Fiche du document numéro 28464

Num
28464
Date
Vendredi 28 mai 2021
Amj
Taille
2132009
Sur titre
Édito
Titre
La sincérité du possible, la repentance qui ne dit pas son nom…
Nom cité
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Editorial
Langue
FR
Citation
E mu certes, mais maître de lui,
Emmanuel Macron a tenu à Kigali
le discours du possible. Sur le fil, il a
tenté de se maintenir en équilibre
entre les attentes des victimes et la
grogne des généraux de l’« Empire »,
essayé de préserver l’honneur de son
pays sans trop travestir la vérité historique.
Le président Kagame lui a fait
« don » non pas de son pardon, mais
de sa compréhension. Homme d’Etat,
le président rwandais a salué le courage
de son interlocuteur et surtout
envisagé un avenir commun, fait de
meilleure entente et de coopération.
Car il sait parfaitement que la dette
entre la France et le Rwanda est loin
d’être apurée, que l’exercice de vérité
n’est pas arrivé à son terme. Tant de
documents dorment toujours dans des
tiroirs cachés, tant de témoignages
oraux devraient encore être récoltés,
tant de génocidaires ont trouvé abri
en France ou dans les pays voisins…
La question de la « complicité » de la
France, la mesure de sa responsabilité
ont donc été évacuées par le haut au
nom de l’avenir et des jeunes générations,
au nom d’une coopération avec
Kigali qui devrait être relancée prochainement.
Mais une équation continue
à s’imposer à l’esprit : soit la cellule
africaine de l’Elysée qui, dans les
années 90, prit la décision funeste de
s’enferrer au Rwanda jusqu’à se retrouver
aux côtés des génocidaires ne
représentait pas la France, auquel cas
cette dernière n’est complice de rien
car tout fut décidé en dehors d’elle.
Soit ces militaires et ces conseillers
politiques participaient au pouvoir de
l’époque, même par temps de cohabitation,
et dans ce cas ils engageaient
l’Etat lui-même, qui doit leur demander
des comptes… Les Français s’accommoderont-
ils de cette repentance
qui ne dit pas son nom, d’un exercice
de vérité qui s’arrête à mi-chemin, au
nom de la raison d’Etat ?
Voici onze ans, poussé par un élan du
cœur, non prémédité, Guy Verhofstadt
avait osé « au nom de son pays et de
son peuple » demander pardon au
peuple rwandais. Voyant la foule laisser
couler ses larmes, nous revenait
cette parole d’Evangile : « Prononcez
une seule parole et vous serez guéri. »
Le Premier ministre belge n’avait
certes pas guéri le Rwanda, mais il en
avait pris le chemin… L’animal à sang
froid qu’est Macron ne s’est pas risqué
à pareille démarche à un an des élections
; il n’est pas un guérisseur, mais
un politique et Kigali ne s’y est pas
trompé. Mais gageons que la société
civile française, à laquelle le président
rwandais a rendu hommage, poussera
plus avant le travail de vérité. Cette
tâche est nécessaire au Rwanda, qui
s’est redressé en dehors de l’orbite
française, mais aussi aux relations
entre la France et ses anciennes colonies
d’Afrique. Car depuis les indépendances
jusqu’à nos jours, les pays de la
« Françafrique » demeurent parmi les
plus déshérités du continent et se
demandent de moins en moins pourquoi…

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