Fiche du document numéro 29902

Num
29902
Date
Lundi 11 avril 1994
Amj
Hms
20:00:00
Auteur
Taille
27547
Surtitre
Journal de 20 heures [1/2]
Titre
Au cinquième jour des massacres ethniques entre Hutu et Tutsi, les observateurs étrangers avancent le chiffre de 10 000 morts dans la seule capitale du Rwanda
Soustitre
La quasi-totalité des étrangers résidant au Rwanda ont été évacués à l'exception de plusieurs centaines de Belges.
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Résumé
- Always the bloodbath in Rwanda where the rebels would have entered the capital Kigali. The inter-ethnic massacres have already claimed thousands of lives.

- Almost all foreigners residing in Rwanda have been evacuated with the exception of several hundred Belgians. The situation seems to be getting worse every hour. According to some reports, the RPF rebels, mainly Tutsi, have entered the capital Kigali. The victims of the massacres number in the thousands.

- Cruelty, brutality, terror reigns in Rwanda. In Kigali, they even go after corpses. On the fifth day of the ethnic massacres between Hutu and Tutsi, foreign observers on condition of anonymity put forward the figure of 10,000 dead in the capital of Rwanda alone. For Westerners, the emergency requires clearing out. Hundreds of Americans and Europeans are heading to the airport.

- Improvised convoys under the protection of paratroopers because here and there, sporadic fire from heavy weapons and bursts from light weapons threaten those who leave. Because we know, we feel that the rebels of the RPF, a movement of 20,000 men dominated by the Tutsi minority, are preparing to march on Kigali. These men were yesterday [April 10] 10 kilometers north of the capital.

- I now suggest that you hear the testimonies of foreign residents in Rwanda who managed to flee this country. There are those whose gaze is lost in the void. And there are those who embrace each other, so happy to be out of Rwanda. They are Belgian and French and they have just crossed the Zairian border. And even far from Kigali, they are still shaking.

- A Belgian national testifies: "Me personally, they put the machete in front of my nose to take my papers. But what scared us above all was when they found out that we were Belgians… They want the Belgians".

- Belgians, Americans, Germans, French, it is mainly by plane that foreigners living in Rwanda are evacuated to Bangui and Bujumbura. An airlift under the control of the French and Belgian army. It has already allowed 43 French nationals to reach Paris tonight. The emotion and happiness of returning to France after four days of anguish. A woman responds to journalists: "It's a little selfish to say that we are relieved given the number of deaths there… People we knew, Rwandan friends who worked with us". A man testified in turn: "We spent a night from Thursday [April 7] to Friday [April 8] which was under shells, mortar fire… We slept nothing all night, we had very scared. We huddled together and waited for it to pass". A woman: "We were very happy with the arrival of the French army. They had a superb welcome in Bangui".

- Almost all foreign nationals have now left Rwanda with the exception of a few Belgians. 230 French should arrive tomorrow morning in Paris. And tonight, a hundred orphans are expected there saved by French soldiers in Kigali.

Philippe Boisserie: "At 6 p.m. the evacuation of the French was completely finished. There are no more French people in Rwanda at the moment, apart from the staff of the French embassy, ​​about forty people. And at Right now, they still don't know if they're going to stay or if they're going to leave. […] This afternoon we accompanied Belgian soldiers who for the first time entered Kigali. Heavily armed Belgian soldiers, very determined. You have to remember that they lost 10 of their men here, 10 blue helmets. And they really put the means to evacuate their nationals. […] At the moment the fighting continues and visibly the situation is not ready to calm down because unlike yesterday [April 10], all the people of Kigali are on the side of the road and they are armed with sticks, machetes, clubs".
Source
Fonds d'archives
INA
Commentaire
The 20 o'clock news of France 2 of April 11, 1994 is visible in its entirety here: https://www.youtube.com/watch?v=Pp6hzGsNmzI
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[Bruno Masure :] Toujours le bain de sang au Rwanda où les rebelles auraient pénétré dans la capitale Kigali. Les massacres interethniques auraient déjà fait des milliers de morts.

