Fiche du document numéro 28674

Num
28674
Date
Mercredi 7 juillet 2021
Amj
Taille
36186
Surtitre
Rwanda, revivre sans oublier (2/3)
Titre
Rwanda : des robots et des athlètes pour rayonner
Soustitre
Dirigé d’une main de fer par le président Paul Kagame, soucieux d’aller de l’avant après le génocide de 1994, le Rwanda est depuis vingt ans l’un des pays les plus dynamiques d’Afrique. Il mise sur les hautes technologies et sur le sport pour sortir du sous-développement.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Alain Guillemoles, à Kigali (Rwanda)

Plus qu’un téléphone, c’est le symbole d’une ambition. Eddy Sebera montre son appareil à coque blanche dont le dos est orné d’un logo en forme de tête de lion. « c’est le smartphone de la fierté africaine », dit-il. Les MaraPhone sont produits depuis octobre 2019 au Rwanda, dans une usine d’assemblage des environs de Kigali. Ils sont vendus entre 90 et 190 €.

La plupart des composants viennent de Chine. « Nous fabriquons nous-mêmes la carte mère et réalisons l’assemblage », explique Eddy Sebera, le directeur exécutif. Ce smartphone « made in Rwanda » a été lancé grâce à un investissement de 42 millions d’euros réalisé par la famille Thakkar, des Indiens présents depuis plusieurs générations en Afrique. D’ici à 2023, l’entreprise prévoit d’employer 600 personnes et de produire un million d’appareils chaque année, exportés vers tout le continent. La marque vise à conquérir 15 à 25 % du marché africain.

Pour Eddy Sebera, ce projet a valeur d’exemple. Comme beaucoup de Rwandais, il a grandi en exil, en République démocratique du Congo, dans un camp de réfugiés. Il est venu pour la première fois au Rwanda après le génocide. Il avait alors 22 ans : « J’avais envie de connaître mon pays. Mais tout le monde avait été décimé : mes oncles, mes cousins… »

Une génération de bâtisseurs



Lorsqu’il évoque ces souvenirs, un sanglot monte dans la gorge de cet homme pourtant réservé. Puis sa voix se raffermit. « Alors à l’époque, je me suis dit que la seule chose à faire, c’était travailler sans rien lâcher pour reconstruire et avoir des fondations solides. Nous sommes la génération des bâtisseurs… »

Au Rwanda, cette façon de voir est largement partagée. Du traumatisme de 1994, bon nombre d’habitants tirent une volonté de rebâtir pour donner le jour à l’une des économies les plus dynamiques du continent. Le pays connaît depuis vingt ans une croissance supérieure à 7 % par an et a frôlé les 10 % en 2019. Il prévoit officiellement d’être un pays à hauts revenus en 2050.

En 2020, l’épidémie de Covid a mis un coup d’arrêt à cette progression. Mais le pays a tout de même su éviter la catastrophe sanitaire grâce à des couvre-feux localisés et strictement appliqués, ainsi qu’au déploiement de tests. Le Rwanda devrait pouvoir rapidement repartir.

Des opérations chirurgicales assistées par des robots



Petit pays de 12,5 millions d’habitants enclavé entre des géants, il tire son épingle du jeu grâce à la politique volontariste de l’autoritaire président Paul Kagame. L’homme fort du pays, en place depuis 1994, a restauré la paix civile et mis en place une administration efficace. Il multiplie les investissements dans les infrastructures. Par rapport aux capitales des pays voisins, Kigali offre une surprenante image d’ordre et de modernité, avec ses robots qui accueillent les visiteurs à l’aéroport pour leur rappeler de porter un masque.

« Le Rwanda est reparti de zéro, il y a 25 ans. Les habitants ont une véritable envie d’avancer », confirme Yannick Miara. Cet architecte franco-belge installé au Rwanda travaille notamment, à la demande de l’État rwandais, sur le chantier d’une école de chirurgie à Kigali, lancée en partenariat avec l’Institut de recherches contre les cancers digestifs, fondation de droit privé basée à Strasbourg.

L’établissement enseignera des techniques d’opération parmi les plus avancées. « Le chantier devrait être livré d’ici à la fin de l’année. L’école va former des centaines de praticiens pour toute l’Afrique », indique-t-il.

