Fiche du document numéro 29647

Num
29647
Date
Jeudi 17 décembre 1998
Amj
Taille
23378
Titre
L'ex-capitaine Paul Barril n'a pas été auditionné
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
AGENT D'INFLUENCE incontrôlable pour les uns, mercenaire en mal de baroud pour les autres, l'ex-capitaine Barril a joué, en marge de la tragédie rwandaise, une partition sur laquelle la mission d'information parlementaire ne lève pas toutes les incertitudes. Le nom de l'ancien gendarme apparaît certes dans le rapport des députés, mais celui-ci n'a jamais été interrogé, en dépit d'une convocation adressée in extremis, pour la date du 9 décembre. Paul Barril a confirmé au Monde, mercredi matin 16 décembre, avoir été convoqué par M. Quilès « en catastrophe ». « J'avais souhaité, dès l'origine, être entendu par la mission, mais M. Quilès a déclaré publiquement que je n'étais pas un interlocuteur sérieux, explique l'ex-capitaine. Finalement, il m'a envoyé deux lettres pour me convoquer, il y a quelques semaines, sur un ton comminatoire. »

M. Barril suggère que ce « curieux revirement » serait lié à l'ouverture de l'information judiciaire, au mois de mars, sur les circonstances de l'attentat mortel commis en 1994, contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, qui fut le point de départ de la guerre civile rwandaise. De cette procédure - confiée au juge Jean-Louis Bruguière -, l'ex-gendarme s'attribue la paternité, assurant qu'il a « réussi à convaincre » un parent de l'un des membres de l'équipage de l'avion abattu de déposer une plainte pour « assassinat », malgré « les pressions exercées sur les familles ». « J'ai répondu à M. Quilès que je réservais les informations et les documents dont je dispose à la justice et au juge Bruguière », nous a déclaré M. Barril.

L'ex-capitaine Barril s'était rendu à Kigali dans les semaines ayant suivi l'attentat, alors que la guerre civile faisait rage. Il était alors porteur d'un « mandat d'investigations et de recherches » daté du 6 mai 1994 et signé par la veuve du chef d'Etat rwandais, qui le priait de « conduire toutes les investigations qu'il jugera utiles à la manifestation de la vérité sur l'attentat ». Le rapport de la Mission parlementaire indique que « des liens existaient » entre l'ex- gendarme, et « l'entourage du président rwandais » dès avant l'attentat. Il rappelle que M. Barril avait été chargé « par certains responsables rwandais » de veiller « à la bonne exécution » d'un contrat de vente d'armes conclu en mai 1993 par le gouvernement de Kigali avec un homme d'affaires français, Dominique Lemonnier. De fait, ce dernier avait perçu une avance de 1,6 million de dollars, mais seule une faible partie des matériels commandés avait été livrée. M. Barril avait alors joué le rôle d'agent de recouvrement, allant jusqu'à déclencher une enquête judiciaire contre M. Lemonnier - décédé depuis lors -, qui avait entraîné son incarcération, en 1995 (Le Monde du 2 février 1995).

Protagoniste discret de cette affaire, l'ancien attaché militaire rwandais à Paris a écrit à la mission Quilès pour accuser Paul Barril d'avoir perçu 1,2 million de dollars, en 1994, sur la base d'un elliptique « contrat de services et assistances ». L'ancien officier y oppose un démenti formel et amusé, suggérant que l'auteur de la lettre avait « sans doute besoin de se justifier vis-à-vis des autorités rwandaises », puisqu'il le soupçonne ouvertement d'avoir été le complice d'un « coup monté » contre le régime hutu. « Lorsque le FPR a attaqué, dit-il, l'armée régulière manquait de tout, et surtout d'armes. Si le contrat de Lemonnier avait été exécuté, l'histoire aurait peut-être été différente... »

HERVE GATTEGNO

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