qui se
trouvait seulement à 300 mètres du camp
de la garde présidentielle. J'étais
voisin, j'étais voisin.

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Le général Dallaire nous a dit que,
alors, qu'il allait.., qu'il allait faire
le nécessaire.

Maintenant, cette réunion, pratiquement,
a duré combien de temps? Je ne sais pas.
Mais, est-il vrai que moi je suis arrivé
après cette mise au point? Le général
Dallaire, lui, il est parti, moi aussi je
suis rentré chez moi.

Je serais arrivé chez moi, vraiment, j'ai
essayé de m'en souvenir ultérieurement,
parce qu'il y a un de mes avocats, qui
s'appelle maître De Temmerman, il m'a
retrouvé à Goma le 8 août 94, pour me
demander si je pouvais retracer mon
tableau... donc, faire mon emploi du
temps. J'ai essayé de faire ça rapidement
à la main, et dans mes souvenances, je
croyais que j'étais arrivé chez moi vers
5 h du matin, vers 5 h du matin.
Bon. Je dirais que donc, comme réunion,
comme réunion, la réunion de cette

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

nuit-là - cette deuxième partie - s'est
clôturée comme ça.

Q.
Et qu'est-ce que vous avez fait le 7?
Il y a eu une réunion, donc, à nouveau,
dans la matinée du 7?

R.
Alors, je peux continuer dans la foulée,
alors.

Q.
Alors, continuez dans la foulée,
sur le 7.

R.
Sur le 7. Arrivé chez moi, donc, vers 5 h
du matin, j'ai essayé de... avec la
fatigue, tout ça, j'ai essayé de prendre
mon bain pour essayer de reprendre forme,
et puis à 7 h, j'étais, j'étais au
ministère de la Défense pour rencontrer
le comité exécutif du parti MRND.

Ils étaient au rendez-vous, et j'ai reçu
ce comité exécutif du MRND, en présence
du général Ndindiliyimana Augustin, le
général Ndindiliyimana; il est ici aussi
avec nous.

Alors, à ce comité-là, nous avons donné
le message de Booh-Booh, qui consistait à

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

dire : Vous, le parti MRND, vous avez,
dans votre partage du pouvoir, le poste
de président, et comment pensez-vous
procéder au remplacement du président?

Là évidemment.., bien sûr, c'était très
difficile... c'était facile de dire :
C'est le MRND qui désigne le président,
mais le processus de désignation du
président ne pouvait pas se faire
immédiatement. Ils m'ont rappelé au
niveau, au niveau même du parti, que pour
désigner un candidat à la... un candidat
là la présidence, qu'il faut que le
congrès puisse se réunir à leur niveau.

Une fois le candidat aussi désigné, il y
avait tout un protocole, qui consistait à
dire que le parti qui donne le candidat
doit en fournir deux candidats dans les
deux ou trois semaines qui suivent;
ça ne pouvait pas être immédiatement.
Ce qui fait que le remplacement, dans le
cas normal des accords, ne pouvait se
faire... ne pouvait se faire qu'un peu


CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

plus tard, en tout cas. Ça ne pouvait pas
se faire immédiatement, ça devait se
faire dans deux trois semaines, en
situation normale.

Ensuite, pour que cela soit acceptable,
il fallait qu'il y ait un gouvernement
qui déclare que le président de la
République est mort. Il fallait qu'il y
ait une assemblée nationale pour
constater et vérifier, et caetera.
Il fallait la cour constitutionnelle, je
crois, pour toute... - je n'ai pas ça
ici - mais il fallait, il fallait tout
ça.

Le gouvernement il n'était pas là,
puisque le premier ministre, entre-temps
il est mort.

Bon. L'Assemblée nationale il n'y en
avait pas encore, parce qu'elle ne
l'avait pas encore mise en place depuis;
puisque la seule personne, la seule
personne qui avait prêté serment dans le

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 8 mai 2000

cadre de l'application des accords
d'Arusha, c'était seulement le président
de la République défunt.

Donc, il n'y avait pas d'Assemblée, et
même le président de la Cour
constitutionnelle présent, Kavaruganda
Joseph, il avait été aussi tué dans la
foulée, des militaires mutinés de la
garde présidentielle.

Donc, il manque tout, pratiquement, pour
mettre, pour mettre un nouveau président.
Alors, ceux-là du... les membres du parti
MRND disent : Voilà, nous sommes dans
l'impasse et nous ne pouvons pas désigner
un candidat, parce que les circonstances
du moment, de sécurité, ne nous
permettent pas de réunir le congrès.

Deuxièmement, même si nous donnons les
candidats, qui va les examiner? Il n'y a
pas d'assemblée, il n'y a pas
d'assemblée. Il y a... le président de la
Cour constitutionnelle n'est plus là,

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qu'est-ce qu'on fait? Entre-temps, nos
discussions... donc, l'heure approchait
vers 9 h, pour aller chez l'ambassadeur.

Nous nous sommes convenus qu'il faut
continuer à examiner cette situation, et
que dans tous les cas, même si rien n'est
prévu, il faut qu'on trouve une formule
juridique ou à peu près, pour quand même
remplacer le président.

Ils sont restés en train de réfléchir sur
cette question. Moi, je suis parti chez
l'ambassadeur des États-Unis.
J'étais là-bas à l'heure. J'y ai rencontré le
général Eugène Ndindiliyimana qui avait
été désigné, comme moi, dans la soirée,
dans la nuit, qu'il vienne... qu'il
participe aussi, avec le colonel
Lrwabalinda. Nous sommes arrivés à
l'heure, à 9 h, chez l'ambassadeur des
États-Unis.


Booh-Booh qui nous avait demandé
l'audience là-bas, il est absent.

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Le général Dallaire, qui était la-bas
pour, justement... qui avait en compagnie
de Booh-Booh, pour obtenir l'audience
chez l'ambassadeur des États-Unis, il est
absent. Il y a seulement l'ambassadeur
des États-Unis qui nous reçoit comme ça,
et il nous demande : Qu'est-ce qui se
passe, il n'y a personne ici? Il a dit
Bon, j'attends aussi.

Nous sommes restés là-bas pendant... oh,
pendant à peu près trois quarts d'heure,
puisque nous avions notre réunion à 10 h,
nous avons attendu jusque vers 10 heures
moins le quart. Nous avons dit à
l'ambassadeur : Alors, puisqu'ils ne
viennent pas, puisque ceux-là mêmes qui
nous ont organisé l'audience ne viennent
pas... - ils ne nous ont pas expliqué
pourquoi ils ne sont pas venus. Il n'a
pas donné des explications.

Nous avons pris congé de l'ambassadeur
des États-Unis, et nous sommes allés à la
réunion des officiers, qui était prévue à

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l'École supérieure militaire, à 10 h.

Je suis d'abord passé par mon bureau, au
cas... qui était... qui se trouve
d'ailleurs sur la route, sur la route de
l'ESM. J'ai... je suis passé pour voir
s'il n'y avait pas d'information
entre-temps, parce que je n'avais pas
fait le bureau depuis, depuis, depuis
pratiquement la veille alors que le
ministre n'était pas là; je n'étais plus
arrivé au bureau. Je passais voir s'il
n'y avait pas d'autres urgences, parmi
d'autres, s'il n'y avait pas d'autres
urgences qui devaient être traitées,
avant que je n'aille, je n'aille, donc, à
cette réunion.

Après donc, mon bureau, je suis allé
directement à l'École supérieure
militaire. La réunion a commencé vers
10 h 30.

Bon. Nous l'avons commencée, j'ai ouvert
la réunion. J'ai fait le point de tous

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les contacts que j'avais faits pendant la
nuit, ainsi que de la visite que je
venais de faire chez l'ambassadeur.
Alors, j'ai laissé... j'ai laissé ouverts
les débats. Les gens ont commencé à
parler, poser des questions : Qu'est-ce
qu'il faut faire? Qu'est-ce qu'il faut
faire? Qu'est-ce qu'il faut faire
maintenant? Parce que nous avons dit,
nous avons rappelé que nous avons...
nous n'avons pas voulu reconnaître
l'autorité du premier ministre.

Il n'y a pas de président, l'autorité du
premier ministre a été réfutée, donc la
situation est là, le MRND est dans
l'impasse pour désigner le remplaçant du
président. J'ai donné toutes ces
informations pour que, disons, tout le
monde puisse apporter sa pierre.
Les débats ont duré, ont duré, mais
entre-temps, entre-temps - je dois le
signaler - entre-temps, le commandant du
camp Kigali, avant que Dallaire n'arrive,

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il devait être un peu moins de 11 h, un
peu moins de 11 h, ou disons, un peu
avant de 11 h.

Le commandant du camp Kigali qui
s'appelle, lieutenant colonel Nubaha -
N-U-B-A-H-A, Nubaha - Laurent, Laurent.

Il est venu dans la salle, pour
m'informer, j'étais, j'étais comme à
la... disons à la table de conférences, à
côté de moi il y avait le général
Ndindiliyimana - et c'était avant
l'arrivée de Dallaire. Il est venu
m'informer qu'au camp Kigali, les
militaires étaient fous furieux contre la
MINUAR, que donc, les militaires étaient
fous furieux contre la Minuar.

Je me rappelle, il n'a pas précisé quels
gens... nous savions que la MINUAR était
multinationale. Il y avait tout le monde,
il y avait les Bengalis, il y avait les
Belges, il y avait des Togolais, il y
avait des... il y avait des Sénégalais,

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il y avait de tout le monde. Il a dit
Voilà, au camp Kigali... comme je savais,
je savais qu'au camp Kigali il y avait
une équipe de la MINUAR, effectivement,
qui vivait là-bas.

Il a dit, bon : En tout cas, ils sont en
difficulté. Moi dans mon esprit, j'ai
dit : Ces gens-là qui sont en difficulté,
la première réaction c'est qu'ils peuvent
sortir si leur mission..., s'ils ne sont
pas en mesure de remplir leur mission,
que les données, les données initiales
ont changé. Dans mon esprit - ce n'est
pas ça que j'ai dit, ce n'est pas ça que
j'ai dit au colonel - j'ai dit : Mais,
ces gens-là s'ils ne parviennent pas à
rester là-bas, ils peuvent partir, de
toute façon, ils peuvent s'en aller.



Mais, j'ai dit à ce colonel-là, j'ai
dit : Donc, dans tous les cas, tu
disposes de la police du camp... - Dans
tous les camps, vous avez ce qu'on
appelle règlement intérieur d'un camp


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militaire, s'il arrive quelque chose,
donc la police du camp est assurée par le
camp même, d'une manière autonome. S'il y
a une rébellion, s'il y a des mutineries,
s'il y a des indisciplinés, le commandant
du camp il a les moyens de pouvoir
réprimer ça lui-même.

Je lui ai dit : Alors, en tout cas,
fais... utilise les moyens à ta
disposition pour calmer ces gens-là.
Parce qu'il disait : Ils sont énervés
depuis que leur chef de l'état-major a
été tué, depuis que le président a été
tué, ils sont très nerveux, ils sont...
ils sont furieux contre la MINUAR. J'ai
dit : Alors, allez, allez essayer de
mettre de l'ordre là-bas avec les moyens
à ta disposition, moi je vais essayer de
faire vite la réunion, parce que dans la
salle, dans la salle, il y avait certains
commandants d'unités du camp Kigali qui
étaient dans la réunion... du camp Kigali
qui étaient dans la réunion.




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Je pensais qu'en clôturant la réunion
rapidement, ces commandants d'unités
allaient donner un coup de main à ce
commandant de camp. J'ai dit : Bon, tire
ton plan avec les moyens dont tu
disposes, je vais, disons, hâter la
clôture de cette réunion, pour que les
commandants des unités qui se trouvent
ici puissent rejoindre et aider.


C'est dans ces termes... c'est l'idée,
mais les termes que j'ai utilisés, je ne
les ai pas enregistrés, mais c'est ça
l'idée.


Le colonel est parti. Aussitôt après,
aussitôt après, le général Dallaire est
arrivé, mais, aussitôt après au
moment..., avant l'entrée du général
Dallaire, nous avons entendu des coups de
feu dehors, dehors, même dans les
environs du camp Kigali nous avons
entendu des balles siffler devant la
salle de l'ESM. Nous sommes même sortis
pour aller voir ce qui se passe, et puis

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après un certain moment, il n'y avait
plus de tirs, nous sommes rentrés dans la
salle et nous avons continué.

Entre-temps, le général Dallaire est
arrivé. Il est arrivé là-bas, il a pris
place à côté de moi et Ndindiliyimana, et
nous avons continué la réunion.

Je précise ici qu'il m'a demandé de lui
reprendre ce que nous venions... donc,
sur quoi nous venions d'aboutir pendant
le temps qu'il était absent. J'ai dû
reprendre... j'ai dû, donc, lui dire où
nous en sommes, quoi.

