Fiche du document numéro 28903

Num
28903
Date
Lundi 19 avril 2021
Amj
Auteur
Taille
0
Surtitre
Héroïnes
Titre
Jeanne Uwimbabazi : rescapée du génocide des Tutsis au Rwanda
Soustitre
Âgée de 16 ans au moment du génocide, Jeanne a été rapatriée dans une famille d'accueil dans le Sud-Ouest de la France. Aujourd'hui, elle est infirmière et présidente de l'association Diaspora rwandaise de Toulouse.
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
ETO
Source
Type
Émission de radio (son)
Langue
FR
Citation
Vendredi 26 mars, le rapport Duclert, portant sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, a été remis à Emmanuel Macron. Dans ce document de 1 000 pages, quatorze historiens et historiennes mettent en cause le gouvernement de François Mitterrand dans le génocide qui a fait plus de 800 000 morts en 1994. Le rapport conclut que la France porte des "responsabilités lourdes et accablantes", mais il écarte toute complicité de génocide.

"Ce rapport est important, mais il est terrible pour nous, rescapés, parce qu’il nous montre à quel point ce génocide aurait pu être évité si la France avait voulu", déclare Jeanne Uwimbabazi, rescapée du génocide et président de l'association Diaspora rwandaise de Toulouse.

Elle a 16 ans quand le génocide démarre



Le 6 avril 1994 à Kigali, le président rwandais Habyarimana meurt dans un attentat. À cette époque-là, Jeanne a 16 ans. "C’était les vacances scolaires de Pâques au Rwanda. Nous étions à la maison et on préparait le baptême de ma petite nièce. Le soir, à 20h30, l’employé de maison est venu prévenir mes parents qui dormaient que l’avion du président avait été abattu. Tout de suite, ils ont compris la gravité de la situation et le péril pour nous. Au petit matin, le 7 avril, le génocide démarre", se souvient-elle.

Le 7 avril 1994 marque le début du génocide. D’après les Nations Unies, 800 000 personnes sont mortes, essentiellement des Tutsis tués par des Hutus, en quelques semaines entre avril et juillet 1994.

On s'est réfugiés dans une maison en construction de mon oncle. Les militaires et les génocidaires sont arrivés (…) et ils ont tiré une balle dans la tête de mon père. Jeanne Uwimbabazi

Jeanne s’enfuit avec sa mère, ses sœurs et ses cousins mais dans la course, ils se perdent de vue. Jeanne demande à des voisins si elle peut se réfugier chez eux et essuie de nombreux refus jusqu’à ce qu’une femme accepte de l’héberger, un jour seulement.

Jeanne s'enfuit à nouveau et se souvient que des Casques bleus de l’ONU sont installés dans une école à côté de chez elle, l’École technique officielle. Elle y va et y reste trois jours avant que sa mère et ses sœurs la rejoignent.

Le 11 avril, les Casques bleus belges abandonnent l'école où s'étaient réfugiés 2 000 Tutsis. "Ils ont chargé leur camion on a compris qu’ils étaient en train de partir. Ils nous ont laissés", témoigne Jeanne.

Elle se cache et se fait passer pour morte



Le départ des Casques bleus ouvre la voie aux milices hutues, qui assiègent l’école et emmènent les réfugiés un peu plus loin à l’abri des regards, se souvient Jeanne Uwimbabazi. Ils commettent un massacre et tirent dans la foule. La mère et les sœurs de Jeanne sont tuées. Elle, n’a rien, mais elle est couverte de sang et se fait passer pour morte.

Le lendemain, elle part se cacher dans un champ avec d’autres survivants et est encore une fois attaquée. "Des hommes sont arrivés. J’ai été blessée à la machette au tendon d’Achille et au cou. Et puis j'ai senti quelqu’un qui me touche la joue. C'était un militaire du FPR", se souvient Jeanne. Le FPR, le front patriotique rwandais, est un parti politique qui a été créé en Ouganda en 1987, par des exilés tutsis. Jeanne est sauvée par ces militaires-là puis placée en lieu sûr.

Elle est transportée en France par une ONG



Après avoir été sommairement soignée, Jeanne est transportée en France par l’ONG Médecins du monde avec d’autres enfants gravement blessés. Elle est opérée à Albi, dans le Sud-Ouest de la France et placée dans une famille d’accueil. Elle entre au collège, puis au lycée, devient infirmière et décide de créer sa propre association. "Dès que j’ai quitté le Rwanda, je me suis dit qu'il fallait que les gens sachent. Pour moi c’était important de parler et d’informer les gens et de ne pas accepter ça. En 2021, le combat continue", conclut-elle.

Aujourd’hui, Jeanne est toujours infirmière dans la région de Toulouse. Avec l'association Diaspora rwandaise de Toulouse, elle organise entre autres des commémorations pour poursuivre le travail de mémoire. À ce propos, le 7 avril 2021, la France a décidé d’ouvrir d'importantes archives sur la période du génocide des Tutsis au Rwanda. C’est "une avancée importante", estime Jeanne, mais ce n’est pas encore suffisant, selon elle. Jeanne espère maintenant des suites judiciaires.

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