Yannick Miara décrit l’environnement économique du pays comme favorable à ce genre de projets, grâce à la sécurité juridique et à l’absence de corruption. Même si le Rwanda n’offre qu’un petit marché, il attire les investisseurs car ils trouvent ici une facilité à s’installer et une porte d’entrée en Afrique de l’Est. « Le Rwanda n’a pas de ressources naturelles, alors il a misé sur les ressources humaines et sur la technologie », explique l’architecte.

Les Rwandais de l’étranger reviennent



« Les revenus du Rwanda ont longtemps tenu aux exportations agricoles. Mais il y a une volonté de diversifier. Le pays développe le tourisme, accueille des conférences et devient un centre de service pour toute la région », explique Christian Yoka, directeur régional de l’Agence française de développement (AFD). « Le Rwanda apparaît de plus en plus comme un modèle en Afrique. »

Le pays parvient ainsi à faire revenir des jeunes ressortissants formés à l’étranger. Serge Kamuhinda est l’un d’entre eux. Parti faire des études en Allemagne, il a choisi de rentrer il y a dix ans, pour diriger l’une des branches locales de Volkswagen qui déploie sur place un système innovant de réservation de taxi par téléphone mobile. « Ici, on peut tester le marché africain, pour voir si ce service peut être étendu à d’autres pays, explique-t il. Aujourd’hui, le Rwanda offre de nombreuses opportunités. C’est attractif pour les jeunes qui étaient partis en Asie ou aux États-Unis. »

Plus audacieux, le Rwanda mise aussi sur le sport pour se rendre davantage visible : le pays héberge de grandes compétitions comme la finale de la Ligue africaine de basket, en mai dernier. Il candidate pour accueillir le championnat du monde de cyclisme en 2025. Il vise officiellement à se hisser sur le podium africain en athlétisme, volley, basket et sports paralympiques.

Le sport, c’est du développement



Avec le soutien de l’Agence française de développement, l’État rwandais développe des sections sport-études dans une trentaine d’écoles pour fabriquer de futurs champions. Au groupe scolaire Saint-Aloys de Rwamagana, petite ville à l’est de la capitale, le directeur, le frère Camille Rudasingwa, montre fièrement les terrains de volley où s’entraîne une équipe féminine qui se prépare pour le championnat du monde des moins de 20 ans.

« Le sport favorise la discipline et le travail en équipe, explique-t-il. Mais c’est aussi du développement économique car d’ici dix ans, nous voulons avoir des joueurs professionnels, des arbitres, des entraîneurs, des infirmiers sportifs… » Là aussi, toujours la même ambition de construire.

Le Rwanda n’est pourtant pas encore sorti du sous-développement. En dehors de la capitale, une majorité de la population vit toujours d’une agriculture de subsistance. Elle trouve aussi à s’employer dans les grandes exploitations de culture de thé. La journée de travail y est payée moins d’un euro. La moitié de la population du pays vit toujours au-dessous du seuil de pauvreté.

Mais au détour d’une route de montagne, on peut voir un terrain d’aviation. Il accueille des drones qui servent à livrer des poches de sang aux centres de santé du secteur, dans cette région enclavée. Ainsi avance le Rwanda, où les projets futuristes voisinent avec des villages traditionnels, comme si le pays voulait à toute force démontrer qu’il est possible de se relever après le terrible drame de l’année 1994.

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Deux décennies de transition rapide



Le Rwanda est depuis vingt ans dans le trio de tête des pays d’Afrique ayant la plus forte croissance, avec une moyenne de 7 % par an entre 2000 et 2019. En 2020, la croissance a chuté à - 0,2 % sous l’effet de la pandémie.

L’agriculture emploie toujours 60 % de la population active. Mais elle ne contribue plus qu’à un quart de la création de richesse. La moitié du PIB vient du secteur des services qui représente 30 % des emplois.

L’espérance de vie a augmenté de vingt ans entre 2000 et 2020, passant de 49 à 69 ans. Dans le même temps, la population a doublé pour atteindre 12,5 millions d’habitants.

La pauvreté a reculé. La part des Rwandais gagnant moins de 1,90 dollar par jour (1,60 €/jour) est passée de 77 % en 2000 à 50 % en 2019. Mais l’épidémie du Covid pourrait faire basculer un demi-million de Rwandais à nouveau sous ce seuil de pauvreté.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024