Ensuite, nous avons mis en place un
comité de crise. Le comité de crise, le
comité de crise qui comprenait à peu près
une dizaine d'officiers, 10 à 15
personnes - je n'ai pas les noms avec moi
ici - mais dans la brochure, vous pourrez
avoir quelques noms. Mais, j'en faisais
partie, le général Ndindiliyimana en
faisait partie, Gatsinzi en faisait

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partie, le colonel Rusatira en faisait
partie, le colonel Murasuparo (ph) qui
était chef du personnel en faisait
partie, mais disons, les officiers de
commandement et chefs des bureaux des
états-majors de l'armée et de la
gendarmerie, et les chefs de service du
cabinet du MINADEF, pratiquement, en
faisaient partie.


La personne qui y a été ajoutée
effectivement, c'est le colonel Renzaho
Tharcisse, qui était le préfet de la
ville de Kigali - le préfet Renzaho,
R-E-N-Z-A-H-O Tharcisse.

Et donc, il y a la mise en place du
comité, et on donne la mission à ce
comité; donc, la réunion donne la mission
à ce comité. On dit : Les militaires ne
peuvent pas... ne prennent pas le
pouvoir, mais reçoivent la mission de
sécuriser le pays, la mission
sécuritaire, de sécuriser le pays; et ils
reçoivent la mission de faciliter, de

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tout faire pour aider les responsables de
partis politiques, de voir dans quelle
mesure ils peuvent combler le vide
institutionnel.

Et nous avons recommandé aux commandants
d'unités de rejoindre immédiatement leurs
secteurs respectifs pour, en tout cas,
endiguer cette folie de colère qui avait
déjà gagné le camp Kigali et le camp de
la garde présidentille, pour éviter des
débordements. Nous avons demandé à ce que
tous les commandants d'unités rejoignent
immédiatement leurs secteurs, pour
s'assurer du calme dans leurs secteurs,
dans leurs unités, pour calmer cette
colère causée par l'accident du président
et de leur chef d'état-major.

En fait, cette réunion s'est terminée
comme ça. Le général Dallaire, lui, il a
pris la parole au cours de la réunion, il
a remercié l'assemblée de ce qu'ils se
sont bien comportés, parce que lui il
pensait que les militaires allaient faire

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un coup d'État, il a dit : Bon, c'est
bien, puisque vous restez dans le cadre
des accords d'Arusha, c'est une bonne
chose. Il a félicité l'assemblée.

Mais, je précise que le général Dallaire
n'a rien dit, n'a rien dit au sujet des
casques bleus qui furent tués au camp
Kigali. Je crois que, pendant toute la
réunion... - et j'ai su ultérieurement
dans le rapport de la Commission
parlementaire belge, ultérieurement -
qu'il était passé devant le camp Kigali,
là où les militaires belges étaient en
train de se faire tuer, qu'il avait vu
des corps gisant sur le tarmac des
bureaux, des bureaux du corps de garde du
camp Kigali, qu'il est venu en réunion en
compagnie du major Maggen - Maggen,
M-A-G-G-E-N - un Belge, qu'ils sont
passés là, qu'ils ont vu déjà des corps
gisants quand ils venaient en réunion,
qu'ils sont venus dans cette réunion, ils
n'ont rien déclaré; ils sont sortis, la
réunion s'est terminée et c'est

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ultérieurement, c'est ultérieurement
après la réunion qu'il m'en a parlé, au
ministère de la Défense. Le général
Dallaire, je dis.

Je voulais préciser, mais c'est une
information que j'ai obtenue
ultérieurement, et qui est vérifiable. Ce
dont je suis témoin, c'est qu'il n'a rien
dit pour dire que les militaires de la
MINUAR, belges ou quoi, il n'a rien dit à
ce sujet pour dire qu'il a vu des gens en
train de se faire tuer; il n'a pas dit
ça.

Q.
Si je peux me permettre. Des rumeurs
avaient circulé sur le fait - dans Kigali
- sur le fait que les militaires de la
MINUAR, notamment les Belges, pouvaient
être à l'origine de l'attentat; qu'est-ce
que vous pouvez dire sur ce point?

R.
C'est-à-dire, il y avait déjà des
précédents, des précédents. Il y a des
précédents, mais il y a d'autres signes
plus, plus... disons, plus directs, parce
que les militaires de la MINUAR pour que

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la... les militaires belges fassent
partie de la MINUAR, avant qu'ils
n'arrivent, même, il y avait des... il y
avait une partie de l'opinion nationale
qui était contre eux. Pourquoi? Parce
qu'en 90, quand nous avons été attaqués
par le FPR, tout d'abord, nous avions nos
munitions que nous avions achetées en
Belgique, qui n'étaient pas encore
livrées, que la Belgique a refusé de nous
envoyer pendant que nous étions en
difficulté.

Deuxièmement, la Belgique a quand même
envoyé un bataillon à Kigali, dans les
premiers jours de l'attaque du FPR en 90,
en octobre 90. Ce bataillon est retourné
quelques jours après, en emportant toutes
les munitions qu'ils avaient emportées
avec eux, sans nous les laisser, au moins
pour qu'on le puisse se débrouiller avec.
Donc, la Belgique avait rappelé, avait
rappelé son bataillon qu'il avait amené à

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Kigali pour nous aider à contenir
l'agresseur. Déjà - là, c'est en 90.
En décembre 93, ce sont les militaires
belges de la MINUAR qui sont allés
escorter le FPR, de leur quartier général
de Mulindi jusque dans la ville de
Kigali; ça, ce geste-là n'a pas été
apprécié par la population, en tout cas,
de la capitale, qui savait bien que ces
Belges-là n'avaient pas voulu nous donner
nos munitions en 90; qui savait bien,
quand nous étions en danger en 90, ils
n'avaient pas aidé; ensuite, ils
reviennent pour justement amener
l'agresseur dans la capitale.

Ça a été mal interprété. Déjà, ça fait
déjà que le sentiment au sujet des Belges
était mauvais. Et puis, leur comportement
quand ils sont arrivés; leur comportement
quand ils sont arrivés, bon, dans les
partis uniques, vous savez que le... en
tout cas, Habyarimana, comme Mobutu,
comme d'autres présidents à l'époque, ils
avaient fait des effigies que leurs

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partisans portaient sur les habits.

Les militaires belges de la MINUAR, quand
ils rencontraient la population qui
portait les effigies du président
Habyarimana, ils les arrachaient, ils les
piétinaient devant eux.

Les militaires de la MINUAR, je vous dis,
je peux commencer par moi-même, alors que
j'avais participé à toutes les
négociations de mise en place du système
de consignation des armes à feu, qui a
été signé par les trois parties : par le
gouvernement rwandais, le FPR et la
MINUAR, j'avais participé à l'élaboration
de ce document-là. Je connaissais tout le
contenu. J'avais droit à une escorte moi
aussi. J'ai été désarmé à Gikondo, à
Gikondo j'ai été désarmé par des soldats,
des caporaux belges, malgré mon identité
et la carte de service, et ma carte de
visite, tout, tout, j'ai dévoilé tout, et
ils m'ont arrêté, ils m'ont désarmé.

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J'ai résisté, j'ai porté plainte. J'ai
porté plainte. Et cela faisait encore
suite à ce que les militaires belges de
la MINUAR m'avaient, m'avaient, je crois,
avaient agressé ma résidence - ma
résidence, vers le 5 février, ils étaient
venus chez moi, j'avais fait une
réception, parce que ma fille s'était
mariée dans ces jours-là, en Afrique la
cérémonie prend plusieurs jours; elle
s'était mariée le 28, mais on a fait une
semaine dans la foulée, pour continuer à
avoir... bon, etc. Chez moi il y avait
beaucoup de personnes, et j'avais la
garde chez moi, ils sont passés et ils
ont dit : Ah, nous trouvons des gens chez
Bagosora qui ont des armes. J'avais
droit, j'avais droit à la sécurité.

Les gens étaient armés des armes
individuelles, qui étaient convenues.
Dans le document que j'avais moi-même
négocié, je connaissais le contenu et je
respectais. Donc, j'ai été moi-même
agressé. J'ai écrit au général Dallaire,

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sous couvert du ministre de la Défense
nationale, pour me plaindre de ces deux
attaques.

Le colonel Marchall m'a fait une note à
la main, que je n'ai plus, pour
s'excuser, mais le général Dallaire n'a
jamais réagi. Dans les archives de la
MINUAR, il devrait y avoir, en tout cas,
cette lettre de protestation.

Le chef d'état-major de l'armée
rwandaise, Nsabimana Déogratias, il a
subi le même sort, il a été arrêté, il a
été fouillé, il a été... un chef de
l'état-major d'une force nationale,
qu'ils connaissaient parfaitement, il a
subi le même sort.

Et je me souviens aussi que la fille de
l'ancien chef d'état-major, le colonel
Serubuga a été aussi... a subi le même
sort, on a crevé les pneus de sa voiture.
Ça fait... tout ça a... tout ça dans la
période de janvier au 6 avril.

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Et puis, ils avaient aussi attaqué la
résidence de monsieur Barayagwiza Jean
Bosco, un membre du CDR... du parti CDR,
qu'ils avaient trouvé à la maison chez
lui, ils l'avaient agressé, parce qu'ils
disaient : Bon, cet extrémiste là-bas il
faut un peu l'énerver.

Mais, je me rappelle, je dois dire que
moi j'ai lu un télégramme seulement, un
télégramme seulement, pour être concret -
j'ai lu un télégramme seulement après la
réunion du 7 avril vers... entre midi et
14 h. C'est là où j'ai lu un message qui
a été capté. Nous avions des stations de
captage des messages.

Q.
On n'a jamais parlé de ça.

R.
Des messages... on le fait partout, hein.

Q.
Oui.

R.
Nous en avions, une station très
particulièrement très facile, qui avait
la facilité de les capter, les messages,
à Gisenyi. À Gisenyi, c'est tout près
de... au nord, au nord c'est tout près de
l'Ouganda ou de la frontière ougandaise


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où certaines, où certaines...

En tout cas, on avait des facilités. Un
message est venu de Gisenyi, qui a été
capté. Je l'ai lu, je n'ai pas toute la
teneur, mais, déjà, Kagame félicitait les
gens qui avaient réussi le coup de
l'attentat contre l'avion présidentiel,
avec l'apport, avec l'aide de leurs amis
belges, "amis belges" - j'ai retenu ça,
"amis belges".

Q.
Je peux intervenir. Est-ce que vous avez
une trace écrite de cette transcription
radio?

R.
Non, je vous dis que... je vous raconte,
moi je n'ai pas ça.

Q.
Est-ce qu'on peut trouver une trace de
cela?

R.
Moi, je ne peux pas.

Q.
Non?

R.
Non.

Q.
Donc, lorsque vous avez eu connaissance
de ce message c'était quelle heure, vous
vous souvenez?

R.
C'est entre midi et 14 h, le 7 avril.

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Q.
Le 7 avril. Et vous étiez dans le nord,
là?

R.
Non.


Q.
Ah, vous étiez à...

R.
Le message, à Kigali...

Q.
Oui, Kigali.

R.
J'étais à Kigali, mais le message...

Q.
Le message venait du nord...

R.
Comment?

Q.
Le message venait du nord? Le message,
d'où venait-il?

R.
Le message venait du nord, on avait une
station, on avait une station d'écoute,
et à Gisenyi il y avait un relais, on
faisait un relais de fax. On faisait
donc... on les prenait là-bas, on les
envoyait pour qu'ils aillent rapidement,
on les faxait. Il y avait des fax, donc,
qui envoyaient à l'état-major de l'armée,
et d'ailleurs, c'est l'état-major de
l'armée qui me l'a envoyé au ministère de
la Défense, parce que moi je n'étais pas
relié directement à ce réseau. C'était un
réseau interne au service de
renseignements, au service de

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renseignements de l'état-major de
l'armée. Et tout le monde n'était pas
destinataire, seulement l'état-major de
l'armée pouvait diffuser, faire une
diffusion restreinte aux personnes, aux
personnes qui étaient intéressées,
selon... parce que toutes les
informations que vous avez, tout le monde
ne doit pas en avoir.., en avoir
connaissance. Et puis d'ailleurs, c'était
trop tard, puisque de toute façon, le mal
était fait. C'était une information, qui
est venue, donc, pour seulement confirmer
que donc, les Belges devaient être...
Être dans le coup.

Seulement, si vous allez le permettre,
je pourrais vous parler, pour moi, ce que
j'ai vu, ce que je pense de l'implication
de la MINUAR dans le coup.

Q.
Oui. Je voudrais quand même, si vous
voulez, que l'on recentre le débat sur...
enfin, le débat, l'audition sur des
points qui nous sont intéressants. Vous
avez fait une relation effectivement

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précise de ce qui s'est passé le 6 ou
le 7, mais je souhaite quand même pouvoir
vous poser des questions qui rentrent
tout à fait dans le champ de cette
période beaucoup plus précise.

