Fiche du document numéro 287

Num
287
Date
Samedi 2 juillet 1994
Amj
Taille
82869
Titre
Note : Opération Turquoise
Source
EMA
Type
Langue
FR
Citation
LE CHEF D’ETAT-MAJOR DES ARMEES
Paris, le 02 juillet 1994

NOTE

Obiet : opération Turquoise.

1. La situation sur le terrain est caractérisée par la poursuite de l’offensive du
FPR sur l’ensemble des fronts, à Kigali, vers Kibuye et Butare. Cette offensive ne paraît
plus rencontrer de réelle opposition de la part des FAR.

Conformément aux instructions. une reconnaissance à été effectuée sur Butare.
Dans la soirée du ler juillet, l'évacuation de 16 religieuses et d’une famille tutsie (4
personnes) a été conduite, mais nous avons été obligés de replier notre dispositif au
cours de la nuit vers Gikongoro en raison des infiltrations du FPR vers Butare et après
qu’une de nos patrouilles eut essuyé des coups de feu sans dommage.

D'après les témoignages recueillis, l'avancée du FPR s'accompagne d’exactions
graves, sans doute comparables à celles constatées dans la zone gouvernementale et
destinées à faire fuir les populations hutus qui se dirigent en masse vers l’ouest et le sud
du pays.

Les contacts pris avec le FPR au travers du général Dallaire, commandant la
MINUAR à Kigali, laissent clairement apparaître que l'intention du FPR est de
poursuivre son action jusqu'aux frontières du Burundi et du Zaïre.

2. Devant cette situation, deux options déjà évoquées il y a quelques jours,
s'offrent à nous :

Option 1 : se replier devant la poussée FPR en évitant tout contact comme nous
venons de le faire en quittant Butare. Dès qu'il en prendra conscience, le FPR sera
encouragé à poursuivre. Nos unités devront alors abandonner progressivement la
protection des camps de réfugiés, en essayant d'empêcher tout massacre avant la prise du
contrôle des zones par le FPR.

Cette option présente l'avantage d'éviter tout affrontement militaire avec le
FPR mais elle nous conduit logiquement à un retrait total de nos forces au Zaïre. Dès
lors, elles ne pourront plus assurer les missions de protection qui leur avaient été fixées.


Option 2 : faire définir une zone humanitaire protégée par le Conseil de Sécurité
à partir de nos propositions (carte jointe). Il serait indiqué clairement au FPR que ses
unités militaires ne doivent pas y pénétrer afin que la sécurité des différentes populations
puisse y être maintenue. Nous sommes en mesure, avec les moyens actuellement
déployés, de contrôler les axes principaux d'accès à une telle zone.

Le choix de cette option comporte le risque d’un affrontement armé avec le
FPR. s’il ne respectait pas les mesures arrêtées par les Nations Unies. On peut cependant
penser que l’affichage de notre détermination devrait raisonnablement limiter ce risque.

Politiquement la décision d'imposer une zone protégée devrait sans doute être
accompagnée d’une indication claire que le gouvernement intérimaire replié à Gisenyi
n’assure plus la représentation officielle du pays.

3. Il ne m’appartient pas de décider entre ces deux options. Néanmoins, compte
tenu de l’engagement de nos forces sur le terrain et des résultats très positifs qu’elles ont
obtenus jusqu’à présent, je recommande fortement l'option 2.

Cette option présente par ailleurs l'avantage de préparer le déploiement de la
MINUAR et donc le retrait de l’opération dans de bonnes conditions.

J. Lanxade

NB : Le quai entre en contact avec Boutros Ghali pour lui
poser Le problème: ou le Conseil de Securité nous autorise
expressement L'option 2 (zone de protection humanitaire) OU nous
nous replions sur le Zaire.

Mr. Balladur, Juppé et Léotard serainet pluitôt pour l'option 2
sous la réserve qui précède (manadat exprès du Conseil de Securité)

Bruno Delaye


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