[…]

Madame, Monsieur bonsoir. La quasi-totalité des étrangers résidant au Rwanda ont été évacués à l'exception de plusieurs centaines de Belges. La situation semble s'aggraver d'heure en heure. Selon certaines informations en effet, les rebelles du FPR, à majorité tutsi, seraient entrés dans la capitale Kigali. Les victimes des massacres se comptent semble-t-il par milliers. Commentaire Patrice Romedenne.

[Patrice Romedenne :] Cruauté, brutalité, la terreur règne au Rwanda [diffusion de la célèbre scène de massacre filmée par Nick Hughes depuis l'école française Saint-Exupéry]. À Kigali, on s'acharne même sur les cadavres. Au cinquième jour des massacres ethniques entre Hutu et Tutsi, les observateurs étrangers sous couvert de l'anonymat avancent le chiffre de 10 000 morts dans la seule capitale du Rwanda. Pour les Occidentaux, l'urgence commande de déguerpir. Par centaines, Américains et Européens gagnent l'aéroport.

[Un prêtre blanc [il s'exprime en anglais mais ses propos sont traduits] : "Ce sont des animaux, ils s'entretuent plus bestialement que des animaux. C'est incroyable, je ne peux pas croire que Dieu ait pu créer des gens comme ça".]

Convois improvisés sous la protection des parachutistes car ça et là, tirs sporadiques à l'arme lourde et rafales à l'arme légère menacent ceux qui partent. Car on sait, on sent que les rebelles du FPR -- mouvement dominé par la minorité tutsi --, 20 000 hommes, s'apprêtent à marcher sur Kigali. Ces hommes étaient hier [10 avril] à 10 kilomètres au nord de la capitale.

[Bruno Masure :] Je vous propose maintenant d'entendre les témoignages de résidents étrangers au Rwanda qui ont pu réussir à fuir ce pays.

[Maryse Burgot :] Il y a ceux dont le regard se perd dans le vide [on voit deux hommes assis devant un bâtiment ; le plus jeune réconforte un homme plus âgé au visage figé en lui disant : "Et on va passer la nuit dans [inaudible]"]. Et il y a ceux qui s'embrassent, tellement heureux d'être sortis du Rwanda [on voir une Sœur noire embrasser une Sœur blanche]. Ils sont Belges et Français et ils viennent tout juste de franchir la frontière zaïroise [une incrustation "Goma, Zaïre" s'affiche à l'écran]. Et même loin de Kigali, ils tremblent encore [on voit des civils blancs assis devant un bâtiment jaune sur lequel se trouve inscrit "Office des douanes et des accises"].

[Un ressortissant belge témoigne : "Moi personnellement, on…, on m'a mis la machette devant…, devant le nez pour me prendre mes papiers. Mais, euh, ce…, ce qui nous a surtout fait, euh…, peur, c'est que…, quand…, quand on a…, ils ont su qu'on était Belges… Ils en veulent aux Belges".]

Belges, Américains, Allemands, Français, c'est surtout par avions que les étrangers vivant au Rwanda sont évacués vers Bangui et Bujumbura [diffusion d'une carte de la région d'Afrique centrale montrant des avions partir de Kigali en direction de Bangui et de Bujumbura]. Un pont aérien sous contrôle de l'armée française et belge [on aperçoit Michel Roussin accueillir les passagers à l'aéroport de Roissy]. Il a déjà permis à 43 ressortissants français de rejoindre Paris cette nuit [une incrustation "Aéroport de Roissy, cette nuit" s'affiche à l'écran]. L'émotion et le bonheur de retrouver la France après quatre jours d'angoisse [on voit des gens à l'aéroport se prendre dans les bras en pleurant].