R.
Oui.

Q.
Donc, on a vu l'aspect belge et les
rumeurs, et puis également ce qui s'est
passé, donc la mutinerie et les
exécutions de militaires belges, encore
qu'il y ait eu sur ce point des
variations sur le nombre de militaires
belges tués. Est-ce que vous savez, vous,
combien, combien ont été assassinés dans
les conditions qui se sont passées le
7 avril, au camp Kigali?

R.
Non. Seulement, les rapports disent "10",
mai j'ai vu d'autres qui disent "11", et
j'ai vu d'autres qui disent "13", fin des
fins, moi je ne les ai pas comptés.

Q.
Autre chose sur laquelle je voudrais
revenir, c'est le tir des missiles
directement, et donc, la chute de
l'appareil.

R.
Oui.

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Q.
L'appareil, des débris de l'appareil ont
été retrouvés, ont été retrouvés, ça on
le sait, dans la résidence même du
président de la République puisqu'il
survolait, il était en approche, de
l'aéroport.

Est-ce que des militaires ou des
autorités quelconques du Rwanda ont été
dépêchés sur les lieux de la
castrastrophe pour récupérer des éléments
de l'épave ou chercher les corps?

R.
Mais, ce que je précise, justement
l'avion est venu se poser dans le jardin
même du président de la République.
Il est entré dans la clôture et il est
entré à l'intérieur, donc chez lui, à la
maison. Les premiers qui sont, qui sont
allés voir sont les enfants et sa femme.

Q.
Oui. Mais après, après cela, est-ce qu'il
y a eu des unités, est-ce qu'il y a eu un
service quelconque qui est intervenu sur
les lieux du crash, de la catastrophe,
pour récupérer des éléments de l'épave et
commencer une enquête éventuellement pour

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savoir ou récupérer, récupérer les morts,
les victimes?

R.
Les victimes ont été récupérées, ce que
je dois dire c'est ce que j'ai vu
moi-même.

Q.
Oui, oui.

R.
Seulement. Moi, je suis passé là-bas,
passé là-bas le 7, dans la soirée.
Seulement le 7 dans la soirée. Pourquoi
le 7 dans la soirée, parce qu'entre-temps
le FPR a été attaqué. J'habitais à côté
de la garde présidentielle qui a été
attaquée, et moi j'avais une maison
personnelle à Kanombe. J'avais commandé
le camp Kanombe, j'avais encore des amis
là-bas, j'ai pensé que je pouvais mettre
en sécurité ma famille au camp militaire
de Kanombe, où j'avais des amis, où
c'était très proche d'une autre résidence
à moi personnelle, où on avait tous les
équipements pour se ravitailler, pour
avoir tout le nécessaire pour la survie.

Alors, j'ai conduit ma famille à Kanombe,
au camp militaire de Kanombe. C'est à

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partir de là que... alors, le camp
Kanombe se trouve à presque 300 mètres de
la résidence du président.

Je suis passé là-bas, parce que cette
famille m'était particulièrement chère et
amie, non pas pour l'enquête, mais pour
voir, pour voir. J'ai trouvé les corps
dans le salon, couverts, et tout le monde
consterné. J'ai présenté mes condoléances
à madame Agathe, à madame Agathe Kanziga,
la veuve du président Habyarimana. Après
quelque temps, je suis retourné pour
regagner Kigali, mais entre-temps, la
route qui mène sur Kigali, où j'étais
passé, était déjà occupée par le FPR.

(Pages 47 à 99 prises et transcrites par C. Rochon)

CARMELLE ROCHON, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

M. BAGOSORA

R.
J'ai dû rebrousser chemin et passer la
nuit au camp Kanombe pour chercher un
autre itinéraire pour déborder, pour
rentrer à Kigali. Voilà.

Donc, je n'ai pas... je ne peux pas vous
dire qui a identifié, comment on a fait,
je ne peux pas.

M. LE JUGE BRUGUIERE :
Q.
Et l'épave, personne n'y a touché? Je
veux dire, il n'y a pas eu un service qui
était chargé de la récupération de
l'épave ou des éléments de l'épave pour
éventuellement faire une enquête?

R.
Cela, j'ai pas particulièrement fait
justement ce travail. Parce que, en fait,
les choses se sont précipitées. A partir
du moment où le FPR, justement,
commençait à nous empêcher même de
faire... c'était la guerre. La guerre,
quand vous avez les morts, même en temps
de guerre, mais mon Président, on
s'occupe des vivants.

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

C'est pour vous dire que moi, ma
préoccupation ce n'étaient pas les morts,
c'était plutôt concentrer tous les
efforts pour essayer de voir comment
endiguer, comment arrêter les agresseurs,
comment les empêcher de continuer à tuer
les gens.

Donc, j'ai laissé cette situation là-bas.
Il y a d'autres qui s'en sont occupés
certainement, mais je ne peux pas vous
dire ce qui s'est passé là-bas.

Q.
Selon des informations qui ont été
évoquées devant la Commission d'enquête
parlementaire française, les troupes du
FPR auraient fait mouvement sur Kigali
avant même l'attentat.

Est-ce que vous avez, vous, des
informations sur ce point en tant que
responsable militaire? Est-ce que vous
pouvez nous éclairer là-dessus?

R.
C'est une analyse logique, une analyse
logique parce que pour attaquer, il faut
des préparatifs, et puis, dans les

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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guerres telles que les guerres 14-18,
40-45, les étapes... les étapes à pied
pour un militaire, ça variait entre
20 kilomètres et 30 kilomètres par jour,
selon le chargement - selon le
chargement - ça ne dépasse pas. Or, de
Mulindi à Kigali - de Mulindi à Kigali -
en tout cas, il y avait à peu près je
crois 50-60 kilomètres; ce qui fait donc
une étape de deux jours - une étape de
deux jours-.

Nous remarquons que déjà le 8, il y a des
témoignages vérifiables - je ne les ai
pas ici - qui disent que déjà le 8, les
troupes du FPR venues de Mulindi étaient
à 10 kilomètres de la capitale, à
Rutongo, à l'endroit qui s'appelle
Rutongo. Ensuite - ensuite - si nous
disons que le FPR a attaqué... a attaqué
le camp de la garde présidentielle vers
15 h de l'après-midi, personne ne les a
vus - ne les a vus - sortir du CND.
Personne ne les a vus.

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A une heure bien déterminée, on a
entendu, à côté du camp, à l'entrée du
camp, dans les abords du camp, on a
entendu un assaut - bien sûr qui a été
cassé - mais ces gens-là étaient venus
avant. Pour vous dire de toute façon, si
on dit qu'une attaque... la garde
présidentielle a été attaquée à 15 h; 16
h selon les uns ou les autres à 15 h,
c'est pas à 15 h où l'attaque a commencé.
L'attaque commence par la position de
départ. Le voyage de la position de
départ à l'objectif, ça fait partie de
l'opération.

Donc, moi je vous dis, je n'ai pas les
éléments autres que techniques. Pour
venir attaquer la ville de Kigali, venant
de Mulindi, parce qu'un seul bataillon
n'était pas en mesure de prendre Kigali.
Ils disent qu'ils ont fait la jonction
le 8, entre le bataillon du FPR qui était
dans la ville de Kigali avec les troupes
qui venaient à Mulindi le 8, ça veut dire
donc que les mouvements se sont faits


LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

avant.

Une autre chose, bon, ça c'est sur le
témoignage du colonel Gatsinzi qui est
maintenant au FPR, qui a rejoint le FPR
quand nous avons pris la route de l'exode
- de l'exil - c'est Gatsinzi qui a repris
la fonction de chef d'état-major interim
directement dans la foulée, il témoigne,
il dit que le FPR avait commencé à faire
mouvement le 5. Vous pourrez le
rencontrer, certainement, vous pouvez lui
demander où il a tiré ces informations.

Mais aussi, les militaires qui sont venus
en réunion, qui venaient du Mutara - du
Mutara - ils nous ont déclaré qu'il y
avait... il y avait des attaques, plutôt
qu'ils appelaient des escarmouches,
c'est-à-dire ce n'est pas une attaque en
force, ce sont de petites attaques par
petits groupes, qui avaient déjà...
commencé déjà le 5, mais c'était loin,
loin, loin, loin, peut-être à
150 kilomètres de Kigali.

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C'est ce que je peux dire, et je n'ai pas
d'autres preuves.

Q.
Concernant les écoutes radio, vous avez
évoqué une écoute... transcription
d'écoute importante. Il y a dû y en avoir
d'autres, bien évidemment. Savez-vous où
sont ces archives actuellement?

R.
Bon, les archives étaient conservées en
trois endroits. Selon les grands
commandements, il y avait : le ministère
de la Défense qui avait ses archives,
bien entendu; il y avait les archives de
l'Etat-major de l'armée; il y avait les
archives de la gendarmerie.
Pour ce qui concerne la gendarmerie, je
ne peux pas dire où ils sont allés. Pour
ce qui concerne le ministère de la
Défense, comme moi, je n'étais plus là
- je n'étais plus à Kigali - je n'étais
plus à Kigali depuis... je peux même vous
dire la date, depuis le 22... le 24, mais
je ne suis plus jamais retourné à Kigali,
pour d'autres raisons.

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Bon, le ministère de la Défense et
l'officier qui est resté là-bas dans les
bureaux, c'est le colonel Ndibwami qui
était chef de la... le colonel Ndibwami,
N-D-I-B-W-A-M-I, Ndibwami, je crois
Déogratias. Il était chef des services
administratifs du ministère de la
Défense, disons, le chef du personnel.
Lui, il est resté là. Quand les
militaires voulaient donc sortir de la
ville de Kigali en août... le 3, le 4
juillet 94. Lui, il est resté là, il est
resté avec le bureau, avec toutes les
archives, il a empêché les autres de les
emporter. Donc les archives du ministère
de la Défense sont restées avec ce
monsieur qui... à qui le FPR a récompensé
d'être le chef d'état-major de la
gendarmerie quand il a pris le pouvoir.

Donc, du côté du ministère de la Défense,
toutes les archives sont restées en
place, mais du côté de l'armée... l'armée
- l'armée rwandaise - les archives qu'ils
ont pu emporter, on les a emportées

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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jusqu'au Zaïre, à Goma notamment. Nous
avions un site là-bas, tout près de Goma,
qu'on appellait le... on disait "au lac
vert", c'était à côté d'un lac qu'on
appelle "lac vert", et là, nous avions
toutes nos archives de l'Etat-major,
pratiquement toutes nos archives qui
pouvaient intéresser. Et les autres,
avant de quitter - c'est le chef
d'état-major qui m'en a parlé - mais les
archives, elles, qu'on a pris... qu'on a
amenées au Zaïre, je les ai vues - je les
ai vues - puisque vous allez pouvoir
remarquer que dans la brochure que je
vous donne, il y a certains extraits que
j'ai pu retirer dedans, je ne pouvais pas
les obtenir autrement; c'est de là que je
les ai puisées.

Nous avions nos archives là-bas - nous
avions nos archives là-bas - au complet.
Ce qu'on n'avait pas amené de
l'Etat-major de l'armée avant de quitter,
ils les avaient brûlées. Le général
Kabiligi qui est ici, qui était à Kigali,

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c'est lui qui a fait ce travail, et c'est
lui qui a organisé la sortie de la
population du FPR... de la population et
des Forces armées rwandaises de la ville
de Kigali dans la nuit du 3 au 4.

Donc, nos archives étaient encore
intactes - étaient encore intactes -
avant l'invasion du Zaïre par le Rwanda
en 97... 97 je crois. En tout cas, en 85,
quand j'écrivais cette petite brochure,
j'ai pu les consulter, ils étaient encore
là. En 96, j'ai été arrêté et mis en
prison au Cameroun, je ne pouvais plus
savoir ce qui se passait dehors.

Donc, en tout cas, ils étaient encore là,
intacts. Mais, avec l'invasion du FPR au
Zaïre et l'Ouganda, ces archives-là,
est-ce que le FPR les a eues, ou bien,
ils ont eu le temps de les brûler aussi?
Je crois qu'ils les ont détruites ou que
le FPR est tombé dessus. Moi, je ne peux
pas vous dire maintenant. Ces archives,

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en tout cas, sont introuvables. Ils
étaient.... c'était beaucoup...

Q.
Quand vous êtes parti, est-ce que vous
avez pris avec vous des archives, et plus
précisément lorsque vous avez été arrêté,
est-ce que le TPIR a eu... a saisi des
archives qui étaient en votre possession?

R.
Moi, non. Parce que moi... moi, en fait,
je n'étais pas au Zaïre. Je venais au
Zaïre de temps en temps pour voir les
autres, etc., mais ma famille était au
Cameroun, et les archives se trouvaient à
Goma.

