Fiche du document numéro 28456

Num
28456
Date
Jeudi 27 mai 2021
Amj
Taille
25322
Titre
Jeanne Allaire, rescapée du génocide rwandais : « Emmanuel Macron a fait un très grand pas en avant »
Soustitre
Jeanne Allaire, rescapée et membre de l’association mémorielle Ibuka, se réjouit de la reconnaissance des responsabilités françaises lors du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Elle souhaite désormais que les responsables français soient traduits devant la justice.
Nom cité
Lieu cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La Croix : Comment réagissez-vous à la reconnaissance des responsabilités françaises dans le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda ?

Jeanne Allaire Kayigirwa : Emmanuel Macron a fait un très grand pas en avant en reconnaissant les responsabilités françaises. C’est assez incroyable, et mieux que n’importe quel chef d’État français avant lui. Nous, rescapés du génocide, revenons de très loin. Nous avons dû affronter des discours parfois proches de ceux prononcés par les responsables du génocide. Nous avons dû affronter le silence. Nous n’avions même pas de lieux de commémoration. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas rejeter les mots du président français.

En tant que rescapée, ce discours vous a-t-il tout particulièrement touchée ?

J. A. K. : Le choix du mémorial de Gisozi à Kigali est très important à mes yeux. Mon père y est enterré. Que le président de la République prononce ces mots en ce lieu me touche. Emmanuel Macron a aussi fait le choix de parler des victimes et de s’adresser aux rescapés. Nous saluons cette initiative. J’ai le sentiment qu’il a essayé de comprendre ce qu’est réellement le génocide.

Il a aussi utilisé le terme « indélébile ». Il a raison : un génocide ne disparaît jamais. Nous vivons avec au quotidien. Lorsqu’il utilise le terme en kinyarwanda « Diibuka », que je traduirai par « je me souviens », il répète ce que nous répétons tous les jours au sein de l’association. Ce message de transmission de mémoire est fondamental.

Espériez-vous des excuses de la part du président français ?

J. A. K. : L’absence d’excuses laisse un sentiment d’inachevé. Le président a invoqué le don de notre pardon mais nous ne pouvons pas pardonner à une personne qui ne nous présente pas d’excuses. Je suis persuadée que, tôt ou tard, un président français demandera pardon pour le rôle de son pays dans le génocide des Tutsis au Rwanda.

La reconnaissance des responsabilités françaises est-elle suffisante à vos yeux ?

J. A. K. : Il s’agit d’une étape importante, mais elle n’est pas suffisante. Emmanuel Macron a écarté toute complicité de la France dans le génocide, mais ce n’est pas aux politiques de désigner les coupables. C’est à la justice. S’il y a des responsabilités françaises, cela signifie qu’il y a des responsables en France, et que ces personnes doivent être jugées.

Nous avons déjà perdu beaucoup de temps : il n’y a eu que trois procès en 27 ans. Nous espérons que cette reconnaissance va accélérer les choses. Les engagements du président Macron sur le volet judiciaire doivent désormais se traduire en actes. Nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que justice soit faite.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024