[Une femme répond aux journalistes : "C'est un petit peu égoïste de dire qu'on est soulagé vu le nombre de morts qui…, qu'il y a là-bas… Des gens qu'on connaissait, des…, des amis rwandais, quoi, qui…, qui travaillaient avec nous".

Un homme témoigne à son tour, une enfant noire assise à ses côtés : "On a passé une nuit de jeudi [7 avril] à vendredi [8 avril] qui était…, sous les…, sous les obus, les tirs de mortiers et tout ça, euh… On n'a rien dormi de la nuit, quoi, on a eu très peur. On s'était blotti les uns contre les autres et on a attendu que ça passe".

Une femme : "On a été très heureux de l'arrivée de l'armée française. Ils ont eu un accueil superbe… à Bangui".]

Presque tous les ressortissants étrangers ont maintenant quitté le Rwanda à l'exception de quelques Belges. 230 Français devraient arriver demain matin à Paris. Et ce soir, on y attend une centaine d'orphelins sauvés par des soldats français à Kigali [on voit les ressortissants français quitter le hall d'arrivée de l'aéroport de Roissy en compagnie de membres de la Croix-Rouge].

[Bruno Masure interviewe à présent Philippe Boisserie en duplex de Kigali.]

Bruno Masure : Nos envoyés spéciaux, euh, Philippe Boisserie et Marcel Martin ont bien évidemment les plus grandes difficultés à travailler dans ce pays déchiré par cette guerre civile ainsi qu'à nous faire parvenir leurs reportages. Nous avons au téléphone en direct de Kigali, euh, Philippe Boisserie. Philippe, est-ce que vous m'entendez ? Philippe ?

Philippe Boisserie : Oui, tout à fait, Bruno. Oui.

Bruno Masure : Comment se passe, euh…, actuellement le…, le…, l'évacuation des derniers résidents étrangers ? Je crois que vous avez vécu ça de très, très près.

Philippe Boisserie : Eh bien écoutez, tout à fait. Je peux déjà vous dire qu'à 18 heures l'évacuation des Français a été complètement terminée. Il n'y a plus de Français en ce moment au Rwanda, mis à part les Français toujours à l'ambassade, le personnel de l'ambassade de France -- une quarantaine de personnes. Et à l'heure actuelle, il ne savent toujours pas s'ils vont rester ou s'ils vont partir. La nuit va sans doute permettre de… savoir ce qu'ils feront, s'ils évacuent ou pas l'ambassade. Sinon l'évacuation s'est continuée effectivement toute la journée pour les autres ressortissants. Cet après-midi nous avons accompagné, euh, des soldats belges qui pour la première fois sont rentrés dans Kigali. Des soldats belges très armés, très dé…, très déterminés. Il faut se souvenir qu'ils ont perdu 10 de leurs hommes ici, 10 Casques bleus. Et ils ont vraiment, euh…, mis les moyens pour évacuer leurs ressortissants. Et donc dans des camions militaires, des Belges un petit peu apeurés, affolés, mais très contents de partir sont montés. Il y avait des… enfants et même quelques bébés. C'était assez… émouvant à voir. D'autant plus que le chemin du retour s'est fait quasiment de nuit. Et au loin on voyait encore les tirs de mortiers, les tirs de canons sur les collines avoisinantes.

Bruno Masure : Donc les combats continuent à l'heure actuelle, Philippe ?

Philippe Boisserie : Oui les combats continuent et visiblement la situation n'est pas prête de s'apaiser parce que contrairement à hier [10 avril], tous les…, tous les gens de Kigali sont sur le bord de la route et ils sont armés de bâtons, de… machettes, de gourdins. On a même vu une personne avec un gourdin avec des…, avec des clous. Et visiblement, euh…, tout cela n'est pas prêt de s'arranger.

Bruno Masure : Merci beaucoup Philippe pour ce témoignage. Je rappelle Philippe Boisserie, Marcel Martin, envoyés spéciaux de France 2 dans ce pays… ravagé par la guerre.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024