Moi, je n'avais pas des archives - des
archives - et puis, ceux qui sont venus
m'arrêter, ce n'est pas le... ce n'est
pas le TPIR, c'est pas le TPIR qui m'a
arrêté. J'ai été arrêté par... sur mandat
du... sur le mandat du gouvernement
belge, pour l'assassinat des casques
bleus belges. Et le gouvernement
belge - puisque c'est des hommes -
finalement, quand le gouvernement
camerounais m'a... accepté de me

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000


transférer en Belgique, le gouvernement
belge n'a pas voulu de moi, et ils se
sont arrangés avec le TPIR pour se
dessaisir de ce cas en faveur de ce
Tribunal; c'est pour cela donc que le
TPIR n'a pas eu l'occasion d'arriver chez
moi pour fouiller. Donc, ce que j'avais
chez moi, à tout le moins, le minimum que
j'avais chez moi a été... est resté
intact là-bas, n'a pas été pris, ils ne
m'ont rien pris.

Q.
aviez des archives quelconques?
Et vous n'aviez pas de choses... vous

R.
Non, je n'avais pas de... j'avais des
documents personnels.

Q.
Merci.

R.
Personnels.

Q.
Est-ce que... qu'évoque pour vous
l'indicatif radio "cobra"?

R.
Hein?

Q.
L'indicatif radio "cobra". Vous
connaissez?

R.
Non, ça ne me vient pas en tête.

Q.
Ca ne vous vient pas en tête.
Est-ce que vous pouvez me parler

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maintenant de la découverte de tubes
lance-missiles à Masaka, le 25 avril 94?

R.
Peut-être, dans la foulée. Je pourrais
vous parler d'abord de... parce que je ne
voudrais pas y revenir, alors que c'est
l'affaire... l'ensemble, je voudrais vous
parler du voyage de l'équipe Lotin au
Mutara le 6, et passer par Masaka et
arriver, bon, sur cette question, ou bien
je réponds...

Q.
Commencez... on va commencer par la
découverte, enfin, si vous voulez, puis
après, on reviendra, parce que la
découverte est postérieure, bien sûr,
elle est du 25 avril, et ce que vous
évoquez, c'est le 6 ou le 7. Le 6.

R.
Oui.

Q.
Je voudrais.., je voudrais que vous
répondiez à la question sur la découverte
de ces tubes lance-missiles.

R.
Moi, je ne sais pas comment ils ont été
découverts; je l'ai appris. Je ne sais
pas comment ils ont été découverts, je
l'ai appris, mais je les ai vus après. Je
les ai vus au ministère de la Défense. Je

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les ai vus au ministère de la Défense fin
avril 94, et ces missiles-là ont été
photographiés au ministère de la Défense.

Q.
Par qui ils ont été photographiés?

R.
Par les services du ministère de la
Défense - par les services du ministère
de la Défense - par les services du
ministère de la Défense.
On voulait constituer un dossier qu'on
devait confier au lieutenant-colonel
Rwabalinda Ephrem, qui devait se rendre à
Paris.

Q.
Est-ce que vous pouvez nous dire...
donner un nom d'une personne qui a été
responsable de la photographie de ces
missiles? Le service.., en tout cas, le
service concerné.

R.
Je ne peux pas vous dire, mais je peux
vous dire que c'était sur instruction du
ministre de la Défense, monsieur Bizimana
Augustin. Il est trouvable quelque part.
Le ministre de la Défense pourrait vous
expliquer. Ce n'est pas moi qui ai
ordonné ça, c'est sur ses instructions,

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parce qu'on préparait pour Rwabalinda un
dossier - un dossier - à amener à Paris.
Il devait se rendre en mission à Paris.

Q.
Vous avez vu le rapport du lieutenant ingénieur Munyaneza.

R.
Oui. Oui, je l'ai vu. Je l'ai vu, et
d'ailleurs, c'est moi qui l'ai retiré des
archives à Goma, et c'est moi qui l'ai
remis à maître de Temmerman. Et c'est à
travers mon avocat, maître de Temmerman,
que Filip Reyntjens a eu accès à ce
document, et que, c'est à partir de ce
moment-là que Filip Reyntjens a repris ce
numéro dans son livre intitulé : "Les
trois jours qui ont basculé l'histoire du
Rwanda".

Q.

Où est l'original de ce document
actuellement?

R.
L'original, je ne l'ai pas, mais j'ai une
copie ici.

Q.
Oui, mais l'original?

R.
L'original de quel... de quoi?

Q.
Du rapport... de ce document.

R.
Mais il se... Il se trouvait dans nos
archives à Goma, qui ont été détruites.

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Q.
Oui, mais j'ai cru comprendre que vous
aviez pris l'original pour le donner...

R.
Non, non, le chef d'état-major ne pouvait
me donner son original. On m'a donné la
photocopie.

Q.
Une photocopie?

R.
C'est une photocopie comme ça, et j'en ai
encore une là, ici.

Q.
Oui, bien écoutez, si on peut si vous
pouvez en produire une photocopie?

R.
J'en ai d'autres.

Q.
D'accord. Vous pouvez le donner au
Bureau.

R.

J'en ai d'autres.

Me MENON, PRESIDENT :
On nous remet un document, il s'agit des
détails concernant les missiles. Le
témoin nous remet ce document, il est
accepté, et il s'agira du document
numéro 2 qui sera annexé à la déposition
de ce témoin.

M. LE JUGE BRUGUIERE :
Q.
Dans quelles conditions la photocopie de
ce document a été remis par le
Tribunal.., par votre avocat, au

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professeur P Reyntjens?

M. BAGOSORA
R.
On est... Je crois que j'ai fait des fax.
Je ne me rappelle pas, de toute façon
j'étais en contact avec lui, il venait me
voir à Goma, quand j'étais encore à Goma.
Je parle de... pas de Filip Reyntjens,
mais de Temmerman.

Q.
Ah! D'accord. Oui.

F.
Maître de Temmerman. Il venait même me
voir à Goma. Il est venu me voir au
Cameroun, quand j'étais en prison. Il
venait me voir souvent parce que déjà, à
cette époque, on m'accusait d'être le
cerveau du génocide et de l'assassinat
des Casques bleus. Alors, comme maître de
Temmerman était une ancienne
connaissance, avant - avant - le 6 avril,
longtemps avant, depuis les années 92
qu'on se connaissait, j'avais pensé que
puisque c'était la Belgique qui voulait
me poursuivre en premier, alors que j'ai
un ami en Belgique, qu'il serait bon de
lui confier mon dossier pour qu'il
continue à chercher les éléments de

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défense pour démentir les accusations qui
étaient portées contre moi; c'est dans ce
cadre-là qu'il passait me voir.

Q.
On peut revenir sur la mission du colonel
Ephrem Rwabalinda à Paris?

R.
Oui.

Q.
Dans quelles conditions s'y est-il rendu,
et pourquoi?

R.
Vous savez, la France, nous avions une
coopération en ce moment-là - nous avions
une coopération - il y avait à Kigali ce
qu'on appelait la mission d'aide
militaire. Et là, je vous parle d'un
officier qui fut conseiller - longtemps
conseiller - à l'Etat-major de l'armée
rwandaise, qui s'appelait le
lieutenant-colonel Morin, Morin - Morin.
Je parle de Morin parce que même dans la
nuit du 6 au 7, il est passé là, là à
l'Etat-major de l'armée, et nous avions
la coopération très serrée au point que,
eux, ils pouvaient entrer n'importe où,
n'importe quand, quand ils voulaient.
Quand ils voulaient, ils pouvaient venir

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s'informer ici, s'informer là-bas, et
nous étions des... disons des
camarades - des camarades.

Donc, nous pensions que la France voulait
nous aider en ce moment-là, et alors, il
fallait une mission pour aller expliquer
nos besoins. Il fallait aller expliquer
nos besoins là-bas et donner des
renseignements sur ceci ou ça. Alors, la
mission de Ephrem Rwabalinda...
Rwabalinda a été choisi parce que
c'était... c'était un officier qui avait
travaillé à l'Etat-major de l'armée, mais
en tant que... dans le bureau des
opérations, qui avait travaillé au
ministère en tant que chef du bureau
d'études et des programmes, qui avait
travaillé en tant qu'officier de liaison
de l'armée de la MINUAR, entre la liaison
entre la MINUAR... etc.
C'était un type - disons - qui était
ouvert à tous les problèmes, à tous les
débats, et on a pensé que c'était lui qui

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convenait pour faire cette mission
d'aller expliquer, d'abord, ce qui s'est
passé, et fournir des renseignements
utiles, et, en même temps, formuler nos
besoins pour qu'on puisse se défendre.

Je dis qu'il est parti à Paris, je n'ai
pas vu son rapport - je n'ai pas vu son
rapport - quand il est revenu, mais ce
que je sais c'est qu'il est revenu avec
un poste satellitaire - satellitaire -
qu'il a reçu du haut commandement des
Forces armées françaises. Je ne sais quel
Général - le nom m'échappe - mais il
m'avait parlé d'un Général, je ne sais
pas... est-ce Juchon? (Phon.) Je ne sais
pas, mais je n'ai pas ça en tête. Pour
vous dire... vous dire, donc le type il
est allé là, avec les photos des
missiles, avec les bandes sonores qui
avaient été enregistrées à l'aéroport...
les bandes sonores qui étaient
enregistrées au moment de... au moment de
l'attentat de l'avion, les copies - les
copies - parce que... alors, puisque

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nous parlons des missiles, je peux vous
dire où les lance-missiles sont allés.

Q.
Je vous écoute.

R.
Les lance-missiles, nous les avons gardés
- nous les avons gardés - au ministère
de la Défense pendant longtemps.

Entre-temps, moi, je suis parti en
mission à l'extérieur. Je suis allé au
Zaïre, je suis allé en République
Sud-africaine, je suis allé aux
Seychelles, je suis rentré je ne sais pas
quand, mais en tout cas, tard... après
l'arrivée de la Turquoise... de la
mission Turquoise au Rwanda; c'est à ce
moment-là que je suis revenu au Rwanda.
Alors, ces missiles... ces lance-missiles
ont été transférés du ministère de la
Défense à Gisenyi.

Et de Gisenyi, quand nous avons traversé
la frontière, ces missiles ont été
confiés au colonel Anatole Nsengiyumva,
Anatole Nsengiyumva, Nsengiyumva :
N-S-E-N-G-I-Y-U-M-V-A, Nsengiyumva

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Anatole. Et ces missiles, nous les
avions...

Q.
Il est toujours en vie, non?

R.
Oui...

Q.
Ah oui, oui, d'accord.

R.
Il est ici.

Q.
Ah non, je pensais à un autre.

R.
Alors, ces missiles, nous les avons
gardés... nous les avons gardés à Goma
parce que nous étions dans la ville de
Goma où l'armée zaïroise, dans le
temps... bon, l'armée de Mobutu, en fait,
c'était aussi des amis - considérés comme
des amis - mais à un certain moment, par
l'intermédiaire du général Tembele, le
colonel Aloys Ntiwiragabo,
N-T-I-W-I-R-A-G-A-B-O, Aloys. Par, donc,
le biais du général Tembele, il paraît
qu'il était à Kinshasa, mais je n'ai pas
la certitude. Il est parti avec un
lance-missile - un seul lance-missile -
avec les bandes sonores, et sont repartis
jusqu'à Gbadolite, où ils ont été remis
au service de Mobutu. Comme il est encore
en vie, peut-être vous aurez le temps de


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le rencontrer.

En tout cas, c'est... un lance-missile et
les bandes sonores sont arrivés chez
Mobutu; ça c'est certain, ça c'est un
fait.

Le deuxième lance-missile, quand Anatole
allait donc se réfugier au Kenya, il me
l'a laissé, c'est moi qui l'ai repris. Je
voulais le garder, on voulait le garder
parce qu'on disait on ne sait jamais, il
peut servir pour une enquête... etc., on
croyait qu'un jour on pourra rentrer ou
on pourra quand même mener une enquête.
J'ai voulu le garder. Je l'ai gardé avec
moi dans la ville de Goma. Par la suite,
quand on nous chassait de la ville parce
que nous étions trop nombreux dans la
ville de Goma, je suis allé le mettre
dans notre quartier de militaires du lac
vert, un peu plus loin, je crois à
20 kilomètres de Goma. Il est resté là.
Ultérieurement, nous avons pensé qu'il

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fallait aussi l'envoyer chez Mobutu. De
toute façon, on croyait qu'autant
d'envoyer les deux. Alors, par le canal
de Tembele cette fois-là, nous l'avons
remis au général Tembele, à lui-même,
pour qu'il l'envoie où ils avaient envoyé
le premier.

Le général Tembele, il doit avoir envoyé,
en tout cas, si vous le rencontrez, il
pourra vous dire où il a mis ce
lance-missile.

Les choses que je peux vous dire
ultérieurement, c'est que - et que je ne
peux pas vérifier - c'est que Mobutu, de
son vivant, il avait demandé à Baril, il
avait demandé un service à Baril pour
mener l'enquête à base de ces missiles
- de ces lance-missiles - notamment.

