Fiche du document numéro 28307

Num
28307
Date
Mardi 4 mai 2021
Amj
Taille
29171
Titre
Rwanda : le rapport Duclert pourrait-il relancer l’enquête sur les massacres de Bisesero ?
Sous titre
Explication Le parquet de Paris a requis un non-lieu dans l’enquête sur les responsabilités françaises dans la mort de centaines de Tusti, entre les 27 et 30 juin 1994. Les parties civiles réclament une poursuite des investigations sur la base des travaux de la commission Duclert, riches de documents inédits.
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La perspective d’un procès sur d’éventuelles responsabilités françaises dans les massacres perpétrés en juin 1994 à Bisesero, au Rwanda, s’est éloignée lundi 3 avril. Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a confirmé dans un communiqué le non-lieu requis par le parquet après clôture de l’information judiciaire, ouverte il y a plus de quinze ans. Selon le magistrat, les investigations n’ont établi « aucune aide ou assistance des forces militaires françaises lors de la commission d’exactions, aucune adhésion de ces dernières au projet criminel poursuivi par les forces génocidaires ni aucune abstention d’intervenir face à des crimes constitutifs d’un génocide ou de crimes contre l’humanité en vertu d’un accord antérieur ».

Aux juges d’instruction désormais de suivre l’avis du ministère public ou de renvoyer l’affaire devant la cour d’assises de Paris. Les chances d’aboutir à un procès sont maigres dans un dossier sans mis en examen, les cinq officiers généraux de l’opération militaire « Turquoise » visés par l’enquête ayant été entendus sous le statut de témoin assisté.

Bisesero, « échec profond pour la France »



« Jusque-là, les juges d’instruction se sont contentés d’investiguer dans le microcosme militaire présent dans la région [de Bisesero], sans aller plus haut, jusqu’aux cabinets ministériels d’alors et dans l’entourage du président François Mitterrand », dénonce Me Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), partie civile aux côtés de deux autres associations – Survie et Ibuka – et six rescapés des massacres. Le juriste considère les réquisitions d’autant plus « choquantes » qu’elles sont rendues quelques semaines après la publication des travaux de la commission dirigée par l’historien Vincent Duclert, riches d’archives inédites sur le rôle de la France avant, pendant et après le génocide rwandais.

Négligences ? Aveuglement ? Passivité ? Méprise ? Le rapport, qui ne « démontre » pas de complicité de génocide de la France mais en décrypte les « responsabilités accablantes », qualifie le massacre de centaines de Tutsi dans les collines de Bisesero, du 27 au 30 juin 1994, d’« échec profond pour la France ». « Face à l’objectif de sauver les victimes des massacres, Bisesero est à la fois un échec et un drame, développent les chercheurs. Quand bien même la prise de conscience collective du commandement français se fait progressivement, Bisesero constitue un tournant dans la prise de conscience du génocide. Il y a un avant et un après Bisesero. »

« Vrai déni de justice »



Des observations, documents confidentiels à l’appui, qui avaient justifié l’envoi par les avocats de parties civiles, le 22 avril, d’un courrier enjoignant les magistrats instructeurs de poursuivre leurs auditions et investigations. Las. « Les juges n’ont pas eu accès aux mêmes archives et connaissances que la commission de chercheurs à cause du secret-défense qui leur a été opposé, c’est quand même singulier », regrette Me Patrick Baudouin. Pour l’avocat, aussi dense soit-il, le rapport Duclert ne saurait se substituer à la justice. « Même s’agissant de l’absence de complicité de la France dans le génocide : c’est un avis d’historiens, pas un avis juridique, distingue-t-il. Le simple fait que la commission se soit posé la question montre bien qu’il y a eu débat sur ce point-là. Mais ce n’est pas à une commission d’historiens de le clôturer, c’est à la justice de dire s’il y a ou non crime de génocide. »

S’agissant du Bisesero et du rôle des forces de l’opération « Turquoise », mandatée par l’ONU pour « contribuer à la protection des civils en danger », l’avocat de la FIDH est « lucide » face au « risque très fort » de non-lieu. Avant cela, il compte bien profiter, avec ses confrères, du droit de formuler pendant un mois des observations aux juges d’instruction. En cas de non-lieu, les parties civiles pourront faire appel de l’ordonnance devant la chambre de l’instruction.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024