Bon, ultérieurement en fait, vous savez,
cette affaire, il n'y a personne qui peut
savoir parce que je vous dis, l'attentat
contre l'avion du président Habyarimana,

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c'est un complot international; c'est
pour cela que je voulais vous parler et
vous dire... et vous dire que la MINUAR -
la MINUAR - à Kigali a été complice de
cet attentat.

Q.
Alors, je crois que justement, enfin, on
va peut-être revenir à un point que... je
vous avais coupé parce que je... on était
le 25 avril. On va revenir au 6 avril
puisque vous me dites qu'il y avait
l'attaque du lieutenant, c'est le... vous
m'avez parlé d'un événement que vous
vouliez évoquer, qui était en relation
avec les missiles, vous n'avez pas
commencé, et je vous ai dit : "On verra
ça plus tard", parce que je voudrais que
vous répondiez à la question sur la
découverte des missiles. Et je crois que
cet événement que vous voulez évoquer,
mettait en cause ou évoquait un militaire
belge, si j'ai bien compris.

R.
Oui, je voulais vous dire que... je veux
vous démontrer - vous démontrer -
comment... comment la MINUAR - non,
l'équipe Lotin - qu'ils ont joué un grand

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

rôle dans cet attentat.

Le 6 avril, l'équipe du lieutenant Lotin
a été envoyée en mission pour escorter
les agents du FPR au parc national de
Mutara. C'était dans la zone
gouvernementale, dans la zone
gouvernementale qui était contrôlée par
nous. Les agents du FPR allaient se
promener dans notre zone gouvernementale
sous l'escorte de la MINUAR.

Pourquoi? Bon, de toute façon, une
question se pose, j'aimerais bien que
vous - puisque vous aurez l'occasion de
faire des enquêtes - j'aimerais bien
qu'on sache l'identité - l'identité - des
personnes qui furent escortées par
l'équipe du lieutenant Lotin, parce que
cette mission-là, elle est incontestable,
elle a eu lieu puisque Alexandre Rugofin
(phon.) en parle, puisque le colonel
Marchall et le général Dallaire
interrogés à ce sujet reconnaissent
- reconnaissent - cette mission, à cette

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seule différence que ni le général
Dallaire, ni le colonel Marchall ne
reconnaissent aujourd'hui qui a donné
cette mission... ordonné cette mission.

Cette équipe qui est partie - qui est
partie - le 6 avril à Mutara, devait
emprunter la route qui passe à côté de
l'endroit du tir à Masaka, c'était le...
vous savez, il y a des routes nationales
ou internationales qui passent, qu'il n'y
a pas plusieurs.

Il y avait cette route-là qui allait au
parc national macadamisé, qui allait à
l'est vers la Tanzanie et le parc
national. Elle passe à côté de l'endroit
du tir.

Ils sont passés par là, il sont retournés
par là. Jusque-là, j'avais encore...
j'avais rien, mais ce qui m'a... moi
personnellement, ce qui a commencé à me
faire des questions c'est que le général
Dallaire et le colonel Marchall, personne

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ne veut reconnaître qui a donné l'ordre à
Lotin de faire cette mission.

Ils sont revenus - ils sont revenus -
quand? Je ne sais pas, mais le fait est
que le lieutenant Lotin et ses
coéquipiers... en plus, le lieutenant
Lotin c'est un artilleur chevronné -
c'est un artilleur chevronné - il était
chef du porte-mortier mais c'est un
artilleur chevronné, même des missiles.
C'est vérifiable chez lui, la formation
tout ça... c'est vérifiable.

Le fait est que, après cette mission
qu'il a fait avec les agents du FPR à
l'est du pays, en passant et en revenant,
en passant près de l'endroit du tir des
missiles, le lieutenant Lotin et ses
coéquipiers - j'ai des témoignages que
vous pourrez avoir, si vous les demandez
à la commission parlementaire belge - les
témoins sont nombreux pour les militaires
belges de la MINUAR qui se trouvaient à
l'aéroport de Kanombe.

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Le lieutenant Lotin et ses coéquipiers
sont venus en catastrophe pour
s'introduire dans l'enceinte de
l'aéroport de Kanombe, ils ont dû casser
les grilles de l'entrée de cet aéroport
pour rester là, dans l'heure qui a suivi
donc l'abattage de l'avion présidentiel
- dans l'heure - c'est précisé dans leurs
témoignages.

Vous allez leur demander, j'ai une copie
là-bas, j'ai pas amené, mais j'ai une
copie, c'est connu, officiel, c'est connu
par tout le monde. Il y a des témoignages
qui sont formels.

Dans l'heure qui a suivi l'abattage de
l'avion, le lieutenant Lotin et ses
coéquipiers ils sont venus, ils ne sont
pas passés par la voie où on entre
normalement, ils sont allés casser les
grilles pour s'introduire à l'intérieur
de l'aéroport. Ils sont restés là.
C'est-à-dire, si l'avion a été descendu à
20 h 22 tel qu'on le dit, ils étaient

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déjà là à 21 h 30 - déjà à 21 h 30, ils
étaient déjà là - ils étaient déjà là.

Ils sont restés là-bas, ils sont restés
là-bas pour... ce n'était pas leur
cantonnement, vous pourrez vérifier. Leur
cantonnement habituel n'était pas à
l'aéroport, ils avaient un cantonnement
en pleine ville. Donc, ce n'était pas à
leur endroit du cantonnement habituel, ce
n'était pas là qu'ils vivaient; ça c'est
vérifiable aussi.

Ils sont restés là-bas pour recevoir la
mission vers 3 h du matin, pour aller
escorter Agathe à la radio - le Premier
ministre - à la radio.

Bon, jusque-là aussi, on peut dire, bon,
c'est tout à fait normal, puisque
peut-être ils n'avaient pas suffisamment
de personnels pour faire ce travail. Mais
là, je dis non, puisque de la résidence
d'Agathe au poste prochain de la MINUAR
qui se trouvait à l'endroit où... "Notre

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Dame de sitôt" (phon.), de chez Agathe à
l'endroit où se trouvait un autre poste
de la MINUAR, qui d'ailleurs, au même
moment, a reçu l'ordre d'aller garder la
Radio Rwanda, au même moment, a reçu
l'ordre d'aller garder la Radio Rwanda.

Je me pose la question - je dis c'est une
question que je me pose, j'ai droit à me
poser la question - pourquoi ces
il
militaires-là, qui se trouvaient à 300 m
de chez Agathe, ne sont pas les mêmes qui
sont allés l'escorter? Bon, là, c'est une
question d'organisation, je n'insiste
pas. Cependant, je me pose cette
question, puisque les autres avaient
travaillé toute la journée, ils étaient
fatigués, ils étaient à l'aéroport là-bas
où, pratiquement, ils n'avaient rien à
faire, ils sont restés là, en attendant
une autre mission.


Mais, là, je voudrais aussi rappeler
pourquoi - pourquoi - ils ont reçu la
mission de conduire Agathe à la radio?

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Pourquoi ils ont reçu cette mission?

Je vous ai dit que j'étais... ils ont
reçu cette mission entre... vers 1 h du
matin, selon les écrits d'Alexandre
Rugofin, et selon les déclarations d'un
rapport parlementaire belge, des
déclarations du colonel Doez, du colonel
Marchall, Parkan, bon, ils donnent tout
le détail dans le document qu'on
appelle... Le document ad hoc -ad hoc-
qui a été fait par une commission
parlementaire belge.

Dans le dossier ad hoc, ils donnent tout
le "timing" de Lotin pendant cette nuit.
Je me pose la question parce que j'étais
avec le général Dallaire entre 22 h 30
jusqu'au moins 2 h du matin. Le général
Dallaire a donné l'ordre au colonel
Marchall d'envoyer une escorte à Agathe,
et d'aller occuper la radio pendant la
période où j'étais avec le général
Dallaire. Or, vous vous souvenez que les

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Forces armées, sous mon verbe, j'avais
exprimé que... et devant Booh-Booh, et
devant Dallaire, que nous ne voulons
pas... les Forces armées ne veulent - ne
veulent pas entendre, ne veulent pas - ne
veulent pas - de l'autorité du premier
ministre Uwilingiyimana.

Il avait été entendu, on avait fait un
compromis de faire la réunion justement
de 7 à 9 h chez l'ambassadeur des
(inaudible). Pendant qu'on vient de faire
ce compromis par-derrière, c'est ça qui
me frappe, comment Dallaire avec qui
j'étais... mais quand vous êtes avec
quelqu'un, bon, maintenant nous sommes
ensemble, vous pouvez aller là-bas aux
toilettes, vous pouvez passer là au
bureau, dans votre maison, vous avez
droit de faire tout ce que vous voulez
avec les moyens de communication, les
radios, tout ça, pendant la période en
tout cas où j'étais avec Dallaire, c'est
en ce moment-là que l'ordre a été donné
au lieutenant Lotin d'aller escorter

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Agathe Uwilingiyimana à la radio. Agathe
Uwingiliyimana, pour nous, nous ne
voulions pas, que nous, nous ne voulions
pas et j'avais expliqué pourquoi on ne
voulait pas d'elle.

Et puis, il l'a fait à notre insu - à mon
insu - il l'a fait à mon insu alors que
nous étions ensemble. Walinda (phon.)
n'est pas là, il est mort
malheureusement, il pourrait en
témoigner.

Dans tous les cas - dans tous les cas -
même dans la réunion, dans la deuxième
réunion, réunion que nous avions tenue,
la deuxième que nous avons tenue avec
Dallaire quand nous nous sommes rendus
chez Booh-Booh, alors qu'il avait déjà
donné les ordres à Lotin de partir chez
Agathe pour l'escorter à la radio, il ne
nous a pas informés de cette opération.

Q.
J'aimerais qu'on revienne sur les
missiles, parce que ça c'est un point,
quand même, qui est...

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R.
Bon, de ces missiles-là, bien, je
voulais... de toute façon, les missiles,
je voudrais vous dire que les missiles
maintenant, c'était pour vous dire dans
quel cadre, justement, le lieutenant
Lotin... je vais revenir.

Le FPR, à qui j'attribue l'attentat, ne
pouvait pas arriver à Masaka, à la ferme
- à la ferme - c'est à quelques
kilomètres du camp Kanombe, c'est un
vallon entouré de la population.

Seulement, il y a une ferme là, dans le
vallon. Donc, le FPR tout seul, non
escorté, ne pouvait pas arriver là-bas.
Et pour avoir une escorte sûre, c'est ça,
pour avoir une escorte sûre, il fallait
les gens qui avaient les pleins pouvoirs,
la pleine liberté de circuler. Seule, la
MINUAR pouvait circuler... pouvait
circuler, parce que je vous ai dit que
les Forces armées rwandaises n'avaient
pas droit de sortir sans l'autorisation
de la MINUAR. Seule la MINUAR pouvait
circuler, et je vous dis que ce


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lieutenant avait circulé avec les agents
du FPR; ça c'est vérifiable. Il a circulé
avec les agents du FPR.
Moi, je ne dis pas que... je n'affirme
pas 100 pour cent, mais tant que vous
n'avez pas encore connu ces agents qu'il
a escortés, tant que vous ne pouvez pas
me dire pourquoi général Dallaire avec
qui j'étais, a, par-derrière mon dos, a
voulu envoyer Agathe à la radio, pour
moi, je qualifie ça, moi je...

C'est pour votre information, j'ai
participé à un coup d'état en 73, je
connais comment les coups d'état se font.
J'ai vu un coup d'état au Rwanda rater en
80. Je sais comment les coups d'état
ratent.

Au Rwanda, le 6 avril - dans la nuit du 6
avril au 7 - il y a eu un coup d'état
raté, et les coups d'états râtés, en
fait, c'est catastrophique, il y a
toujours des morts, beaucoup de morts. Il
y a eu un coup d'état du FPR en

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complicité avec la MINUAR, avec une
partie de l'opposition intérieure qui
était pro-FPR. Je vous le dis.

C'était pour vous dire, donc, que la
MINUAR a escorté le FPR à l'endroit du
tir des missiles.

Q.
Est-ce que l'armée rwandaise, les FAR,
disposaient de missiles?

R.
Non, je vous dis non, parce que - parce
que - je suis un témoin oculaire.
Donc, en 92 - non - en 88... en 1988, de
1988 à 1992, j'ai commandé le bataillon
anti-aérien. Moi, j'ai commandé ça. Je
peux vous dire les armes que nous avions,
c'était la seule unité anti-aérienne qui
était au Rwanda et qui était sous mon
commandement.

Je vous donne les indications des armes
que nous avions : nous avions des armes
de type chinois, des canons de tube
2.37 millimètres, les mitrailleuses
quadruples - à 4 tubes - quadruples 14.5

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millimètres..

Q.
Russes?

R.
Chinois aussi, en général, chinois et
russes se copiaient, mais on les avait
acquis par le canal de la Corée.

Nous avons.., nous avions aussi des
mitrailleuses 12.7, généralement appelées
point 50. Et puis, nous avions des armes
légères individuelles, des petites
mitrailleuses 162 mack...etc, des armes
individuelles comme le R-4 sud-africain,
comme le FAR belge, etc... Et des
pistolets, toutes sortes de petites
armes, là.

Nous n'avons j'avais eu... les Forces
armées rwandaises n'ont jamais eu des
missiles, quoi que ce soit. Ils n'ont
jamais eu ça. Mais comme je fus aussi
directeur de cabinet depuis 1992 jusqu'en
juillet 94, je peux aussi vous assurer
qu'au niveau des formations, des stages à
l'intérieur comme à l'étranger, nous
n'avons jamais eu un personnel entraîné

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au maniement des missiles. Cela est
vérifiable chez les pays où nous
avions... disons nos anciens partenaires
comme la France, la Belgique, les
Etats-Unis, l'Egypte, la République
Sud-Africaine, c'est surtout là où nous
avions des...

Q.
Et concernant l'APR, l'armée patriotique
rwandaise, est-ce que...

R.
Ah! Bon, quand vous parlez de l'armée
patriotique rwandaise...

Q.
Ou FPR...

R.
Le FPR, bon. Là, il faut revenir sur
l'historique de ce FPR.

Le FPR c'est une organisation
politico-militaire, mais qui est issue de
la NRA, de l'armée ougandaise - de
l'armée ougandaise. La preuve, c'est que
Fred Rwigema, le général major Fred
Rwigema qui a lancé l'attaque le
1er octobre au Rwanda, il fut
vice-ministre de la Défense en Ouganda.


Paul Kagame, qui était major à l'époque

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

dans l'armée ougandaise - dans l'armée
ougandaise - fut chef de service des
renseignements militaire pendant
plusieurs années dans la NRA, l'armée
ougandaise.

Plusieurs cadres, plusieurs militaires du
FPR... en fait, c'est une partie de
l'armée ougandaise qui a attaqué en ce
moment-là, en 90. Après, ils ont recruté
d'autres, d'autres, d'autres sur le
passage, mais initialement, c'était une
branche, et d'ailleurs je n'ai pas le
journal où j'ai lu les déclarations de
Museveni autour du 4... autour du 3 ou 4
octobre 90. Il a reconnu que c'était ses
"gars", qu'il connaissait ses "gars" et
qu'il savait ce qu'ils étaient en train
de faire. En ce moment-là, ils disaient
qu'ils allaient prendre le Rwanda en
quatre jours.

Donc, le FPR c'est une branche qui est
sortie de l'armée ougandaise. Alors, je
peux vous dire plutôt que l'armée

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

ougandaise avait des missiles, et que le
FPR avait des missiles aussi. Je vous
prouve que le FPR avait des missiles de
cette façon :

En octobre 90, le FPR nous a abattu un
avion au Mutara, dans le ciel de Matimba.
Matimba, c'est une région, M-A-T-I-M-B-A.
C'est une région comme... bon, c'est un
site.

Q.
Quel type d'avion?

R.
C'est... je crois que c'était un
Islander (phon.), un petit porteur.
C'était un petit porteur, j'ai pas... Ça
peut être un Islander ou quelque chose de
ce genre.

Dans le même mois, ils nous ont abattu un
hélicoptère de combat dans la même région
du Mutara, du côté de Nyakayaga.
Nyakayaga, N-Y-A-K-A-Y-A-G-A, Nyakayaga.
Avec les missiles. Ils ont déjà, rien que
pour le mois d'octobre 90, ils nous ont
abattu deux - disons - deux appareils.


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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Lors de la prise de la guerre en février
1993, en violation des Accords d'Arusha,
ils nous ont abattu un autre hélicoptère
de combat dans la région de Kirambo, dans
la sous-préfecture de Kirambo. Au nord
du pays, dans la préfecture de Ruhengeri,
dans la commune Butaro, B-U-T-A-R-O,
Butaro; ça fait donc trois appareils qui
ont été abattus par les missiles du FPR.

Et puis, bon, il ne faut pas vous
demander donc d'où ils amenaient et
sont... en attaquant, ils faisaient
partie de l'armée ougandaise, ils ont
pris une partie du matériel qu'ils
avaient, et ils ont continué à être
approvisionnés à partir de là.

Q.
Vous êtes sûr que l'armée ougandaise
avait des missiles?

R.
Ce n'est pas un groupe de rebelles issus
d'une organisation NRA, sûr qu'il y en
avait, et pour moi, je... c'est pour moi
incontestable, puisque leur
approvisionnement, ce n'était pas le
Kenya qui les approvisionnait, ce n'était

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pas la Tanzanie qui les approvisionnait.
Ils avaient fait... tous les cadres qui
ont combattu, je parle du major
Bunyenyezi, je parle du major Bayingana,
je parle de tout le haut commandement du
FPR, ce sont des officiers nommés dans
l'armée ougandaise, qui avaient même la
nationalité ougandaise, comme le major
Paul Kagame, il est allé faire ce stage,
il était en stage aux Etats-Unis dans un
centre d'instruction - je crois - du
Kansas, parce qu'il y avait un autre
stagiaire à nous, qui était avec lui
là-bas, il nous dit qu'il l'a vu. Eh
bien, ce type-là, il était là - il était
là - en tant que militaire de l'armée
ougandaise. Il avait reçu le... son
stage, là, de formation, en qualité
d'officier de l'armée ougandaise; ce qui
fait que quand ils ont attaqué le
1er octobre à partir de l'Ouganda... je
vous donne un autre exemple, tiens.

Quand ils ont attaqué le 1er octobre, le
30 octobre, nous les avons refoulés du

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Rwanda. Où est-ce qu'ils sont allés? Et
la guerre a continué, malgré tout. Où
est-ce qu'ils sont allés? Nous avons
nettoyé tout le territoire le 30 octobre,
il n'y avait plus de FPR au Rwanda.
Où est-ce qu'ils sont allés?

Et une manière extraordinaire, la MINUAR
- la MINUAR - qui était dirigée par le
général Dallaire, n'a jamais vu où ils se
trouvaient. On disait : ils ne sont ni au
Rwanda, ni au Zaïre, on ne les voyait
pas, ils disaient qu'ils n'étaient pas en
Ouganda; où est-ce qu'ils étaient?

Avec le général d'état tanzanien,
n'ont jamais pu voir ces gens-là où ils
se trouvaient. C'est extraordinaire! Il y
a une complicité, une très grande
complicité dans cette affaire.

Q.
Oui. Il y a un missile intact qui a été
retrouvé - je crois - et qui a été remis
à la France. Vous vous souvenez de cet
événement?

R.
Un missile?

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Q.
Oui.

R.
Moi, je ne sais pas.

Q.
Colonel Cussac?

R.
Hein? Le colonel Cussac?

Q.
Oui, c'est un colonel français.

R.
Le colonel Cussac? Est-ce qu'il était
peut-être à l'ambassade ou attaché? Je ne
sais pas...

Q.
Attaché d'ambassade.

R.
Oui, le nom, le nom me revient - me
revient - oui, oui, le nom me revient.

Q.
Ca n'évoque rien pour vous, ça?

R.
Bon...

Q.
Non?

R.
Non.

Q.
Bien. Dans l'hypothèse - l'hypothèse -
d'un attentat dans lequel les Hutus du
CDR seraient impliqués, qui parmi ceux-ci
aurait pu être à l'origine et prendre la
tête de ce coup d'état dans cette
hypothèse? Si on émet cette hypothèse?

R.
Quand vous parlez du CDR, je ne sais pas
si vous parlez des extrémistes hutus.
C'est le mot qu'on utilise abusivement,
mais...

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Q.
République, quoi !
La Coalition pour la défense de la

R.
Bon, en tant que parti, non, je ne peux
pas parler de ce parti, mais peut-être je
peux parler de l'hypothèse parce que même
cette Coalition de la république, elle
comptait - elle comptait - parmi ceux qui
sont appelés abusivement extrémistes
hutus. Alors, plutôt je peux vous parler
de ceux-là qu'on appelle extrémistes
hutus, si réellement, ils pouvaient
utiliser... etc, là je peux dire. Mais
pour le parti en tant que tel, bon, il
n'était d'ailleurs pas fort, puis...
Sur les extrémistes hutus, je peux vous
donner, en répondant à la même question,
mais remplacer ce terme par "extrémistes
hutus", là je peux répondre.

Q.
Vous avez déjà répondu à la première
question, répondez à la deuxième qui
s'induit de la première, et que vous
avez...

R.
Non, non, non, c'est que pour moi...

Q.
Implicitement posée. Alors, répondez-y.

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R.
Bon... (Rires)
Je voudrais vous dire que cette hypothèse
- cette hypothèse - de ceux-là qui sont
appelés abusivement extrémistes hutus,
d'avoir attenté à l'avion présidentiel,
qu'elle est fausse. Elle est fausse,
pourquoi? Parce que ces gens-là...
disons, la tête pensante de ces gens-là
était absente du pays - était absente du
pays - je vais vous donner la liste des
gens qui étaient absents du pays.

Puisque c'est le Président Habyarimana
qu'il fallait éliminer là, celui-là, je
n'en parle pas. Mais, le chef de la
sécurité présidentielle, le colonel
Sagatwa, colonel S-A-G-A-T-W-A Elie.
Il était compté parmi ces gens-là qu'on
croyait être tués. Il était parti avec
- avec - le Président Habyarimana, dans
le même avion, et il a péri dans le même
avion.

Vous avez... je descends au ministère de
la Défense parce qu'il faut voir les gens

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BAGOSORA Le 18 maI 2000

qui pouvaient faire quelque chose - qui
pouvaient faire quelque chose.

Le ministre Bizimana, Bizimana Augustin,
ministre de la Défense, Bizimana
Augustin. Le 6 avril, il se trouvait dans
la conférence dont je vous ai parlé sur
le règlement du conflit en Afrique à
Yaoundé. Donc, il était aussi absent.

Je descends à l'Etat-major de l'armée.
Normalement, pour faire un coup, il faut
avoir les chefs qui vous aident, parce
que même des coups d'état civils, des
militaires doivent donner un coup de
main, sinon, quand les militaires ne
marchent pas, ça ne marche pas du tout,
vous le savez.

Le chef d'état-major de l'armée
Rwandaise, le général Nsabimana
Déogratias, Nsabimana Déogratias était
parti en mission avec le président
Habyarimana. Il a trouvé la mort dans
l'avion présidentiel.

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Le G-3 de l'armée rwandaise, le colonel
Kabiligi, ultérieurement général de
brigade, le chef des opérations de
l'armée rwandaise, il était parti en
mission en Egypte, et il était encore là
le 6 avril.

Le G-2 - le G-2 - le chef de service de
renseignements militaires de l'armée
rwandaise, à l'Etat-major de l'armée
rwandaise, le colonel Nyiragabo Aloys,
lui aussi, il était parti paradoxalement
avec le ministre de la Défense dans la
mission de Yaoundé au Cameroun. Il était
aussi absent.

Bon, je reviens au niveau alors de...
normalement, il faut parler des
politiciens alors. Le ministre de
l'Intérieur, monsieur Munyazesa Faustin,
le ministre de l'Intérieur Munyazesa
Faustin, un membre influent du MRND, il
était... il avait accompagné le président
ici - plutôt - ici en Tanzanie, à

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

Dar es-Salaam. Hein? Ici à Dar es-Salaam,
et où il n'est jamais rentré, parce qu'il
n'a pas pu rentrer avec le président
parce que sa place a été occupée par la
délégation burundaise. Lui, il devait
attendre le lendemain pour rentrer par un
autre avion. Un autre avion - un autre
avion - je crois, le Nora 30 (phon.), un
autre petit porteur. Nos avions, entre
parenthèses, le gouvernement tanzanien
les a... a mis embargo sur nos avions
jusqu'à la prise du pouvoir... du pouvoir
donc en juillet - plus tard en juillet ou
en août - au FPR. Pour vous dire que le
complot est grave, puisque le président -
notre président - il meurt en rentrant de
Tanzanie, pas de message de condoléances,
les gens qui sont venus ici - qui sont
venus ici - leurs avions sont confisqués,
sont saisis, sont mis sous embargo par ce
gouvernement, jusqu'à ce que trois mois
plus tard, le FPR, une fois au pouvoir,
qu'ils remettent au FPR au pouvoir.

Donc, Munyazesa ne va plus rentrer parce

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

que l'avion, les avions - nos avions -
ont été mis sous embargo. Là, peut-être,
j'ai un peu dérapé, parce que ça me
venait, j'ai dérapé.

Alors, disons, parmi les gens qui
restaient alors, parmi ces gens qui
restaient c'est moi, moi je suis resté
là, au ministère de la Défense.

En fait, moi, au ministère de la Défense,
je vous ai dit que j'avais été déforcé.
Militairement, tout le monde savait bien
que j'étais en retraite. En fait, un
militaire qui devient retraité, vous
savez comment on les traite. Ah oui, il
n'a plus d'actif, il n'a plus d'ordre à
donner à qui que ce soit. On lui dit
"Bon, vous avez travaillé, qu'on vous
donne votre pension, vous occupez une
place supplémentaire, alors, bon".

De ce côté-là, vous comprenez que
militairement, je n'avais plus d'audience
comme si j'étais encore en fonction

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

militairement.

Politiquement - politiquement - je
n'avais plus aussi de pouvoir, puisque
tout le monde savait que depuis
octobre 93, j'avais été remplacé, et mon
remplaçant, je le connaissais, il se
connaissait. Son nom est connu. Donc...
et d'ailleurs, quand certains font
l'analyse des faits et c'est pour cela
qu'on m'appelle le cerveau du génocide,
les gens croient qu'ils m'ont oublié de
m'envoyer quelque part, parce que pour
que tout ce monde soit absent de Kigali,
il doit y avoir eu une manipulation de
haut niveau. Il doit y avoir eu quelqu'un
qui a pu savoir pointer : celui-là, il
faut qu'il soit absent, qu'il soit
absent, qu'il soit absent, à telle date,
à telle date, et on m'a oublié parce
qu'on savait bien que je n'étais plus à
l'armée, on m'a oublié parce qu'on savait
bien que je n'étais plus directeur de
cabinet effectivement, mais
juridiquement, je l'étais encore. Parce

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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que pour quitter ce poste que j'avais
occupé par arrêté présidentiel, il
fallait un autre arrêté, après la mise en
place du nouveau gouvernement, pour que
je parte. Donc, juridiquement, j'étais
encore directeur de cabinet.

Les gens disent qu'ils m'ont oublié,
d'autres disent : "Ah! Voilà le cerveau
du génocide". Parce que, probablement,
effectivement, dans cette nuit-là, du 6
au 7, parce que j'ai refusé - parce que
j'ai refusé - au Premier ministre
l'autorité, de reconnaître son autorité.
C'est l'infraction totale qui me coûte la
vie. Je crois que c'est là, c'est là où
j'ai... J'ai été présent là, et j'ai dû
prendre une décision de dire : ce Premier
ministre, nous ne l'acceptons pas.

Je n'étais pas seul à prendre cette
décision, puisque - puisque - c'était une
réunion des officiers. Plusieurs
témoignages disent - disent - des autres
officiers comme moi, disent que

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
COMMISSION ROGATOIRE

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l'autorité du Premier ministre a été
rejetée. Alors, le fait d'avoir rejeté
l'autorité du Premier ministre, ça me
tombe sur la tête et le refus d'avoir
reconnu l'autorité du Premier ministre,
ça a renversé certainement certains
plans, certains plans qui étaient prévus,
qu'Agathe Uwilingiyimana devait aller à
la radio pour dire quoi? Je ne sais pas
exactement.

Donc, si vous voulez, s'il devait y avoir
quelque chose, c'est moi et moi tout
seul, puisque mes amis avec qui je devais
travailler pour faire un coup d'état
étaient morts ou étaient absents de
Kigali; ils étaient morts ou absents de
Kigali.

(Pages 100 à 152, prises et transcrites
par Laure Ketchemen)

LAURE KETCHEMEN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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M. BAGOSORA : (suite)
Ces autres extrémistes ou de la CDR, qui
pouvaient..., qui pouvaient faire quelque
chose, alors des ... (inaudible)que je viens
de vous invoquer, qui étaient absents, sauf
moi, présent.

Moi, présent, ma faute je la connais. C'est
que je n'ai pas voulu reconnaître l'autorité
du premier ministre. C'est ça qui m'a amené
ici, en prison, parce que j'ai renversé
certainement, mais sans le savoir - je
m'excuse, sans le savoir - j'ai renversé...,
j'ai bouleversé un plan..., un plan, parce
que, comme Agathe allait à la radio dire
quoi, alors qu'elle n'avait pas élu le
gouvernement ? Agathe allait dire à la
radio, alors, qu'il y avait un conseil de
sécurité, le général Ndindiliyimana faisait
partie en temps que chef d'Etat-major. Ok,
ils n'avaient pas été convoqués.

Le conseil de sécurité, donc, c'est le
conseil restreint des ministères de la
présidence pour..., en cas de crise.

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
TPIR - COMMISSION ROGATOIRE

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Qu'est-ce qu'ils allaient dire à la radio ?
Qu'est-ce qu'ils allaient dire à la radio,
sans avoir consulté personne ?

D'autant plus qu'ils ne savaient même pas si
le président était réellement mort. Elle
n'avait pas approché pour voir.

M. LE JUGE BRUGUIÈRE :
Q.
Est-ce que vous pouvez me parler, un peu
dans le même contexte, de la réaction de la
garde présidentielle, qui était dirigée par
le major Protais Mpiranya ?

Il s'est livré à un certain nombre
d'exactions. Il y a eu de..., donc, qui a
entraîné des éliminations physiques de
membres du gouvernement et d'autres
personnes, du reste.

R.
Cela, je peux vous l'expliquer dans un
contexte global.
En fait, le 6 avril..., le 6 avril, dans la
société rwandaise, il y avait une
bipolarisation nette : les gens pro-FPR et

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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les gens anti-FPR. Il y avait deux camps,
clairs et nets, là, il faut reconnaître ça.

Bon, les militaires de la garde
présidentielle, il faut les compter alors
dans les anti-FPR ou pro..., ou pro..., ou
pro-Habyarimana, si vous voulez, puisque
c'était sa sécurité.


Qu'est-ce qui s'est passé ?
En fait, il y a eu des débordements, au camp
Kigali, je vous dis qu'il y a eu une
mutinerie. A la garde présidentielle, je
vous dis qu'il y a une mutinerie que nous
avons constatée, moi et Dallaire, quand nous
allons chez Booh-Booh. La mutinerie avait
déjà commencé, la nuit.

Et à ce moment-là, quand nous sommes allés
chez Booh-Booh, les politiciens n'étaient
pas encore morts, puisque les morts, les
assassinats ont commencé plutôt..., plutôt le
matin, en tout cas, après cinq heures du
matin, selon les rapports que nous avons pu


FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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obtenir et les enquêtes qui ont été menées
par le procureur..., le procureur belge dans
l'enquête..., dans l'enquête sur l'assassinat
belge, parce que j ' ai..., j'ai..., j'ai des
documents là-dessus.

Les massacres des politiciens, encore
faut-il les compter..., faut-il les compter.
Les massacres des politiciens, le 7, se sont
faits, dans la foulée, tels que les
militaires belges qu'on croyait..., qu'on
croyait avoir tué le président, ont été
« lynchés » par les militaires mutinés du
camp de Kigali.

Ces politiciens-là, je vous dis : ils
habitaient autour du camp de la garde
présidentielle, tout près..., tout près.
Et tout le monde savait qui est pour le FPR,
et qui est contre le FPR. Et tout le monde
savait qui est contre le président
Habyarimana qui vient d'être tué, qui est
pour..., c'était sa garde. Ça a été une folie
de mutinerie.

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Le commandant n'a pas pu, parce qu'on n'a
pas fait « rase-mottes ».

Effectivement, on a attaqué monsieur
Kavaruganda, je dis..., je vous dis, on a
attaqué monsieur Kavaruganda Joseph. On a
attaqué Joseph du parti MDR. Parce que je
vous dis..., parce que j'ai..., il y a....

Tout le monde savait que c'était un type
qui, même quand le président prêtait
serment, le 5..., le 5 avril..., le 5 janvier
1994, ce président de la Cour
constitutionnelle a dit au président :

« Maintenant, tu signes, ces accords ne sont
plus des chiffons ».
Et la famille de Kavaruganda a fait un
dossier là-dessus, c'est pour ça que je me
souviens. Le dossier m'a été remis dans le
cadre de l'enquête de l'assassinat belge.

Donc, Kavaruganda, lui aussi, et sa famille,
savait bien qu'ils ont ridiculisé..., et quand
ils ridiculisaient le président, en présence

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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de sa garde ! ... (inaudible) sa garde
présidentielle était là.

Ils voyaient..., ils voyaient..., ils voyaient
comment ils ridiculisent le président.
Kavaruganda a été victime de ces affaires,
parce qu'il habitait à côté de la garde
présidentielle. Ceux qui ont été tués ont
été tués parce qu'ils habitaient seulement à
la porte du camp de la garde présidentielle.
Parce que la garde présidentielle,
contrairement à ce qu'on raconte, ne sont
jamais sortis de leur casernement, ne sont
jamais allés au-delà d'un kilomètre,
puisque, d'ailleurs, ils ne pouvaient pas en
avoir les moyens.

Immédiatement après, ils ont été attaqués
par le bataillon du FPR, qui les a confinés,
les a encerclés dans leur camp. Ils ont
continué à résister dedans..., à résister
dedans, jusque dans la nuit du
3 au 4 juillet 94. Ce qui fait que le
bataillon de la garde présidentielle

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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- encerclé par le bataillon du FPR, les
combats ont duré pendant tout ce temps - ils
ne pouvaient pas sortir de là, parce qu'ils
étaient encerclés par les combats.

C'est pour vous dire que, ce n'est pas..., ça
n'a pas été des massacres systématiques.
C'étaient des personnes.... Je vous dis le 7,
nous avons fait une réunion dans
l'après-midi pour voir les dégâts. Les
dégâts, d'abord, c'était Kavaruganda Joseph
qui était mort. C'est un Hutu, contrairement
à ce qu'on dise que c'était un massacre des
Tutsi. C'était Mzamarumabaho (phon)
Frédéric, c'est un Hutu du parti..., du parti
PSD. C'était un Hutu contrairement à ce
qu'on disait qu'on recherchait à tuer les
Tutsi. Vous avez encore, je crois, le
ministre Shugusa (phon), qui était ministre
de l'Information, qui a été tué, parce qu'il
passait de ce côté-là. Il a rencontré ces
militaires, ils l'ont « zigouillé ». C'est
vrai, il a été tué dans cette foulée de
colère, parce que ces gens-là, aussi,
étaient connus comme tels, connus comme quoi

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ils sont pro-FPR. Ils ont été tués parce
qu'ils sont pro-FPR, par des militaires qui
ne voulaient pas faire de discernement.

Et le commandant de la garde présidentielle
a tout fait et, d'ailleurs, moi aussi..., moi
aussi, dans l'après-midi, quand j'ai su...,
quand j'ai su dans l'après-midi, sur demande
du général Dallaire qui venait avoir de
cette information du FPR, qu'ils allaient
attaquer, j'ai téléphoné au commandant de la
garde présidentielle pour lui demander
pourquoi ces militaires continuaient à
circuler dans la population, qu'il devait
les ramener au camp.

Le général Ndindiliyimana en est témoin. Le
général Dallaire en est témoin.
J'ai fait ça, mais au moment où je donnais
cet ordre-là, pour qu'il fasse tout pour
ramener ces gens, le FPR, déjà, était à la
porte du camp de la garde présidentielle.

C'était la guerre.

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Q.
Dîtes moi, nous avons appris que le général
Roméo Dallaire aurait, lors d'une réception,
organisée à l'hôtel Méridien, vous aurait
questionné pour savoir qui était le dauphin
du président Habyarimana.

Est-ce que c'est exact ?

R.
C'est exact.

Bon, j'étais, j'étais..., j'ai été invité par
un officier de la MINUAR sénégalais, qui
venait chez moi, comme ça. Je le connaissais
avec mes enfants. C'était un jeune
capitaine, je crois. Je le connaissais avec
mes enfants et il passait..., je le voyais de
temps en temps chez moi.

Un beau jour, il m'invite avec ma femme pour
aller assister à la cérémonie commémorative
de la fête anniversaire, je crois, de
l'indépendance du Sénégal. C'est le 4..., en
tout cas, c'est une fête nationale que je ne
sais pas qualifier exactement, aujourd'hui.

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000


Bon, j'ai accepté l'invitation. Je suis
allé. J'arrive là-bas, il y avait beaucoup
de monde. Il n'y avait pas beaucoup
d'officiels du gouvernement. Quand je me
suis retrouvé là-bas, j'étais pratiquement
un de..., l'officiel gouvernemental le plus
important, disons - si importance, il y
avait.

Bon, alors, on m'a mis à la table d'honneur.
On m'a mis à la table d'honneur, avec le
général Dallaire, avec Booh-Booh sur une
autre table d'honneur plus élevée.

Et puis, là, bon..., comme le général
Dallaire, nous avions..., nous nous
connaissons très bien, parce que toutes les
négociations que nous avons faites avec le
FPR, soit à Kinihira ou ailleurs ou dans la
ville de Kigali, chaque fois que nous
faisions des négociations, le général
Dallaire était là. Et toutes les réunions de
coordination, entre la MINUAR et les forces
armées rwandaises, j'étais souvent là, soit
là, tout seul ou en compagnie de mon

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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ministre. Donc, je me connaissais bien avec
le général Dallaire, qui est..., de première
vue, il était gentil. Je le voyais gentil.
On parlait. Il n'était pas..., il n'était pas
pompeux, il était un type simple, on
parlait.

Donc, C'est la seule personne, parmi son
groupe, que je connaissais là-bas. Je l'ai
approché alors..., je l'ai approché avec mon
épouse, pour que je puisse, quand même,
m'asseoir avec quelqu'un que je connais,
pour pouvoir communiquer.

A côté, il y avait évidemment..., il y avait
aussi le colonel Marchall. Le colonel
Marchall, que je connaissais aussi, mais
dont les relations étaient moins fréquentes.
Je l'avais vu dans certaines réunions,
mais..., mais je n'avais pas de fréquence et
de communication avec le colonel Marchall.
Bon, nous avons continué à bavarder. Il me
posait des questions sur la situation
politique au Rwanda :

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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« Comment est-ce que voyez-vous les
choses... ? »

Et nous avons parlé de tout...

« Comment pensez-vous que les négociations
vont... ?, etc. »

Parce qu'on était..., c'était le 4..., le 4
avril, alors que le gouvernement aurait dû
se mettre en place dans les 37 jours après
la signature de l'Accord d'Arusha, donc en
août 1993.

Donc, ça faisait longtemps. Tout le monde se
posait la question de savoir quelle en sera
l'issue.

On a parlé, on parlait du..., et puis une
question comme ça..., comme ça.


Il me pose :

« Mais pour toi, comment..., qui penses-tu,
peut..., est le dauphin d'Haryabimana ? »


FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Ma femme était là. Maintenant, elle se
trouve en Hollande.

Bon, elle était là. Bon, j'ai dit - quelque
chose qui m'a surpris -

« Mais vous connaissez les Accords
d'Arusha ?

Vous savez comment on va procéder ?
On va procéder comment ? La transition,
c'est le président Habyarimana qui conduit,
et puis à l'issue, il y a les élections.
Celui qui gagne va prendre, n'est-ce pas ?
Vous connaissez quand même les Accords
d'Arusha ? »


Bon. Et puis, on a continué à parler
d'autres choses.

Bon. C'est pratiquement après l'attentat de
l'avion présidentiel que ma femme m'a
appelé. Elle a dit :

« Mais, pourquoi est-ce que le général
Dallaire t'a posé la question,
là ? »

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Voilà..., voilà. Donc la question a été posée.
La question a été posée, mais on n'a pas eu
d'interprétation immédiate sur la question.

Q.
Dîtes-moi, le 7 mai 1994, le premier
ministre, donc, Kambanda s'était adressé au
général Dallaire - justement, chef de la
MINUAR - pour la constitution d'une
commission d'enquête, qui, en fait, n'a
jamais vu le jour.

Vous êtes informé de cela, je suppose ?

R.
Non, je ne suis pas au courant.

Q.
Pas au courant. Bien.
Est-ce que vous connaissez le colonel
Lizinde ?

R.
Oui.

Le colonel Lizinde, je le connais
parfaitement. Le colonel Lizinde, je le
connais parce qu'il est de la préfecture de
Gisenyi, comme moi. Je le connais parce que
c'est un promotionnel à l'école militaire à
Kigali. Nous avons fait l'école, ensemble.

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Je le connais, aussi, parce que nous avons
travaillé ensemble dans Kigali et puis que,
lors du coup d'Etat de 1973, nous avons
collaboré et, qu'ensuite, il a été le chef
des renseignements..., des renseignements
nationaux. Et que, dans les années 80, il a
tenté un coup d'Etat qui lui a valu la
prison.

Ensuite..., ensuite..., lors de l' attaque du
FPR, en 1980, de la ville de Ruhengeri, il a
été..., il a été retiré de la prison de
Ruhengeri, en compagnie du commandant
Dusamkasta (phon) Stanislas et ils ont
rejoint le FPR.

J'en ai entendu parler ultérieurement, je ne
l'ai plus revu.

Q.
Plus revu...

R.
Je ne l'ai plus revu, j'ai entendu qu'il est
revenu, qu'il est, bon...

Quand nous étions dans les négociations, je
ne l'ai jamais vu apparaître dans les
négociations, auxquelles j'ai participé ; je

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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ne l'ai pas vu. Celui que je voyais, c'est
le commandant Bisirka, aussi, et Stanislas
qui avait été sous mes ordres, plusieurs
fois. Je le connaissais parfaitement aussi,
mais le major Lizinde, une fois au FPR,
ne l'ai plus revu.

Q.
Même en exil, vous ne l'avez pas vu ?

R.
Non.

Q.
Au sujet de Ephrem Lrwabalinda, il a été...,
il est mort...

R.
Il est mort, oui.

Q.
Vous savez dans quelles circonstances ?

R.
J'ai entendu..., j'ai entendu, je n'ai pas
assisté. J'ai entendu que..., dans Gitarama,
au moment où on faisait la retraite pour...,
- bien, on cédait du terrain chaque jour,
devant la pression du FPR - qu'il est tombé
dans l'embuscade du FPR, qui l'a tué.

Q.
Et concernant Seth Sendashonga, vous le
connaissez aussi ?

R.
Seth Sendashonga, je ne le connais pas, mais
j'ai entendu parler de lui..

Q.
Vous en avez entendu parler.
Il en est de même pour Mugabe ?

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

R.
Mugabe, je le connais en temps que
journaliste à Kigali, dans le temps, mais il
n'était pas..., je n'étais pas dans..., dans ses
intimités.

Je le voyais passer, je savais bien que
c'était un journaliste, à côté d'autres
journalistes..., à côté d'autres journalistes,
qui faisait des revues, des publications.
C'est tout.

Q.
Est-ce que vous connaîtriez le
lieutenant-colonel de l'armée burundaise,
Artémon Rumigabo (phon) ?

R.
Non.

Q.
Concernant l'assassinat du président
Habyarimana, est-ce que, dans le cadre de
vos fonctions, vous avez eu connaissance
- donc, bien avant, bien sûr - de tentatives
d'assassinat le concernant ou de projets
d'assassinat ?

R.
Bon, sincèrement, sauf des faux bruits et
des rumeurs, qui..., je n'ai rien de concret...,
je n'ai rien de concret.

Q.
Est-ce que Roger Booh-Booh, dont on a
beaucoup parlé, vous aurait fait part

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d'informations qu'il aurait pu avoir sur un
projet d'assassinat du président ?

R.
Roger Booh-Booh, en fait, je ne l'ai vu
qu'une fois, je l'ai vu seulement... - non,
deux fois quand même - je l'ai vu le 4 avril
et je l'ai vu dans la nuit du 6 au 7.

Je n'ai plus revu cet homme.

Au Cameroun, quand j'étais réfugié là-bas,
j'ai tenté d'aller le voir..., j'ai tenté
d'aller le voir, mais il n'a pas voulu me
recevoir..., il n'a pas voulu me recevoir.
Alors, j'ai abandonné.

Q.
Est-ce que vous connaissez l'opuscule, qui
s'appelle « Contribution des FAR à la
recherche de la vérité sur le drame
rwandais » ?

R.
Je n'ai pas participé à ce travail, mais
j'ai appris que ce travail était en train de
se faire.

Mais en exil, à Goma, justement, à partir...,
ils travaillaient à partir des
documentations que nous avions à..., que nous

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avions là-bas. Mais comme moi, je faisais la
navette « Goma..., Goma - Yaoundé », je n'ai
pas participé et je n'ai même pas vu ce
document.

Q.
Je peux vous le montrer. On l'a.

R.
Non, je ne l'ai pas vu. Non, j'ai...

Me MENON, Président :
Le document est communiqué au témoin.

R.
Non.... Mais, j'ai entendu de parler de ce
document.

M. LE JUGE BRUGUIÈRE
Vous savez qui l'a élaboré ce document ?

R.
Comment ?

Q.
Vous savez qui l'a élaboré ce document ?

R.
Ce sont les officiers de l'Etat-major de
l'armée, à base des documents qu'ils avaient
là, à Goma.

Q.
Est-ce que - c'est important - est-ce
qu'avez-vous des noms à nous citer de
personnes qui auraient participé à
l'élaboration de ce document ?

R.
Le colonel, Ntiwiragabo Alois, notamment...,
le colonel Ntiwiragabo Alois.

Q.
Il faudrait peut-être l'épeler...

R.
Le colonel..., j'épelle ?

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Q.
Oui, oui, épelez

R.
N-T-I-W-I-R-A-G-A-B-O.
Mais il travaillait pour le compte du chef
d'Etat-major de l'armée qui était..., qui
avait encore ... bon, on était encore
organisé tant bien que mal..., tant bien que
mal - le général Augustin, comment est-ce
que..., le nom, encore, m'échappe - Bizimungu,
le général Augustin Bizimungu.

Q.
Dans ce rapport, il est fait état - on
parle, bien sûr, de la découverte, le 25
avril, des deux lanceurs de missiles et du
rapport du lieutenant Mugensera - mais on
parle également des déclarations d'un
certain Augustin Ntamumaro.
Vous savez qui c'est ?

R.
Augustin ?

Q.
Ntamumaro.

Ca ne vous dit rien, ça ?

R.
Augustin.... Non.

Q.
Vous ne voyez pas qui ça peut être ?
N-T-A-M-U-M-A-R-O.

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R.
Non.

Q.
Bien, écoutez, Monsieur Bagosora,
à ce
stade, je ne pense pas avoir d'autres
indications, d'autres questions à vous
poser. Je pense avoir...

Vous vous êtes beaucoup exprimé. Au cours de
vos longues réponses, vous avez, du reste,
anticipé des questions, que je comptais vous
poser, donc, je considère qu'il a été
répondu.

En ce qui me concerne, je ne vois rien
d'autre. Si d'aventure, vous aviez
- mais il faudrait faire vite, faire court,
concis - un élément d'information précis,
vérifiable, qui pourrait nous aider dans le
cadre de l'enquête spécifique - je répète,
spécifique - que je conduis, concernant,
donc, l'attentat, bien évidemment, je vous
laisse la parole pour pouvoir énoncer,
éventuellement, une dernière..., une dernière
information, nous donner une dernière
information, si tant est que vous en ayez.



FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Si tel n'est pas le cas, je demanderai,
donc, au Bureau du Procureur, donc, de clore
la séance.

R.
Merci, Honorable Juge.
D'abord, je dois vous remercier, mais avant
de procéder à cette étape, il y a des
questions que, moi, je me pose, à partir des
questions qui ont été posées au général
Dallaire et à Booh-Booh.

Je voudrais bien vous remettre tout ce
questionnaire avec les interviews de
Booh-Booh, et du général Dallaire.

Si vous les rencontrez, parce que si vous
les rencontrez, ce sont des questions que je
me pose, à partir de leurs déclarations.

Si vous les rencontrez, vous pouvez..., vous
pouvez leur poser ces questions, parce que
ça peut..., je n'ai pas pu y répondre.

Me MENON, Président :
Voici deux listes de questions qui viennent
de m'être remises par le témoin.

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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Elles porteront la notation
Document 2 et 3, respectivement,
et seront annexées au témoignage de cette
personne.

M. BAGOSORA
Monsieur le Juge, ce que je dois ajouter,
c'est que sincèrement, moi et sans doute
d'autres gens, épris de justice, d'autres
gens, qui ont été endeuillés par cette
catastrophe rwandaise, sans doute, qu'ils
attendent beaucoup de vos investigations et
que..., Dieu merci, que ça commence, et qu'en
fait, je vous souhaite bon succès.
Merci.

M. LE JUGE BRUGUIÈRE
Merci, Monsieur.

Me MENON, Président :
Merci à tous.
L'audition est close.

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
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BAGOSORA Le 18 mai 2000

LA SÉANCE EST LEVÉE À 16 H 45.

(Pages 153 à 176, prises et transcrites par
Françoise Quentin, s.o.)

FRANÇOISE QUENTIN, STÉNOTYPISTE OFFICIELLE
TPIR - COMMISSION ROGATOIRE

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BAGOSORA Le 18 mai 2000

SERMENT D' OFFICE

Nous soussignées, Manon Cordeau, Carmelle Rochon,
Laure Ketchemen, Françoise Quentin, sténotypistes
officielles en service du Tribunal international pénal pour
le Rwanda, certifions, sous notre serment d'office, que les
pages qui précèdent ont été prises au moyen de la
sténotypie et transcrites par ordinateur et que ces pages
contiennent la transcription fidèle et exacte des notes
recueillies au mieux de notre compréhension.
De plus, nous certifions que nous ne sommes aucunement
en relation avec les parties impliquées dans cette cause,
et que nous n'avons aucun intérêt dans ladite cause.
ET NOUS AVONS SIGNE :

Manon Cordeau, s.o
Laure Ketchemen, s.o
Carmelle Rochon, s.o
Françoise Quentin, s.o

TPIR - COMMISSION ROGATOIRE

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